SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Société Coopérative d’Intérêt Collectif : l’efficacité économique au service d’un territoire Conférence-Débat 15 novembre 2005 – Conseil régional d’Ile de France Sommaire Ouverture ............................................................................. 2 Introduction .......................................................................... 4 Table ronde – l’entreprise multipartenariale pour développer des services d’intérêt collectif .............................................. 7 Table ronde – la SCIC : un outil de coopération public-privé pour le développement des territoires................................. 24 Conclusion ......................................................................... 37 Clôture................................................................................ 38 Paris, le 15 novembre 2005 1 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Ouverture Jean-Marc BRULE Conseiller régional, Président de la commission Développement économique Je suis heureux de vous accueillir dans cet hémicycle, au nom du Conseil Régional d’Ile-deFrance et de son Président Jean-Paul HUCHON. Ce colloque sur les SCIC est une application concrète du partenariat qui existe entre l’URSCOP, la Région Ile-de-France et la CRES, et qui a connu un essor important en 2005. Et ce n’est qu’un début ! Cet événement est pleinement en phase avec la volonté de la Région de contribuer au développement de l’économie sociale et solidaire en Ile-de-France. Notre Région a inscrit parmi ses priorités le soutien à ce qu’elle assume comme une alternative économique, plaçant l’intérêt collectif, l’utilité sociale et l’utilité environnementale au cœur de ses préoccupations. A cet égard, plusieurs actions ont déjà été mises en œuvre, sous l’impulsion de Francine BAVAY, Vice-présidente en charge de l’économie sociale et solidaire. Les efforts de la Région vont se poursuivre. Ainsi, la semaine de l’épargne solidaire aura lieu du 26 novembre au 3 décembre dans toute l’Ile-de-France. Le thème de notre colloque répond pleinement à la volonté de la Région de soutenir l’innovation dans l’économie sociale et solidaire. La SCIC, cette nouvelle forme juridique, est emblématique de la capacité de l’économie sociale et solidaire à répondre aux enjeux économiques actuels tout en s’inscrivant dans sa lignée historique, en réaffirmant les valeurs qu’elle défend. Créé en juillet 2001, à l’époque du secrétariat d’Etat à l’économie solidaire de Guy HASCOËT, ce statut constituait à l’époque un ovni. Il lui est parfois reproché d’être très compliqué, de n’être pas très compréhensible. Pourtant, son principe est très simple : il s’agit d’articuler le besoin de démocratie dans l’entreprise, avec la volonté de contribuer au développement local. Vecteur de changement, ce statut constitue un bel exemple de rencontre des énergies publiques et privées, alliant participation collective et efficacité économique. Mais il faut aller plus loin et se dire que la SCIC correspond aujourd’hui à la volonté de sortir d’une opposition entre « un étatisme bureaucratique et inefficace » et « un entreprenariat opaque et liquidateur ». La SCIC pourrait apporter une réponse à ces faux débats, à travers une forme d’organisation associant intérêt public et efficacité marchande et un lieu de gouvernance quadripartite – usagers, élus, salariés en interne, organisations syndicales. Nous pouvons effectivement nous procurer une chance supplémentaire de changer la donne sociale en profitant de l’outil SCIC. Il existe aujourd’hui 68 SCIC, dont seulement 7 en Ile-de-France. Ce nombre est faible, comparativement au poids démographique et économique de notre Région. Peut-être aurons-nous aujourd’hui l’occasion d’échanger sur les raisons de ce décalage. La diversification croissante des secteurs de création des SCIC apporte une preuve supplémentaire de la réussite de ce statut. Nous obtiendrons aujourd’hui un aperçu de cette diversité. Pourtant, il reste beaucoup à faire pour connaître ce statut et le développer. Il convient tout d’abord de continuer à sensibiliser les élus locaux. Les SCIC ont été conçues pour permettre Paris, le 15 novembre 2005 2 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC aux collectivités locales de participer au capital de ces sociétés en apportant toutes les garanties juridiques. Les collectivités locales semblent parfois frileuses pour s’engager, sans doute parce qu’elles connaissent mal les SCIC, en dépit de l’enjeu fort que ces dernières portent, à l’heure où les collectivités placent l’emploi au cœur de leurs priorités. Non seulement les SCIC sont créatrices d’emploi, mais ces emplois sont pérennes, souvent qualifiants et ancrés dans les territoires, au service de l’intérêt collectif, et donc impossibles à délocaliser. Je peux déjà vous dire que la question de la participation du Conseil Régional d’Ile-de-France comme actionnaire de SCIC se pose non seulement parce que c’est juste, mais aussi pour l’exemplarité de cette participation. Comme élu, avec beaucoup d’autre, je m’y engage, et je suis convaincu que Jean-Paul HUCHON s’y engagera avec nous. Pour que ce statut prenne de l’ampleur, un travail important doit encore être accompli auprès des porteurs de projets potentiels et des institutions financières. Nous espérons que la prochaine résolution cadre qu’adoptera le Conseil Régional d’Ile-de-France au mois de décembre prochain répondra à ces besoins, au moins en partie. Vanessa JERÔME reviendra en clôture de notre colloque sur les grandes lignes de cette délibération cadre à l’élaboration de laquelle un certain nombre d’entre vous a d’ailleurs participé : soyez en remerciés. Je tenais enfin à souligner l’important travail accompli par ceux qui ont cru aux SCIC dès le départ, et qui l’ont défendu dans un contexte parfois difficile. C’est notamment le cas de la CGSCOP, qui a bénéficié du travail d’Alix MARGADO, et de l’AVISE dont les publications sur les SCIC ont joué un rôle important dans leur gain de notoriété et leur développement. Faire décoller le nombre des SCIC constituait un défi. Les résultats obtenus montrent que ce défi a été relevé. La Région Ile-de-France est à vos côtés pour poursuivre le chemin à parcourir pour que les SCIC soient pleinement connues et reconnues comme forme d’emploi d’entreprenariat collectif, contribuant à hauteur de son potentiel au développement des territoires, de l’emploi et des activités, au service de l’intérêt collectif. Paris, le 15 novembre 2005 3 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Introduction Jean-Louis GIRODOT Président de la Chambre Régionale de l’Economie Sociale C’est avec plaisir qu’en ma qualité de représentant de la société civile de l’économie sociale d’Ile-de-France, j’interviens pour l’ouverture de cette conférence sur le rôle économique et social de la SCIC, au service du territoire. Cette société civile organisée de l’économie sociale francilienne, dont l’URSCOP est l’un des plus beaux fleurons, se développe et progresse de manière harmonieuse aux côtés de l’instance régionale présidée par Jean-Paul HUCHON et avec Francine BAVAY, Viceprésidente du Conseil Régional en charge de l’économie solidaire, avec qui j’ai l’honneur de co-présider le comité de pilotage permanent de l’économie sociale et solidaire régionale. Notre société civile de l’économie sociale et solidaire se développe également au sein du conseil économique et social aux travaux et avis duquel elle participe sérieusement. Cette économie sociale est enfin représentée par la chambre régionale de l’économie sociale, qui se compose de trois familles verticales (les mutualités de prévoyance et d’assurance ; la coopération ; le secteur associatif globalement réuni dans la CPCAF) et deux familles horizontales (l’économie sociale enseignante ; l’économie sociale agricole). Les chambres régionales de notre secteur – qui ne sont pas encore consulaires, mais nous y travaillons – sont issues d’un long mûrissement. Dans les années 70, il existait les groupements régionaux de la coopération, puis, dans les années 80, les groupements régionaux de la coopération et de la mutualité, remplacés dans les années 90 par les GRCMA (groupements régionaux de la coopération, de la mutualité et des associations) et enfin, dans les années 2000, par les chambres régionales d’économie sociale. Fondées sur les valeurs communes de leurs composantes – le volontariat et le principe de la porte ouverte, la démocratie et le principe « un homme, une voix », la primauté de l’homme sur le capital et la non-partageabilité des réserves, la solidarité –, elles les déclinent dans leur gouvernance comme dans leur finalité. Un récent rapport régional de l’INSEE, portant sur l’Ile-de-France, dessine assez bien le périmètre de l’économie sociale et solidaire francilienne. Ce rapport décèle plus de 71 000 établissements (10 % des établissements de la région) et plus de 600 000 emplois (8 % de l’emploi régional). L’économie sociale et solidaire existe donc bel et bien en Ile-de-France. C’est à nous qu’il revient d’engager une dynamique durable et solidaire qui lui permettra de prendre toute sa place. Je dis solidaire car le dialogue est engagé entre la chambre régionale d’économie sociale et l’ACPES, qui rassemble plusieurs acteurs de l’économie solidaire francilienne, dans le dessein de trouver prochainement une plate-forme commune. Le temps est effectivement venu de laisser la place à cette composante incontournable de l’économie sociale francilienne issue du monde de la coopération. Au XIXe siècle, on l’aurait dite « fille de la misère et de la nécessité ». Aujourd’hui, on peut la dire « fille de l’innovation et de l’efficacité économique et sociale », avec ses familles diverses : coopératives de consommation, banques coopératives, coopératives scolaires, d’entreprises ou artisanales, coopération agricole, coopératives de transporteurs ou maritimes, coopération de production, qui nous renvoie aux nouvelles SCIC. Henri LAURET va maintenant nous permettre de rentrer dans le cœur du sujet. Paris, le 15 novembre 2005 4 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Henri LAURET Ce colloque s’organisera autour de deux tables rondes. La première sera consacrée à l’entreprise SCIC, ce multipartenariat permettant de développer des services d’intérêt collectif, et elle sera l’occasion de recueillir des témoignages très différents, issus du terrain, qui nous intéressent tous. Après avoir écouté les propos des intervenants, il vous sera possible de les interroger. Je veillerai donc à ce que le débat s’installe. Après une courte pause, la seconde table ronde, plus politique, nous permettra d’envisager la SCIC comme un outil de partenariat public privé pour le développement des territoires. L’actualité récente renforce encore l’importance de cet enjeu. Alix MARGADO Je voudrais évoquer rapidement la SCIC. En effet, décrire ce statut dans ses moindres aspects pourrait prendre quelques heures et en tout état de cause, je crois que la plupart d’entre vous le connaît. La mallette qui vous a été remise à votre arrivée contient une fiche qui présente les neuf points-clés de cette forme particulière de coopérative. En premier lieu, il convient de rappeler que SCIC signifie Société Coopérative d’Intérêt Collectif. Chacun de ces mots à son importance. La SCIC est donc une société qui peut être une SA ou une SARL, régie par l’ensemble des règles applicables à ces formes juridiques outre celles qui s’appliquent spécifiquement aux coopératives. La loi de 1966 et la loi NRE offrent donc leur cadre aux SCIC. Il ne faut pas l’oublier, car certains porteurs de projets, dans leur enthousiasme, présentent des SARL à conseil d’administration. Or à cet égard, les dérogations sont impossibles et des règles précises s’appliquent aux SCIC comme à l’ensemble des SA et des SARL. La SCIC est par exemple tenue de déposer ses comptes au greffe du tribunal, chaque année, et doit faire l’objet d’une inscription au registre du commerce. Certains porteurs de projets, issus du monde associatif, n’ont pas ces réflexes. Par ailleurs, contrairement aux associations, mais comme l’ensemble des sociétés, la SCIC doit être dotée d’un capital social. Or certains porteurs de projet ignorent les détails de cette notion de capital. Une annonce publique, il y a quelques mois, a fait connaître la possibilité de créer une société au capital limité à un euro. Les spécialistes savent que cette annonce visait à marquer la volonté des pouvoirs publics de ne pas brider les projets mais au contraire de faciliter leur développement. En revanche, pour les non-spécialistes, cette annonce a eu des effets dramatiques car trompeurs. En effet, dans une logique de société commerciale, il est nécessaire de comprendre l’importance et le caractère indispensable du capital. En outre, le contrat qui lie les sociétaires de la SCIC implique notamment la constitution d’un capital. La SCIC est aussi une coopérative. En d’autres termes, cette forme de société présente des particularités, qui sont décrites par la loi du 10 septembre 1947. Tout d’abord, au sein d’une coopérative, chaque personne détient une voix et les réserves sont impartageables. Par ailleurs, toutes les coopératives sont soumises au principe de la double qualité, qui est particulièrement intéressant pour les SCIC. Ainsi, par exemple, les membres d’une coopérative de consommateurs sont à la fois consommateurs et associés, et les membres d’une SCOP à la fois salariés et associés. La SCIC, pour sa part, est également soumise au principe du multisociétariat. Elle présente donc plusieurs doubles qualités, ce qui, pour certains, est un signe d’hétérogénéité. Le multisociétariat constitue donc à la fois une des raisons d’être de la SCIC et une source potentielle de fragilité. Paris, le 15 novembre 2005 5 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Enfin, l’intérêt collectif évoque le rapport aux territoires. Les coopératives, en règle générale, existent pour l’intérêt des coopérateurs. Ainsi, la part de leur chiffre d’affaires qui peut-être réalisée en dehors du cercle des coopérateurs est traditionnellement limitée à 20 %. La SCIC, de son côté, n’est pas soumise à une telle limitation. Son implantation dans les