Les protéines plasmatiques

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EXPLORATION DES LIPIDES PLASMATIQUES
1. Données physiologiques :
1.1.
Digestion et absorption intestinales des lipides :
Les lipides les plus abondants dans l’alimentation sont les triglycérides (TG) mais on ingère aussi du
cholestérol et des phospholipides (PL).
L’acide linoléique, qui entre dans la composition de la lécithine, est un acide gras essentiel (le foie ne
peut le synthétiser).
L'intestin grêle est l'unique site de digestion des lipides et le pancréas est la seule source d'enzymes
lipolytiques (lipases).
1) Hydrolyse :
 Les TG sont hydrolysés par des lipases (surtout la lipase pancréatique) :
Le glycérol traverse librement la membrane apicale des entérocytes. Les MG et AG s'associent aux
sels biliaires et forment des micelles, complexes d'une grosseur de 0,005 à 0,01 µm capables de
traverser la membrane apicale. A l'intérieur de l'entérocyte se forment des chylomicrons
(association de sels biliaires, glycérol et AG). Ces derniers traversent la membrane basale et passent
dans la circulation lymphatique puis sanguine. Une partie des sels biliaires est réabsorbée par la veine
porte et revient dans le foie (cycle entéro-hépatique).
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
 Les estérases pancréatiques hydrolysent les esters du cholestérol et les phosphatidylcholines.
2) Traversée de la muqueuse intestinale :
L'absorption des lipides se fait donc de façon entièrement passive (pas de transporteur
membranaire) grâce à l'action des sels biliaires.
La majeure partie des produits d’absorption des lipides sont transportés dans la lymphe sous forme
de chylomicrons. Les lipides des chylomicrons finissent par être dégradés par des enzymes
plasmatiques, les acides gras et le glycérol qui en résultent sont captés par les cellules où ils sont
transformés de diverses façons.
Ce sont surtout le foie et les tissus adipeux qui régissent l’utilisation des triglycérides et du
cholestérol.
Ils sont essentiels pour plusieurs raisons :
- ils aident l’organisme à absorber les vitamines liposolubles.
- les triglycérides constituent le principal combustible des hépatocytes et du muscle
squelettique. Le rendement énergétique de leur catabolisme est le double de celui de la dégradation
du glucose ou des protéines.
- les phospholipides entrent dans la composition de la gaine de myéline et de toutes les
membranes cellulaires.
- le cholestérol est un élément structural de base des membranes cellulaires, des sels biliaires,
des hormones stéroïdes (testostérone, œstrogène) et d’autres molécules fonctionnelles essentielles.
2
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
1.2.
Rappels sur la structure et le métabolisme des
lipoprotéines :
1.2.1.
Structure :
Constituées d’un noyau-cœur hydrophobe, contenant triacylglycérols (TAG) et des esters de
cholestérol (CE) et d’une surface amphipatique renfermant des lipides polaires (CL – PL) et des
apolipoprotéines.
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
1) Lipoprotéines :
Les lipides étant hydrophobes, leur transport plasmatique ne peut se faire que sous forme
d'assemblages moléculaires appelés lipoprotéines. Celles-ci comportent une zone centrale hydrophobe
composée de cholestérol estérifié et de triglycérides, entourée d'une couronne hydrophile de
cholestérol libre, de phospholipides et d'apolipoprotéines.
Par ordre de densité croissante et de taille décroissante, l'ultracentrifugation permet de
différencier :
- les chylomicrons
- les VLDL (lipoprotéines de très basse densité) riches en TG
- les LDL (lipoprotéines de basse densité)
- les HDL (lipoprotéines de haute densité) riches en C.
2) Les principales apoprotéines et leur fonction :
Les apolipoprotéines représentent la "partie intelligente" de la lipoprotéine. Elles jouent un rôle de
structure, mais interviennent également de façon déterminante dans les interactions lipoprotéine
récepteur et la régulation des enzymes du métabolisme des lipoprotéines.
- Apo A I : structure des HDL
activateur de la LCAT (lécithine cholestérol acyl transférase)
- Apo A II : structure des HDL
- Apo B 100 : structure des VLDL et LDL
interaction avec le récepteur B/E
- Apo B 48 : structure des chylomicrons
- Apo C II : cofacteur de la LPL (lipoprotéine lipase)
- Apo C III : inhibiteur de la LPL activée
- Apo E : captation des remnants des lipoprotéines riches en triglycérides.
3) Acides gras libres :
Malgré leur très faible concentration, ils jouent un rôle énergétique considérable car leur vitesse de
renouvellement est rapide (2 minutes environ). Ils sont libérés par le tissu adipeux sous l'effet des
hormones lipolytiques, circulent liés à l'albumine et sont captés par de nombreux tissus pour y être
oxydés ou remis en circulation par le foie sous forme de VLDL.
1.2.2.
Métabolisme :
Les lipoprotéines représentent les formes de transport des lipides plasmatiques, fournissant aux
organes et tissus les acides gras (par hydrolyse des triglycérides qu'elles véhiculent) et le
cholestérol nécessaire à la synthèse membranaire et aux productions d'hormones stéroïdes et de sels
biliaires.
1) Le transport des lipides exogènes est assuré par les chylomicrons :
Les chylomicrons sont formés dans les cellules de la muqueuse duodénale et jéjunale et sont composés
à près de 90 % de triglycérides resynthétisés dans les entérocytes. D'abord véhiculés par la
circulation lymphatique, ils passent ensuite dans la circulation générale où ils entrent en contact avec
d'autres lipoprotéines qui leur cèdent de l'apolipoprotéine C et E. Ils sont rapidement hydrolysés
sous l'effet de la lipoprotéine lipase de l'endothélium vasculaire qui les transforme en remnants de
taille plus petite. 80 % des acides gras résultant de l'hydrolyse des triglycérides des chylomicrons
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
sont captés par les tissus adipeux et musculaire. Les remnants quant à eux sont principalement captés
par le foie grâce à un récepteur peptidique LRP.
2) Le transport des lipides endogènes :
Les triglycérides synthétisés par le foie passent dans la circulation sous forme de VLDL natives qui
sont progressivement transformées par des interactions avec d'autres lipoprotéines et par l'action
de la lipoprotéine lipase qui les appauvrit en triglycérides pour en faire des VLDL-remnants ou IDL
(lipoprotéines de densité intermédiaire). Au cours de cette dégradation, l'apolipoprotéine B n'est pas
échangée, les apolipoprotéines C, E, le cholestérol libre et estérifié ainsi que les phospholipides sont
libérés en partie ou sont transférés à d'autres lipoprotéines, en particulier les HDL. Les IDL sont en
partie dégradées, en partie transformées en LDL grâce à la lipase hépatique.
Les LDL transportent 65 à 70 % du cholestérol et sont caractérisées par la présence
d'apolipoprotéine B 100. Cette dernière est reconnue par un récepteur spécifique, surtout présent au
niveau hépatique (70 % de tous les récepteurs des LDL) qui permet leur internalisation. La lyse
lysosomiale du complexe insuline-récepteur conduit à une augmentation du cholestérol intracellulaire
qui a trois conséquences principales :
1° une répression de l'HMG CoA réductase (3-hydroxy-3-méthyl-glutaryl CoA réductase), enzyme-clé
de la synthèse du cholestérol.
2° une activation de l'ACAT (acyl-CoA-cholestérol-acyl-transférase) qui permet le stockage du
cholestérol sous forme d'esters.
3° une inhibition de la synthèse de nouveaux récepteurs limitant l'entrée du cholestérol dans la
cellule.
Il existe ainsi une régulation de l'apport de cholestérol aux cellules.
Lorsque cette voie catabolique normale des LDL est déficiente, la durée de résidence prolongée des
LDL dans le plasma conduit à diverses transformations : oxydation, glycation, acétylation. Ces LDL
transformées sont reconnues par un autre récepteur spécifique situé au niveau des macrophages
(scavenger receptor). A la différence de la voie normale, celle-ci n'est pas régulée, l'accumulation du
cholestérol estérifié dans le macrophage conduisant à la formation de cellules spumeuses.
3) Système de retour :
Il repose essentiellement sur les HDL synthétisées par l'intestin et le foie sous forme d'HDL natives
de forme discoïdale ou provenant directement du catabolisme des VLDL et des chylomicrons dans la
circulation périphérique. Dans la circulation, les HDL s'enrichissent en apolipoprotéines A provenant
des chylomicrons et en cholestérol libre provenant des membranes cellulaires. Ce cholestérol est
estérifié sous l'effet de la LCAT (lécithine cholestérol acyl transférase) et migre au centre de la
particule HDL qui prend une forme sphérique, et dont l'apolipoprotéine E est transférée sur les VLDL
Ces petites HDL sphériques sont appelées HDL3. Elles sont transformées grâce à l'action de la
lipoprotéine lipase et de la LCAT en HDL2 plus riches en triglycérides et plus volumineuses. Ces HDL2
sont physiologiquement les plus importantes car leur taux est corrélé négativement avec la morbidité
et la mortalité coronarienne. Les HDL2 chargées en cholestérol estérifié sont captées par le foie
pour y être métabolisées. Elles peuvent également être retransformées en HDL3 sous l'effet de la
lipase hépatique.
Les HDL jouent ainsi un rôle essentiel dans le métabolisme des lipoprotéines en intervenant :
- dans l'épuration des lipoprotéines riches en triglycérides par la fourniture d'apolipoprotéine C2
nécessaire à l'activation de la lipoprotéine lipase
- dans l'estérification du cholestérol grâce à l'action de la LCAT
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
- dans le métabolisme cellulaire du cholestérol en permettant le retour du cholestérol libre des tissus
périphériques vers le foie où il sera éliminé par voie biliaire.
6
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
2. Dyslipoprotéinémies et pathologies associées :
2.1.
Classification des dyslipoprotéinémies :
Les maladies cardiovasculaires liées à l'athérosclérose sont responsables d'environ 35 % de la
mortalité totale à tous les âges. En France, environ 110 000 infarctus se déclarent chaque année dont
40 % avant l'âge de 65 ans. Les dyslipoprotéinémies jouent, à côté des autres facteurs de risque
vasculaire, hypertension artérielle, tabac et diabète, un rôle désormais bien établi dans l'apparition
de cette pathologie. L'ensemble des études épidémiologiques montre une corrélation positive entre le
taux de cholestérol total, le cholestérol LDL, la baisse du cholestérol HDL et la fréquence des
complications cardiovasculaires. De grands essais de prévention primaire et secondaire ont établi que
la fréquence de ces complications peut être réduite sous l'effet d'une baisse du cholestérol total et
du cholestérol LDL et que l'on peut obtenir une stabilisation voire une régression des lésions jeunes
sous l'effet du traitement.
