Ce sont des plaisirs charnels qui sont énoncés dans la première phrase et ceux-ci
affirme Epicure n’engendrent pas une vie heureuse. Attention néanmoins à ne
pas conclure trop vite qu’Epicure récuse tout plaisir pour la vie heureuse. La
connaissance de l’auteur mais surtout la lecture attentive du texte invite à la
prudence. D’abord les plaisirs du corps qu’il décrit sont tous des excès. On ne
peut pas affirme qu’il récuse tout plaisir corporel. Les termes sont forts, il parle
de « beuverie », d’« orgie » et de « jouissance ». Il ne dit pas qu’il est mauvais
de savourer des mets raffinés et d’apprécier des vins précieux ! Nous pouvons
affirmer ici qu’Epicure n’est pas hédonisme dans le sens où il n’invite à
l’assouvissement du maximum de plaisir mais il n’est à ce niveau là du texte pas
encore possible de préciser comment il situe le plaisir comme moyen pour le
bonheur. Ensuite, le verbe employé est « engendrer ». Cela signifie que les
excès énoncés plus haut ne provoquent pas la vie heureuse, ce ne sont pas eux
qui donnent le bonheur. Pour autant, est-ce qu’ils y contribuent ? Encore une
fois, à ce niveau du texte, il est pas possible de répondre mais nous ne pouvons
pas exclure que pour Epicure les plaisirs du corps contribuent à la vie heureuse.
La deuxième phrase invite à l’exercice de la « raison vigilante » qui a deux
fonctions : 1/ rechercher ce qu’il faut choisir et éviter, 2/ rejeter les vaines
opinions qui troublent l’âme. Et c’est cette attitude de la raison qui engendrera
une vie heureuse écrit Epicure. Sur quoi porte la raison vigilante ? Entre quoi et
quoi doit-elle choisir ? C’est en fait ici que nous avons une précision sur le rôle
du plaisir : la raison a pour fonction de choisir quel plaisir il faut accepter et
quel plaisir il faut éviter. Ce rôle de la raison n’est pas explicite dans cet extrait
qui est tiré de la fin de la Lettre à Ménécée. Epicure a déjà expliqué que
l’homme qui se laisse aller à satisfaire tous ses désirs de plaisirs vie de plus
grands troubles parce que un plaisir excessif provoque des souffrances
physiques, mais en plus l’homme souffre de vouloir à nouveau. On peut
reprendre l’exemple de la beuverie et l’orgie : après avoir trop bu et trop mangé,
on vomit et les troubles intestinaux vont faire souffrir, mais rapidement après on
souhaite à nouveau boire et bien manger pour ressentir toujours un plaisir plus
grand. D’où l’importance du calcul des plaisirs, pour par exemple bien manger
et bien boire, apprécier les bonnes choses sans en être troublé et pouvoir à
nouveau les apprécier. La seconde fonction de la raison est le rejet des « vaines
opinions » (l.4). Il s’agit de ne se pas faire de fausses idées sur la vie, la mort et
sur les dieux, pour ne pas être troublé. Pour Epicure une vaine opinion serait de
croire que l’âme continue à vivre après la mort ou que les dieux dirigent notre
destin. Pour Epicure, la réalité n’est que matériel, la mort n’a donc pas de
véritable réalité puisque personne n’expérimente la mort, la mort étant une sorte
de désagrégation des atomes dont un homme était constitué. De même si il y a
des dieux, ils vivent de leur coté, dans un état bienheureux et immortel, ils se
préoccupent en rien de l’homme réalité matériel. Rejeter les fausses opinions
permet de n’être troublé ni par la mort, ni par les dieux, et donc d’être en paix.
Dans le second paragraphe, Epicure explique pourquoi « le sagesse est
le principe et le plus grand des biens » (l.5). L’affirmation est double puisqu’il
considère la sagesse comme 1/principe, 2/ le plus grand des biens. Si la sagesse
est principe, c’est qu’elle « la source de toutes les autres vertus » précise
Epicure dans la phrase suivante. Dit autrement le projet de sagesse d’un homme
va déterminer la manière dont il va vivre concrètement. En parlant des « autres
vertus », Epicure veut probablement parler de l’amitié, de l’étude, de la
confiance… de toutes qualités morales qu’un homme peut développer. La
sagesse est également « le plus grand des biens » dans le sens, probablement, où
c’est un bien qui ne se perd jamais et qui peut être valable en toute situation.
Tous les biens matériels peuvent se perdre, la sagesse elle perdure même si tout
s’écroule autour de nous. La sagesse étant une disposition spirituelle personnelle
elle aide à vivre quelque soit les circonstances extérieurs. De ces deux
affirmations sur la sagesse découle la thèse selon laquelle « on ne peut pas être
heureux sans être sage » (l.7). Dire cela signifie que le bonheur n’est pas
rencontré au hasard de la vie, ni donné par une divinité en récompense. C’est
dire que le bonheur dépend de la personne, d’une démarche personnelle
rationnelle. Le bonheur n’est donc pas facile à atteindre, il ne s’agit pas de vivre