territoires s’en trouve favorisée et, conformément à l’exposé des motifs de la loi portant création de la SCIC, elle revêt la forme d’une société « altruiste ». L’emploi par les parlementaires du terme « altruiste » ne correspond pas à une position morale, mais il vise à souligner la particularité de la SCIC, créée à la fois pour l’intérêt de ses membres, mais aussi pour celui de son territoire de développement. La SCIC est en effet tournée vers l’extérieur. Cette évolution est comparable à celle des associations loi de 1901, essentiellement créées, dans la première moitié du XXe siècle, pour le bénéfice de ses membres, avant le développement, plus tardif, d’associations tournées vers l’extérieur ou d’ONG. L’intérêt collectif implique également le multisociétariat, qui constitue le cœur de la SCIC. Il prévoit une possibilité de pondérer les voix, entre les collèges. La non-lucrativité constitue une caractéristique supplémentaire de la SCIC, en dépit de sa forme commerciale et de son positionnement dans le secteur marchand. Malheureusement, cette notion de non-lucrativité souffre parfois d’une acception négative, dans certaines administrations ou services. Enfin, la loi prévoit pour la SCIC un agrément du Préfet préalable à son immatriculation au registre du commerce. Pourtant, par exception, certaines ont été immatriculées avant de recevoir cet agrément préfectoral. Cette disposition pose effectivement un certain nombre de difficultés en matière d’ingénierie de projet, d’autant qu’elle devait être assortie de contreparties fiscales ou de facilités financières qui n’existent pas à ce jour. En d’autres termes, vis-à-vis des subventions ou de la fiscalité, la SCIC est strictement régie par le droit commun. Je reviendrai plus tard sur l’état du développement des SCIC dont le nombre en France atteint 70, sur des thématiques mélangeant économie et social, économie et culture ou économie et environnement. D’autres ouvertures sont possibles dans les secteurs de l’éducation, de la santé et du sport. Paris, le 15 novembre 2005 6 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Table ronde – l’entreprise multipartenariale pour développer des services d’intérêt collectif Participent à la table ronde : Secteur des Services à la personne Pascal DORIVAL PDG de Chèque Domicile ; Guy VAN MERRIS Président de l’association TADY ; Secteur Culture Luc de LARMINAT Thierry BENOIST Chargé de mission –Association OPALE (CNAR Culture) ; Chargé de mission – SCIC « De Rue et de Cirque » ; Secteur Environnement Marie-Pierre DIGARD Patrick BEHM Présidente de l’ARENE Ile-de-France ; PDG de la SCIC ENERCOOP. Le débat est animé par Henri LAURET, éditorialiste. Un film est projeté en préambule au débat, présentant plusieurs SCIC, issues de secteurs différents. Henri LAURET Cette première table ronde va nous permettre d’explorer la réalité du terrain, qui est fondamentale pour la SCIC, entreprise privée qui permet d’entrer en cohérence avec les acteurs publics au profit des territoires. Ma première question s’adresse à Pascal DORIVAL, qui va évoquer son activité de chèques domicile, le développement des services à la personne dans le cadre du plan Borloo et la mise en œuvre du chèque emploi universel. Le secteur des services à la personne est investi par le milieu associatif. Selon vous, ce secteur offre-t-il aussi de la place aux SCIC ? Pascal DORIVAL Je tiens à rappeler que je dirige une société dont le principal actionnaire est Chèque Déjeuner, une SCOP. Pour autant, je ne suis pas coopérateur. D’ailleurs, à ma connaissance, dans le secteur des services à la personne, il n’existe encore aucune SCIC. Je suis néanmoins persuadé que le domaine des services à la personne offre des perspectives très importantes à cette forme d’organisation. Je tiens également à préciser que le domaine des services à la personne dépasse le strict cadre des services à domicile. D’ailleurs, les services à la personne hors du domicile, comme la garde d’enfants, sont pris en compte par le plan Borloo. Ces activités connaissent un développement important, mais elles sont souvent caractérisées par des formes de travail archaïques, où la domesticité prend le pas sur la professionnalité et ou rien ne vient réguler la relation personnelle entre deux individus, l’employeur personne physique et son employé. Henri LAURET Notez-vous également un déficit de formation, dans ce secteur ? Paris, le 15 novembre 2005 7 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Pascal DORIVAL C’est effectivement le cas. Ce déficit de formation est la conséquence des éléments que je viens de décrire. Comment assurer la formation dans un secteur où il n’existe aucune entreprise, quelle que soit sa forme ? La France compte aujourd’hui 700 000 salariés à domicile tributaires du gré à gré, auxquels il convient d’ajouter 400 000 assistantes maternelles agréées. Ainsi, la France compte environ 1,1 million de salariés pour lesquels il est difficile de mettre en œuvre des politiques de formation. Pourtant, la convention collective des employés de maison prévoit une cotisation à cet effet, mais les employeurs sont souvent hostiles à la formation de leurs employés pendant leur temps de présence à leur domicile. Il faut également souligner qu’en moyenne, un employé de maison compte de 5 à 8 employeurs différents. Henri LAURET Croyez-vous que ce secteur offre de la place aux SCIC ? Pascal DORIVAL Je le crois. A mon sens, à cet égard, le plan Borloo modifie les données du problème. En effet, ce plan apporte, pour la première fois, une politique publique ambitieuse en matière de développement des services à la personne. Cette politique s’appuie en premier lieu sur un accroissement de la qualité de l’offre de services, favorisée par le regroupement des organisations de services, une gestion plus vigilante des agréments, la mise en œuvre de plans de formation et l’organisation de négociations sociales et salariales, notamment. Cette politique comporte également un certain nombre d’outils puissants permettant de solvabiliser la demande de services. En effet, chacun comprend que le travail au noir constitue la première concurrence aux services à domicile. Il convenait donc d’imaginer des mécanismes qui découragent le recours au travail au noir et favorise le recours au travail professionnel. Il existe depuis longtemps une déduction fiscale pour les emplois familiaux, mais le plan Borloo introduit d’autres mesures : exonérations de charges sociales patronales – au profit des entreprises ou associations prestataires – compensées par l’Etat ; crédit d’impôt pour les entreprises favorisant le recours de leurs employés aux services à domicile ; création du chèque emploi service universel. Je souligne que nous sommes l’un des premiers opérateurs de ce secteur et que nous avons reçu, ce matin même, le dossier d’habilitation qui nous permettra d’émettre des chèques emploi service dès le 1er janvier. Ainsi, le plan Borloo est ambitieux et doit permettre d’un secteur économique à la hauteur des besoins sociaux : aide aux familles ; conciliation de la vie familiale et professionnelle ; garde d’enfants ; aide aux personnes âgées. Dans ce domaine, l’offre professionnelle de services est largement dominée par des entreprises associatives, avec les centres communaux d’action sociale (CCAS). Une fédération comme l’UNA, qui fédère un millier d’associations, emploie 100 000 personnes et l’ADMR, 60 000. L’Association Bas-Rhinoise d’Aide aux Personnes âgées, la plus grande association d’aide à domicile, emploie 2 800 aides ménagères. Ces chiffres aident à comprendre le caractère gigantesque de ce secteur de l’aide à domicile et la taille de chacune de ces entreprises associatives. Ces structures sont marquées par une culture très ancienne, issue de leur histoire, de l’action sociale. Elles ont toujours été instrumentalisées par l’Etat, les collectivités locales ou la Sécurité Sociale, comme auxiliaires de mise en œuvre d’un service public. Les familles en difficulté, les personnes âgées ou handicapées étaient solvabilisées Paris, le 15 novembre 2005 8 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC pour leur permettre de bénéficier des services rendus par ces associations. Les associations étaient d’ailleurs souvent payées directement par les collectivités. Ces entreprises associatives sont si marquées par la culture de l’action sociale qu’elles éprouvent des difficultés à s’engager sur les nouveaux marchés de l’aide à domicile. Nous sommes parfaitement placés pour l’observer, depuis une dizaine d’années, car chaque entreprise d’aide à domicile est actionnaires de Chèques Domicile. Nous constatons qu’elles éprouvent des difficultés à apporter leurs services à des familles qui bénéficient de chèques domicile par le biais de leur comité d’entreprise et qui peuvent connaître un stress important, inhérent à la difficulté de concilier vie professionnelle et familiale. Plusieurs associations considèrent qu’elles pourraient remplir ces missions, mais elles les jugent secondaires par comparaison au cœur de leur activité. Or si ces entreprises associatives ne s’emparent pas de ce marché, d’autres le feront, comme les entreprises marchandes, qui obtiendront ainsi la possibilité de prendre position sur le marché de l’action sociale. Dans ce contexte, la SCIC, comme la SCOP, apparaît comme un outil utile. Pourquoi ne pas imaginer que certaines entreprises de service à domicile, conservant la part de leur activité concentrée sur l’action sociale, montent des SCIC avec d’autres partenaires pour exploiter les nouveaux marchés ? Peu à peu, l’ensemble de l’activité pourrait même migrer du monde associatif vers celui de la SCIC. Il convient donc d’envisager un partenariat entre une ou plusieurs associations, apportant leur savoir-faire professionnel – gestion de l’intrusion dans la famille, des politiques de formation et de recrutement, gestion des carrières, animation des équipes – et des collectivités, par définition soucieuses de l’emploi local. Dans ce cadre, la SCIC apparaît comme une solution adaptée au développement des services rendus par les CCAS. Ces derniers proposent souvent de services d’aides ménagères, mais ils ont tendance à les abandonner, compte tenu du coût de revient prohibitif de ces activités dans le contexte d’une collectivité locale. En effet, les associations parviennent à rendre les mêmes services à des tarifs sensiblement plus faibles. Il est donc envisageable qu’un certain nombre de services rendus par des CCAS soient désormais pris en charge dans le cadre de SCIC. Les salariés, pour leur part, acquerraient ainsi une meilleure maîtrise de leur devenir professionnel, dans un secteur qui se caractérisait encore récemment par la faiblesse de ses salaires : une aide à domicile pouvait commencer sa carrière au SMIC et rester au SMIC pendant 18 ans. Heureusement, un nouvel accord de branche a été conclu l’année dernière, qui permet désormais une évolution de carrière, notamment par la valorisation des acquis et de l’expérience. Il convient également de souligner que les salariés concernés ne disposent pas de lieu collectif de travail, puisqu’ils travaillent constamment au domicile du bénéficiaire du service. Ils manquent donc d’un espace où se retrouver, où partager des interrogations, où confronter des points de vue, où bénéficier d’une politique de formation, dans un contexte dont certaines questions lourdes, comme celle de la mort, ne sont pas absentes. Il convient enfin d’évoquer les utilisateurs, qui pourraient être mieux associés à la définition même de la notion de service. Henri LAURET Nous comprenons que la SCIC peut trouver sa place. Pourtant, il n’est pas facile d’aller vite et il convient de prendre en compte la culture associative. Thierry BENOIST représente la SCIC « De Rue et de Cirque », qui se place dans une dynamique de coopération intercommunale. Paris, le 15 novembre 2005 9 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Thierry BENOIST « De Rue et de Cirque » est une très jeune SCIC : elle a reçu son agrément en septembre 2005, après avoir fonctionné comme une coopérative. Elle se présente comme une plateforme régionale d’échange et de diffusion artistique pour les arts de la rue et du cirque. Elle organise deux saisons – de janvier à juin, de septembre à décembre – de spectacles de rue et de cirque, dans Paris et en région parisienne. Henri LAURET Existait-il un besoin, à cet égard ? Thierry BENOIST Un besoin était exprimé par un certain nombre d’artistes, qui devaient mutualiser leur production sur Paris. En effet, il est très difficile de se produire seul sur Paris, en particulier lorsqu’on n’est peu connu. Il s’agissait donc de mettre en place une forme de structure et la SCIC, qui permet d’impliquer les partenaires publics et privés, est apparue intéressante. Henri LAURET Quels sont vos liens avec les collectivités territoriales ? Thierry BENOIST Nous sommes face à un paradoxe. En effet, nous sommes très bien soutenu, mais le collège des institutions est vide. En d’autres termes, nous bénéficions de l’écoute de la Ville de Paris et de la Région Ile-de-France, mais nous ne sommes pas encore parvenus à leur faire intégrer la SCIC. Henri LAURET Comment votre SCIC est-elle organisée ? Thierry BENOIST La SCIC emploie 8 salariés et bon nombre d’intermittents. Elle dispose d’un budget voisin de 900 000 euros. Nous avons également privilégié l’action sociale. Par ailleurs, nous avons mis en place un collège collectivités territoriales, un collège artistes et compagnies, un collège partenaires publics et privés et un collège salariés. Le collège artistes et compagnies s’est réuni deux fois, et celui des salariés une fois. Nous nous trouvons donc encore dans la phase de constitution. Henri LAURET Avez-vous trouvé un régime de croisière ? L’affaire est-elle viable ? Thierry BENOIST Nous n’avons pas encore trouvé notre régime de croisière, mais nous espérons tous que l’affaire est viable. En tout état de cause, il convient de souligner que la SCIC est lourde à gérer. Ainsi, je suis administrateur de la SCIC, constituée en SARL. Pourtant, j’ai l’impression d’avoir à gérer une SA à conseil de surveillance. En effet, il existe une nécessité d’animation de la vie démocratique et l’un de nos salariés a notamment pour