La classification encore en vigueur est celle de FREDERICKSON (1955), descriptive, dite encore
« OMS », basée sur l’aspect du sérum à jeun (et après 12 h de décantation), les dosages de CT, TAG
et l’électrophorèse des lipoprotéines. Les tableaux bio-cliniques ont été progressivement enrichis et
d’autres anomalies de découverte plus récente n’entrant pas dans la classification se sont rajoutées.
Différentes approches ont permis de mettre en évidence une origine génétique derrière les grandes
dyslipémies familiales. Toutefois, la physiopathologie de ces affections est liée aux interactions
complexes entre une ou plusieurs mutations définissant une susceptibilité génétique et des facteurs
environnementaux, comme le régime alimentaire, le surpoids ou la consommation de tabac.
2.1.1.
Hyperlipémies de type I ou hyperchylomicronémies :
Les hyperchylomicronémies sont des affections autosomiques récessives. La fréquence des formes
homozygotes est voisine de 1/1000 000.
 Profil biochimique : sérum lactescent, le test de crémage permet de visualiser l’accumulation
de chylomicrons. Hyper TG modérée à sévère (≥ 12 mmoles/L), cholestérol peu perturbé ;
présence de CM à l’électrophorèse. L’intensité de la dyslipémie est influencée par le régime
alimentaire et notamment l’apport d’acides gras.
 Clinique : douleurs abdominales récurrentes, surtout en période post-prandiale, et risque de
pancréatite. Dépôts lipidiques extra-vasculaires sous forme de xanthomes cutanés éruptifs
(nodules jaunâtres entourés d’une aréole inflammatoire sur le tronc et aux racines des
membres) et de pigmentation rétinienne ; peu de risque d’athérosclérose car les CM sont trop
volumineux pour traverser la barrière endothéliale.
 Deux causes principales : les déficits génétiques en Lipoprotéine Lipase et les déficits en
apo C-II. Le diagnostic est confirmé par le dosage de l’activité LPL dans le plasma posthéparine. Dans le 1er cas, le dosage est effondré quelles que soient les circonstances ; dans le
deuxième cas, il est restauré en présence d’une source d’apo C-II exogène. Plusieurs délétions
ou mutations ponctuelles ont été identifiées.
 Traitement : diététique seulement, visant à réduire l’apport en graisses et à favoriser les
huiles contenant des TG à chaînes moyennes, qui n’induisent pas la formation de CM.
2.1.2.
8
Les hypercholestérolémies familiales (type IIa) :
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
Affections à transmission autosomique dominante ; parmi les plus fréquentes des maladies
métaboliques héréditaires : forme homozygote 1 / 1 000 000, forme hétérozygote 1/500.
 Profil biochimique : Aspect du sérum clair ; TAG normaux ; CT compris entre 6,1 et 15 mmol/L
selon que l’on est en présence d’une forme homozygote ou hétérozygote. L’augmentation est
concentrée sur le LDL-cholestérol avec une élévation conjointe de l’apo B100.
 Clinique : dépôts lipidiques extra-vasculaires sous forme de xanthomes cutanés plans et
tendineux (lésions jaunâtres en relief de quelques cms de diamètre, déformant les tendons)
ainsi que présence d’un arc cornéen. Prédisposition à l’athérosclérose précoce (CI) notamment
chez les homozygotes (lésions d’athérosclérose survenant dès 4 ans et décès avant 20 ans en
l’absence de traitement).
 Physiopathologie : c’est un défaut d’élimination des LDL circulantes.
1°) Les déficits en LDL-récepteurs. Aujourd’hui on connaît plus de 150 mutations fonctionnelles
affectant les différents domaines du LDL-récepteur et se traduisant par : l’absence de synthèse de
la protéine, ou l’incapacité de liaison du récepteur normalement exprimé, ou bien des défauts de
transit et maturation intracellulaires du R, ou encore des défauts de regroupement dans les puits
recouverts et d’endocytose.
2°) les mutations de l’apo B100. Elles définissent les déficiences familiales en apo B100. La plus
fréquente la mutation Arg3500Gln, suivie de la mutation Arg3531Cys, soit deux altérations induisant
un défaut de charges positives de l’apo B.
 Conséquences : augmentation du temps de résidence des LDL plasmatiques (de 2 à 4 jours et
plus) et possibilités de lipopéroxydation. Les LDL-ox sont captées par les macrophages via les
Scavenger récepteurs exprimés sur les macrophages : récepteurs de haute capacité, non
régulés et autorisant l’accumulation de grandes quantités de cholestérol. Mécanisme à l’origine
de la formation des cellules spumeuses.
Les mutations du LDL-récepteur et de l’apo B100 représentent environ 6% des hypercholestérolémies
familiales en France. En-dehors de ces deux cadres définis, on trouve des hypercholestérolémies
familiales, pour lesquelles on ne peut mettre en évidence de déterminant génique unique. On parle
d’hypercholestérolémie familiale « polygénique » et les facteurs d’environnement participent. Ainsi
une alimentation trop riche en CL et en acides gras saturés réduit l’expression des LDL-récepteurs
hépatiques.
 Traitements : cholestyramine qui interrompt le cycle entéro-hépatique des acides biliaires ;
Statines = inhibiteurs de l’HMG-CoA réductase. Ces deux familles induisent en conséquence,
une sur-expression des LDL-récepteurs hépatiques.
2.1.3.
L’Hyperlipoprotéinémie de type III :
C’est une affection polygénique dépendante de l’allèle 2 ; sa fréquence dans la population avoisine
1/10 000.
 Profil biochimique : sérum trouble (opalescent) ; hyperlipémie mixte : TG jusqu’à 3,5
mmoles/L ; CT entre 7 et 8 mmoles/L. Apo E élevée. Présence d’une bande ß élargie à
l’électrophorèse traduisant l’accumulation de particules résiduelles de type « remnants de
Chylomicrons » et IDL.
 Clinique : xanthomes aux plis palmaires des mains, aux coudes et aux genoux. Athérosclérose
précoce car ces particules diffusent facilement au travers des parois capillaires et sont riches
en cholestérol.
9
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques

Physiopathologie : l’immense majorité des cas d’hyperlipémie de type III sont homozygotes
pour l’allèle 2. En fait 0,5% de la population est 22, mais seulement 3% d’entre eux vont
développer une HLP de type III. D’autres facteurs doivent intervenir : autre anomalie
génétique des LP, ou bien obésité, diabète, etc.
2.1.4.
Hypertriglycéridémies pures (HLP de type IV) :
Elles sont relativement fréquentes dans la population : 1%.
 Profil biochimique : sérum trouble ; hyper TG avec accumulation de VLDL à l’électrophorèse
mais pas de chylomicrons ; HDL–cholestérol abaissé du fait de la stimulation de l’activité CETP
entre VLDL et HDL, mais Apo A-I normale ; CT normal ; apo B modérément élevée du fait de
l’accumulation des VLDL. Apo E et apo C-III élevées fournissent des arguments sur
l’ancienneté de l’hyperTG et sur sa sensibilité aux fibrates.
 Risque athérogène : l’hyperTG est un facteur de risque vasculaire avéré, notamment au cours
du diabète. Plus généralement, les grandes analyses récentes ont établi les TG comme facteur
de risque indépendant vis-à-vis des cardiopathies ischémiques. L’hyperTG modifie le profil
lipoprotéique dans un sens défavorable : baisse du HDL-cholestérol, accumulation de LDL
petites et denses etc.
 Physiopathologie : étiologies multiples. Les origines les plus fréquentes : diététiques avec une
surconsommation de sucres et/ou d’alcool ; les troubles de la glyco-régulation et, notamment,
les états d’hyperinsulinisme/insulino résistance s’accompagnant d’un défaut de régulation de
l’apo C-III ; l’obésité ; l’hyperproduction de VLDL par le foie. Un contexte familial est souvent
retrouvé dans les fortes hyperTG (> 5 mmol/l).
 Traitements : terrain d’élection des fibrates, qui inhibent la synthèse d’apo C-III et donc de
VLDL, et stimulent celle de la Lipoprotéine Lipase.
2.1.5.
Hyperlipémie combinée familiale (type IIb) :
Ce sont les plus fréquentes (2 à 3%) mais leur pathogénie est encore mal comprise. Elles comportent
un caractère familial marqué, mais n’obéissant pas aux règles simples de la génétique mendélienne.
 Profil biochimique : Aspect du sérum clair ou trouble. Hyperlipémie mixte avec élévation
marquée du cholestérol et du LDL-cholestérol et élévation modérée des TG ; l’apo B est
également augmentée. Le HDL-cholestérol et l’apo A-I sont abaissés.
 Physiopathologie : notion de transmission familiale et de déterminisme polygénique ; plusieurs
gènes candidats ont été associés à ces hyperlipémies combinées. On évoque ainsi une
augmentation de la synthèse hépatique d’apo B, d’apo C-III ou des déficits hétérozygotes en
Lipoprotéines Lipase. Les profils évoluent souvent au cours du temps soit vers un type IIa, soit
vers un type IV.
2.1.6.
Autres anomalies lipoprotéiques et dyslipémies
secondaires :

Les augmentations isolées de la Lp(a). Les concentrations de Lp(a) sont globalement
inversement proportionnelles à la taille de la Lp(a). Or, celle-ci est déterminée par un
polymorphisme génétique. Les taux de Lp(a) sont donc essentiellement contrôlés par le gène de
10
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques





l’apo (a) et peu sensibles aux variations d’environnement. Les concentrations dépassant 0,3 g/L
sont considérées comme supérieures à la normale.
Les hypoHDL isolées ou associées sont très fréquemment retrouvées chez les patients
présentant des pathologies par athérosclérose. Les dosages conjoints de HDL-chol et d’apo
A-I permettent de préciser ces anomalies. Parmi les causes génétiques à l’origine des déficits
isolés en HDL, on signalera les variants d’apo A-I entraînant une synthèse diminuée de la
protéine ; les mutations du gène ABC1 impliqué dans la régulation de l’efflux de cholestérol
intra-cellulaire.
Enfin, certaines dyslipémies surviennent secondairement à d’autres pathologies,
endocriniennes ou métaboliques.
L’hypothyroïdie s’accompagnant d’une hyperlipémie mixte (IIb) par baisse de l’expression des
LDL-récepteurs et de la LPL.
Le syndrome néphrotique (profil de type IIb) ; le défaut d’albumine provoque un excès relatif
d’acides gras libres dans le sang. Ceux-ci sont activement captés par le foie et participent à
une néo synthèse accélérée de VLDL.
L’insuffisance rénale chronique s’accompagne d’une HyperTG (type IV) avec surproduction
d’apo C-III.
2.2.
Analyses au laboratoire :
2.2.1.

Bilan lipoprotéique standard :
prélèvement : plasma ou sérum, après 12 h de jeûne
aspect du sérum :
- clair, si sérum normolipémique, hypercholestérolémique ou hyper-HDLémique ;
- trouble ou « opalescent », en cas d’accumulation de VLDL ;
- lactescent si l’on est en présence de Chylomicrons.
Ces deux aspects peuvent être différenciés par le test de crémage : maintenir le sérum à 4°C
pendant 12 h et refaire la lecture. S’il y a des CM, ils flottent alors à la surface.

 Cholestérol total : dosage enzymatique.
Valeurs cibles : 3.8 à 6.1 mmoles/L (< 2.4 g/L). Les études épidémiologiques ont bien montré le
parallélisme entre la cholestérolémie et le risque de cardiopathie ischémique (CI).
 Cholestérol-HDL : « bon cholestérol » ; le HDL-cholestérol est aujourd’hui considéré comme
un facteur indépendant protecteur vis-à-vis du risque vasculaire. Cette notion est à mettre en
relation avec le rôle des HDL dans le transport retour du cholestérol au foie. Valeur seuil : ≥
0.9 mmoles/L (≥ 0.35 g/L).
Méthode de référence : précipitation sélective des lipoprotéines de basse densité et dosage du
surnageant. Réactifs précipitants : héparine/Mn++, sulfate de dextran/Ca++, acide
phosphotungstique/Mg++ ; reproductibilité peu satisfaisante.
Méthodes directes : réactif R1 masquant les lipoprotéines contenant l’apo B et réactif R2 pour le
dosage du cholestérol. Réactifs R1 : alpha-Cyclodextrine, Polyanions, Anticorps anti-apo B.
Limites du dosage : HDL-cholestérol entre 0,8 et 5 mmol/L ; pas d’interférences des TG jusqu’à 8
mmol/L ni du LDL-cholestérol jusqu’à 11,5 mmol/L.
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
 Cholestérol-LDL : représente la fraction athérogène du cholestérol plasmatique.
La méthode de référence, c’est l’ultracentrifugation du plasma pour se séparer des VLDL et
des chylomicrons suivie du dosage des HDL.
En pratique courante, on « estime » la concentration de chol-LDL par le calcul, notamment selon
FRIEDWALD :
LDL-cholestérol = CT-[HDL-cholestérol + TG/2,2] et l’on utilise les mmoles/L.
Le rapport VLDL-chol = TG/2,2 est une approximation correcte lorsque les TG sont < 4,5 mmoles/L ;
au-delà, il est préférable d’utiliser la formule de PLANELLA :
LDL-cholestérol = 0,41 x CT-[0,32 x TG] + [1,7 x apo B]
Enfin, se développent aujourd’hui des techniques de dosage directes et sélectives du LDLcholestérol qui sont en cours de validation par les organismes experts.
Interprétation : un LDL-cholestérol ≥ 4,1 mmoles/L (1,6 g/L) est un seuil pathologique en soi,
même en l’absence de facteurs de risque cliniques associés ; en présence de facteurs associés (ex :
tabac et HTA ; ou obésité et HDL bas ou encore présence d’antécédents personnels ou familiaux de
pathologie vasculaire précoce) ce seuil est abaissé à 3,4 mmoles/L (1,3 g/L).
 Triglycérides (TAG) : dosages enzymatiques basés sur l’hydrolyse des TAG par une lipase
bactérienne :
Valeurs normales : ≤ 1,8 mmoles/L. En pratique, le seuil d’intervention est à 2,3 mmoles/L.
L’inconvénient de ces dosages est qu’ils mesurent aussi le glycérol libre. Celui-ci est normalement
négligeable, mais peut s’accumuler (2 à 3 mmol/L) dans certaines circonstances : diabètes, jeûnes,
traitement stimulant les lipases comme l’héparine. L’attention sera attirée par une discordance entre
une apparente hypertriglycéridémie et un aspect normal du sérum. Le laboratoire lancera alors une
électrophorèse des lipoprotéines, pour vérifier l’accumulation ou non des pré-ß LP ou, mieux, réalisera
un dosage manuel du glycérol libre.
 Les apolipoprotéines : marqueurs spécifiques de familles de lipoprotéines. Leur dosage vient
en complément des lipides pour confirmer un diagnostic, préciser un mécanisme
physiopathologique ou permettre le calcul du LDL-cholestérol.
Les dosages se font en immuno-néphélémétrie et immuno-turbidimétrie.
Apo B100 : exclusivement retrouvée au sein des VLDL et surtout des LDL ; peu soumise aux
variations nutritionnelles et à la non-observance éventuelle du jeûne ; excellent marqueur des
hypercholestérolémies. Taux de 0,55 à 1,4 g/L. Peut-être effondrée dans certains syndromes de
malabsorption intestinale.
Apo A-I : marqueur des HDL, taux de 1 à 2,1 g/L. En pratique, on aura une dissociation entre apo
A-I et HDL-cholestérol lors des hypertriglycéridémies au long cours.
2.2.2.
Examens spécialisés :
 l’électrophorèse donne un aperçu visuel de la distribution des grandes familles de lipoprotéines
(c’est un « instantané »), et permet de typer les grandes dyslipémies. Il s’agit d’une
électrophorèse en conditions non-dénaturantes avec coloration des lipides (Noir Soudan), sur
un support de type « Agarose » qui sépare les particules selon leur charge.

12
Alpha
pré-ß ß
dépôt
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
+
-
Eléments d’interprétation : la présence de CM se signale par leur accumulation au dépôt ; la présence
d’une bande ß élargie est évocateur d’une accumulation de remnants et d’IDL dans une dyslipémie de
type III. Un taux élevé de Lp(a) donnant une bande supplémentaire entre ß et préß.
(Attention, l’intégration optique ne donne pas une quantification précise des lipoproteines !
 La Lp(a) :
Définition : c’est une lipoprotéine particulière, présente à des taux très variables entre les individus,
et retrouvée en grandes proportions dans la constitution des plaques d’athérome. C’est une particule
de LDL (avec apo B100 et CE), contenant en plus, une apoprotéine (a) liée à l’apo B100 par un pont
disulfure.
L’apo (a) est une glycoprotéine dont la MM varie entre 400 et 700 kD du fait d’un polymorphisme de
taille. Sa structure comprend un grand nombre de domaines en boucles.
Taux normaux de 10 à 300 mg/L ; son élévation est associée à un risque accru de cardiopathies
ischémiques et d’accidents vasculaires cérébraux.
 Les apoliporpotéines « mineures » :
Leur dosage pourrait se développer à l’avenir, du fait de leur importance métabolique, et de leur rôle
de marqueur des pathologies vasculaires, actuellement en évaluation.
l’apo C-III régule la synthèse et la sécrétion hépatiques des VLDL et diminue le catabolisme
hépatique des remnants de Chylomicrons et IDL ; son élévation reflète la persistance de ces
remnants, incomplètement lipolysés et potentiellement très athérogènes. La synthèse de l’apo C-III
est normalement réprimée par l’insuline. Donc bon marqueur de dyslipémie dans un contexte d’insulino
résistance.
l’apo E intervient dans la physiopathologie de la dyslipémie de type III, par défaut de captation
hépatique des particules contenant l’apo E2.
Ces deux apolipoprotéines reflètent un défaut de catabolisme des lipoprotéines riches en TG,
même si les chiffres de TG sont sub-normaux.
 Les lipoparticules
Classification des lipoprotéines basée non sur des critères physico-chimiques (taille et densité), mais
sur leur contenu en apoprotéines supposées représenter la composante « effectrice » ou
« informative » de la particule. Les méthodes de séparation sont ici immunologiques (utilisation de
paires d’anticorps).
13
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
On distingue : les lipoparticules (Lp) simples, ne contenant qu’une seule apoprotéine (Lp A-I, Lp B) des
lipoparticules complexes qui renferment ≥ 2 apo’s (Lp A-I/A-II, Lp B/C-III, Lp B/C-III/E).
Intérêt bio-clinique : les Lp A-I apparaissent comme les particules les plus efficaces dans le
transport retour du cholestérol, alors que la présence conjointe d’apo A-II antagonise le
fonctionnement optimum de l’apo A-I; les Lp B:C-III et Lp B:E représentent des particules de type
« remnants ». Lorsque leur catabolisme est ralenti, ces particules s’accumulent et sont très
athérogènes. Deux études récentes montrent que le taux de ces particules est corrélé à la
progression des lésions d’athérosclérose coronarienne.
3. Maladies cardiovasculaires :
3.1.
Athérosclérose :
Terme utilisé pour désigner la perte d'élasticité des artères due à la sclérose provoquée par
l'accumulation de corps gras (lipides, essentiellement cholestérol LDL) au niveau d'une des trois
tuniques constituant la paroi des artères (l'intima) et intéressant avant tous les grosses et les
moyennes artères. La variété de lipides concernée porte le nom d'athérome.
3.2.
14
Infarctus du myocarde : cf TP
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
HYPERLIPIDEMIES
II - EXPLORATION DES LIPIDES CIRCULANTS
1) DEPISTAGE
a) Dépistage sélectif orienté par l'existence de manifestations d'athérome précoce chez un membre de la famille,
la notion d'hyperlipidémie familiale, la présence de xanthomes, de xanthélasmas ou de gérontoxons avant l'âge
de 40 ans, un tabagisme, une maladie métabolique (obésité, diabète, goutte), une hypertension artérielle ou une
affection responsable d'hyperlipidémie secondaire (hypothyroïdie, syndrome néphrotique, ictère rétentionnel),
enfin lors de la prescription d'une contraception oestroprogestative.
b) Dépistage occasionnel à l'occasion d'un examen systématique (bilan de santé, visite d'embauche, expertise... ).
