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Actes 14/21-27 ; Apocalypse 21/1-5 ; Jean 13/31-35
Notes homilétiques
Alphonse MAILLOT
Je suis qui je serai — Notes homilétiques sur les trois lectures dominicales pour les
dimanches et fêtes de l’année C [Carême – Semaine sainte – Temps de Pâques –
Ascension – Pentecôte – Trinité (18 dimanches et fêtes)]. Mission Intérieure de
l’Eglise Evangélique Luthérienne, 1991 (p. 113-121).
4° dimanche après Pâques
ou 5° dimanche de Pâques
Actes 14/21-27
Paul et Barnabas continuent leur périple, après avoir manqué d'être adorés comme des dieux
(à leurs cœurs et foi défendant : 14/11-12) ; au moins Paul a été lapidé, mais il en a réchappé de
justesse, et les deux compères descendent à Derbes, puis repassent à Lystre, Iconium et Antioche de
Pisidie (prendre ici une carte de l'Asie Mineure). Arrivés à Antioche, ils renforcent, par leur
prédication, le courage (la psyché, en grec) des disciples, qu'ils invitent, encouragent et exhortent à
bien approfondir leur foi (mot à mot « (s')établir dans la foi ») : au v. 22, il est net que le mot « foi »
commence ici à désigner le contenu plutôt que le « mouvement » de la foi... Rien de plus normal,
à la condition que le contenu (la confession) de la foi ne remplace jamais son mouvement, sa
« dynamique » ; quoique la suite du récit démontre combien, pour Paul et Barnabas, cette
dynamique l'emportait encore. En effet, le résumé de leur prédication tranche avec ce qui a
précédé : affermir, encourager, consoler..., car cet encouragement et cette consolation reviennent à
dire : « Il nous faut, avant et afin de parvenir au Royaume de Dieu, traverser beaucoup de
détresses... ». Curieux encouragements et curieuses consolations que ceux-ci, qui cependant
rappellent les nombreux : « Il me faut... » de Jésus (Matthieu 16/21 et parallèles, etc…, et on
relèvera en particulier le merveilleux Luc 19/5...) où celui qui ne devrait pas connaître la nécessité,
les « il faut », s'y soumet, comme nous nous y sommes soumis, mais afin que nous puissions nous
affranchir de certaines (pas encore de toutes) nécessités : la peur des détresses, par exemple, même
si, loin d'être libérés de ces dernières, nous devons (ou devrions ?) en connaître plus encore.
En tout cas, ces « détresses » étaient « monnaie courante » pour les chrétiens d'alors (cf.
épîtres de Jacques, de Pierre, de Paul... l'Apocalypse ; à les lire, il semble bien que l'Eglise d'alors
courait d'épreuves en épreuves) (v. 22).
Après cette rude et ferme prédication (loin d'être à l'eau de rose), les deux comparses
distinguent dans chaque Eglise, des Anciens (il est probable qu'il faut comprendre qu'ils confirment
dans leurs fonctions ceux que chaque Eglise avait nommés à sa tête ; il me semble, en effet, qu'il
s'agit plus d'une approbation-confirmation que d'un choix autoritaire : le verbe signifie « lever la
main pour approuver »). Cette nomination (?) prouve en tout cas que, dès le début (surtout à cause
des passages éclairs de Paul), l'Eglise eut besoin d'autorités (avec a minuscule !) pour empêcher les
dérives et pour se savoir responsable de tous. On n'oubliera pas, de plus, qu'on ne disposait pas
encore du Nouveau Testament, mais de la seule Torah, qui risquait d'entraîner ses lecteurs vers un
légalisme mortel (ce n'est pas pour rien que l'épître la plus violemment antilégaliste : l'épître aux...
Galates, fut assez probablement adressée à ces Eglises). Au v. 23, on lira plutôt qu'« ils
confièrent » : « Ils remirent au Seigneur ceux qui avaient cru en lui ».
Certes, il est probable que les Actes n'entendent pas faire une biographie précise et
minutieuse, mais je suis cependant ébahi par la « rapidité » de l'apôtre qui crée (ou le Seigneur crée
par lui) des Eglises, enseigne, nomme, prie, jeûne et part en disant au Christ : « Maintenant je te les
remets... ! ». Et... « Au revoir, les amis ! ». Notre familière prudence missionnaire « en prend un
coup » sérieux (v. 23).
Pour la suite (v. 24-25), on reprendra la carte, et on constatera le retour à la case-départ :
Antioche de Syrie (cf. 13/2-3). On notera avec un sourire que, si en 13/2, il est question de
Barnabas et Saul (id. en 13/7), il semble bien qu'à partir de 13/13 (et peut-être 13/9), il soit question
de Paul et Barnabas, ce qui sera plus clair en 15/36-40, où l'on assiste à l'un de ces conflits de
personnes qui me tranquillisent à propos de l'Eglise contemporaine.
