le courant psychanalytique qui fait référence au concept d’idéal et de sublimation. Le projet
fait donc cohabiter deux dimensions fondatrices : une dimension symbolique à valeur
existentielle et une dimension technique à valeur d’efficacité.
Le concept de projet s’est développé historiquement selon quatre dimensions qui, en
se sédimentant, participe de la saturation des valeurs qu’on a pu lui conférer :
- le projet architectural de la Renaissance,
- le projet de la Philosophie des Lumières, précurseur de la Société Industrielle,
- le projet de la Phénoménologie existentielle,
- le projet individualisé de la Société post-industrielle.
Cet enracinement historique explique bon nombre de dérives de projets dès lors que
leur trajectoire se déroule sous l’influence exorbitante d’un des quatre pôles technique,
sociétal, existentiel ou individuel. Pris deux à deux, les pôles définissent des valeurs que les
acteurs porteront ou rechercheront selon la phase ou la nature des projets : efficacité et
productivité technique, négociation et participation, identité et intégration, créativité et
performance. Plus récemment, poursuivant la même veine, Jean-Pierre Bréchet [Bréchet
1997, 1998] insiste sur les dimensions projective, praxéologique et intentionnelle du projet et
les rapports liant les finalités aux modalités requises par l’action (ressources, compétences et
modes opératoires).
La figure du projet déborde de caractéristiques ontologiques – nécessité biologique,
vocation démiurgique, mode de socialisation, visée praxéologique – qui en expliquent sa
richesse mais aussi son ambiguïté, sa capacité à générer les paradoxes et à les transcender par
l’action.
2.2. AVANT QUE DE DEVENIR OBJET DE GESTION
On peut s’étonner que la littérature managériale n’ait, jusqu’à récemment, que peu
traité de la spécificité des projets au regard des problèmes de gestion opérationnelle, si ce
n’est sous l’angle de la prise de décision d’investissements et de leur rentabilité. La « genèse »
de toute entreprise, de toute organisation ne s’éclaire-t-elle pas avant tout par l’histoire
singulière de ses projets ? La vie des firmes en longue période n’est-elle pas scandée par le
sort qu’ont connu les différents projets qu’elles ont impulsés ? [Debourse & Hoflack 1992].
La saga des grandes figures d’entrepreneurs schumpeteriens ne se décline-t-elle pas selon
l’emboîtement successif des projets qu’ils ont décidés ?
Une première distinction fonde la spécificité des projets en les comparant aux activités
d’opérations récurrentes et routinières. De fait, les projets ont vocation à se transformer en
opérations et processus dont la régénération va induire d’autres projets. Il s’agit donc bien
d’une relation dialectique entre projets et opérations qui d’ailleurs, dans la réalité des
organisations, s’étalonnent davantage selon un continuum lié à une échelle d’innovation
croissante.
Des définitions positives ont bien sûr été posées soit par des institutions productrices
de normes ou par la littérature scientifique anglo-saxonne. Ainsi, la norme Afnor X50-115
définit en 2002 le projet comme un « processus unique, qui consiste en un ensemble
d’activités coordonnées et maîtrisées comportant des dates de début et de fin, entrepris dans
le but d’atteindre un objectif conforme à des exigences spécifiques ». La définition la plus
élaborée à notre connaissance est celle de Turner J.R. [1993] qui considère le projet comme
« un ensemble d’actions pour lequel des ressources humaines, matérielles et financières sont
organisées de manière nouvelle pour entreprendre un ensemble unique d’activités, bien
spécifiées, à l’intérieur de contraintes de coût, de délai et de performance, en vue de réaliser
un changement bénéfique défini par des objectifs d’ordre quantitatif et qualitatif ».
L’identification de caractéristiques communes aux projets n’a pas cependant conduit à
les considérer comme une catégorie homogène, les propositions de typologie sont