mission Paris, le 15 novembre 2005 10 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC d’organiser les réunions et d’établir les comptes rendus. L’ensemble des obligations auxquelles nous sommes soumis consomme du temps, et donc de l’argent. Henri LAURET Jean-Marc BRULE évoquait plus tôt la SCIC comme répondant à la nécessité de sortir de l’opposition entre un étatisme bureaucratique et souvent inefficace et un entreprenariat opaque et liquidateur. Comment situez-vous la SCIC, entre l’une et l’autre caricature ? Thierry BENOIST Il est difficile de répondre à cette question, alors que nous n’avons pas trouvé notre vitesse de croisière. Henri LAURET Je n’oublie pas Guy VAN MERRIS, dont l’association à vocation à favoriser l’insertion sociale des personnes à mobilité réduite. Guy VAN MERRIS Notre organisation, qui existe depuis 14 ans en Ile-de-France, met des véhicules adaptés à disposition des personnes à mobilité réduite, leur permettant de circuler en toute sécurité. Ces modes de transport se sont développés dans le secteur associatif. En effet, il n’est pas question d’en tirer des profits très importants, car nous travaillons essentiellement avec un public en difficulté. Le système associatif était donc à même d’apporter la meilleure réponse. Henri LAURET Pourquoi transformer votre association en SCIC ? Guy VAN MERRIS Nous souhaitons transformer notre association en SCIC car nos modes de transport se sont développés dans des proportions importantes. Nous sommes effectivement passés d’un seul véhicule, il y a quatorze ans, à quatre-vingt-treize aujourd’hui, pour 110 salariés. Ce développement a été facilité par les collectivités. Nous avons travaillé avec la Région, qui finance les véhicules, le Département, qui en permet l’exploitation et le STIC, qui contribue au transport des salariés. Ainsi, nous nous trouvons à la croisée des chemins. Face à l’augmentation de l’activité de transport, les collectivités locales se trouvent dans l’obligation d’organiser des appels d’offres à l’échelle départementale, sur ce secteur. Or depuis la mise en œuvre de ce système d’appels d’offres, le secteur associatif se trouve limité pour être présent sur des territoires souvent assez vastes. Henri LAURET Les appels d’offres sont-ils obligatoires, désormais ? Guy VAN MERRIS C’est le STIC qui impose les appels d’offres, sur le secteur du transport, à l’échelle départementale. Paris, le 15 novembre 2005 11 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Dans ce contexte, nous nous sommes interrogés : fallait-il évoluer vers une structure d’entreprise traditionnelle, ou envisager une solution alternative ? J’ai eu l’occasion de nouer des contacts avec plusieurs SCIC et j’ai trouvé cette formule particulièrement adaptée à notre activité, sociale et résolument tournée vers le service à la personne. La SCIC est notamment apparue comme un moyen de conserver l’esprit pionnier qui nous animait au moment de la création de l’association. Je précise que nous ne sommes pas encore une SCIC, même si nous avis pris toutes les dispositions pour le devenir. Henri LAURET Le processus de transformation est-il long ? Guy VAN MERRIS Il demande effectivement du temps. De nombreuses décisions doivent être prises, de nombreux accords obtenus. Nous pensons devenir une SCIC en 2006 et obtenir à cette occasion des participations financières des collectivités. En effet, ces dernières ont tout intérêt à s’impliquer sur des enjeux comme le maintien à domicile des personnes âgées ou la participation des personnes handicapées à la vie de tous les jours. Ces services doivent être développés. Des appels d’offres sont organisés tous les jours, par des départements ou des communautés d’agglomérations. Selon moi, les associations du domaine du transport spécialisé auraient tout intérêt à envisager une transformation en SCIC. Henri LAURET Les usagers vont-ils jouer un rôle plus important, après votre transformation en SCIC ? Guy VAN MERRIS Les usagers disposeront d’un collège. Je précise que nous avions déjà intégré des usagers au sein du conseil d’administration de notre association. Nous allons confirmer notre engagement à leur égard grâce aux collèges de la SCIC. Henri LAURET Comment vos salariés ont-ils réagi ? Cette transformation constitue-t-elle un véritable changement, ou apparaît-elle comme une évolution logique ? Guy VAN MERRIS Nous avons évidemment présenté ce projet à nos salariés, qui y sont très favorables. Ils ont compris qu’ils seront davantage impliqués dans le fonctionnement de la structure et dans la prise de décision. Le collège des salariés leur permettra de prendre une part active à la vie de la SCIC. Henri LAURET Vous vous trouvez donc dans un processus de métamorphose. Pensez-vous donner l’exemple ? Paris, le 15 novembre 2005 12 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Guy VAN MERRIS A ma connaissance, nous sommes effectivement les premiers, dans notre activité, à franchir ce pas. Comme je le disais, nous espérons être suivis par d’autres associations du secteur du transport spécialisé. Plusieurs projets sont déjà lancés. Pascal DORIVAL Il convient de préciser que la loi Borloo permettra à ce type d’activités d’être agréé au titre des emplois familiaux, et donc de bénéficier d’exonération de charges sociales et de crédits d’impôts. En effet, ces activités, réalisées, même hors domicile, au bénéfice de personnes dépendantes, rentrent dans le champ de la loi. Henri LAURET Nous revenons sur le terrain de la culture avec Luc de LARMINAT. Votre association est l’Organisation pour Projets Alternatifs d’Entreprises. Quel est son objet ? Luc de LARMINAT OPALE se trouve encore dans un processus de questionnement, vis-à-vis de la SCIC. La question d’un nouveau statut plus adapté se pose depuis longtemps, dans le secteur culturel. Pendant longtemps, nous avons essentiellement connu les régies municipales et les associations, souvent d’essence para-municipale. Nous étions également soumis à la licence d’entrepreneur de spectacle, qui permettait d’organiser des spectacles, mais qui impliquait, jusqu’aux années 90, l’inscription au registre du commerce. Il existe également un certain nombre de scènes nationales, largement subventionnées par l’Etat et par les collectivités territoriales, qui ont un statut de SARL et qui ont choisi la forme de SCOP. Il conviendrait de savoir si elles pourraient être transformées en SCIC et ainsi bénéficier du multipartenariat. En tout état de cause, depuis une quinzaine d’années, à mesure que le secteur associatif renforçait son emprise sur le secteur culturel, la question de la recherche d’un nouveau statut plus adapté s’est faite plus pressante. Nous nous interrogeons notamment sur la place de l’usager ou du bénévole, qui devient un enjeu crucial face aux associations fortement professionnalisées. Henri LAURET Il existe donc, selon vous, un problème statutaire. Luc de LARMINAT Absolument. Ces dernières années, les débats sur l’économie solidaire ont confirmé que certains porteurs de projets de droit privé s’inscrivaient dans des logiques, non pas de profit financier, mais d’intérêt général et d’utilité sociale. Il faut organiser une économie hybride, marchande ou non marchande, mais non monétaire. Dans ce cadre, la SCIC intéresse une grande partie des associations d’employeurs du champ culturel. Henri LAURET Vous ne nous avez pas présenté OPALE. Paris, le 15 novembre 2005 13 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Luc de LARMINAT Cette association, qui existe depuis une quinzaine d’années, aide, accompagne et valorise des associations culturelles promouvant l’action culturelle, les territoires et la proximité. Ces associations ne se trouvent ni dans le secteur privé commercial, ni dans le secteur institutionnel. Nos moyens pour les accompagner sont divers. Nous avons longtemps disposé d’une revue, Culture et proximité et nous proposons un accompagnement comparable à celui qui est souvent offert pour la création d’entreprises. Par ailleurs, nous nous intégrons autant que possible à des dispositifs publics. En effet, une part importante de notre activité vise à valoriser les initiatives de nos associations vis-à-vis des institutions et administrations, mais aussi de lever certaines contraintes qui pèsent sur elles. Nous sommes actuellement absorbés par les dispositifs locaux d’accompagnement, qui ont été lancés par le ministère de l’emploi et la Caisse des Dépôts, dans le dessein de venir en aide aux associations, tous secteurs confondus. Dans ce cadre, sur le secteur culturel, OPALE est un centre de ressources départemental. Henri LAURET Combien votre association compte-t-elle de collaborateurs ? Luc de LARMINAT Nous sommes six, mais nous nous sommes associés à une vingtaine de réseaux et de petits syndicats, pour cogérer le dispositif local d’accompagnement sur le champ culturel. Nous allons bientôt doubler le nombre de nos partenaires avec une confédération. C’est pourquoi mon intervention ne concerne pas seulement OPALE. Par le biais de nos partenaires, nous sommes confrontés à un grand nombre de sujets économiques et juridiques. Mon propos est donc celui d’une petite partie du monde culturel qui s’interroge sur un éventuel recours à la SCIC. A mon sens, un passage en SCIC permettrait de clarifier le rôle de chacun des partenaires impliqués dans nos projets, usagers ou bénévoles, par exemple. Henri LAURET Vos besoins sont-ils juridiques ou organisationnels ? Luc de LARMINAT Nous avons un besoin juridique. La SCIC permet au salarié de prendre part aux décisions inhérentes au projet, alors que les associations fonctionnent avec un conseil d’administration. Pourtant, même avec la SCIC, nous serons confrontés à des limitations. Politiquement, il s’agirait de revendiquer une place organisée pour des initiatives de droit privé, mais touchant à l’intérêt général et l’utilité sociale. Juridiquement et politiquement, la SCIC présente donc des intérêts. Henri LAURET Je voudrais m’adresser à Madame TATICHE, gérante de la SCIC ATLA, pour solliciter son témoignage. Paris, le 15 novembre 2005 14 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Madame TATICHE La SCIC ATLA est le fruit de la transformation d’une SARL en SA. Je n’en suis donc pas la gérante, mais la présidente directrice générale. Nous avons dû adopter la forme juridique de la SA lorsque le nombre de nos membres a dépassé 50. En effet, la nature de notre activité nous imposait le concours d’un commissaire aux comptes et le capital social de notre SARL était suffisant à une SA. Nous avons décidé notre transformation en SCIC à l’occasion d’un changement important dans notre organisation, qui s’est matérialisé par un déménagement. Il s’agissait de conserver un outil de travail digne de notre projet. Je rappellerai qu’en 1994, nous avions créé un lieu de développement professionnel d’artistes dans le domaine des musiques actuelles. Les conservatoires sont censés favoriser le développement de ces pratiques, mais notre logique est professionnalisante (formation continue ou formation initiale) et nous souhaitions faire bénéficier les habitants de notre quartier de l’apport de nos professeurs, tous issus de la scène. Nous avons été confrontés à des difficultés assez graves concernant la rémunération de ces acteurs, intervenants du spectacle que nous ne pouvions faire travailler 60 heures par an sans menacer leur statut. En outre, notre milieu est peu structuré et très bouillonnant, à certains égards proche de la mafia. Croyez-en la parole de la fille d’une Corse et d’un Serbe… J’ai donc souhaité intervenir sur un milieu où des musiciens professionnels de qualité étaient payés au noir pour ne pas avoir collé à une esthétique suffisamment instituée. Leurs conditions de travail étaient donc épouvantables, et ils ne disposaient d’aucun endroit pour transmettre et permettre à d’autres professionnels de prendre leur relève. J’ai donc créé une organisation pour leur apporter ces facilités, déjà dans l’esprit de la SCIC. En effet, la SARL avait 17 associés, ce qui était considérable, et je l’avais organisée comme une SCIC. Cela m’a permis de donner à notre activité, dont l’objet était militant et la logique multisociétariale, la forme qui lui convenait. Henri LAURET Ce nouveau statut vous paraît-il correspondre à vos contraintes ? Madame TATICHE D’un point de vue fiscal ou économique, il ne m’apporte strictement rien. Le passage en SCIC ne m’a toutefois pas compliqué le travail, car j’avais déjà choisi une forme complexe. En revanche, la SCIC correspond parfaitement à nos valeurs. Henri LAURET Nous allons aborder le secteur de l’environnement, avec Marie-Pierre DIGARD, présidente de l’Agence Nationale de l’Environnement et des Nouvelles Energies (ARENE). Pouvez-vous nous faire part de votre expérience, en matière de mise en œuvre d’une SCIC ? Marie-Pierre DIGARD Je suis conseillère régionale, je siège habituellement à gauche de cet hémicycle, au sein du groupe Vert. Je suis effectivement présidente de l’ARENE, un organisme régional qui vient de fêter ses dix ans. Il s’adresse aux collectivités régionales et aux porteurs de projets, mais pas directement aux particuliers. En revanche, il apporte son soutien à tous ceux qui portent Paris, le 15 novembre 2005 15 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC des projets innovants en matière de développement durable. Je précise que l’ARENE n’intervient pas dans le cadre des politiques publiques portées par d’autres collectivités locales ou par le Conseil Régional. Nous sommes bien là pour contribuer à la mise en place de politiques, notamment sur le secteur de l’économie sociale, en matière d’environnement. Nous sommes d’ailleurs membres et animateurs du réseau d’économie sociale et environnement. Je peux dire que nous nous trouvons sur un terrain en cours de défrichage. Nous constatons que des besoins émergent qui ne sont pas satisfaits, notamment en matière de préservation de l’environnement, de lutte contre les pollutions, de sensibilisation ou d’éducation. L’entretien des espaces verts ou des berges ainsi que le maraîchage sont souvent assurés par des entreprises d’insertion. Certains enjeux ont également émergé en matière de mobilité (location de vélo, auto-partage), de collecte et de tri, de sensibilisation et de formation à l’environnement et de gestion durable de l’énergie. La demande d’aide à la gestion de l’énergie se développe. Henri LAURET La fonction de l’ARENE tient-elle davantage de l’expertise, de l’assistance technique ou de l’animation ? Marie-Pierre DIGARD L’ARENE aide à porter des projets. Elle a donc un rôle d’animation. De manière croissante, elle met les partenaires en rapport et apporte son concours direct au lancement des projets. Henri LAURET Existe-t-il des échanges d’expertises ? Marie-Pierre DIGARD Bien sûr : dans le cadre des ateliers du réseau, des échanges s’organisent. Henri LAURET Comment l’ARENE pourrait-elle aider ENERCOOP à rallier de nouvelles collectivités à son projet, en qualité de consommateur ou en qualité d’associé ? Marie-Pierre DIGARD L’ARENE a certainement un rôle à jouer, à cet égard. Nous avons déjà quelques contacts. Nos politiques vont dans le même sens et notre rôle est précisément d’aider des sociétés comme ENERCOOP à trouver des interlocuteurs parmi les collectivités territoriales. Henri LAURET Dans des domaines comme l’eau, les déchets, l’entretien, les espaces ou les transports, d’un point de vue juridique et statutaire, la SCIC constitue-t-elle un outil adapté pour le développement des activités ? Paris, le 15 novembre 2005 16 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Marie-Pierre DIGARD Les enjeux que vous évoquez émergent précisément des territoires. A cet égard, le statut SCIC permet d’associer différents partenaires, acteurs des territoires, en phase avec les besoins qui s’expriment, sur tous les sujets que vous avez mentionnés. Henri LAURET N’existe-t-il pas, toutefois, de conflit idéologique ? N’est-il pas difficile de s’imposer face à ces besoins qui émergent d’un territoire ? Marie-Pierre DIGARD Je ne vois pas de difficulté particulière. Nous n’entrons pas en conflit avec des entreprises importantes. Henri LAURET Vous vous positionnez pourtant sur des marchés. Marie-Pierre DIGARD Je comprends bien, mais je ne vois pas d’obstacle de la part des entreprises classiques. Henri LAURET Patrick BEHM dirige ENERCOOP, qui se positionne sur le marché en voie de libéralisation de l’énergie. Vous êtes un concurrent de GDF et d’EDF. Patrick BEHM Juridiquement, nous sommes effectivement des fournisseurs d’électricité, tout comme EDF, et, désormais, comme GDF. ENERCOOP est une SCIC très récente, puisqu’elle a obtenu son agrément en septembre 2005. Cette SCIC est née à l’issue d’un processus assez long, qui a duré plus d’un an. Ce processus a débuté avec un certain nombre de réunions informelles, qui se sont progressivement institutionnalisées, avec des représentants de secteurs toujours plus nombreux. Au départ, nous rencontrions essentiellement des représentants du monde des énergies renouvelables et des associations citoyennes. De fil en aiguille, d’autres acteurs ont rejoint nos réunions, comme des structures consommatrices d’électricité souhaitant assainir leurs pratiques de consommation et intéressées à ce titre par notre approche. Malgré les points de vue et les intérêts parfois divergents des participants à ces réunions, chacun partageait l’idée selon laquelle, en France, les énergies renouvelables connaissent un retard considérable, par comparaison à d’autres pays européens. Du point de vue de la puissance éolienne installée comme en matière de photovoltaïque, il existe par exemple un rapport de 1 à 40 entre la France et l’Allemagne. Henri LAURET L’Allemagne ne recours pas au nucléaire autant que la France. Patrick BEHM En effet, ceci explique peut-être cela… En tout état de cause, la France connaît un retard important, en matière d’énergie renouvelable. L’engagement de la France, dérivant des objectifs Kyoto, de parvenir à l’horizon 2010 à la production de 21 % d’électricité d’origine Paris, le 15 novembre 2005 17 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC renouvelable, ne sera probablement pas tenu. Trop peu a été fait pour que cet objectif soit atteint. Au-delà de la pluralité des acteurs réunis autour de la table, il existait la conscience d’une nécessité de regroupement pour agir. Henri LAURET Lorsqu’on regroupe des producteurs et des consommateurs, n’existe-t-il pas un risque de conflit d’intérêt ? Patrick BEHM Evidemment, c’est un risque. Mais la diversité est intéressante. Le producteur souhaite rentabiliser raisonnablement l’investissement consenti en moyens de production, et le consommateur ne cherche évidemment pas à payer trop cher son kilowatt/heure. Le conflit, ici, est évident. Pourtant, certains consommateurs sont suffisamment avertis pour savoir qu’actuellement, l’électricité n’est peut-être pas payée à son juste prix. Ils sont donc prêts à faire des efforts, à condition que des garanties leur soient apportées que le surcoût qu’ils subissent sert véritablement le domaine des énergies renouvelables. Or c’est précisément ce que les statuts d’ENERCOOP nous imposent, ainsi qu’à nos producteurs. En outre, comme toutes les SCIC, nous sommes soumis à des règles très strictes en matière de réinvestissement des bénéfices. Henri LAURET Pour le transport de vos kilowatts, vous devez utiliser le réseau d’EDF. Comment cela se passe-t-il ? Patrick BEHM En effet, le transport et la distribution d’électricité n’a pas été ouvert, en France, à la concurrence. Dans ce domaine, EDF conserve un monopole et en pratique, ses tuyaux sont incontournables. Henri LAURET Dans un tel contexte, quel comportement éthique faut-il adopter ? Lorsque vous vendez de l’électricité éolienne et solaire, comment garantissez-vous le mode de production de cette énergie. Patrick BEHM Si vous souhaitez vous fournir en électricité verte, en tant que particulier, il vous faudra attendre juillet 2007. Ce point nous intéresse particulièrement, car notre cible est constituée des particuliers et des petites structures. Or aujourd’hui, nous sommes encore limités aux petites structures, qui ne représentent qu’un marché très restreint. Henri LAURET Ces entreprises servent de modèle. Paris, le 15 novembre 2005 18 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Patrick BEHM Tout à fait. La traçabilité sur laquelle vous m’interrogiez nous différencie, précisément, de la plupart des autres acteurs du marché. Sur le marché actuel de l’électricité, il n’existe encore aucun mécanisme de traçabilité. Les opérateurs acquerrant de l’électricité pour la revendre ne disposent absolument d’aucun moyen de garantir à leurs clients que leur consommation est verte. Pour notre part, nous regroupons autour de la même table des producteurs sociétaires, qui mettent leurs moyens de production à la disposition de nos consommateurs. Or ces moyens de production font l’objet d’une transparence absolue. Tout sociétaire, en outre, est en mesure de vérifier l’adéquation entre ce qui est consommé et ce qui est produit. Encore une fois, la traçabilité est garantie. Débat avec la salle Christopher ARIDRE Je représente la SCIC Cohérence, qui est une coopérative de diffusion et de distribution culturelle. Je souhaite évoquer l’impossibilité à laquelle nous sommes confrontés de véritablement créer des SCIC dans le champ culturel. Pourtant, nous aurions dû pouvoir nous approprier ce statut, en particulier face à l’évolution du marché de la culture, désormais dominé par quelques mastodontes, souvent marchands d’armes, comme Lagardère et Dassault. Le champ de la culture me paraît donc colonisé par des forces dont le seul intérêt, le seul objectif est le profit. Les SCIC pourrait donc constituer un statut intéressant pour imaginer une structure intermédiaire entre l’économie de marché et la volonté de développer des projets. De notre côté, nous venons de déposer un dossier de demande de financement, auprès du service culturel de la Région Ile-de-France. Le service juridique de la Région nous a répondu qu’il était actuellement impossible de financer une SCIC hors du cadre précisé par le décret d’application – aide au fonctionnement ne pouvant excéder 100 000 euros sur trois ans, entre autres fortes contraintes. Nous sommes donc tributaires de règlements européens, eux mêmes dépendants du TCE, le traité en vigueur. Or ce TCE contient un alinéa prévoyant un secteur d’exemption, celui de la culture, notre principal domaine d’activité. Je tenais donc à souligner que même face à la Région Ile-de-France, il est possible de se heurter à des incompréhensions administratives et juridiques. Nous en sommes là : nous n’avons pas obtenu de réponse et notre dossier est bloqué. D’autre part, depuis la création de Cohérence, vis-à-vis des administrations et des institutions, nous n’avons connu que des difficultés. Je tenais donc à nuancer les propos qui ont été tenus sur les bienfaits des SCIC. Henri LAURET Pouvez-vous préciser la nature de ces difficultés, en quelques mots ? Paris, le 15 novembre 2005 19 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Christopher ARIDRE Nous avons persisté dans le choix de la SCIC, qui correspondait à des valeurs, des principes et un projet. Pourtant, nos difficultés sont de tous ordres. Notre banque, dont on aurait pu attendre qu’elle soit la plus proche du secteur coopératif, nous a mis des bâtons dans les roues. Henri LAURET Pour quelles raisons ? Christopher ARIDRE Ces raisons sont simples. Il ne faut pas s’étonner que seules sept SCIC aient été créées en Ilede-France. Ce faible nombre est la conséquence directe des difficultés inhérentes au montage de ces structures. Nous avons subi un examen de passage dégradant et humiliant à la préfecture de Paris, où il a fallu expliciter la notion d’utilité sociale. Cette dernière ne peut pas être réduite à la volonté de réinsérer tous ceux que la société laisse de côté. L’épisode de la préfecture fut à la fois anecdotique et révélateur de la perception générale des SCIC : l’utilité sociale semble se limiter à la réinsertion des irrécupérables du travail salarié, éjectés du système de production. Henri LAURET Vous soulignez un problème culturel. Christopher ARIDRE Non : je souligne un problème de définition, ou de langage, et même un problème politique. L’addition des problèmes que nous avons connus, en trois ans d’existence, est impressionnante. C’est pourquoi je propose que les services juridiques de la Région soient formés aux SCIC, et qu’ils puissent prendre en compte les règlements européens applicables en la matière. Il convient également que la Région s’intéresse aux conditions d’octroi des agréments préfectoraux, à Paris. Cela permettrait peut-être de développer le statut dans le champ culturel et de clarifier le projet politique des SCIC. Henri LAURET Merci beaucoup. Votre message est clair, précis et très instructif. Luc de LARMINAT Je rappelle que dans le secteur associatif de la culture, un emploi sur deux ou trois est aidé. Toutefois, il est possible d’aller plus loin et d’imaginer des mécanismes d’exonération pour le secteur culturel. En outre, un travail pourrait être conduit pour rapprocher le Réseau Inter-SCIC de celui de l’économie solidaire. Cette idée émise plus tôt par le président de la CRES me semble intéressante. En effet, les fédérations et les réseaux du secteur culturel ont besoin d’être accompagnés vers les SCIC. Il convient d’envisager une dynamique collective et aller à la rencontre de ces fédérations et réseaux. Nous le faisons déjà, mais il faut amplifier le mouvement pour faire avancer le statut SCIC. Paris, le 15 novembre 2005 20 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Alix MARGADO Je voudrais revenir sur les subventions et les emplois aidés. Ces derniers sont exclus du champ des règlements européens qui interdisent au secteur public de subventionner le secteur privé. Luc de LARMINAT Il en va différemment pour les contrats d’accès à l’emploi (CAE). Alix MARGADO A ce jour, les SCIC ne sont pas éligibles aux CAE. La loi avait prévu que les SCIC soient éligibles aux contrats d’insertions dans la vie sociale (CIVIS), mais ceux-ci sont très rares. En revanche, il est possible aux associations qui se transforment en SCIC de conserver leurs emplois jeunes. Seul mon voisin, malheureusement, s’est retrouvé face à une DDTE qui, après avis du ministère de l’emploi, immédiatement après le changement de majorité en 2002, au moment de la remise en cause trop rapide de ces contrats, ne lui a pas permis de conserver ses emplois jeunes. Partout ailleurs, les DDTE ou DRTE locales ont permis le prolongement des emplois jeunes. Il convient aussi de préciser la notion de subvention. La subvention est différente de la convention. La subvention est une somme d’argent donnée sans aucune contrepartie. Les subventions sont visées par trois règlement européens qui arrivent à échéance en 2006, sans que nous sachions par quoi ils vont être remplacés. A cet égard, dans notre pays, il existe une ambiguïté importante. En effet, nous considérons généralement que l’association, qui n’a pas de but lucratif, peut par défaut bénéficier de subventions quasiment sans limite et sans condition. A l’inverse, nous considérons que par défaut, les sociétés commerciales n’ont pas droit à ces subventions. Or la définition de l’entreprise, selon l’OCDE, vise toute structure qui est un employeur et qui gère une activité économique. Ainsi, du point de vue de l’OCDE, l’association est une entreprise. De ce fait, les règlements européens qui évoquent la nonconcurrence ne mentionnent pas les associations ou les sociétés coopératives, mais toutes les entreprises. En d’autres termes, la France est confrontée à un problème important, dans l’application de ces règlements. Il existe aujourd’hui une distorsion de concurrence entre les associations et les autres formes d’entreprises. Ce problème doit être réglé, non pas contre le milieu associatif, mais pour la reconnaissance du fait que d’autres formes de sociétés sont également exemptes de but lucratif. A ce titre, ces dernières avaient accès aux emplois jeunes, et elles ont accès aux subventions. Il faut savoir qu’un projet de SCIC alsacien, actuellement sous statut local d’association ouvrière (loi de 1908), peut à ce titre bénéficier d’une ligne FEOGA de 65 % de son investissement. Après sa transformation en SCIC, sa ligne FEOGA pourrait être réduite à 24 %. Cela ne me semble pas normal, alors que l’activité sera