En tout cas, pour l'instant, les deux voyageurs (de l'Evangile), après avoir bien rempli leur
mandat (v. 26), viennent raconter à l'Eglise réunie (littéralement « synagoguée » !) par eux, « ce
que Dieu a fait avec eux » ou « avait fait en les accompagnant ».
C'est la belle image de la porte de la foi que Dieu a ouverte aux non-Juifs (v. 27) ; la cité de
Dieu n'est plus close en citadelle sacrée et interdite, en ghetto replié sur lui-même, mais elle est
ouverte à tous vents (même ceux de doctrine !). La cité de Dieu accepte désormais le risque des
« courants d'air » où il faut savoir prendre le risque de s'enrhumer. Elle devient ce « moulin » dont
nous avons souvent si peur. C'est que l'Amour de Dieu est lui-même ouvert. Dieu se risque, lui
aussi, à prendre froid !
Que nos Eglises aux portes de prison, si souvent closes, avec des gros clous (pas seulement
matériels) rébarbatifs, en prennent ici un peu de... graine ou de « semences », si on me le permet.
Pardonnez-moi aussi si je dis qu'il faut cesser de donner à nos Eglises l'allure de « maisons closes »
avec des clients attitrés, afin de les ouvrir à tout venant !
Apocalypse 21/1-5
Nous devons nous remémorer ici l'avertissement paulinien de 1 Corinthiens 13/9-12, quand il
nous rappelle que « notre connaissance est partielle, que ce que nous pouvons dire (du salut) n'est
que partiel (et partial), que nous sommes encore des tout-petits qui babillent, bafouillent et
balbutient à propos d'un monde « adulte », et dont nous ne voyons que d'insaisissables images »
quand nous parlons du Royaume en particulier. Ce ne sont et ne seront, jusqu'au dernier jour, que
des manières approximatives, partielles, et j'y reviens, donc partiales, pour essayer de dire quand
même ce qui dépasse infiniment nos intelligences, nos mots, a fortiori nos idées. Ici, Jean n'échappe
pas, même s'il est en extase, à cette relativité, à cette limite quand il parle de ce qui arrive à la fin
des temps (et en le lisant, nous renforçons cette relativité). C'est pour l'avoir oublié qu'on a souvent
perdu de vue que ce Royaume de Dieu n'était pas une cité humaine à la puissance 10 ou 100 ou...
même 1 million ; mais une Cité que nous ne pourrions même pas décrire, saisir (et encore moins
construire) ; et cependant une Cité que Dieu nous fait la grâce de pouvoir évoquer. Ce qui est dit
ici n'est donc pas à prendre pour des images adéquates, mais pour des « tremplins... d'admiration »
et d'adoration. C'est une évocation, ce sont de lointaines indications. Mais, répétons-nous bien, il
faut se garder de voir là des réalités précises (comme ces sectes qui nous décrivent la villa...
américaine avec douze pièces et piscine... — même s'il n'y a plus de mer — qui nous attendent au
Royaume... si, bien entendu, vous les aidez... à construire leurs vingt-quatre pièces ici-bas !).
D'ailleurs, Jean prévenait : « C'est nouveau, tout sera nouveau ». Le malheur est pour nous
que « nouveau » = (seulement) restauré, replâtré, refait en mieux sans doute, mais alors ce n'est
jamais que du néo-ancien (Qohélet ou l'Ecclésiaste nous avaient prévenus). « Nouveau » dans la
Bible, c'est ce que nous ne pouvons ni faire ni même imaginer. C'est « autre », et même « tout
autre » (1 Corinthiens 15/39-41 ; et cf. aussi le malentendu entre Jésus et Nicodème en début de
Jean 3). Que ceci soit très clair : il y aura à la fin un tout autre ciel et une toute autre terre (d'un
autre ordre, dit la TOB). Et tout ce que nous pouvions en connaître par la terre où nous vivons et
par le ciel que nous voyons, aura disparu. Et même il n'y aura plus de mer...
Ici, pour comprendre la disparition de ce lieu de délices (?) pour maints estivants, il faut se
souvenir de tous ces mythes anciens où la Mer (personnifiée souvent par la déesse Tiamat)
représentait les forces d'anéantissement et du chaos qui cherchaient à faire disparaître l'œuvre de
Dieu. Certes, Dieu vaincra la mer et ses acolytes, tel le Léviathan : Genèse 1 ; la fin du Déluge, la
sortie d'Egypte. Certes, il a mis des frontières à la Mer (Proverbes 8/29, Job 38/8-11 où, dans les
deux cas, le phénomène des marées est interprété théologiquement) ; et la Mer ne manquera pas de
se révolter contre le Christ et ses disciples (Marc 4/35-41 et parallèles) ; tandis que Jésus la matera,
voire même marchera sur elle (Marc 6/45-52 et parallèles), cette Mer et les puissances maléfiques
qu'elle symbolise n'ont pas été détruites, mais simplement enchaînées avec un strict domaine
réservé, dont elles ne peuvent déborder, même si parfois elles paraissent pourtant se déchaîner.
Dans le Royaume, tout cela, et donc en particulier toutes ces puissances de chaos et de
négation, auront disparu. Ce ne sera plus ! Et cela nous est très difficile à imaginer. Précisément
l'imaginer reviendrait à laisser cours encore à ces puissances maléfiques dont nous (et notre
intelligence) ne sommes pas encore débarrassés.
v. 2 : La Jérusalem qui vient…
— 1° est, elle aussi, nouvelle ; les v. 11-27 montreront combien elle sera autre que celle que nous
pouvons connaître, même si, grâce finale faite aux hommes, elle recueillera la gloire et l'honneur
des nations (v. 26). (On comparera d'ailleurs Apocalypse 21/25 à Actes 14/27 de la dernière
lecture) ;
— 2° (elle) descend du ciel ; ce ne sont pas les hommes qui, comme lors de l'antique tour de Babel
(Genèse 11), ont construit une ville... dont le sommet touche le ciel, mais une ville non construite
par les œuvres des hommes, qui descend d'auprès de Dieu, même s'il est probable que, dans sa
miséricorde, Dieu se soit servi des œuvres de ses serviteurs incapables (inutilisables), pour en
construire quelques parties (Luc 17/10 ; traduit en dépit du bon sens par la TOB).
Dans ce verset 2, on prendra garde au « comme » (comme une fiancée...) qui nous rappelle
que nous sommes dans les images, même s'il faut mettre en parallèle avec 19/7 (et Ephésiens
5/29ss). Et c'est encore une voix (v. 3) qui informe de ce qui se passe : cette ville sera la tente de
Dieu. La vraie. Allusion indiscutable à la fête, dite des Tabernacles, même si ce n'est pas le même
mot (nous l'avons déjà rencontré), cf. Lévitique 26/11ss. Dieu viendra définitivement demeurer
parmi nous, dans une fête éternelle (là encore attention !). L'Emmanuel (Dieu avec nous) sera
définitif. Les larmes seront essuyées et « il n'y aura plus la mort ». Là aussi, c'est indescriptible :
moi qui l'écris, je vais mourir, le papier sur lequel j'écris va disparaître. Et toi qui lis, tu vas aussi
mourir... un jour. Nous sommes donc encore incapables de bien comprendre ce que cela veut dire.
Toutes les « premières choses qui vont disparaître » (v. 4) est mieux traduit par le lectionnaire
catholique que par la TOB.
Car ici, il est clair que la première création a été faite en vue de la deuxième, comme le
premier Adam a été formé à cause du deuxième (Romains 5/14). Cela, nos frères orientaux —
moins influencés par le néfaste (sur ce point) augustinisme qui ne voyait dans l'Incarnation du
Christ qu'une conséquence (« heureuse » : felix culpa) de la faute d'Adam — l'ont mieux saisi que
nous. On a intérêt à les relire sur ce point.
Jean 13/31-35
Nous entrons ici, avec ces « discours », dans l'un des passages de Jean où j'avoue bien
volontiers que je m'y perds. C'est trop calé (ou hélas, peut-être, trop... simple) pour moi qui n'arrive
pas à me laisser prendre au jeu de cette poésie à laquelle tant d'autres ont été (et sont encore)
sensibles.
C'est pourquoi, je me contenterai de notes et remarques brèves.
1° La glorification de Jésus commence paradoxalement avec la trahison définitive de Judas (v. 31).
Il est bien clair ici que cette « glorification » correspond à sa Passion « couronnée » par la croix. La
pleine gloire du Christ, c'est l'horreur de la croix, où à la fois le Père le glorifie (le Père est donc
lui-même « responsable », ou au moins co-responsable, de la croix), et le Christ y glorifie son Père.
