1
Stress et stress pathologique
Philippe Corten
Psychopathologie du travail
ULB
Chapitre 5 : Diagnostic
1)
Diagnostics différentiels
a) La fatigue
La fatigue est une réponse physiologique naturelle et réversible à un effort
spécifique identifiable. Fatalement, si un étudiant passe plusieurs nuits blanches
pour étudier un examen, il sera fatigué. De même un manutentionnaire qui
passe ses journées à déplacer des sacs de ciment, ne peut être que fatigué en fin
de journée. Dans la fatigue simple la cause est toujours identifiable et
explicable physiologiquement. Par ailleurs cette réaction est réversible : il suffit
de dormir et se reposer suffisamment. Ainsi, si après quelques jours de repos la
fatigue n’a pas disparu, probablement sommes-nous en présence d’un autre
syndrome.
2
b) Le syndrome de fatigue chronique
Bien que ce syndrome, appelé également fibromyalgie, ne soit pas unanimement
reconnu dans les milieux scientifiques et médicaux, celui-ci peut être confondu
avec un syndrome de stress pathologique puisque les symptômes physiques se
superposent (fatigue et douleurs musculaires) et que de plus en plus on
considère que le stress est un facteur étiogénique du syndrome de fatigue
chronique. Il se différencie cependant du stress pathologique par l’intensité de
la fatigue qui est particulièrement invalidante et par les douleurs musculaires et
articulaires importantes.
Actuellement, les cliniciens se rallient aux critères de FUKUDA pour
diagnostiquer cette maladie. A savoir
Une fatigue cliniquement évaluée, inexpliquée, persistante ou
récurrente rapportée par le patient lui-même, et ce durant six mois
d’affilée ou plus ; d’apparition récente ou dont le début est bien défini ;
qui n’est pas le résultat d’un effort constant ; sans amélioration
significative par le repos et dont résulte une baisse sensible du
précédent niveau d’activité professionnelle, scolaire, social ou
personnelle
La présence simultanée de manière persistante ou récurrente, durant six
mois d’affilée ou plus, d’au moins quatre symptômes suivants,
symptômes non observés avant le début de la fatigue :
o Baisse de mémoire à court terme ou de la concentration
rapportée spontanément, baisse suffisamment significative
pour diminuer de manière évidente le niveau antérieur des
activités professionnelles, scolaires, sociales ou personnelles
o Maux de gorge
o Ganglions cervicaux ou axillaires sensibles
o Douleurs musculaires
o Douleurs polyarticulaires sans gonflement ou rougeur
3
o Céphalées d’un nouveau type, forme ou gravité
o Sommeil non réparateur
o Sensation de malaise durant plus de 24h après un effort
Qui n’entrent pas dans le cadre de (critères d’exclusion)
o Toute maladie médicale active qui pourrait expliquer la fatigue
chronique
o Toute maladie médicale précédemment diagnostiquée, dont la
disparition n’a pas été démontrée sans aucun doute clinique et
dont la persistance pourrait expliquer la maladie provocant la
fatigue chronique
o Tout diagnostic posé dans le passé ou actuellement de
dépression majeure avec connotation psychotique ou
mélancolique, des troubles affectifs bipolaires, tout type de
schizophrénie, tout trouble hallucinatoire, tout type de
démence, d’anorexie nerveuse, de boulimie
o Abus d’alcool ou d’autres substances psychoactives durant une
période de deux ans avant l’apparition de la fatigue chronique
ou depuis son apparition
o Obésité majeure objectivée avec un indice de masse corporelle
égal ou supérieur à 45
4
c) La dépression
Il n’est pas aisé de différencier, dans certains cas stress et dépression. Certains
auteurs prétendent même qu’il s’agit d’une forme de dépression, d’autres que ce
serait un précurseur de celle-ci.
La dépression se caractérise avant tout par un état dysphorique. Dysphorique
s’oppose à euphorique. Lorsqu’on se sent dysphorique, on ne se sent pas bien.
Ce mal-être peut se caractériser par de la tristesse (c’est souvent le cas de la
dépression), mais aussi par du blues, un état indéfinissable de tiraillement, une
irritabilité diffuse (comme dans le stress).
Pour qu’il s’agisse d’une pression maladive, il faut que cet état dysphorique
soit persistant. Nous avons tous nos moments de blues, de cafard, cela ne fait
pas de nous des dépressifs. Tout dépend ici, si l’on identifie un événement
pouvant être la cause du sentiment dépressif. On considère généralement que
les pertes d’objets ou de personnes qui nous sont chers, les deuils en tous
genres peuvent engendrer légitiment un sentiment de tristesse. S’il n’y a pas
d’événement déclenchant, plus de quinze jours de sentiments dépressifs
ininterrompus sont alarmants. Si on identifie un événement tout dépendra de
l’importance de cet événement. Cet événement peut être douloureux pour la
plupart des gens, comme le décès de son père ou de sa mère et un deuil de 6
mois n’est pas exceptionnel, mais il peut être aussi éminemment individuel
comme la séparation d’avec un être dont on est amoureux.
5
Enfin, dans la dépression on constate une perte d’intérêt et de plaisir pour les
activités procurant habituellement du plaisir, c’est ce que l’on appelle
l’anhédonie. La sexualité, les hobbies, le sport, les copains ou copines, la TV
sont des exemples d’activités explorées. Dans le stress, on constate
régulièrement la persistance de l’intérêt pour ces activités tout en mentionnant
une baisse de plaisir. Il s’agit d’une sorte de no man’s land plus rien ne fait
vraiment plaisir, tout au moins plus autant qu’avant, sans pour autant engendrer
une véritable tristesse ou un véritable ennui, c’est particulièrement le cas lors de
syndrome de Burn-Out.
Ce qui différencie également le stressé du dépressif c’est l’instinct de survie.
Chez le déprimé celui-ci tend à disparaître. Le sens de la vie s’estompe, ainsi
que le sens de la lutte pour survivre. Chez les stressés, très longtemps ils vont
se démener comme des diables pour trouver une issue (du moins avant que le
syndrome d’inhibition ne s’installe) et s’ils pensent au suicide, c’est plus comme
une hypothèse pour sortir de la situation, tout en sachant très bien qu’elle ne
résoudra rien, alors que chez les grands déprimés il s’agit d’avantage d’une
aspiration définitive.
Le sentiment de dévalorisation est souvent vécu comme externe à l’individu
chez le stressé, c’est le chef, le compagnon ou la compagne qui l’amènent à
penser qu’il ne vaut rien, alors que le dépressif glisse peu à peu dans la
conviction que c’est lui qui ne vaut rien à ses yeux.
Sinon dans l’un et l’autre cas on constate une fatigue importante, des troubles
de la concentration et de la mémoire immédiate et des troubles du sommeil. Le
stressé rapportera souvent qu’il s’endort facilement mais qu’il se réveille
brutalement à 4 heures du matin, alors que le déprimé se plaint souvent et de
troubles de l’endormissement et de réveils intercurrents.
1 / 22 100%
La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !