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LES ECHANGES ET L’ECONOMIE DE MARCHE.
PARTIE I : LES FORMES DE L’ECHANGE.
DOCUMENT 1
« L’homme est avant tout un être social qui a besoin d’échanger avec les autres. Dans ces échanges il
ya évidemment les échanges de biens et services qui permettent de satisfaire des besoins. Karl Polanyi,
économiste et anthropologue, a distingué dans son ouvrage principal (« La grande transformation »)
trois modes principaux de redistribution des richesses dans les sociétés humaines :
- Il y a d’abord l’échange fait de Dons et contre-don, notamment au sein de la famille et des
petits groupes (échange finement analysé par l’ethnologue Marcel Mauss) ; échange de
services, de soins aux enfants,… Dans les sociétés modernes, le don existe toujours, même si
le « contre don » n’apparait pas clairement : don du sang, dons aux associations,…
- Il y a ensuite la redistribution des richesses qui passe par un « centre », le prince, l’Etat, les
modes de redistribution collectifs comme la sécurité sociale. Cette redistribution se fait par la
fourniture de prestations sociales ou de bien publics. Ils sont en général financés par des
prélèvements obligatoires.
- L’échange passant par le marché c'est-à-dire par l’achat et la vente de biens ou de services sur
un marché : on achète et vend des automobiles, des ordinateurs,...
Il faut remarquer que les deux premiers types de redistribution ont un caractère plus ou moins
obligatoire (on doit payer ses impôts, il est difficile de refuser une aide au proches,…) alors que le
troisième est entièrement libre (aucune règle ne m’impose d’acheter un vélo ou un ordinateur).
Ces trois modes de redistribution ont toujours coexisté mais dans des proportions différentes.
DOCUMENT 2
Mais l'homme a presque continuellement besoin du secours de ses semblables, et c'est en vain qu'il
l'attendrait de leur seule bienveillance. Il sera bien plus sûr de réussir, s'il s'adresse à leur intérêt
personnel et s'il leur persuade que leur propre avantage leur commande de faire ce qu'il souhaite d'eux.
C'est ce que fait celui qui propose à un autre un marché quelconque; le sens de sa proposition est ceci :
Donnez-moi ce dont j'ai besoin, et vous aurez de moi ce dont vous avez besoin vous-mêmes; et la plus
grande partie de ces bons offices qui nous sont nécessaires s'obtiennent de cette façon. Ce n'est pas de
la bienveillance du boucher, du marchand de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner,
mais bien du soin qu'ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à
leur égoïsme; et ce n'est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c'est toujours de leur avantage. Il
n'y a qu'un mendiant qui puisse se résoudre à dépendre de la bienveillance d'autrui; encore ce
mendiant n'en dépend-il pas en tout; c'est bien la bonne volonté des personnes charitables qui lui
fournit le fonds entier de sa subsistance; mais quoique ce soit en dernière analyse le principe d'où il
tire de quoi satisfaire aux besoins de sa vie, cependant ce n'est pas celui-là qui peut y pourvoir a
mesure qu'ils se font sentir. La plus grande partie de ces besoins du moment se trouvent satisfaits,
comme ceux des autres hommes, par traité, par échange et par achat. Avec l'argent que l'un lui donne,
il achète du pain. Les vieux habits qu'il reçoit d'un autre, il les troque contre d'autres vieux habits qui
l'accommodent mieux, ou bien contre un logement, contre des aliments, ou enfin contre de l'argent qui
lui servira à se procurer un logement, des aliments ou des habits quand il en aura besoin.
(Adam SMITH : RECHERCHES SUR LA NATURE ET LES CAUSES DE LA RICHESSE DES NATIONS -
LIVRE I - 1776)
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DOCUMENT N°3
C'est à ce point que nous pouvons comprendre ce que Lévi-Strauss entend par « principe »
lorsqu'il parle de réciproci. Il s'agit en effet de comprendre pourquoi « il y a bien plus dans l'échange
que les choses échangées » (SEP, 69). Ce qui s'y produit c'est non pas simplement une manifestation
de bienveillance ou de générosité, mais la reconnaissance de l'autre en tant que tel. Soit; mais
pourquoi cette reconnaissance importe-t-elle? S'agit-il d'une exigence qui serait propre aux
sociétés sauvages et traditionnelles, ou bien est-elle encore perceptible dans les tres? Pour se faire
entendre Lévi-Strauss nous propose le récit d'une expérience faite à propos du repas :
« Bien souvent nous avons observé le cémonial du repas dans les restaurants à bas prix du
midi de la France, surtout en ces gions où le vin étant l'industrie essentielle, il est entouré d'une
sorte de respect mystique qui fait de lui la " rich food " par excellence. Dans les petits établissements
le vin est compris dans le prix du repas, chaque convive trouve, devant son assiette, une
modeste bouteille d'un liquide le plus souvent indigne. Cette bouteille est semblable à celle du voisin,
comme le sont les portions de viande et de gumes qu'une servante distribue à la ronde. Et
cependant, une singulière difrence d'attitude se manifeste aussitôt à l'égard de l'aliment
liquide et de l'aliment solide : celui-ci repsente les servitudes du corps et celui-là son luxe, l'un
sert d'abord à.nourrir, l'autre à honorer. Chaque convive mange, si l'on peut dire, pour soi; et la
remarque d'un dommage minime, dans la façon dont il a été servi, soulève l'amertume à l'endroit des
plus favorisés, et une plainte jalouse au patron. Mais il en est tout autrement pour le vin : qu'une
bouteille soit insuffisamment remplie, son possesseur en appellera avec bonne humeur au jugement du
voisin. Et le patron fera face, non pas à la revendication d'une victime individuelle, mais à une
remontrance communautaire : c'est qu'en effet le vin, à la difrence du " plat du jour ", bien
personnel, est un bien social. La petite bouteille peut contenir tout juste un verre, ce contenu sera
ver, non dans le verre du détenteur, mais dans celui du voisin. Et celui-ci accomplira aussitôt un
geste correspondant de réciprocité
(…) Certains biens en effet (selon les cultures et les circonstances) apparaissent comme possédant
par eux-mêmes un caractère social. Ils sont désignés presque de soi au partage et à l'échange.
C'est le cas de toute nourriture qui ne sert pas d'abord à la satisfaction contraignante des
besoins physiologiques et dont les qualités de luxe appellent une consommation en groupe,
festive le plus souvent. Les exemples en sont encore très nombreux dans l'Occident
contemporain : « Une bouteille de vieux vin, une liqueur rare, un foie gras, invitent autrui à
faire percer une sourde revendication dans la conscience du propriétaire ; ce sont des mets
qu'on ne saurait s'acheter et consommer seul, sans un vague sentiment de culpabilité » (SEP,
67).
(Marcel Hénaff, Claude Lévi-Strauss, Paris, Éditions Pierre Belfond- 1991)
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Y a-t-il pratique plus étrange que celle de la dédicace telle qu'elle s'est peu à peu
institutionnalisée dans le monde de la bande-dessinée ? Elle consiste, lors de certains
événements (sorties d'album, festivals, invitations de librairies...), à donner - le terme est
important - un dessin réalisé sur le moment aux lecteurs ou à toute personne qui se
présente.(c'est-à-dire y compris à des personnes qui ne connaissent pas la Bd, mais, le plus
souvent, l'achète à cette occasion). A priori, ce don est gratuit : il dépend seulement de la
bonne volonté du dessinateur, comme le rappelle le site de l'Association des Auteurs de
Bandes-Dessinées :
Les auteurs sont là à titre gracieux, bénévolement, et ont beaucoup de plaisir à vous
rencontrer. La dédicace n’est pas une obligation ni l’unique finalité de la rencontre. Les plus
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élémentaires règles de courtoisie sont de rigueur, même après une attente longue et peut-être
pénible.
Pourtant, ce don revêt souvent un caractère obligatoire à partir du moment où le dessinateur
est présent. Quiconque s'est déjà promené, même de façon occasionnelle, dans les allées d'un
festival de BD a pu entrapercevoir les stratégies argumentatives que mobilisent les lecteurs
pour obtenir leurs dédicaces - Obion nous en offre un petit résumé sur ces planches, en
menant une comparaison avec un boucher. L'argument, souvent dénoncé par les auteurs, est
toujours plus ou moins le même : "vous nous devez bien ça".
(Merci à Obion pour l'autorisation d'utiliser ce dessin)
Le choix d'Obion est intéressant : pourquoi la situation est-elle absurde avec un boucher ?
Parce que le prix payé pour la saucisse, ou toute autre pièce de boucherie, dégage les deux
parties de l'échange de toute autre obligation l'une envers l'autre. C'est le cas de tout échange
marchand qui, dans l'idéal, peut même être parfaitement anonyme - ce qui devient le cas, par
exemple, dans les achats alimentaires et ménagers sur Internet. Même lorsque l'on peut
connaître l'identité de la personne avec qui on échange (par exemple, le patron de l'épicerie du
quartier), même lorsque on est en interaction directe avec elle (par exemple, le caissier du
supermarché), on ne s'entend pas à ce que l'achat d'un bien crée des droits ou des obligations
au-delà de celles fixés par le contrat (explicite ou implicite) de cet échange.
Force est de reconnaître que cela ne s'applique pas à la bande-dessinée. Du point de vue de
nombreux lecteurs, le fait qu'ils aient reçu, en échange de leur argent, un album de Bd ne
suffit pas à éponger la dette qu'entretienne à leur égard les auteurs. Ceux-ci leur doivent
encore quelque chose de plus, et même leur doivent quelque chose parce que ce sont eux "qui
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les font vivre" - un phénomène qui se retrouve chez d'autres artistes, notamment dans le
monde de la musique. Pourquoi cette spécificité ? Elle n'a rien de propre à la Bd, mais
s'applique à toutes les oeuvres de l'esprit, qu'il est toujours difficile pour nous, même à l'heure
où la reproductibilité technique de l'oeuvre d'art n'a jamais été aussi grande, de penser comme
des marchandises comme les autres. Les oeuvres de l'esprit, parce qu'elles sont l'émanation
d'un individu particulier et non d'une organisation anonyme, sont toujours perçues, dans nos
sociétés individualistes (c'est-à-dire qui valorise l'individu et son originalité) comme
différente de tout autre produit du travail.
Ceci est d'autant plus vrai que les artistes eux-mêmes entretiennent cette spécificité de leurs
productions, et refusent souvent de la voir ramener au rang de simple marchandise. Les
auteurs de Bd peuvent bien se plaindre des réactions de leurs lecteurs : ils ne devraient pas
oublier qu'ils entretiennent ce mythe de la spécificité des oeuvres artistiques. Ainsi, le très
talentueux dessinateur Boulet stigmatise les "chasseurs de dédicaces" qui ne s'intéressent pas
à l'oeuvre en ce qu'elle a de spécifique et, pire, s'attache avant tout à la valeur marchande du
dessin obtenu (il est vrai qu'en la matière, certaines pratiques contestables se développent).
Le même se moque ailleurs, dans une note sur le festival d'Angoulême, des auteurs qui gèrent
leurs séries comme une marque ou une entreprise.
Tout l'ambiguité du lien marchand est là : en théorie, et souvent d'un point de vue légal, il ne
crée pas d'autres obligations que l'échange entre les partenaires ; dans les faits, c'est rarement
le cas. S'y greffe le plus souvent une dimension "non-marchande". Le lien marchand crée des
liens qui ne sont pas strictement marchands.
(D. Colombi : L'ambiguité du lien marchand - 14 avril 2009 -
http://uneheuredepeine.blogspot.com/2009/04/lambiguite-du-lien-marchand-bd.html )
DOCUMENT N°5
Plusieurs services qui empruntaient auparavant les circuits des réseaux de charité ou des liens
personnels entre proches sont maintenant accessibles par le biais de l'État et de son appareil de
redistribution. Certains auteurs, et non des moindres, vont même jusqu'à considérer que cet appareil
peut remplacer le don dans la société moderne, les formes traditionnelles de don étant de plus en plus
résiduelles. À commencer par Mauss lui-même qui, tout en reconnaissant l'importance du don dans
toute société, considère que dans la société occidentale, le don prend surtout la forme de la
redistribution étatique, que la sécurité sociale est en quelque sorte le prolongement moderne du don
archaïque, et que les autres manifestations de don, hors de ce contexte, sont destinées à être
remplacées par des formes mixtes de circulation où le don traditionnel sera imbriqué d'une façon ou
d'une autre dans l'action de l'État. La redistribution étatique représenterait alors la forme achevée et
spécifique que prend le don aujourd'hui, et également son avenir. L'impôt remplace le don. C'est
d'ailleurs ce que nous pensons tous lorsque, sollicités par un organisme pour une cause, nous
répondons : « Vous ne croyez pas qu'avec mes impôts je donne déjà assez ! »
(Texte d'une conférence DE Jacques T. Godbout - La logique du don)
QUESTIONS
PARTIE I
1) Quels sont les trois modes de redistribution des richesses relevés par Polanyi ? (document 1)
2) Qui est Adam Smith ? (document 2)
3) Quelle est l’idée essentielle donnée dans le document 2 ?
4) Qui est Claude Levi-Strauss ?
5) Quelle est l’idée essentielle du document 3 ?
6) Qu’appelle-t-on « bien marchand » et « bien non marchand » ? (document 4)
7) Quelles sont les deux grandes catégories de biens que l’auteur du texte distingue ? (document
4)
8) Expliquez la phrase soulignée. Comparez ce propos à celui d’Adam Smith dans le document 2.