inchangée, la transparence renforcée et la non-lucrativité confirmée. Je voudrais également revenir sur les questions d’agrément. A cet égard, la préfecture de Paris est la seule qui ait posé des problèmes. Je comprends donc parfaitement la réaction de Christopher ARIDRE. J’ai moi-même accompagné la SCIC ATLA pour son agrément, et ce fut un moment très désagréable. Je crois cependant que ces problèmes ont été réglés par un changement de service instructeur des dossiers SCIC. En effet, le préfet a le choix, à cet égard et cette responsabilité d’instruction avait initialement été donnée au service de l’insertion par l’activité économique, qui ne jugeait l’utilité sociale que par l’activité économique. Je Paris, le 15 novembre 2005 21 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC souhaite d’ailleurs rappeler que l’intérêt collectif de la SCIC ne réside pas dans son activité, mais dans son mode d’organisation. La circulaire aux préfets de 2002 le rappelle clairement. Il existe évidemment des SCIC dont l’activité a une utilité sociale directe, mais leur intérêt collectif tient en premier lieu à l’agrément de leur mode d’organisation : multisociérariat, partage du pouvoir, non-lucrativité, notamment. Madame TATICHE A mon sens, il n’existe pas d’effet d’aubaine économique, pour la SCIC, mais un effet de signe. Le statut de la SCIC est plus exigeant que le statut associatif, mais il est moins bien soutenu. En effet, la culture de la SCIC n’existe pas parmi les politiques. Je me suis moimême heurtée, au sein même de la Région Ile-de-France, à ce manque de culture. Pascale MOTTURA, consultante en ingénierie culturelle Une SCIC peut-elle être bénéficiaire du mécénat ? D’après la loi de 2003, ce ne semble pas être le cas. C’est très dommage, car dans le cadre de préconisations pour le montage d’équipements culturels, nous pourrions être intéressés par les SCIC, dans un grand nombre de domaines différents. Madame TATICHE Effectivement, les SCIC ne sont pas éligibles au mécénat. Alix MARGADO C’est l’un des combats que nous devons encore mener. Il s’agit non seulement du mécénat, mais aussi de la fiscalité ou du régime du don. Nous souhaitons que la nécessité d’agrément qui demeurera in fine soit compensée par ce type de dispositions. Henri LAURET En effet, nous sommes ici devant un véritable frein. Michel SUDER, directeur de mission locale, Ile-de-France Mon obsession est sans doute une utopie : le retour au plein emploi. Cette question me semble d’ailleurs d’une actualité cruelle, à la lumière des évènements que nous vivons en ce moment. A mon sens, le développement de certaines activités de service ne sera possible qu’à l’intérieur d’une sphère de soutien. J’aimerais donc savoir si la SCIC peut se révéler un outil, dans la création de cette sphère de soutien. Notre mission locale travaille actuellement sur un projet de portage de repas aux personnes âgées du territoire. Nous avons identifié 5 200 personnes âgées de plus de soixante-dix ans. Nous savons que cette activité risque de ne pas être autosuffisante, d’un point de vue économique. Elle est donc plus proche du secteur public marchand que du secteur marchand général. Ne faudrait-il pas imaginer une conjugaison de financements, rassemblant produit de l’activité, fonds publics et épargne de l’actionnariat populaire ? S’il existe une réelle volonté de développer les services, ne devra-telle pas s’appuyer d’abord sur la création d’un nouveau modèle économique territorial ? Alix MARGADO La SCIC est un bon statut, je me bats pour le développer. Malheureusement, il n’est pas en mesure de régler l’ensemble des problèmes de la société. La SCIC est une société commerciale, qui se trouve dans le système marchand et qui permet de solvabiliser une Paris, le 15 novembre 2005 22 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC production par une hybridation de ressources. Elle n’offre malheureusement pas de réponse à toutes les questions. En tout état de cause, la SCIC ne constitue sans doute pas le meilleur outil pour envelopper et aider un secteur particulier. Pascal DORIVAL Selon moi, le domaine de portage de repas permet de rassembler un nombre important de sources de financement. Si nous pouvions obtenir des agréments dans ce domaine (exonérations de charges sociales patronales, réduction d’impôts au titre des emplois familiaux pour le bénéficiaire, etc.) ainsi que des financements publics, il serait possible de remplir ces missions, dans le cadre de services à domicile. Dans une ville proche de Paris, la municipalité distribue ainsi des chèques domicile pour payer le portage de repas. En d’autres termes, elle permet aux personnes âgées de payer leurs repas, au lieu de subventionner ces repas directement auprès du prestataire. Pour ce type d’organisation, un statut de type SCIC peut être d’un grand intérêt pour les territoires, il permet aux communes de maîtriser le service et de mettre en œuvre des politiques d’insertion professionnelles de jeunes, tout en favorisant le maintien à domicile des personnes âgées. Jean-Marc BRULE La Région a été interpellée plusieurs fois. Je suis évidemment tenu à un devoir de réserve, mais je dois rappeler que nous sommes face à un changement culturel progressif. Vous y êtes confrontés dans vos démarches, et la Région, ses administrations, ses services, ses élus y sont également confrontés. Plusieurs d’entre nous, ici, pourraient vous le confirmer, qui sont des élus plutôt jeunes et donc actifs dans ce changement culturel. De notre point de vue, c’est effectivement notre propre maison, nos propres services, nos propres collègues qu’il convient de faire évoluer. Cette mission est difficile. Nous cherchons à mutualiser un certain nombre d’informations et de convictions, de partager des pistes. C’est un travail progressif. Un certain nombre d’agents représentant des services de la Région sont également présents aujourd’hui, et je sais qu’ils sont très motivés. La Région Ile-de-France de France est un énorme paquebot, dont il est très difficile de faire changer le CAP. Pourtant, lorsque le mouvement est fait, il s’installe profondément. Paris, le 15 novembre 2005 23 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Table ronde – la SCIC : un outil de coopération publicprivé pour le développement des territoires Participent à la table ronde : Sylvie NOURRY, responsable du développement de l’URSCOP Ile-de-France ; Jean-Marc BRULE, Conseiller régional, Président de la commission développement économique ; Jean-Pierre CAUME, PDG de la SCIC REVI + ; Pierre-Yves CHANU, Conseiller confédéral, CGT ; Alix MARGADO, Coordonnateur de l’Inter Réseau SCIC ; Emmanuel MAUREL, Conseiller régional. Le débat est animé par Henri LAURET. Henri LAURET Nous allons tenter de comprendre comment la SCIC peut être un outil de développement public/privé au service des territoires. C’est un sujet d’actualité. Sylvie NOURRY, considérez-vous la SCIC comme un outil intéressant pour les collectivités locales ? Sylvie NOURRY Pour répondre à cette question, il faut mettre à la place d’une collectivité locale. Celle-ci est confrontée à une nouvelle donne, au sein des territoires. Les compétences des collectivités locales sont devenues très larges en matière de développement économique. Parallèlement, les besoins de nos concitoyens en service de proximité se sont accrus. La satisfaction de ces besoins implique de nouvelles approches, la mutualisation des savoir-faire et la coopération des acteurs. L’initiative individuelle ne suffira pas à satisfaire l’ensemble des besoins. Enfin, les collectivités locales sont confrontées à la demande croissante des concitoyens de participer à la vie locale. Les responsables politiques ont bien compris cette évolution, qui ont mis en place des comités de quartier. La même logique prévaut dans le domaine économique. Il faut donc construire la société de demain en impliquant les citoyens et en leur permettant de participer aux choix de développement économiques et sociaux. La SCIC, prenant en compte cette nouvelle donne, propose une nouvelle approche qui rassemble l’ensemble des partenaires socioéconomiques autour de la même table de décision. Ainsi, chaque partie prenante peut devenir co-gestionnaire d’un projet d’intérêt collectif, au bénéfice du développement d’un territoire. De ce fait, grâce à la SCIC, la collectivité locale va pouvoir essaimer de nouveaux services à but social. L’exemple de l’Italie nous montre la largeur du champ des services envisageables : gestion de crèches, restauration scolaire, entretien des espaces publics, gestion des déchets, etc. Historiquement, la collectivité n’avait face à elle que le service public, les entreprises privées et les associations. Aujourd’hui, elle dispose de la SCIC et de son organisation originale car multipartenariale. La SCIC propose effectivement à des acteurs très divers, aux intérêts Paris, le 15 novembre 2005 24 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC parfois contradictoires (salariés souhaitant que leurs salaires montent, clients recherchant des prix bas, financeurs qui minimisent leurs risques), de bousculer leurs relations traditionnelles pour mettre en place une synergie d’action. La SCIC est le seul statut, en France, qui organise juridiquement cette mise en relation des acteurs à travers un multipartenariat. Toutefois, ce multipartenariat ne peut pas s’imaginer dans n’importe quel cadre. La SCIC se revendique de l’économie sociale et solidaire, dont elle est d’ailleurs issue. Elle défend donc un certain nombre de valeurs. L’idée même de multipartenariat, par exemple, repose sur le refus traditionnel, par la coopération et l’association, de considérer que l’intérêt financier et le marché puissent être les seuls régulateurs de l’activité humaine. Du point de vue de la collectivité locale, il convient de mentionner trois de ces valeurs, garante d’un développement économique plus humain et plus proche des préoccupations des citoyens. Je pense tout d’abord à la non-lucrativité, ou au non-enrichissement des individus. En effet, la SCIC doit s’inscrire dans une durabilité économique, mais la loi lui impose de réinvestir ses bénéfices dans l’objet social de l’entreprise. En d’autres termes, il s’agit du seul statut d’entreprise privée qui impose de réinvestir plus de 50 % des bénéfices dans le projet d’intérêt collectif, au bénéfice du développement d’un territoire. Je pense ensuite au développement local. Sur ce sujet, il faut évoquer l’exemple d’OCRA, une SCIC qui a relevé, dans le domaine de l’utilisation des ocres, un savoir-faire qui allait mourir. L’idée est née de l’Association de Conservation du Patrimoine qui souhaitait non seulement préserver ce savoir-faire, mais développer grâce à lui une activité au bénéfice du territoire. La SCIC a permis de réunir des partenaires aux intérêts différents (communautés de communes, Conseil Régional, Conseil Général, Parc du Lubéron) dans la même logique de développement du territoire. Des débouchés pour l’utilisation de l’ocre ont été trouvés à l’étranger, qui ont permis à OCRA de développer l’emploi sur le territoire. Cette SCIC fait vivre une usine de production, mais elle offre aussi des formations à des peintres, pour leur permettre d’intégrer l’utilisation des ocres à leur pratique. Indiscutablement, ce projet a redynamisé l’activité d’un territoire et donc participé au développement local. Il faut souligner que ce développement local doit être plus humain et plus proche des préoccupations des citoyens. A cet égard, le secteur des services de proximité me paraît très intéressant. Il a d’ailleurs été assez largement exploité, par une bonne partie des 70 SCIC qui existent aujourd’hui. Ainsi, Auto-Autrement propose à Strasbourg un service de location de voitures. Il s’agit ainsi de réduire le trafic des voitures et les nuisances (bruit, pollution, pertes de temps) pour les riverains. En Champagne, l’Atelier Multi-Services constitue un autre exemple significatif. Avec 250 associés, il propose des services de proximité tous azimuts (nettoyage, repassage, peinture, entretien de jardins), dans un milieu rural désertifié. J’ajoute que deux mairies se sont récemment associées à ce projet. En effet, les responsables politiques de ces communes ont estimé qu’il était de leur mission de favoriser ce type d’initiatives. Je pense enfin au développement durable. La SCIC, comme toute coopérative, considère que les moyens financiers sont au service d’un projet collectif, et non l’inverse. En d’autres termes, les réserves de la SCIC sont impartageables. Ainsi, à la différence de ceux d’une entreprise privée classique, les associés de la SCIC qui souhaitent la quitter ne peuvent pas s’approprier une partie des réserves. En effet, les réserves appartiennent définitivement à l’entreprise et garantissent la pérennité du projet, au service des générations futures. La SCIC est donc, là encore, le seul statut qui participe pleinement d’un véritable développement durable. Paris, le 15 novembre 2005 25 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC L’association des usagers, des clients et des financeurs dans un projets d’intérêt collectif au service du territoire peut paraître ambitieuse, en particulier en France. Pourtant, à cet égard, les Italiens sont en avance sur nous. En effet, la coopérative sociale italienne existe depuis une quinzaine d’années et elle apporte une réponse appropriée à la politique de développement d’un certain nombre de services publics locaux. Henri LAURET La SCIC s’inspire-t-elle de l’exemple italien ? Sylvie NOURRY C’est le cas, en effet. Les promoteurs de l’outil SCIC se sont inspirés de l’exemple des coopératives sociales. Pourtant les Italiens vont bien plus loin, puisque les coopératives sociales sont prévues par la constitution italienne et inscrites dans la plupart des lois régionales comme le dispositif à privilégier pour le développement des territoires. Ainsi, quel que soit le domaine, si une coopérative sociale concourt à un appel d’offres, à projet équivalent, elle sera systématiquement retenue face à une entreprise classique. Cet exemple nous offre donc des pistes à explorer. Il convient notamment de continuer à sensibiliser les élus franciliens. Si nous devons nous inspirer de l’exemple italien, un long