2) DOSAGES BIOLOGIQUES DE BASE
a) Cholestérol total
Les consensus actuels fixent la limite supérieur des valeurs souhaitables à 1,80 g/l avant 30 ans et 2 g/l au-delà
de cet âge (g/l x 2,58 = mmol/l).
b) Triglycérides
Sauf situation particulière (diabète, obésité androïde, diminution du cholestérol-HDL), la valeur seuil est fixée à
2 g/l (g/l x 1,14 = mmol/l).
3) EVALUATION DU RISQUE VASCULAIRE
a) HDL-cholestérol
Il peut être dosé par précipitation.
Valeurs habituelles : 0,45 g/l (H) ; 0,55 g/l (F).
Risque vasculaire établi si < 0,35 g/l.
b) LDL-cholestérol
Le risque vasculaire est plus étroitement corrélé avec la concentration de LDL-cholestérol qu'avec la
cholestérolémie totale.
En pratique, pour les laboratoires ne disposant pas du dosage direct du LDL-cholestérol, sa valeur est établie
d'après la formule de Friedewald-Frederickson :
LDL-C = CT - (HDL-C + 0,16.TG)
Cette formule n'est valable que lorsque la triglycéridémie est inférieure à 4 g/l.
c) Dosage des apolipoprotéines A I et B
L'apoprotéine A I est caractéristique des HDL, alors que l'apolipoprotéine B est présente surtout sur les
lipoprotéines athérogènes. Le rapport apo B/apo A I représente un indice d'athérogénécité.
Valeurs souhaitables : Apo A I > 1,20 g/l - Apo B < 1,30 g/l.
4) METHODES D'ANALYSE DES LIPOPROTEINES
a) Aspect du sérum à jeun :
- limpide dans les hypercholestérolémies isolées
- opalescent dans les dyslipidémies mixtes
- lactescent dans les hypertriglycéridémies
- un crémage indique la présence de chylomicrons.
b) Electrophorèse des lipoprotéines ou lipidogramme : l'ultracentrifugation n'étant pas une méthode utilisable en
routine, la séparation des lipoprotéines se fait en fonction de leur migration électrophorétique en gel d'agarose ou
de polyacrylamide. Les indications de cet examen sont en pratique réelle limitées (dyslipidémie mixte surtout).
5) AUTRES EXAMENS
a) Le dosage des lipides totaux et des phospholipides est sans intérêt dans le bilan lipidique courant.
b) Les dosages d'activités enzymatiques, l'étude des isoformes des apolipoprotéines (en particulier apo E) et
l'étude des récepteurs ne s'adressent qu'à des situations diagnostiques difficiles et ne peuvent être réalisés que
dans les laboratoires spécialisés.
c) Etude des particules lipoprotéiques
15
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
Il est possible qu'elles permettent dans l'avenir une meilleure définition du risque vasculaire individuel. En effet,
dans le groupe des particules contenant l'apolipoprotéine B, seule la Lp B:E et la Lp B:C III sont véritablement
athérogènes. Dans le groupe des particules contenant l'apolipoprotéine A, seules les Lp A I sans apolipoprotéine
A II sont anti-athérogènes. Une validation de l'intérêt de ces mesures par des études épidémiologiques à grande
échelle serait toutefois nécessaire. Une mention particulière peut être faite pour la Lp B:(a) ou Lp(a) qui présente
une composition lipidique voisine de celle des LDL, mais qui contient en plus de l'apolipoprotéine B 100, une
apolipoprotéine particulière l'apo(a). Cette dernière possède une similitude avec le plasminogène et son taux est
génétiquement déterminé. De nombreuses études ont montré que des taux de Lp(a) > 300 mg/l représentaient un
facteur indépendant de risque vasculaire. Le risque athéro-thrombogène (attribué à la similitude avec le
plasminogène) semble toutefois dépendre non seulement de la concentration de Lp(a) mais également des
isoformes de l'apolipoprotéine A qui semble présenter un polymorphisme génétique important.
d) Lipémie post-prandiale
Une élévation excessive et prolongée des triglycérides en période post-prandiale et des anomalies de composition
des lipoprotéines pourrait représenter un facteur athérogène et thrombogène. Ces études sont toutefois difficiles
en routine et ne reposent pas sur des protocoles standardisés.
III - LES HYPERLIPIDEMIES SECONDAIRES
Lorsqu'une anomalie lip idique est mise en évidence et confirmée, il convient de s'enquérir des antécédents
familiaux à la recherche d'une dyslipidémie primitive, mais également de rechercher systématiquement les
principales causes d'hyperlipidémie secondaire car celles-ci se corrigent en principe avec le traitement de
l'affection causale lorsqu'il est possible.
1) LE DIABETE
a) En cas de carence insulinique profonde, l'anomalie principale est une diminution de l'activité de la lipoprotéine
lipase avec accumulation de chylomicrons et éventuellement de VLDL, réalisant un aspect de type I ou de type
V.
b) En dehors de cette situation d'insulinopénie , le diabète peut être responsable d'une augmentation de la
synthèse hépatique des triglycérides favorisée par l'excès de substrat et réalisant le plus souvent un aspect de type
IV.
2) LA GOUTTE peut réaliser un aspect de type IIb ou IV.
3) L'HYPOTHYROÏDIE réalise le plus souvent un aspect de type IIa. Les troubles sont habituellement plus discrets
en cas d'insuffisance hypophysaire et prennent alors l'aspect d'un type II B.
4) LA CHOLESTASE s'accompagne d'une augmentation du cholestérol total et des phospholipides secondaires à la
présence de lipoprotéines sériques anormales.
5) LE SYNDROME NEPHROTIQUE s'accompagne d'une augmentation du cholestérol total et des triglycérides
plasmatiques en relation avec l'hypoalbuminémie.
6) L'INSUFFISANCE RENALE CHRONIQUE peut également s'accompagner de troubles lipidiques dus à
l'augmentation de la synthèse hépatique des VLDL.
7) INTOXICATION ETHYLIQUE CHRONIQUE.
8) HYPERLIPIDEMIE IATROGENE : corticoïdes, oestrogènes, certains diurétiques et bêta-bloquants.
IV - CLASSIFICATION DES HYPERLIPIDEMIES PRIMITIVES
Les classifications phénotypiques (annexe 1) prennent en compte les taux de cholestérol et de triglycérides à
jeun, ainsi qu'une appréciation de la composition du sérum en lipoprotéines par l'aspect du sérum à jeun
(classification de De Gennes) ou le lipidogramme (OMS - Frederickson). Les limites de ces classifications
tiennent au fait qu'elles ne recensent (incomplètement) que les hyperlipidémies et laissent échapper certaines
situations comme les hypoalphalipo-protéinémies familiales, les hyperapobêtalipo-protéinémies ou les élévations
16
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
de la lipoprotéine(a) qui s'accompagnent d'une élévation du risque vasculaire en dépit de la normalité possible
des taux de cholestérol et des triglycérides. D'autre part, elles peuvent reconnaître sous un même phénotype des
anomalies génétiques différentes. Enfin, dans certains cas, l'expression phénotypique d'une affection peut varier
d'un membre de la famille à l'autre, ou dans le temps chez un même individu, en fonction de facteurs
d'environnement.
La classification étiopathogénique prend en compte les déficits enzymatiques, mutation de récepteurs ou
d'apoprotéines conduisant aux anomalies du transport des lipides exogènes et endogènes, ou du transport réverse
du cholestérol. Cette classification est peu maniable car l'approche clinique naturelle est phénotypique. D'autre
part, en dépit des progrès de la génétique moléculaire, toutes les anomalies ne sont pas répertoriées. Certaines
d'entre elles sont très rares, voire limitées à une seule famille ; d'autres ne s'expriment que si plusieurs anomalies
sont simultanément présentes. Cette classification ne prend pas en compte la gravité de l'expression de la
mutation qui peut être extrêmement variable. Enfin, des anomalies génétiques différentes peuvent avoir des
manifestations phénotypiques voisines.
V - LES HYPERCHOLESTEROLEMIES PURES
Elles correspondent au type II A de la classification de l'OMS et se caractérisent par une élévation isolée de la
cholestérolémie avec augmentation de la bande des LDL à l'électrophorèse des lipoprotéines et un sérum clair à
jeun.
1) CLASSIFICATION
En dehors de l'hyperlipidémie familiale combinée qui peut prendre l'aspect d'une hypercholestérolémie pure,
l'hyperlipidémie de type II A correspond à deux entités :
- la forme polygénique se traduisant par des hypercholestérolémies habituellement modérées sans caractère
familial et fréquemment révélées ou aggravées par des erreurs diététiques ou autres facteurs d'environnement.
Dans ces formes polygéniques, il n'y a habituellement pas de dépôt extravasculaire de cholestérol et les
complications cardiovasculaires sont plus tardives (5e décennie).
- les formes familiales à transmission autosomique dominante.
. Les formes les mieux connues sont celles correspondant à un défaut du récepteur aux LDL (5 types connus).
. Plus rarement, c'est une mutation de l'apoprotéine B 100 qui réalise un tableau clinique et biologique très
voisin.
. Enfin d'autres mécanismes restent probablement à décrire.
Que l'anomalie porte sur le récepteur ou sur l'apolipoprotéine B, la conséquence est dans les deux cas une
limitation de degré variable de la captation cellulaire des LDL, d'où leur transformation (en particulier
oxydation) au contact de l'endothélium vasculaire et leur épuration par la voie du "scavenger receptor".
Il est habituel de distinguer trois formes cliniques d'hypercholestérolémie familiale selon la gravité :
- la forme homozygote, correspondant en fait souvent à une double hétérozygotie (1/1 000 000 de naissances)
- les formes hétérozygotes réalisant le tableau classique de la xanthomatose tendineuse hypercholestérolémique
familiale (1/500 naissances)
- les formes mineures correspondant probablement à des mutations provoquant une faible répercussion
fonctionnelle ou à certains phénotypes de l'apoprotéine E (E 4/3).