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9) Quelle est l’idée essentielle du document n°5 ?
10) Commentez la phrase soulignée dans le document n°5.
11) Dans le document n°1, Polanyi distingue trois types de répartition de la richesse. Associez les
documents 2 à 5 à chacune de ces trois types.
PARTIE II : LE MARCHE.
DOCUMENT N°6
Visitons un marché dans une bourgade du Maine, dans les années 50. Jeudi est jour de marché. Poules,
canards, lapins se retrouvent sur la place de l'église. Acheteurs et vendeurs sont ici bien identifiés: d'un
côté les marchands, de l'autres les fermiers. Les premiers déambulent, passent dans les rangs. On parle
prix, c'est-à-dire francs par kilogramme. Propositions et contre-propositions précédent éventuellement
un accord et engendrent un flux de transactions irrégulier. Le prix peut varier à quelques mètres de
distance, mais des tendances se dégagent que la rumeur renforce ou au contraire annihile. Départ lent,
puis cours et transactions plus soutenus; le journal local rendra compte, le lendemain, de la "tendance
du jour" qui pourra ainsi se propager dans la région. Le marché terminé, certaines marchandises n'ont
pas trouvé preneur: une semaine de sursis pour la volaille, jusqu'au prochain marché !
Le marché de l'automobile neuve est de fait une entité plus abstraite que le marché de volailles.
Superficiellement, les transactions s'effectuent dans les garages des concessionnaires agréés par les
grandes marques, des lieux qui ne rappellent que de très loin la place du marché des volailles. Bien
d'autres différences sont plus significatives: du côté de l'offre, les relations entre les intervenants -
marques et concessionnaires - et le mode de fixation des prix, du côté de la demande les modalités du
choix des acheteurs, etc. [...] Il est souvent pertinent de distinguer dans le marché de l'automobile des
sous-marchés selon les catégories. Ce qui est en cause est l'homogénéité du produit qui définit le
marché, et donc la notion de bien.
Faisons encore un pas dans l'abstraction. Notre nouvelle étape est la salle de marché d'une grande
banque parisienne en 1995, truffée d'ordinateurs et de téléphones. L'ambiance est fébrile: les "traders"
pianotent sur leur ordinateur et s'impatientent au téléphone. Des ordres d'achats ou de ventes sont
passés. La plupart des transactions faites ici ne portent pas sur des biens physiques, mais transfèrent
entre les agents des droits. Droits à la détention d'une monnaie à échéance déterminée; droits de
propriété partagés pour une action; droits à remboursement et à revenus monétaires réguliers pour une
obligation...
Terminons cette promenade sur les marchés par celui du travail. Qu'il y ait un marché du travail, et
donc que le travail soit une marchandise, était un grand scandale pour Marx. Le pain de l'homme est
une chose, sa sueur, ou sa peine, en est une autre. Il serait choquant d'en soumettre la rémunération à la
logique marchande quand sont en cause la subsistance, voire la survie du travailleur. Retenons
simplement à ce stade que, si le travail est une marchandise, elle n'est pas comme les autres. C'est une
"marchandise" dont les caractéristiques reflètent le "capital humain" (l'éducation, l'expérience...) que
son détenteur lui a incorporé et qui est donc susceptible d'être modifiée par des actions volontaires.
Une "marchandise" dont l'échange et la rémunération ne sont pas soumis aux seules forces des
marchés au comptant, mais obéissent à des règles complexes fixées dans le cadre de contrats à terme
plus ou moins longs. Enfin, cette "marchandise" constitue souvent un actif essentiel du "portefeuille"
des sources de revenus potentielles de celui qui l'offre.
(Source: Roger Guesnerie, L'économie de marché, Dominos Flammarion 1996, pp.11 à 16)
matierespremieres.blogs.rfi.fr/article/2010/01/04/fort-de-cafe-le-cours-du-cafe)
DOCUMENT 7
Dans l'examen des forces qui déterminent la courbe d'offre, le point fondamental qu'il convient de
saisir est que les producteurs offrent des marchandises pour faire un profit et non pour s'amuser ou par
charité. Par exemple, un fabricant de céréale offrira plus de flocons d'avoine à un prix plus élevé parce
qu'il sera rentable de le faire. Inversement, quand les prix des flocons d'avoine tombe en dessous des
coûts de production, les fabricants de céréales passeront à d'autres activités. [...] Quand les coûts de
production sont bas par rapport aux prix du marché, il est rentable pour les producteurs d'en offrir une
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