chemin nous reste à parcourir pour que la SCIC soit un outil privilégié du développement des territoires. Henri LAURET Merci pour votre plaidoyer. Jean-Pierre CAUME représente REVI +, une SCIC de la communauté d’agglomérations d’Angoulême. Cette communauté participe au capital de la SCIC. Peut-on évoquer un véritable partenariat ? Jean-Pierre CAUME Ma réponse ne peut pas être tranchée à ce point. La communauté d’agglomérations du Grand Angoulême connaît un équilibre politique fragile. Pourtant, lorsque nous avons défendu notre projet de transformation de notre association en SCIC, nous avons reçu un avis favorable unanime des élus communautaires, ce qui montre que la question de la SCIC ne provoque pas d’opposition idéologique. Tous ceux qui souhaitent développer une activité sur un territoire peuvent s’emparer de ce statut. Malheureusement, après un enthousiasme initial, nous avons été déçus. Les phénomènes évoqués plus tôt concernant le milieu culturel touchent également le monde du déchet. Il est important d’appeler les élus à travailler auprès des techniciens, de manière à acquérir une connaissance minimale de cet « ectoplasme » que constitue encore la SCIC pour beaucoup d’entre eux, qui considèrent trop souvent que la SCIC peut constituer une gêne dans la mise en œuvre de politiques publiques. Je trouve également dommage que certains de mes amis, élus, viennent s’informer auprès de moi de l’avancée de mes projets alors qu’ils devraient être les premiers au courant. Pour que nous soyons enfin reconnus et pour sortir du dialogue de sourds, les élus doivent s’emparer du statut SCIC et proposer qu’il fasse l’objet d’une formation à destination des techniciens des collectivités territoriales. Henri LAURET Cela ne tient-il pas au caractère inclassable de la SCIC ? Paris, le 15 novembre 2005 26 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Jean-Pierre CAUME Certes, la SCIC est inclassable, mais elle constitue avant tout un fabuleux outil, au service des territoires, pour apporter des réponses à des besoins insatisfaits ou imparfaitement satisfaits, en rassemblant des partenaires publics et privés. Parmi les partenaires de REVI +, on trouve une collectivité territoriale (la Communauté d’Agglomérations du Grand Angoulême), une CCI qui représente les usagers et des entreprises privées du secteur du déchet qui avaient refusé de s’engager auprès de l’ancienne association REVI +. Henri LAURET Comment les usagers réagissent-ils ? Jean-Pierre CAUME Leur réaction est très positive, car ils y trouvent leur compte. En effet, s’ils devaient se passer de notre prestation et payer la taxe additionnelle sur les déchets d’emballage, leur facture serait souvent quatre ou cinq fois plus lourde. Ainsi, l’un de nos clients, Maître Kanter, nous règle une facture annuelle de 8 000 ou 9 000 euros. S’il devait s’acquitter de la taxe additionnelle, sa facture atteindrait 35 000 francs. Henri LAURET Le bénéfice pour la collectivité est évident. Jean-Pierre CAUME C’est la raison pour laquelle nous invitons toutes les collectivités territoriales à appliquer le décret de 1994, faisait obligation aux professionnels de sélectionner et valoriser les déchets d’emballage et à mettre en place une redevance additionnelle pour les entreprises qui dépassent les volumes plafonds. Ainsi, les REVI + pourront se multiplier partout en France, Ile-de-France comprise. Henri LAURET Pierre-Yves CHANU, comment le syndicaliste voit-il la place des organisations syndicales au sein de la SCIC, dont nous voyons qu’elle peine à prendre sa place ? Pierre-Yves CHANU Je ne pourrai vous donner que le point de vue d’un syndicaliste CGT. La SCIC est un dispositif relativement récent, en devenir. Il est donc tôt pour en tirer des leçons définitives. En premier lieu, je crois que la SCIC peut être l’un des élément d’une boîte à outils pour le développement des territoires. En effet, un certain nombre d’idées nouvelles méritent d’être explorées pour répondre aux besoins sociaux de proximité et pour développer l’emploi. Dans ce cadre, le caractère multipartenarial de la SCIC est particulièrement intéressant. En outre, cet outil rentre dans le cadre général de la coopération. Du point de vue des salariés, il présente donc une problématique comparable à celle des SCOP. Ces structures n’ont pas vocation à être généralisées à l’ensemble des activités économiques, mais elles permettent une association des salariés à la prise de décisions. Paris, le 15 novembre 2005 27 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Je crois d’ailleurs que la question du champ d’extension possible de ce type de dispositifs est posée. Le film qui nous a été présenté montrait que la SCIC était utile pour répondre à un certain nombre de besoins de proximité. En revanche, je ne sais pas si la SCIC est apte à répondre à des besoins d’une ampleur plus large. Les partenariats public-privé, qui sont à la mode, ont été évoqués, mais ils concernent le plus souvent des projets très lourds. Est-il vraiment possible d’imaginer des grosses SCIC, capable de prendre en charge des projets très importants ? Henri LAURET Comment les syndicats pourraient-ils intervenir, au sein de grosses SCIC, telles que vous les évoquez ? Votre situation est-elle confortable, vis-à-vis de ce dispositif ? Pierre-Yves CHANU Les organisations syndicales sont habituées à vivre des situations inconfortables. De notre côté, nous savons prendre en compte des organisations importantes en termes de nombre de salariés, avec certaines limites. Lorsque c’est le nombre des parties prenantes qui est élevé, notre tâche s’en trouve complexifiée, effectivement. Idéalement, les structures de gouvernance doivent pouvoir permettre une discussion et la recherche d’un consensus. Un tel dialogue me semble d’ailleurs plus constructif que la décision de laisser le marché tout régler. Henri LAURET Emmanuel MAUREL, vous êtes conseiller régional, issu du PS. La SCIC peut-elle selon vous constituer un apport « démocratique », dans la gestion d’un service public ou d’intérêt collectif ? Emmanuel MAUREL Avant de vous répondre, je souhaite revenir sur certaines difficultés qui ont été évoquées, dans les rapports avec l’administration régionale. Nous entendons ces remarques. Les élus ne sont pas sourds aux expérimentations économiques qui sont conduites. Ainsi, il y a moins de six mois, cet hémicycle a voté quasi-unanimement une délibération créant une subvention pour l’appui à la création de SCOP ou de SCIC, d’un montant de 5 000 euros par structure créée, dans la limite annuelle de 30. La Région Ile-de-France n’est donc pas à la traîne, en matière de développement de ce type d’entreprises. Il existe certainement des difficultés, au sein de cette Maison, mais Jean-Marc BRULE a déjà évoqué le changement de culture qui est en train de s’y opérer. Encore une fois, les élus régionaux ne sont pas sourds. Ils sont même plutôt en pointe, sur ces questions. Nous accompagnons ces innovations, dans un mouvement qui va monter en puissance. Nous sommes des partenaires attentifs et soucieux du développement des SCIC. Il me semblait important de revenir sur ce point, même si je comprends les impatiences et que je reconnais certains dysfonctionnements. Pour répondre à votre question, je dirai que nous sommes sensibles non seulement à l’économie sociale et solidaire, mais également à tous les dispositifs qui peuvent contribuer à la diversification des politiques économiques. Il ne convient plus que nous demeurions dans un choix binaire : secteur public ou secteur privé. Je suis particulièrement attaché au secteur public et je me bats quotidiennement contre son démantèlement, mais en même temps, je reconnais que les dispositifs comme les SCIC apportent une diversification et un enrichissement. Par ailleurs, l’aspect démocratique de la SCIC nous paraît essentiel, en Paris, le 15 novembre 2005 28 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC particulier pour un outil qui est économiquement plus efficace qu’une association, tout en offrant davantage de garanties qu’une entreprise privée classique. En effet, la confrontation, au sein du conseil d’administration de la SCIC, des usagers, des collectivités locales, et des salariés, notamment, nous semble la garantie d’une forme de démocratisation progressive de la vie économique et sociale qui est au cœur de l’idéal des hommes et femmes de gauche. Jean-Pierre CAUME La surdité que j’évoquais n’est pas celle des élus, mais plutôt celle des techniciens, que j’invitais à se former sur les SCIC. Jean-Marc BRULE Il faut distinguer le « croire » et le « faire ». Ceci est valable pour chacun, élus, entrepreneurs et porteurs de projets. On peut croire un projet parfait, économiquement rentable et abouti, après, il faudra toujours le faire, malgré les entraves et les obstacles. En politique, nous sommes confrontés aux mêmes obstacles administratifs ou juridiques, à une certaine forme d’inertie. Pourtant, avec une volonté commune des collectivités locales (communautés de communes, départements, régions) et de porteurs de projet suffisamment nombreux dans le plus grand nombre possible de secteurs, les obstacles techniques seront contournés sans problème. Les personnalités qui y croient, élus et porteurs de projets, doivent se rencontrer. Il faut également rappeler que la délibération cadre qui vous a été présentée le 10 octobre dernier aux Assises de l’Economie sociale et solidaire et que nous allons voter le 15 ou le 16 décembre sera la plus ambitieuse de toutes celles votées par les régions françaises. Elle arrivera certes après d’autres délibérations comparables adoptées dans d’autres régions, mais elle sera très complète. Ainsi, elle comportera notamment certaines dispositions en matière d’accompagnement, de financement et d’aide au cofinancement, de communication et de sensibilisation qui seront très utiles à l’ensemble des projets. La SCIC présente également un point particulier : celui de l’actionnariat. Cette question est la plus sensible. Nous sommes en effet confrontés à une frilosité culturelle française, en matière de partenariat public-privé. Cet état de fait est difficile à vivre, pour les acteurs publics, qui ont du mal à partager certaines de leurs prérogatives avec le privé, comme pour les acteurs privés, qui ont été éduqués à gérer seuls leurs finances. Nous pensons cependant qu’il est possible de rassembler, autour de la même table, des acteurs publics, associatifs, syndicaux et individuels, avec des financiers, mécènes, business angels ou autres. En effet, ces derniers sont ponctuellement ouverts à des projets collectifs. J’ajoute que la SCIC n’exclut aucun type de financement, même si elle implique le respect d’un certain nombre de règles précises. Ainsi, toute personne physique ou morale qui souhaite investir des fonds dans un projet collectif est en mesure de le faire, à condition de s’astreindre au respect de règles de débat et d’organisation démocratiques. Du point de vue des financiers, d’ailleurs, les choses bougent : financiers citoyens, Cigales, banques de l’économie sociale. Du point de vue des collectivités, nous nous trouvons effectivement à la croisée des chemins. Il convient effectivement que les élus les plus mobilisés convainquent ceux qui le sont moins. En effet, la société a des besoins. En tout état de cause, le plus important travail de conviction qui reste à conduire concerne l’actionnariat. Nous nous battrons dans ce sens. Il existe des ouvertures. De mon point de vue, la Région Ile-de-France doit progressivement devenir Paris, le 15 novembre 2005 29 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC actionnaire d’une, puis de deux, puis de trois SCIC : l’effet médiatique et exemplaire sera très important. Marie-Pierre DIGARD Je souhaitais revenir sur Auto-Autrement, le service de partage d’automobiles évoqué par Sylvie NOURRY, organisé à Strasbourg. Il s’agit d’une association transformée en SCIC. Ce projet est basé sur la volonté d’utiliser les automobiles de manière plus rationnelle, et donc de diminuer leur utilisation. Un article consacré à cette SCIC souligne que l’automobile d’un particulier reste immobile, en moyenne, 92 % du temps. Ce service se situe donc aux confins du service public et de l’initiative privée. La plus-value de la SCIC tient à la confrontation des intérêts des usagers et des transporteurs. C’est pourquoi je crois que la ville de Marseille, si elle avait disposé d’une telle SCIC, n’aurait pas connu le blocage qu’elle subit actuellement. Débat avec la salle Sylvie MAYER, conseillère régionale Bien que mon mandat en cours à la Région soit le second, je suis convaincue de l’utilité sociale, économique et environnementale des SCOP et des SCIC. Je suis d’ailleurs responsable de ces questions auprès du Parti Communiste. Les élus régionaux entendent-ils bien la définition de l’utilité sociale telle qu’elle a été défendue plus tôt. Par-delà le soutien nécessaire aux activités en faveur des exclus et de l’environnement, par-delà les 150 000 euros d’aide prévus par le Conseil Régional Ile-deFrance, les élus sont-ils volontaires pour prendre des participations dans des SCIC de production ? En effet, à mon sens, c’est là que réside le cœur du problème : il faut que les territoires organisent un développement économique par la production, avec un accompagnement renforcé des élus, dans le cadre de SCIC. De mon côté, j’accompagne actuellement un projet de production agricole, dans le Sud de la France. Par ailleurs, j’aimerais savoir si vous avez réfléchi à un plan de développement des SCIC en Ile-de-France. Pensez-vous que l’Agenda 21 soit utile, dans ce contexte ? Jean-Marc BRULE Sur l’utilité sociale, nous prêchons des convaincus. Nous sommes tous convaincus que l’utilité sociale ne se limite pas à la pose d’emplâtres sur les gâchis de notre société. Il nous faut entendre l’utilité sociale dans son acception la plus large. Par ailleurs, je pense que la totalité des élus présents aujourd’hui est persuadée que la Région doit devenir actionnaires de SCIC, y compris de production. Malheureusement, d’autres élus doivent encore être convaincus, à cet égard. Il s’agit d’ailleurs moins d’une question de génération que de renouvellement de la vie politique. Il faut donc conserver l’espoir. Selon