Donc, la vraie gloire de Dieu, c'est le Golgotha. (C'est la raison des croix glorieuses des Orientaux
— mais là, je ne les suivrai plus). Ainsi, on a tout dit... et on n'a rien dit... car, cette fois, on entre
dans le plus profond mystère de Dieu, dont on ne peut venir à bout par des raisonnements, des
systèmes et encore moins des théorèmes. On n'en peut (à mon avis) parler que négativement, en
disant par exemple que la gloire de Dieu, c'est le contraire de toute la pompe si chère aux grands de
ce monde, dont souvent l'Eglise. C'est le contraire de nos gloires et glorifications. Paul l'avait aussi
bien compris quand, après avoir appelé « ordures » tout ce qui avait fait sa « gloire » de « bon »
croyant (Philippiens 3/8), il place sa gloire (son « enflure » en grec) dans ses faiblesses, ses
misères, sinon dans son écharde (2 Corinthiens 12/9 & 7).
Jean veut très probablement éviter une compréhension trop « glorifiée » de la Résurrection et
du Christ élevé auprès de son Père. Cela, Luther l'a très bien compris, qui s'en prend à une théologie
« glorieuse » qui voudrait vaincre les résistances humaines par des arguments soit
intellectuellement imparables soit historiquement éblouissants (cf. Bossuet ou Chateaubriand et son
« Génie du Christianisme »).
Il faudra que les gens croient en Jésus-Christ au travers de (et même par) nos raisonnements
faibles sinon débiles, et au travers de nos comportements souvent misérables.
2° Je ne suis pas du tout d'accord avec la traduction : « Mes petits enfants ». C'est tout simplement
« enfants ». C'est la deuxième épître de Jean qui emploiera, en Jean 2/1, le possessif : « mes ». Il
faut ici, même si ce n'est pas tout à fait le même mot, renvoyer à Jean 1/12 et 11/52 (sinon à
Romains 8/16) pour voir qu'il s'agit plutôt des « enfants de Dieu », même si l'unité du Père et du
Fils est telle que ce qui est à l'Un est à l'Autre.
Le diminutif employé ici, ne renvoie pas à de plus jeunes enfants, mais à des enfants plus
proches = « Chers enfants de Dieu ». Autrement dit, le terme n'est pas infantilisant, mais plus riche
en tendresse. Ceci aide à comprendre l'exhortation à « devenir comme des enfants » (pais en grec :
Matthieu 18/3-4 et parallèles) n'est pas une invitation à retomber en enfance. Car le véritable trait
caractéristique de l'enfance pour Jésus est qu'elle sait qu'elle ne peut pas faire sa vie toute seule.
C'est la fameuse humilité : découvrir combien on a besoin des autres. Cf. précisément Jean 13/1ss
et surtout v. 6-8, où Jésus va essayer d'apprendre à Pierre que, pour les marches futures dans la
poussière du monde, il a besoin que Jésus lui lave les pieds, car il ne pourra jamais les purifier luimême.
3° Après avoir, en 33b, rappelé l'unicité de sa Passion, Jésus donne son commandement nouveau.
a) Ce « nouveau » ne signifie pas ici que cette phrase est dite en ce monde pour la première
fois, mais que l'amour ici demandé, est différent de toutes les autres amours, plus ou moins
sélectives, plus ou moins profondes et surtout plus ou moins passagères, etc… C'est un nouvel
amour, celui que le Christ va vivre, qui est demandé ;
b) « Les uns les autres » : je ne suis pas sûr que la compréhension habituelle qui dilue ce
pronom-réciproque dans la généralité et même la générosité : « Tu aimeras tout le monde et
n'importe qui, et finalement n'importe comment », soit juste. Littéralement, cela paraît plutôt limiter
le sens aux seuls membres de l'Eglise (et ça fait déjà un « paquet », surtout si on se souvient, pour
revenir sur terre, que les haines les plus violentes ont lieu entre chrétiens et entre Eglises).
En tout cas, j'attends encore une bonne exégèse de ce « les uns les autres » que reprendra
souvent Paul qui semble bien le limiter aux seuls membres de l'Eglise ; c'est souvent « l'un l'autre »
pour lui ; cf. l'épître aux Romains (ch. 12, etc.).
c) D'ailleurs, la suite confirme cette sélection (v. 35) : « Tous (les autres = les non-chrétiens)
sauront (il n'est pas dit : « seront convaincus de la vérité chrétienne ») que vous êtes mes disciples,
lorsque vous aurez de l'amour « les uns pour les autres ». Je rappellerai cependant ici, ce que j'ai
ressassé à propos du caractère crypté, caché et si souvent sujet à malentendu, de l'amour. S'il est
parfois clair, il n'en est pas toujours évident, il s'en faut !
Mais il ne s'agit pas ici de contourner cette parole du Christ. Et posez-vous seulement cette
question : « Vous qui allez la prêcher, aimerez-vous vraiment ces autres ? par exemple, sans les
complexer, les écraser, les diminuer ? ».
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