2) MANIFESTATIONS CLINIQUES
a) Les xanthelasmas (dépôts lipidiques de la paupière supérieure au niveau de l'angle interne) et gérontoxon (arc
cornéen) peuvent s'observer dans toutes les variétés étiologiques d'hypercholestérolémie, mais également en
l'absence de troubles lipidiques. Ils n'ont de bonne valeur diagnostique qu'avant 40 ou 50 ans.
b) Les xanthomes tendineux (tendons d'Achille, tendons extenseurs des doigts) et les xanthomes tubéreux
(coudes) sont l'apanage des hypercholestérolémies familiales.
c) Les xanthomes plans (de couleur jaune orangé siègeant préférentiellement aux fesses et aux mains) et les
polyarthrites ne s'observent que dans les formes homozygotes.
d) La manifestation clinique majeure est l'athérome précoce, surtout coronarien. Dans les formes hypergraves
(CT> 7 g/l), les infarctus peuvent survenir au cours de la première décennie. Dans les formes hétérozygotes (3,5
< CT < 5 g/l), ils sont déjà fréquents au cours de la 3e décennie en l'absence de traitement. L'augmentation du
risque coronarien lié aux hypercholestérolémies plus modérées est également prouvée par de nombreuses études
épidémiologiques, sans qu'il existe de valeur seuil. La possibilité de prévenir le risque d'accident coronarien par
17
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
les traitements hypercholestérolémiants est démontrée par des études de prévention primaire et secondaire.
Toutefois, en raison du caractère multifactoriel de la maladie coronarienne, il n'est pas possible de fixer un seuil
d'intervention thérapeutique unique (cf. annexe 2).
3) TRAITEMENT
a) Diététique
Le régime est toujours nécessaire même s'il est insuffisant dans les formes familiales où il ne permet
habituellement d'obtenir qu'une réduction de la cholestérolémie de l'ordre de 7 à 10 %. Il peut s'avérer plus
efficace dans les formes polygéniques.
En dehors de la correction d'un éventuel excès pondéral, les recommandations habituelles comportent une
limitation des apports de cholestérol à 300 mg/jour et de l'apport lipidique total à 30 % de l'apport calorique (10
% d'acides gras saturés au maximum et 8-10 % de poly-insaturés). On peut jouer sur l'apport d'acides gras monoinsaturés (huile d'olive) pour augmenter la ration lipidique à 35 % dans le but d’améliorer la compliance
diététique.
Par référence à l'alimentation spontanée, ce sont essentiellement les graisses saturées qu'il convient de réduire en
augmentant les apports d'acides gras poly-insaturés.
En pratique, il convient de limiter ou de supprimer certains aliments riches en cholestérol (jaune d'oeuf, abats,
charcuterie) et en graisses saturées. On conseille de remplacer le beurre par de la margarine au tournesol, les
fromages non allégés par des fromages frais (yaourts, fromage blanc 0 %), les viandes par du poulet et du
poisson.
L'enrichissement de l'alimentation en fibres, en particulier en pectines, est intéressant, mais de réalisation
difficile.
b)Médicaments hypocholestérolémiants
- Inhibiteurs de l'HMG coenzyme réductase (statines)
Ces médicaments agissent en diminuant la synthèse endogène du cholestérol, ce qui augmente l'expression des
récepteurs aux LDL à la surface de la cellule.
La Simvastatine et la Pravastatine ont fait leur preuve dans la prévention secondaire des patients modérément
hypercholestérolémiques (> 2,12 g/l) ayant eu un accident coronarien (réduction de la mortalité cardio-vasculaire
et totale). La Pravastatine s’est avérée efficace en prévention primaire chez des patients
hypercholestérolémiques.
Il existe une excellente synergie d'action avec la cholestyramine. L'association avec les fibrates et la ciclosporine
est déconseillée (risque de rhabdomyolyse).
DCI Nom commercial Posologie usuelle
Simvastatine Zocor®, Lodalès® 5 - 40 mg
Pravastatine Elisor®n Vasten® 10 - 40 mg
Fluvastatine Lescol®, Fractal® 20 - 80 mg
Atorvastatine Tahor® 10 - 40 mg
Cérivastatine Staltor, Cholstat0,1 - 0,3 mg
- Cholestyramine (Questran®)
Il s'agit d'une résine anionique non absorbable, fixant les sels biliaires, réduisant ainsi leur cycle entérohépatique.
La cholestyramine avait fait la preuve de son efficacité sur l'incidence des infarctus mortels et non mortels en
prévention primaire dès 1984 (étude LRC-CPPT).
La posologie habituelle est de 2 à 3 sachets de 4 g/jour, mais on peut être amené à en prescrire jusqu'à 6.
L'augmentation des doses doit être progressive du fait de la fréquence des intolérances digestives et surtout d'une
constipation rebelle.
La cholestyramine peut provoquer des troubles de l'absorption des vitamines liposolubles et de certains
médicaments (respecter un intervalle libre de 90 minutes). Il faut surveiller la calcémie et la prothrombine lors
des traitements au long cours à de fortes doses.
- Les fibrates
Le chef de file est le clofibrate (Lipavlon®) qui avait été utilisé avec peu de succès dans l'étude coopérative de
l'OMS (1980) et dans plusieurs essais de prévention secondaire. Il s'agit d'un agent hypotriglycéridémiant qui
augmente la clairance des VLDL mais dont l'action hypocholestérolémiante est faible. Ce médicament augmente
18
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
l'excrétion biliaire du cholestérol d'où un risque de lithiase biliaire qui a conduit à sa suppression dans certains
pays.
Les fibrates de deuxième génération (fénofibrate, bézafibrate, ciprofibrate, gemfibrozil) ont un effet
hypocholestérolémiant supérieur à ceux de première génération, mais insuffisant à corriger les
hypercholestérolémies familiales. Leur indication de choix est représentée par les hypercholestérolémies
polygéniques et combinées. En dépit de résultat favorable sur la mortalité cardiovasculaire (Helsinki Heart
Study), le niveau de preuve de l'efficacité de cette classe thérapeutique est à l'heure actuelle plus faible que celui
des statines.
- Vitamine E (Toco 500®)
Agent anti-oxydant. En l'absence d'arguments expérimentaux, il n'existe pas de preuve de l'intérêt de l'utilisation
clinique au long cours des médicaments anti-oxydants.
- Acide nicotinique (non commercialisé en France)
c) Traitement des formes gravissimes
- LDL aphérèse
- Transplantation hépatique.
VI - HYPERTRIGLYCERIDEMIES
1) HYPERLIPIDEMIE DE TYPE IV = HYPERTRIGLYCERIDEMIE ENDOGENE FAMILIALE
a) L'expression de cette affection familiale, de transmission probablement dominante est très dépendante de
facteurs d'environnement. Elle est dite endogène car indépendante des graisses alimentaires. Le trouble est le
plus souvent dépendant des glucides, mais il existe des formes alcoolo et pléthorodépendantes.
b) Clinique
A la différence de l'hypercholestérolémie familiale, la maladie est rarement découverte avant l'âge adulte.
On peut observer :
- des xantomes éruptifs, petits dépôts lipidiques entourés d'un liseré inflammatoire, apparaissant lorsque la
triglycéridémie dépasse 15 g/l, et disparaissant rapidement lorsqu'elle s'abaisse.
- la lipémie rétinienne et les syndromes douloureux abdominaux sont possibles mais uniquement dans les formes
majeures.
- l'obésité et l'hyperuricémie sont souvent associées.
- l'hypertriglycéridémie ne représente pas un facteur indépendant de risque coronarien lorsqu'elle est isolée, c'està-dire en l'absence des éléments du syndrome X, en particulier s'il n'y a pas de diabète ou d'abaissement du
cholestérol-HDL.
c) Biologie
- Augmentation marquée des triglycérides avec cholestérol normal sauf dans les formes majeures, mais il s'agit
alors de cholestérol lié aux VLDL et le rapport TG/CT = 2,5.
- Sérum lactescent.
- Augmentation des pré-bêta-lipoprotéines, des VLDL (présence possible de chylomicrons en cas
d’augmentation très importante des VLDL).
- La dernière caractéristique biologique majeure de ce type d'hyperlipémie est la grande variabilité de la formule
lipidique sur des périodes de temps court, en fonction de l'environnement, en particulier de l'alimentation.
d) Traitement
Le régime occupe une place de choix et suffit dans de nombreux cas à corriger le trouble lipidique.
- Dans la forme glucido-dépendante, il convient de réduire au maximum les sucres simples, surtout le fructose
(contenu dans le saccharose) et limiter la ration glucidique à 180-220 g/jour.
- Si le malade est obèse (forme pléthoro-dépendante), il faudra obtenir une réduction pondérale progressive par
un régime hypocalorique.
- Dans la forme alcoolo-dépendante enfin, il faudra supprimer complètement les apports d'alcool qui peuvent,
même en quantité faible, démasquer le trouble métabolique.
Médicaments : le recours à un traitement médicamenteux ne s'impose en cas d'hypertriglycéridémie isolée que si
les valeurs restent supérieures à 4 g/l sous traitement diététique.
En dehors des fibrates, qui représentent un traitement de choix, on peut utiliser des acides gras de la série ? 3
(Maxepa®) ou le tiadenol (Fonlipol®). En aucun cas, il ne convient d'utiliser les statines ni la cholestyramine
dans une hypertriglycéridémie pure.
19
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
2) HYPERLIPIDEMIE DE TYPE I = HYPERTRIGLYCERIDEMIE EXOGENE FAMILIALE
C'est une affection très rare, due à un déficit plus ou moins complet en lipoprotéine lipase ou de son activateur
l'apo C II), responsable d'une accumulation de chylomicrons (par défaut de catabolisme).
a) Cliniquement, la maladie se révèle le plus souvent dans l'enfance par des épisodes douloureux abdominaux
pseudo-chirurgicaux (pancréatite réelle possible et épanchements péritonéaux d'aspect laiteux). On note par
ailleurs des xanthomes éruptifs, une lipémie rétinienne, une hépatosplénomégalie.
b) Biologie
- Hypertriglycéridémie majeure pouvant dépasser 100 g/l. Cholestérol total en principe normal, mais augmenté
dans les formes sévères. Rapport TG/CT = 2,5.
- Sérum d'aspect crémeux.
- Chylomicrons +++ à l'électrophorèse.
- Fausse diminution des électrolytes plasmatiques due au déplacement d'eau plasmatique.
c) Traitement
Il est purement diététique. Il faut réduire l'apport lipidique à 40 g/jour, voire moins, et enrichir l'alimentation en
triglycérides à chaînes moyennes qui passent dans la circulation porte sans être incorporés aux chylomicrons.
3) HYPERLIPIDEMIE DE TYPE V
C'est une hypertriglycéridémie mixte, endogène et exogène, associant les aspects des types I et IV. C'est une
affection rare dans sa forme familiale, mais le même profil lipidique peut être réalisé au cours de l'éthylisme
chronique et du diabète déséquilibré.