moi, un véritable plan de développement des SCIC ne pourra être envisagé qu’après que la Région ait commencé à devenir actionnaire de SCIC. En effet, il faut commencer à expérimenter une logique nouvelle avant de mettre en chantier un plan de développement. Paris, le 15 novembre 2005 30 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Pour l’heure, autour de Francine BAVAY, des idées sont évidemment explorées, mais il ne s’agit pas encore d’un plan de développement. Enfin, il faut rappeler que l’Agenda 21 est « mutualisé » avec la révision du schéma directeur de la Région Ile-de-France. Dans la mesure où nous devrons réfléchir à la création de services publics de proximité dans des territoires défavorisés où existe une véritable nécessité de développer des activités, les partenaires devront évidemment s’interroger sur l’opportunité de créer une SCIC pour répondre à ces besoins. Pourtant, la détermination d’objectifs d’égalité territoriale et d’aménagement du territoire est un préalable pour déceler les besoins en services publics de proximité. En tout état de cause, il faut faire comprendre que la SCIC est l’une des réponses disponibles pour le développement de services publics, avec des partenaires publics ou privés. Gérard SALKOWSKI Je représente la CGT. La subordination du monde association à l’action sociale a été évoquée, plus tôt dans le débat. Du fait de son mode de financement, le secteur associatif se trouverait de fait sous tutelle publique. Pour la SCIC, il convient absolument d’imaginer une évolution du partenariat, afin qu’il ne soit pas uniquement concentré sur des critères de financement. Il faut effectivement que l’ensemble des acteurs puisse s’interroger ensemble sur la démocratisation de la prise de décisions, la solidarisation des ressources vers un but collectif, et la maîtrise des excédents. L’exemple des coopératives italiennes a été évoqué. Pourtant, j’ai l’impression qu’aujourd’hui, le service public et le secteur privé ont été évoqués sans que ne soit clairement défini le fondement de la SCIC. En d’autres termes, il existe un statut public et un statut privé, mais il n’existe pas véritablement de reconnaissance d’un concept nouveau qui pourrait être défini comme « l’entreprise sociale » et qui recouvrirait notamment la SCIC. J’aimerais en effet savoir comment le multipartenariat et le multisociétariat intègrent des caractères démocratiques, en matière de prise de décision, mais même vis-à-vis des buts de la SCIC. En outre, je tiens à dire que le champ associatif est confronté à la question du rapport de l’emploi qualifié et de la réponse adaptée aux besoins. Cette question est également valable pour les SCIC : seuls des emplois qualifiés permettent des réponses de qualité. Alix MARGADO Certaines distinctions sémantiques sont importantes. Le multipartenariat et le multisociétariat sont deux concepts différents. Le multipartenariat implique des relations avec un grand nombre d’acteurs, à l’échelle du territoire. Le multisociétariat concerne les acteurs qui peuvent prendre des parts sociales, au sein de la SCIC. Ensuite, il convient de rappeler que la définition juridique de la SCIC évoque l’intérêt collectif et l’utilité sociale, mais ni l’intérêt général, ni l’utilité publique. Ainsi, la SCIC n’est pas strictement prévue pour le champ des services publics. Elle n’est pas non plus définie comme un outil de la politique publique : la part de capital des collectivités publiques au sein d’une SCIC donnée ne peut dépasser 20 % du total. La SCIC est bien une entreprise privée. Ainsi, certaines idées nées dans la sphère publique, qui feraient l’objet de très bons projets de partenariats public-privé, sont actuellement au point mort, faute d’un PDG ou d’un gérant qui Paris, le 15 novembre 2005 31 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC épouse et porte le projet dans la sphère privée. La SCIC n’est pas prévue comme une miniSEM (société d’économie mixte). La SCIC peut répondre à des actions de partenariat dans le cadre d’une politique publique, mais dans une position différente de celle des SEM. Dans la mesure où le pouvoir s’y exprime en assemblée générale, il est bien plus difficile d’instrumentaliser une SCIC qu’une association. La SCIC ne pourrait donc pas devenir le bras armé d’une collectivité. Toutefois, il est impensable qu’une SCIC prétende s’intéresser à l’intérêt collectif d’un territoire si elle ne se préoccupe pas de la politique publique de ce territoire. Si les SCIC sont des entreprises privées, je suis ravi que les élus souhaitent participer à leur développement. Pour autant, ce développement ne tient pas à ces seuls élus, même si leur implication est bienvenue. Le développement des SCIC tient avant tout aux SCIC ellesmêmes. Je souhaitais également revenir sur le problème de l’emploi qualifié. Un simple changement de statut n’a pas d’influence sur cette question. L’emploi peut être très qualifié dans certaines associations, et insuffisamment qualifié dans certaines SCIC. Pourtant, si la SCIC souhaite être reconnue d’intérêt collectif et d’utilité sociale, elle devra prouver la qualité de ses services. Bruno GALARATI Je représente US91. Depuis l’origine, je pense que la SCIC est un outil important pour le développement des territoires. Elle permet de mettre en place des synergies, à l’échelle d’un territoire, autour d’un projet commun. L’économie sociale et solidaire a pour vocation de répondre à des besoins qui ne sont pas remplis par le service public, mais qui ne sont pas forcément rentables. La SCIC est un outil de l’économie sociale et solidaire. Elle a donc aussi pour vocation de répondre à des besoins qui ne sont pas rendus par le service public. Lors des dernières Assises de l’Economie Sociale et Solidaire, des indicateurs avaient été évoqués, qui devaient permettre d’évaluer l’utilité sociale de tel ou tel projet. A mon sens, toutefois, cette notion est à double tranchant et je pense que la plus-value sociale et environnementale des projets reste à être mesurée. Ainsi, dans la SCIC, entreprise marchande, la plus-value sociale ou environnementale n’est pas valorisée dans le chiffre d’affaires. Ainsi, on finance du marchand, mais pas l’intérêt général de SCIC. Pourtant, si elle se met en place, c’est qu’elle répond à un besoin insatisfait. Une synergie doit donc être mise en œuvre entre acteurs associatifs, financiers, politiques, et économiques, et elle doit répondre à un projet commun, dans le sens du développement durable. Selon moi, c’est là que le bât blesse. En effet, comment imaginer les SCIC dans 40 ans ? Comment concevoir aujourd’hui un outil de développement économique pour les 40 années à venir ? Comment prendre en compte le changement de paradigme auquel nous allons être confrontés. La SCIC ne pourrait-elle pas constituer un outil de premier plan, dans le cadre de cette évolution ? Quand pourrons-nous mettre en place des indicateurs, permettant véritablement d’évaluer l’utilité sociale des projets, et susceptibles d’être intégrés au chiffre d’affaires des SCIC pour en vérifier la rentabilité ? Paris, le 15 novembre 2005 32 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Henri LAURET Comment mettre en place des moyens d’évaluation ? Alix MARGADO Il existe à cet égard des moyens multiples. Cependant, pour les SCIC, nous n’avons pas souhaité mettre en place de tels moyens d’évaluation. Au moment de rédaction de la définition juridique de la SCIC, il a été délibérément décidé de ne pas préciser les notions d’utilité sociale et d’intérêt collectif. Pourtant, il a été précisé que les SCIC n’étaient pas les seules responsables de la définition de leur acception de l’utilité sociale ou de l’intérêt collectif. Tous les partenaires à venir devaient effectivement participer à la définition évolutive de ces notions. Les définitions claires peuvent sembler souhaitables, mais il convient surtout de situer l’utilité sociale et l’intérêt collectif de la SCIC non pas dans son activité, mais dans son mode d’organisation. Cela a été rappelé plusieurs fois. A mon sens, en effet, l’avenir de la SCIC tient à une démocratisation progressive. Je ne sais pas si les SCIC qui existent aujourd’hui se maintiendront pendant 100 ans sous la même forme. Certaines SCIC, répondant à des besoins non satisfaits, pourraient devenir des SCOP. D’autres SCIC, qui visent davantage le développement des territoires, pourraient évoluer autrement : elles pourraient conserver le statut SCIC, mais produire des fraises, au lieu de cacahuètes aujourd’hui. Sylvie NOURRY Les problèmes qui sont soulevés ici ne sont pas spécifiques à la SCIC. Ils sont communs à toute l’économie sociale et solidaire. En outre, la SCIC n’apporte pas seule de réponses à l’ensemble de ces questions. Ces questions sont d’autant plus importantes que le plan Borloo permet à des entreprises privées d’arriver en masse sur les secteurs privilégiés de l’économie sociale et solidaire. Aucun statut ne permet de répondre seul aux questions de l’intérêt collectif ou général. Nous sommes donc face à un grand nombre de chantiers en cours. Nous travaillons également sur l’outil de la révision coopérative, auquel nous souhaitons intégrer des critères permettant de mesurer les caractères d’utilité sociale et collective. Jean-Pierre CAUME Le meilleur moyen pour que les SCIC existent encore dans 40 ans, c’est qu’elles soient rentables aujourd’hui. C’est d’ailleurs ce que me demandent les actionnaires de ma SCIC, pour qui la rentabilité assure la pérennité. C’est pourquoi nous aurions tort de la négliger. En effet, cela a été dit, certains grands groupes commencent à prendre position sur nombre de secteurs, comme celui du déchet, où ils deviennent omnipotents. Sur certains territoires, dans ce secteur, il n’existe plus qu’un seul interlocuteur, ce qui implique à court terme pour les usagers un accroissement des coûts liés au déchet. A cet égard, une politique publique économique des territoires doit permettre de préserver une diversité et une concurrence. Les monopoles, en effet, doivent être évités, pour empêcher qu’un seul acteur ne s’accapare le pouvoir. Dans ce cadre, la SCIC, si elle est rentable, est un outil de premier plan. La rentabilité, en effet, n’est pas l’ennemie de la non-lucrativité et elle n’empêche pas l’innovation. Paris, le 15 novembre 2005 33 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Madame TATICHE Sur le secteur de la culture en particulier, je souhaitais proposer un indicateur : le taux de bonheur ajouté. Les résultats peuvent être mesurés sur les dimensions humaines, économiques, techniques des projets, mais les œuvres artistiques apportent également des effets sur l’environnement, qui dépassent sûrement les simples applaudissements. Gérard SALKOWSKI Qui détermine l’utilité sociale ? Comment se concrétise-t-elle ? Comment est-elle valorisée ? La notion d’intérêt général doit également être revisitée, ce qui va induire des questions sur le pilotage des partenariats. Dans la mesure où le service public ne peut pas tout gérer, certaines questions restent en suspens, notamment dans le secteur de la proximité. Dans ce cadre, effectivement, la SCIC peut s’inscrire. J’ajouterai que l’économie sociale peut être l’un des facteurs de renouveau du secteur public. Sylvie NOURRY Je tenais à préciser que du point de vue de la SCIC, le partenariat des collectivités locales n’implique pas nécessairement la participation de ces dernières au capital de l’entreprise. A ce titre, grâce aux SCIC, les collectivités locales peuvent favoriser un certain nombre d’activités à but social ou de services public, sans en détenir toutefois l’initiative ou le portage. Michel SUDER La SCIC est un bel outil d’économie mixte. Pourtant, sur le terrain, les collectivités locales sont absorbées par la nécessité de ne pas alourdir leurs charges, et les communes recourent à la sous-traitance de plus en plus largement. Il n’existe pas en revanche de réflexe pour s’inscrire dans une nouvelle construction économique. Il faut effectivement savoir qui prend l’initiative, au niveau local. Le regroupement des communes induit souvent une forme de mutualisation, où des services exercés individuellement sont regroupés, mais il n’implique pas forcément de penser différemment. Pierre-Yves CHANU Je voudrais revenir sur quelques points qui ont été abordés. L’intérêt de l’outil SCIC est qu’il répond à des besoins non satisfaits. Dans la tradition française, voilà deux siècles que nous nous interrogeons sur l’intérêt général. Il sera au moins aussi difficile de déterminer ce qu’est l’utilité sociale, et d’intégrer les citoyens à cette notion. Il faut s’interroger sur le modèle économique de la SCIC. En premier lieu, c’est une société, elle doit donc équilibrer ses comptes. Elle doit pouvoir se développer, ce qui implique qu’elle dégage une marge qui lui permette d’investir. De ce point de vue, la règle qui impose à la SCIC le réinvestissement de 57,5 % de son résultat est bienvenue. Toutefois, je m’interroge toujours sur la capacité d’une SCIC à porter un projet de grande ampleur. En effet, dans ce cadre, il conviendra d’évaluer précisément les besoins de chacun des partenaires en termes de rendement, au-delà du strict équilibre financier. De mon point de vue, en tout état de cause, la SCIC me paraît limitée en termes d’attractivité vis-à-vis d’acteurs purement privés dont les exigences de rentabilité sont largement supérieures à celles qui peuvent être attendues de structures coopératives. Paris, le 15 novembre 2005 34 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Jean-Pierre HAUGUEL Ancien responsable du marketing de cette entreprise, je souhaitais évoquer la privatisation d’Aéroports de Paris (ADP), qui concerne non seulement Paris mais la région parisienne tout entière. Il y a un an, j’avais signalé l’existence du statut SCIC, qu’il me semblait pertinent d’étudier dans le cadre de cette privatisation d’ADP. Je n’ai pas obtenu de réponse et il semble que la perspective de transformation d’ADP en SCIC n’ait pas été étudiée à l’échelle de la Région. Pourtant, multipartenariat et multisociétariat auraient pu être étudiés. J’ai également tenté, sans succès, de convaincre le conseiller économique du Maire de Paris. Serait-il pourtant possible d’imaginer, par le biais d’une SCIC, une privatisation qui préserve la capacité d’autofinancement de l’entreprise ? En effet, la SCIC me paraît tout à fait adaptée à ce genre de problématique. Jusqu’à présent, ADP était financée par l’épargne populaire à bas prix. Il s’agit d’une entreprise de 8 000 salariés, dont l’utilité collective est évidente pour le bassin d’emploi. Je souhaite donc savoir s’il serait concevable de la privatiser sous forme de SCIC. Vanessa JEROME Je souhaitais revenir sur les indicateurs. En premier lieu, je souligne qu’il est impossible de définir complètement un critère objectif, objectivé ou objectivant… En outre, les indicateurs, connus ou cachés, comme les critères d’intervention, positifs ou en creux, existent toujours. Lors du travail sur la politique d’économie sociale et solidaire, la Région a défini des critères personnels, qu’elle entend soutenir politiquement : la création d’activité et d’emploi sur le territoire ; la constitution de solidarités territoriales ; la création d’une dynamique multiréseaux et responsabilisante pour les acteurs. Une autre question se pose, sur les critères d’attribution des subventions. A cet égard, nous vérifions l’ancrage territorial des projets et leur capacité à créer de l’activité et des emplois. Ensuite, nous réalisons une étude combinée et globale de la forme juridique des structures, de leur utilité sociale et du contenu des activités. Ainsi, je ne crois pas que le Conseil Régional soutiendrait une SCIC qui fabrique des armes. Une autre question se pose, sur les critères d’attribution des subventions. A cet égard, nous vérifions l’ancrage territorial des projets et leur capacité à créer de l’activité et des emplois. Ensuite, nous réalisons une étude combinée et globale de la forme juridique des structures, de leur utilité sociale et du contenu des activités. Ainsi, je ne crois pas que le Conseil Régional soutiendrait une SCIC qui fabrique des armes. Nous soutenons également l’émergence de filières intégrées régionales. Enfin, sur la question des indicateurs, la Région a mis en place un groupe de travail, piloté par la Mission d’Information et de Prévention pour l’Exclusion Sociale (MIPES) sous la responsabilité de Francine BAVAY et Claire VILLIERS, Viceprésidente à la démocratie régionale. Ce groupe doit créer des indicateurs d’un type différent de ceux que nous utilisons traditionnellement, sur le modèle des indicateurs IDH ou PNUD, notamment. Nous devrions obtenir un rapport sur ce sujet au premier semestre de 2006. De la salle Je voulais revenir sur le taux de rentabilité du sociétariat. Dans notre société coopérative, celui-ci ne dépasse pas le TMO : 4,5 %. Un acteur privé doit l’accepter, lorsqu’il s’engage sur ce secteur. Paris, le 15 novembre 2005 35 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Jean-Marc BRULE Le débat a été très riche. Je tenais encore à dire que je ne fais pas de confusion entre entreprise publique et service public. Ce qui m’importe est que pour des objectifs sociétaux justes, mais qui ne sont pas des missions de service public – production de panneaux solaires, par exemple – la SCIC soit envisagée en premier. En effet, pour l’heure, la plupart des panneaux solaires disponibles en France vient d’Allemagne. Pour les missions de proximité, comme la préservation du paysage où la prévention des pollutions, il existe un contenu d’utilité publique. Dans ces domaines également, je souhaite que des SCIC se développent. Face à cet état de fait, l’élu doit manifester sa volonté de développer des SCIC apportant des réponses aux besoins publics des citoyens, dans les domaines sociaux et environnementaux. Existe-t-il des porteurs de projets prêts à s’engager sur ces voies, à Melun-Sénart, à Persan Beaumont ou ailleurs ? Ils devront trouver des élus et des collectivités, pour les soutenir et éventuellement rentrer au capital de leurs SCIC. Paris, le 15 novembre 2005 36 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Conclusion Claude OREJA Délégué de la fondation MACIF Permettez-moi de vous présenter les excuses du Président PHILIPPE, retenu par un conseil d’administration très important. Nous sommes dans un cercle d’initiés et de connaisseurs ou au moins, de personnes intéressées au sujet de l’économie sociale et solidaire. Malgré tout les débats ont été vifs et nous n’avons pas épuisé le sujet. Il me semble important, tous ensemble, de passer un seuil. Nous comptons aujourd’hui 70 SCIC, mais demain il en existera 75. Avant de pouvoir tirer des conclusions sur les SCIC et les possibilités qu’elles offrent, en dépassant nos sensibilités, il conviendra d’avoir fait la preuve de la preuve de la pertinence de ce statut. Depuis l’origine, avec la SCOP et la DIES, la Fondation MACIF accompagne ce statut et tente de contribuer à l’émergence de projets. Dans ce cadre, nous nous heurtons à des difficultés, comme celles qui sont liées à la question des prescripteurs, par exemple, qu’il n’est pas simple de résoudre. Je tiens d’ailleurs à dire aux élus et à Jean-Marc BRULE que les porteurs de projets se comptent en grand nombre, sur tous les territoires. Or les différents prescripteurs que rencontrent ces porteurs de projets leur conseillent des statuts différents, de la SARL à l’association, entre lesquels ils peinent à se retrouver. Or ni la SCIC ni la SCOP ne leur sont proposées. Sur cette question, un véritable débat doit être mené. Alix MARGADO a bien souligné la différence importante qui existe entre le multipartenariat et le multisociétariat. Ainsi, nous sommes partenaire des SCIC, sans être leur sociétaire. Nous intervenons sous forme de subvention, d’aide au démarrage, et parfois grâce à des partenaires comme l’Inter Réseau SCIC, l’AVISE ou la filière pierre. Nous cherchons de moyens de favoriser l’émergence de SCIC. Je tiens à préciser que notre but n’est pas purement philanthropique. Nous nous sommes engagés car, politiquement et intellectuellement, la SCIC correspond à nos valeurs. Nous nous trouvons dans une famille, qui doit partager les mêmes notions et avancer dans le même sens. J’ai été surpris des débats qui ont opposé le marchand au non-marchand, et parfois stigmatisé le marché. Le marché n’est pas pervers en soi. Tout est dans l’utilisation qui en est faite. Le fait de gagner de l’argent n’est pas pervers en soi. Il faut donc préciser la notion de nonlucrativité : il s’agit d’utiliser différemment les fonds acquis dans l’exercice d’un ou plusieurs métiers. Il s’agit de voir l’argent comme un moyen, non pas comme un but. Il ne faut pas rester dans des débats stériles, sur ce sujet, mais avancer ensemble, aider les SCIC qui se lancent et structurer un réseau de soutien. Si, dans cinq ans, nous renouvelons le débat sur les SCIC et que 500 d’entre elles ont été créées, ce débat aura davantage de relief et les indicateurs qui y sont évoqués tiendront davantage de la statistique que de l’anecdote. Paris, le 15 novembre 2005 37 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Clôture Marie-Geneviève LENTAIGNE Vice-présidente de l’URSCOP Ile-de-France Je souhaite excuser notre Président Jacques LANDRIOT, que je représente ce soir. A l’heure où ce forum a été organisé, nous n’avions pas encore vécu la révolte de la jeunesse des banlieues de ces derniers jours. Existe-t-il un lien avec nos débats d’aujourd’hui ? Il me semble que si la SCIC ne peut être la structure-miracle qui résout tous les gâchis sociaux de notre société, notre forum a montré qu’elle tente de répondre à certains des besoins de partage, de coopération, de répartition plus égale des richesses qui se sont exprimés ces derniers jours. Les citoyens de notre pays s’interrogent depuis déjà longtemps sur le mode d’organisation économique, sur notre modèle de développement et sur la place qui y est accordés aux hommes et femmes. Au cours de l’histoire sociale, les premiers coopérateurs, les premiers mutualistes, les premiers militants associatifs, ont essayé d’apporter des réponses à ces questions fondamentales qui conditionnent l’avenir de nos jeunes et des générations futures. Les précurseurs de l’économie sociale ont ainsi impulsé, un nouveau modèle d’organisation, associant les hommes à leur devenir professionnel, sur la base d’une personne, une voix. Ce modèle d’organisation leur a permis d’accéder à l’emploi, de répartir équitablement les fruits du travail, de bénéficier d’une meilleure protection sociale, et d’accéder à des conditions avantageuses aux besoins de consommation. C’est sur ces valeurs de démocratie, de solidarité et de responsabilité que nous avons construit la coopérative d’intérêt collectif. Elle répond à de nouveaux besoins et à l’organisation d’une gouvernance participative plus ouverte et plus sociétale. Ce nouveau statut s’adresse notamment aux collectivités locales, qui dans le cadre de leurs nouvelles responsabilités, peuvent organiser autrement la gestion des certaines de leurs activités dans le champ des nouveaux services pour les concitoyens. Le débat a montré combien il est nécessaire de faire connaître ce statut auprès de ces acteurs territoriaux essentiels que sont les fonctionnaires et les élus. Ce nouveau statut s’adresse également à une partie du secteur associatif, gestionnaire traditionnel d’activités et de services dans les domaines sanitaire et social, et qui sont en recherche d’un mode d’organisation plus adapté aux nécessités professionnelles et plus participatives. Associer aujourd’hui usagers, salariés, financeurs, bénévoles, collectivités locales autour d’un même projet économique et d’utilité sociale, au service d’un développement local plus harmonieux, au plus près des préoccupations des populations, en particulier les plus démunies, relève d’un projet social ambitieux. Nous l’avons largement constaté aujourd’hui. Mettre en place des SCIC c’est tenter de redonner du sens à l’économie. C’est participer au débat, largement évoqué, sur l’intérêt général et l’utilité sociale, et dont notre société a tellement besoin. La SCIC est un simple outil, mais dont il faut s’emparer. Il s’agit de l’outil que nous vous proposons pour relever une part des défis auxquels nous souhaitons répondre. Tous mes remerciements vont au Conseil Régional pour son soutien dans l’organisation de cette manifestation et pour les aides qu’il a décidé d’accorder à l’Union Régionale, pour le développement des coopératives et des SCIC. Je remercie également l’ensemble des Paris, le 15 novembre 2005 38 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC partenaires qui ont contribué à l’organisation de cette journée. Au nom de l’économie sociale et au nom de tous les coopérateurs, je tiens à vous remercier d’avoir consacré de votre temps pour participer à cette conférence. J’espère qu’elle vous aura apporté information et motivation pour promouvoir ce nouvel outil, le faire connaître, au service d’une société plus juste et plus fraternelle. Bref, de contribuer au taux de bonheur ajouté. Vanessa JEROME Représentante de Francine BAVAY Francine BAVAY ne pouvait pas être ici aujourd’hui, mais le Conseil Régional était très heureux de vous accueillir. A l’issue de ces débats, parlant de la Région et des SCIC, on pourrait dire : peut mieux faire. C’est également le cas, plus généralement, en matière d’économie sociale et solidaire. Je tiens donc à réaffirmer la volonté de la Vice-présidente et de l’exécutif régional de s’engager auprès des acteurs de l’économie sociale et solidaire. La délibération qui nous d’agir en partenariat avec les SCIC a été plusieurs fois mentionnée. Pourtant, depuis 2003, notre action ne s’est pas limitée à cette délibération : partenariats avec l’ADI et avec France Active, notamment sur le thème du commerce équitable. Nous nous sommes également engagés dans le programme européen EQUALSOL, avec la MACIF et Chèque Déjeuner. Je peux également vous apporter un indicateur budgétaire. Sous l’ancienne mandature de la Région Ile-de-France, l’économie sociale et solidaire disposait d’un budget inférieur à un million d’euros, dont moins de la moitié a été dépensée. Cette année, nous avons consacré 5 millions d'euros à l’économie sociale et solidaire, pour un taux d’exécution qui approche 90 %. La proposition budgétaire que présentera Francine BAVAY à la fin de l’année portera sur près de 10 millions d'euros. Je ne vous donnerai pas de détail sur la délibération cadre. En effet, elle ne sera votée par les élus que les 15 et 16 novembre. Je peux toutefois dire qu’elle affirme la volonté d’ancrer l’économie sociale et solidaire dans l’action régionale comme une politique économique à part entière. Concernant les SCIC, la délibération cadre propose quatre orientations principales. Il s’agit en premier lieu de faire connaître les SCIC ; c’était l’objet de cette conférence, et c’est encore indispensable, car le statut est méconnu. Il faut donc sensibiliser les élus, les fonctionnaires, les syndicats, les têtes de réseaux et les porteurs de projets. Tous les projets d’entreprises ne se réalisent pas, car ils impliquent un véritable parcours du combattant. Il s’agit ensuite de l’accompagnement au développement des SCIC. L’ensemble des dispositifs qui, nous l’espérons tous, sera voté dans un mois, sera ouvert aux SCIC et aux SCOP. Il s’agit également de soutenir le développement de l’emploi et de l’activité dans des filières porteuses (environnement, services à la personne, services à la culture, promotion de l’entreprenariat social). Comme Jean-Marc BRULE l’a souligné, il est prévu de réfléchir à la possibilité d’engager le Conseil Régional auprès de SCIC considérées d’intérêt régional et participant au développement durable et solidaire de l’Ile-de-France. Certaines actions transversales ont également été mentionnées. En effet, dans le cadre de l’ARF, il doit être possible de travailler sur la question des SCIC. La Région Ile-de-France pourrait soutenir une telle initiative. Paris, le 15 novembre 2005 39 SCOP Conférence sur la promotion des SCIC Pour la Région, faire le pari des SCIC, c’est prendre le risque de répondre à des besoins essentiels non satisfaits, de créer des emplois qualifiés, pérennes et non délocalisables et de développer des dynamiques positives de développement des territoires. Il faudrait être sourds pour ne pas oser. Paris, le 15 novembre 2005 40