Le traitement associe les mesures diététiques des types I et IV et l'adjonction d'hypolipémiants parmi lesquels
l'acide nicotinique serait le plus efficace.
VII - HYPERLIPIDEMIES MIXTES
Elles sont caractérisées par une élévation du cholestérol et des triglycérides avec sérum trouble à jeun. Il peut
exister des dépôts extravasculaires de cholestérol. Ces hyperlipidémies s'accompagnent d'un risque vasculaire
important.
1) HYPERLIPIDEMIE DE TYPE IIb
a) Aspects génétiques
Elle correspond rarement à un double héritage : type IIa + IV.
Beaucoup plus souvent, elle correspond à une hyperlipidémie familiale combinée de transmission autosomique
dominante dont le phénotype peut varier d'un membre de la famille à l'autre et chez un même sujet en fonction
du temps.
b) Clinique
La dyslipidémie de type IIb se révèle rarement avant l'âge de 20 ans. Elle est souvent associée à un trouble du
métabolisme glucidique, une hyperuricémie ou une hypertension artérielle.
Gérontonxon et arc cornéen représentent les dépôts extravasculaires les plus fréquents de cette dyslipidémie
athérogène.
c) Biologie
- Elévation du LDL-cholestérol et des VLDL-triglycérides.
- Diminution du HDL-cholestérol.
- Augmentation du rapport apo B/apo A I
- Sérum opalescent à jeun.
d) Traitement
- Diététique : combine les recommandations pour le type IIa et le type IV
- Médicaments : essentiellement fibrates de deuxième génération.
- Inhibiteurs de l'HMG CoA réductase : si hypercholestérolémie prédominante.
- Acide nicotinique (non disponible en France).
2) HYPERLIPIDEMIE DE TYPE III
a) Clinique
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
Il s'agit d'une hyperlipidémie rare (1/10 000 sujets) qui s'exprime rarement avant l'âge de 20 ans. La présence de
dépôts jaune orangés des plis palmaires est pathognomonique. Les xanthomes tubéreux sont également
relativement caractéristiques. Cette hyperlipidémie a un potentiel athérogène important concernant les
coronaires, mais également les artères des membres inférieurs et les vaisseaux cérébraux.
b) Biologie
- Augmentation équilibrée de la cholestérolémie totale et de la triglycéridémie entre 3,5 et 5 g/l.
- Sérum opalescent.
- Présence d'une lipoprotéine anormale à l'électrophorèse en gel d'agarose (broad betalipoprotein) correspondant
à des IDL.
- Phénotype E2/2 de l'apolipoprotéine E expliquant le ralentissement du catabolisme des IDL car cette
apoprotéine est moins bien reconnue par le récepteur apo B/E. Ce phénotype E2/2 (présent chez 1 % de la
population) n'est toutefois pathogène que s'il s'associe à une hypersynthèse d'apolipoprotéines B d'origine
génétique ou acquise (obésité, diététique inappropriée).
c) Traitement
Il se rapproche de celui du type IIb. Ce type d'hyperlipidémie est réputé sensible à la diététique et aux fibrates.
VIII - DYSLIPOPROTEINEMIES NON REPERTORIEES DANS LA CLASSIFICATION
INTERNATIONALE
1) HYPERLIPIDEMIE MIXTE A PRE-BETA LIPOPROTEINE LENTE (TYPE IVb)
Expression clinique identique à celle du type IIb.
Présence d'une lipoprotéine migrant entre les LDL et les VLDL en électrophorèse et flottant avec les VLDL en
ultracentrifugation préparative. La composition en CT et TG est à peu près équilibrée, mais à la différence du
type III, le phénotype E2/2 n'est pratiquement jamais rencontré.
Contrairement au type III, qui répond habituellement bien au traitement par fibrates, cette hyperlipoprotéinémie à
pré-bêta lente est particulièrement résistante au traitement.
2) HYPER-APO-BETA-LIPOPROTEINEMIE
Décrite chez des coronariens ayant des taux normaux de CT, de TG, de LDL-C et de HDL-C.
L'Apo B est augmentée et les LDL sont plus petites et plus denses que les LDL normales.
3) HYPO-ALPHA-LIPOPROTEINEMIES FAMILIALES
Affections de transmission autosomique dominante caractérisées par une diminution des taux de HDL-C et liées
à des mutations de l'Apo A I ou des anomalies des gènes Apo A I -C III-A IV.
Toutes les mutations ne s'accompagnent toutefois pas de diminution du HDL-C ou d'athérosclérose prématurée.
4) ELEVATION DE LA LIPOPROTEINE (a)
Son principal déterminisme semble être génétique. Plusieurs études ont montré que des taux supérieurs à 300
mg/l s'accompagnaient d'un risque vasculaire accru.
Les traitements médicamenteux s'avèrent peu efficaces, sauf peut-être les huiles de poisson. Il faut surtout
insister sur la correction rigoureuse des autres facteurs de risque en cas d'élévation de la Lp(a).
5) HYPER-ALPHA-LIPOPROTEINEMIE
De transmission autosomique dominante, probablement polygénique, caractérisée par une augmentation
primitive du HDL-C > 0,70 ou 0,75 g/l et d'une réduction de la mortalité cardiovasculaire (syndrome de
longévité : Glueck).
L'exploration du métabolisme lipidique en pratique courante
Hyperlipidémies
21
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
La connaissance de plus en plus précise de la nature des lipoprotéines, de leur composition et de leur
métabolisme permet en pratique courante, grâce à un contrôle complet des lipides circulant, de poser
un diagnostic précis du type d'hyperlipidémie et de proposer un traitement adapté.
La question de savoir s'il faut traiter une hyperlipidémie n'est plus de mise à l'heure actuelle, car:
- toutes les études épidémiologiques mettent en évidence une corrélation positive, statistiquement
significative entre le taux de cholestérol total (LDL-cholestérol athérogène) et la fréquence des
complications cardio-vasculaire ischémiques (morbidité et mortalité coronariennes notamment);
- les études épidémiologiques plus récentes mettent en évidence une corrélation négative,
statistiquement significative entre le taux de LDL-cholestérol (anti-athérogène) et la fréquence des
mêmes complications ischémiques;
- les études de prévention primaire et secondaire objectivent que la diminution significative du
cholestérol total (LDL cholestérol) entraîne une baisse de la fréquence de ces mêmes complications.
Deux études récentes viennent même de démontrer une diminution de la mortalité totale chez les
coronariens soumis à un traitement visant à abaisser le LDL-cholestérol (étude 4S) et chez les sujets
en prévention primaire (étude WDS);
- les études de " régression de l'athérosclérose " montrent qu'au prix d'une diminution des fractions
lipidiques athérogènes (cholestérol total, triglycérides, LDL-cholestérol et apolipoprotéine B) et
d'une augmentation de la fraction anti-athérogène (HDL-cholestérol et apolipoprotéine A-I), on peut
espérer un ralentissement de la progression de l'athérosclérose, une stabilisation, voire une véritable
régression des lésions jeunes par comparaison à un groupe placebo, et cela, même si le taux de
cholestérol total est relativement peu élevé au départ.
Nous envisagerons successivement:
- le métabolisme des lipoprotéines,
- le contrôle des fractions lipidiques plasmatiques en pratique courante,
- quelques notions plus récentes concernant la lipoprotéine (a), les particules lipoprotéiques, la
lipémie postprandiale..., que l'on pourrait grouper sous le terme de " nouveaux facteurs lipidiques de
risque cardio-vasculaire ".
LE MÉTABOLISME DES LIPOPROTÉINES
Le contrôle des fractions lipidiques plasmatiques n'est que le reflet du métabolisme général des
lipoprotéines. On dose donc couramment le cholestérol total (et éventuellement les fractions libre et
estérifiée), les triglycérides, les phospholipides, voire les acides gras. Ces fractions lipidiques ne
circulent pas cependant telles quelles dans le plasma. Elles circulent sous une forme pluri-moléculaire.
Ce sont les lipoprotéines.
22
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
Les lipides ne sont, en effet, pas solubles dans le plasma. Ils sont rendus solubles parce qu'ils sont
liés à une fraction protéique que l'on appelle l'apolipoprotéine. La réunion de la fraction lipidique et de
la fraction protéique constitue la lipoprotéine. Toutes les lipoprotéines répondent au schéma suivant
et comprennent :
•
un noyau central formé de cholestérol estérifié et de triglycérides,
•
une couronne périphérique faite de l'assemblage d'apolipoprotéines, de phospholipides et de
cholestérol libre. Cette enveloppe mono-couche assure la solubilité de la lipoprotéine dans le plasma
et permet le transport des lipides non hydrosolubles.
Il existe cinq lipoprotéines, qui contiennent toutes une portion lipidique et une portion protéique, mais
qui diffèrent selon le contenu lipidique et selon le (ou les) type(s) d'apolipoprotéines :
1.
les chylomicrons,
2.
les VLDL (very low density lipoproteins, ou lipoprotéines de trés faible densité),
3.
les IDL ((intermediary density lipoproteins ou lipoprotéines de densité intermédiaire),
4.
les LDL (low density lipoproteins ou lipoprotéines de basse densité),
5.
les HDL (high density lipoproteins ou lipoprotéines de haute densité).
Ainsi, lorsque l'on parle de :
•
cholestérol total, cela représente la somme des différentes fractions de cholestérol (libre et
estérifié) transportées par les différentes lipoprotéines,
•
triglycérides, cela représente les différentes fractions de triglycérides transportées par les
différentes lipoprotéines. Chez le sujet normal, 80 % des TG sont dans les VLDL, 75 % du cholestérol
sont dans les LDL.
Ces lipoprotéines subissent un métabolisme permanent :
•
les unes sont très riches en triglycérides et ne sont retrouvées qu'en période postprandiale :
chylomicrons, VLDL, une grande partie des IDL,
•
les autres sont riches en cholestérol et sont retrouvées à jeun LDL (riches en cholestérol
dites "athérogènes"), HDL (riches en cholestérol dites "anti-athérogènes").
Ce métabolisme peut être simplifié au maximum :
•
après absorption des graisses alimentaires, la première lipoprotéine mise en circulation est le
chylomicron, ainsi nommé parce qu'il circule d'abord dans le chyle (la lymphe) avant de gagner la
circulation sanguine.
Le chylomicron subit l'action d'une enzyme fondamentale, la lipoprotéine lipase, qui hydrolyse les
triglycérides et le transforme en une molécule plus petite et moins riche en triglycérides: le remnant
(ou " reste " ou " résidu " de chylomicron) qui est reconnu par un récepteur spécifique de
l'apolipoprotéine E au niveau de la membrane des hépatocytes, et est catabolisé à ce niveau;
•
le foie met en circulation de nouvelles lipoprotéines synthétisées in situ : les VLDL, qui
subissent à leur tour l'action de la lipoprotéine-lipase qui les transforme en IDL.
Celles-ci sont reconnues pour leur plus grande part par un récepteur spécifique des apolipoprotéines
B/E au niveau de la membrane des hépatocytes et sont dégradées in situ.
Les autres subissent l'action de la lipase hépatique qui les transforme en LPL Elles sont reconnues par
le même récepteur des apolipoprotéines B/E, situé au niveau de la membrane des hépatocytes et des
autres cellules périphériques.
23
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
Les LDL se fixent sur ce récepteur, sont internalisées avec ce récepteur, et subissent toute une
suite de réactions aboutissant au dépôt intracellulaire de cholestérol libre.
Cela a pour conséquence de réprimer la synthèse intracellulaire de cholestérol (qui peut, dans toutes
les cellules de l'organisme, se faire à partir de la molécule fondamentale du métabolisme
intermédiaire: l'acétyl coenzyme A);
•
les HDL sont avant tout synthétisées par le foie, mais proviennent également en partie de
l'hydrolyse directe des lipoprotéines riches en triglycérides (chylomicrons et VLDL).
Très schématiquement, elles vont capter le cholestérol libre au niveau de la membrane plasmique des
cellules périphériques et le ramènent au foie où il sera catabolisé en acides biliaires et éliminé par le
cycle entéro-hépatique.
Dans ce métabolisme, deux points apparaissent primordiaux :
1.
Le rôle joué par la portion protéique (ou les portions protéiques) des lipoprotéines : les
apolipoprotéines sont considérées comme la partie intelligente de la lipoprotéine puisque ce sont elles
qui sont reconnues par les récepteurs spécifiques situés au niveau de la membrane cellulaire
(hépatocyte ou autre cellule périphérique).
Il existe cinq classes d'apolipoprotéines majeures: A, B, C, D, E.
Avec des sous-classes:
o
A-I, A-II, A-IV,
o
B100, B48,
o
CI, CII, CIII,
o
et avec parfois des isomorphes pour certaines: par exemple E2, E3, E4.
Il faut retenir surtout que:
o
L'apolipoprotéine CII est le cofacteur d'activation de la lipoprotéine-lipase,
o
L'apolipoprotéine A-I, présente surtout dans les HDL, est en corrélation positive et
statistiquement significative avec le cholestérol HDL2, c'est-à-dire la véritable fraction antiathérogène du cholestérol total.
Elle active la LCAT (lécithine-cholestérol-acyl-transférase) qui joue un rôle fondamental dans le "
transport reverse " du cholestérol,
o
L'apolipoprotéine B, présente surtout dans les LDL, est en corrélation positive et
statistiquement significative avec le cholestérol LDL, c'est-à-dire la fraction athérogéne du
cholestérol total.
La structure de ces protéines est parfaitement déterminée, de même que la localisation
chromosomique et la séquence de leur gène. Différents types de mutations (ponctuelles, délations,
inversions...) sont connus et sont responsables de la non-reconnaissance de la lipoprotéine par son
récepteur spécifique, d'où certaines dyslipoprotéinémies.
2.
Les LDL, lipoprotéines athérogènes par excellence, sont donc reconnues par le récepteur des
apolipoprotéines B/E (Brown et Goldstein, prix Nobel 1985) et sont catabolisées à l'intérieur de la
cellule selon un schéma désormais classique.
Mais si, pour une raison quelconque (par exemple un déficit quantitatif en récepteurs des LDL comme
dans certains cas d'hypercholestérolémie familiale, ou un déficit qualitatif en ces mêmes récepteurs,
comme semble pouvoir en provoquer un régime trop riche en cholestérol et/ou graisses -saturées), les
LDL ne sont plus normalement catabolisées par cette " voie normale des récepteurs des
apolipoprotéines B/E " (ou voie de Brown et Goldstein), les LDL séjournent plus longtemps dans le
plasma puisque leur durée de demi-vie est augmentée.
Elles sont alors modifiées, surtout oxydées par les radicaux libres, et sont alors reconnues par un
autre récepteur (dit " scavenger " ou " éboueur ") situé au niveau de la membrane des macrophages.
24
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
Ces LDL oxydées pénètrent dans le macrophage et subissent toute une suite de réactions aboutissant
au dépôt intracellulaire de cholestérol estérifié, et finalement à la transformation du macrophage en
cellule-spumeuse, base de la lésion d'athérosclérose.
La théorie lipidique de l'athérosclérose est schématisée dans la figure 4 :
o
les LDL natives sont donc oxydées par les radicaux libres dans l'espace sous-endothélial et
captées et internalisées dans le macrophage,
o
le macrophage, ayant internalisé les LDL oxydées, sécrète des agents chimio-attractifs
(interleukine 1, tumor necrosis factor alpha...) qui attirent les monocytes circulant dans l'espace sousendothélial,
o
les LDL oxydées empêchent la mobilité des macrophages (les retenant dans l'espace sousendothélial) et ont une cytotoxicité envers les cellules environnantes, en particulier les cellules
endothéliales, ce qui provoque une brèche endothéliale, puis une adhésion des plaquettes...
La strie lipidique est alors formée. Ensuite, le macrophage sécrète des facteurs de croissance
(fibroblast growth factor,...) qui attirent les cellules musculaires lisses de la media vers l'intima
artérielle, favorisant leur prolifération et conduisant à des lésions athéromateuses plus évoluées.
LE CONTROLE DES FRACTIONS LIPIDIQUES PLASMATIQUES EN PRATIQUE COURANTE
1.
Un bilan lipidique complet comprendra la détermination, au bout de douze heures de jeûne, des
paramètres suivants :
- l'aspect du sérum à jeun (il peut être clair, opalescent, lactescent),
- cholestérol total (CT),
- triglycérides (TG),
- HDL-cholestérol (CHDL): rappelons que celui-ci ne doit être dosé que par une technique de
précipitation, et jamais par la technique électrophorétique presque toujours erronée car
transformant une donnée qualitative en donnée quantitative,
- le LDL-cholestérol (CLDL): le dosage direct de cette fraction est trop compliqué et trop
onéreux; il est beaucoup plus simple de le Calculer par la formule de Friedewald et Fredrickson,
valable à condition que les triglycérides soient inférieurs à 4 g/l :
CLDL=CT - CHDL - TG/5 (en g/l)
- apolipoprotéine B: en corrélation directe, positive et statistiquement significative avec la
fraction athérogène LDL-cholestérol,
- apolipoprotéine A-I: également en corrélation directe positive et statistiquement
significative avec la fraction anti-athérogène HDL-cholestérol.
En pratique, on se contentera des dosages de CT, TG, C HDL et Apo B.
2.
Les valeurs " normales " sont inconnues (car il n'y a pas de seuil au-dessus duquel le risque
apparaît. Il s'agit d'une variation continue du risque). Ce sont, comme pour la plupart des facteurs de
risque cardio-vasculaire, des valeurs recommandées, correspondant à un moindre risque cardiovasculaire :
o
cholestérol total: jusqu'en 1984, le taux " normal " de cholestérol total était déterminé par la
règle de Fredrickson, c'est-à-dire 2 g/l avec, en décimales, l'âge en années (2,30 g/l à 30 ans; 2,60
g/l à 60 ans).
Mais les grandes études épidémiologiques (Framingham au premier chef) ont conduit à réviser ces
données.
La première conférence de consensus (consensus américain, Bethesda, 1984-1985) a fixé le taux
souhaitable du cholestérol total chez l'adulte à 2 g/l. Cela ne veut évidemment pas dire grand-chose
car, d'une part, il faut tenir compte des fractions athérogène et anti-athérogène et, d'autre part, ce
25
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
taux doit être interprété en fonction du contexte des autres facteurs de risque et des antécédents
cardio-vasculaires personnels, voire familiaux;
o
triglycérides: le chiffre " normal " a été fixé provisoirement à 2 g/l, ce qu'il faudra
probablement réviser secondairement pour revenir à l'ancienne limite autorisée de 1,50 g/l:
o
HDL-cholestérol: il doit être supérieur à 0,35 g/l. Il est en effet démontré qu'un taux
régulièrement inférieur à 0,35 g/l est un facteur de risque cardio-vasculaire indépendant des autres
facteurs de risque cardio-vasculaire en général, et des autres facteurs lipidiques de risque.
Le taux moyen est cependant de 0,45 g/l dans la population masculine, et de 0,55 g/l dans la
population féminine non ménopausée;
o
LDL-cholestérol: un taux inférieur ou égal à 1,60 g/l semble souhaitable. Mais on pense qu'en
prévention secondaire, un taux inférieur à 1,30 g/l serait à obtenir;
o
apolipoprotéine B: taux normal inférieur à 1,30 g/l;
o
apolipoprotéine A-I: taux normal supérieur à 1,20 g/l.
Cependant, l'absence de standardisation des techniques de dosage des apolipoprotéines rend difficile
l'application des valeurs recommandées.
o
Indice d'athérogénicité CT/CHDL: c'est ce rapport qui est le plus utilisé, indiquant un risque
augmenté s'il est supérieur à 4,5. Mais, autant ce rapport est valable pour les études
épidémiologiques portant sur un grand nombre de sujets, autant il peut être pris en défaut chez un
patient donné en raison de sa grande variabilité d'un contrôle lipidique à l'autre.
L'ampleur du problème apparaît considérable: si l'on se réfère aux 400 000 dosages effectués en
1988 par les centres d'examens de santé de l'assurance-maladie dans toutes les provinces de France
et dans toutes les catégories socioprofessionnelles, on voit que (Tableau I) :
dans le sexe masculin: le taux moyen de cholestérol total, tous âges confondus, est de 2,19 g/l;
5,4 % des sujets âgés de 15 à 24 ans ont une cholestérolémie supérieure à 2,50 g/l, etc., ce qui fait
que près d'un homme sur 5 (18,4 %) a une cholestérolémie supérieure a 2,50 g/l;
dans le sexe féminin: le taux moyen de cholestérol total, tous âges confondus, est de 2,11 g/l;
4 % des femmes âgées de 15 à 24 ans ont une cholestérolémie supérieure à 2,50 g/l, etc;., ce qui fait
que 17,2 % des femmes ont une cholestérolémie supérieure à 2,50 g/l.
Si l'on fixait le taux " normal " de cholestérol total à 2 g/l, c'est plus de la moitié de la population
française qui serait concernée.
Quoi qu'il en soit, le taux de cholestérol total peut varier selon l'heure, la saison..., et une variation
de l'ordre de 0,20 g/l d'un jour à l'autre est possible. Le taux des triglycérides est éminemment
variable en fonction des conditions diététiques.
Il est donc préférable, sauf urgence, cardio-vasculaire en particulier, de faire deux ou trois contrôles
lipidiques à trois ou quatre semaines d'intervalle pour bien classer l'hyperlipoprotéinémie dans un
cadre déterminé et prescrire le traitement adapté, diététique toujours, et éventuellement
médicamenteux.
Que faut-il raisonnablement essayer d'obtenir sous traitement ? La plupart des spécialistes sont
aujourd'hui d'accord pour dire que la situation est différente selon que l'on se trouve en prévention
cardio-vasculaire primaire ou secondaire.
En prévention cardio-vasculaire primaire: il est raisonnable d'envisager :
la diététique seule si le LDL-cholestérol est compris entre 1,60 et 1,90 g/l,
l'association régime et hypolipidémiant si le LDL-cholestérol reste supérieur à 1,90 g/l malgré
le régime, ou s'il reste supérieur à 1,60 g/l mais en association avec d'autres facteurs de risque
(obésité, HTA, tabagisme...).
26
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
En prévention cardio-vasculaire secondaire: le traitement est toujours beaucoup plus efficace
en termes de morbidité et de mortalité cardio-vasculaires, et il faut tout mettre en œuvre pour se
rapprocher des taux suivants :
cholestérol total de l'ordre de 2 g/l,
LDL-cholestérol de l'ordre de 1,30 g/l, voire moins en fonction du contexte,
HDL-cholestérol de l'ordre de 0,45 g/l, voire plus,
triglycérides normaux (inférieurs à 1,50 g/l).
3.
L'ARCOL (Comité français de coordination des recherches sur le cholestérol) a essayé, depuis
plusieurs années, d'uniformiser les techniques de laboratoires pour ces différents dosages et
recommande :
o
pour le cholestérol total: la technique enzymatique (Biomérieux ou Boehringer par exemple),
o
pour les triglycérides: (idem),
o
pour le HDL-cholestérol: la technique de précipitation par le chlorure de magnésium et le
phosphotungstate qui précipite les LDL et les VLDL; le HDL cholestérol est dosé dans le surnageant
par la même technique enzymatique que le cholestérol total,
o
pour le LDL-cholestérol: le calcul par la formule de Friedewald,
o
pour les apolipoprotéines A-I et B: les techniques immunologiques automatisées (néphélémètre
de préférence). La répétabilité, c'est-à-dire les dosages répétés sur le même prélèvement du patient
est, avec ces techniques, de l'ordre de 2 % à 3 %. Cela, sauf si les triglycérides sont supérieurs à 3
g/l, car, dans ce cas, les dosages d'apolipoprotéines A-I et B (et de lipoprotéine (a), voir plus loin)
sont pris en défaut.
La reproductibilité, c'est-à-dire les dosages répétés plusieurs jours de suite sur le même
prélèvement, est de 4 % à 5 %, ce qui est également très fiable.
4.
D'autres examens sont également possibles :
o
L'électrophorèse des lipoprotéines, sur gel d'agarose surtout, permet de bien séparer les
différentes fractions: chylomicrons, bêta-lipoprotéines (correspondant aux LDL), broad-bêtalipoprotéines (correspondant aux IDL), pré-bêta-lipoprotéines (correspondant aux VLDL) (figure 5).
Elle reste à la base de la classification des hyperlipoprotéinémies :
type I: hyperchylomicronémie ou hypertriglycéridémie dépendante des graisses alimentaires,
type IIa: augmentation des bêta-lipoprotéines (hypercholestérolémie pure, familiale à
transmission autosomique dominante monogénique, ou non familiale polygénique),
type IIb: augmentation des bêta- et pré-bêta-lipoprotéines (hyperlipidémie combinée),
type III: augmentation et/ou seulement présence de la broad-bêta-lipoprotéine (dys-bêtalipoprotéinémie),
type IV: augmentation des pré-bêta-lipoprotéines (hypertriglycéridémie endogène, dépendante
des glucides, de l'alcool ou d'une obésité),
type V: hyperchylomicronémie et hyperpré-bêta-lipoprotéinémie.
Tout cela reste vrai, en sachant que les types IIa, IIb et IV représentent la grande majorité des
hyperlipidémies rencontrées en clinique.
o
Les autres examens sont, pour la plupart, effectués dans des laboratoires très spécialisés :
séparation des lipoprotéines par ultra-centrifugation en chylomicrons, VLDL, IDL, LDL, HDL,
et dosage des fractions lipidiques dans chacune de ces classes,
étude des apolipoprotéines C et E... par iso-électrofocalisation,
étude des récepteurs des LDL,
cinétique in vivo des VLDL, LDL, HDL,
étude de la susceptibilité à l'oxydation des LDL,
27
Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
dosage des activités enzymatiques: lipoprotéine-lipase, lipase hépatique, LCAT (lécithinecholestérol-acyl-transférase), CETP (protéine de transfert du cholestérol estérifié ou Cholestérol
ester transfer protein),
étude des gènes des apolipoprotéines...
LES NOUVEAUX FACTEURS LIPIDIQUES DE RISQUE CARDIO-VASCULAIRE
On en parle beaucoup à l'heure actuelle, peut-être à juste titre, même si elle reste par bien des côtés
encore obscure. Elle ressemble beaucoup à la LDL, avec en plus une apoprotéine (a) liée par un pont
disulfure à chaque molécule d'apoprotéine B100.
•
Elle est particulièrement athérogène si son taux plasmatique dépasse 0,45 g/l. (la valeur guide
de 0,30 g/l a été réévaluée à 0,45 g/l à la suite de modifications techniques de dosage).
•
Son dosage est difficile car il existe une immuno-réactivité croisée avec le plasminogène.
•
Son taux est en corrélation avec le degré d'athérosclérose coronarienne et carotidienne.
•
Il est génétiquement déterminé et ne varie guère au cours de la vie.
•
Elle résiste à tout traitement diététique et médicamenteux, sauf à l'acide nicotinique.
•
Elle diminue globalement la fibrinolyse et est donc également impliquée dans les processus de
thrombogenèse.
En pratique, son dosage systématique à l'occasion de tout contrôle lipidique est, pour nous,
totalement prématuré et irréaliste, sauf chez le coronarien.
Alaupovic, puis Fruchart, pensent que la séparation classique des lipoprotéines par ultracentrifugation préparatrice en chylomicrons, VLDL, IDL, LDL et HDL ne rend pas entièrement compte
de la réalité, les échanges entre ces lipoprotéines étant innombrables et permanents.
Ils préfèrent, grâce à des anticorps, séparer des " particules lipoprotéiques " selon leur composition
en apolipoprotéines, et distinguent :
•
les particules simples, ne contenant qu'une seule apolipoprotéine, par exemple :
o
Lp AI: ne contenant que l'apolipoprotéine A-I,
o
Lp B: ne contenant que l'apolipoprotéine B,
o
etc.
•
les particules complexes, contenant au moins deux apolipoprotéines, par exemple :
o
Lp AI : AII: contenant les apolipoprotéines A-I et A-II,
o
Lp B : E: contenant les apolipoprotéines B et E.
o
Lp B : CIII: contenant les apolipoprotéines B et CIII
o
etc.
Ce fractionnement rendrait mieux compte de la réalité, ces auteurs ayant par ailleurs démontré que :
•
parmi les particules lipoprotéiques contenant les apolipoprotéines A: seule la Lp AI (et non la
Lp AI : AII) est anti-athérogène,
•
parmi les particules lipoprotéiques contenant l'apolipoprotéine B: seules les Lp B : E et Lp B :
CIII sont véritablement athérogénes,
•
etc.
a) L'hyper-apo-bêta-lipoprotéinémie: il existe, dans l'immense majorité des cas, une corrélation
positive, statistiquement significative, entre le taux de LDL-cholestérol et d'apolipoprotéine B.
Cependant, certains patients ont une élévation isolée de l'apolipoprotéine B. C'est l'hyper-apo-bêtalipoprotéinémie, décrite par Sniderman en 1980, transmise selon un mode autosomique dominant. Elle
est caractérisée par un sérum clair à jeun, des taux normaux de cholestérol total, triglycérides, LDL
et HDL cholestérol.
La seule anomalie réside donc en une élévation isolée de l'apoprotéine B100, les LDL étant
particulièrement riches en cette apolipoprotéine.
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
Il ne semble, en fait, s'agir que d'une hyperlipidémie combinée en rémission partielle, qui doit être
traitée car fortement athérogène.
b) L'hypo-alpha-lipoprotéinémie: de la même façon, il existe, dans l'immense majorité des cas, une
corrélation positive, statistiquement significative, entre le taux de HDL-cholestérol et
d'apolipoprotéine A-I.
Certaines familles ont des taux bas de HDL-cholestérol. On parle d'hypo-alpha-lipoprotéinémie
lorsque le HDL-cholestérol, dosé par une technique de précipitation, est inférieur à 0,35 g/l, au moins
à trois reprises.
Il s'agit alors d'un facteur de risque cardio-vasculaire indépendant des autres facteurs (lipidiques ou
non) de risque.
Il faut alors à tout prix normaliser le taux de triglycérides si celui-ci est élevé (l'association
hypertriglycéridémie et diminution du HDL cholestérol est des plus classiques), et lutter contre les
autres facteurs de risque éventuellement associés (tous les facteurs de risque diminuant le HDL2
cholestérol, la véritable fraction anti-athérogène).
c) La lipidémie (ou lipémie) postprandiale: l'augmentation parfois trop importante et trop retardée
des triglycérides, en période postprandiale, due à l'accumulation des remnants de chylomicrons et de
VLDL, a été mise en évidence dans plusieurs études portant sur les coronariens.
La réalisation pratique de cette étude et les critères de " normalité " font encore partie du domaine
des services spécialisés. Mais il s'agira, dans un avenir proche, d'un facteur de risque à prendre en
considération.
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Biochimie clinique : Chapitre 8, exploration des lipides plasmatiques
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