La Chute des Feuilles
Charles-Hubert Millevoye
De la dépouille de nos bois
L'automne avait jonché la terre ;
Le bocage était sans mystère,
Le rossignol était sans voix.
Triste, et mourant à son aurore,
Un jeune malade, à pas lents,
Parcourait une fois encore
Le bois cher à ses premiers ans.
« Bois que j'aime, adieu ! Je succombe;
Votre deuil m'avertit de mon sort,
Et dans chaque feuille qui tombe
Je lis un présage de mort.
Fatal oracle d'Épidaure,
Tu m'as dit : Les feuilles des bois
A tes yeux jauniront encore,
Et c'est pour la dernière fois.
La nuit du trépas t’environne ;
Plus pâle que la pâle automne.
Tu t’inclines vers le tombeau.
Ta jeunesse sera flétrie
Avant l'herbe de la prairie,
Avant le pampre du coteau ՙ.
« Et je meurs ! De sa froide haleine
Un vent funeste m’a touché,
Et mon hiver s’est approché
Quand mon printemps s’écoule à peine.
Arbuste en un seul jour, détruit,
Quelques fleurs faisaient ma parure ;
Mais ma languissante verdure
Ne laisse après elle aucun fruit.
« Tombe, tombe, feuille éphémère !
Voile aux yeux ce triste chemin
Cache au désespoir de ma mère
La place où je serai demain.
Mais vers la solitaire allée
Si mon amante désolée
Venait pleurer quand le jour fuit,
Éveille par un léger bruit
Mon ombre un instant consolée ».
Il dit, s'éloigne... et, sans retour...
La dernière feuille qui tombe
A signalé son dernier jour.
Sous le chêne on creusa sa tombe...
Mais ce qu’il aimait ne vint pas
Visiter la pierre isolée ;
Et le pâtre de la vallée
Troubla seul du bruit de ses pas
Le silence du mausolée.
The Fall of the Leaves
Charles-Hubert Millevoye
With the spoils of the wood,
Autumn had littered the earth;
The groves without mystery,
The nightingale without voice.
Sadly, and dying with his dawn,
A youth, afflicted, paced slowly
Across, as in earlier years,
This wood of delight, once more.
“Wood that I love, farewell! I succombe;
Your mourning has warned of my fate
And, in each leaf that falls
I read a presage of death.
Oracle of Epidaurus,
You have told me: ‘The leaves of the wood,
Will turn yellow again before your eyes,
And that for the very last time.
Your demise in the night falls upon you:
Paler than the autumn blade
You are sinking into the tomb.
Your youth will have withered
Before the grass on the field,
Before the vine on the slope’.
“And I die! With its cold breath
A deadly wind has touched me,
And my winter has neared
When my spring has hardly passed;
A sapling destroyed in a single day,
Whose flowers sufficed for my frills;
But no fruit hereafter
Will be left by my flagging green.
Fall, fall, ephemeral leaf!
Veil this sad path to the eyes,
Hide from the despair of my mother
The place where I shall be tomorrow.
But, if my desolate lover
Were to come to this lonely spot
To weep when the day has flown,
May my shade awaken, briefly consoled,
By the softest of sounds”.
He spoke from afar… and without returning…
The last leaf that falls
Has signalled the day as his last.
Beneath the oak, they dug his grave…
But she whom he loved did not come
To visit this lonely stone;
And only the shepherd in the valley
Has disrupted, with the sound of his step,
The silence of the mausoleum.
Translation: © David Paley
Version 2
La Chute des Feuilles
Charles-Hubert Millevoye
De la dépouille de nos bois
L'automne avait jonché la terre ;
Le bocage était sans mystère,
Le rossignol était sans voix.
Triste, et mourant à son aurore,
Un jeune malade, à pas lents,
Parcourait une fois encore
Le bois cher à ses premiers ans.
« Bois que j'aime, adieu ! Je succombe;
Ton deuil m'avertit de mon sort,
Et dans chaque feuille qui tombe
Je vois un présage de mort.
Fatal oracle d'Épidaure,
Tu m'as dit : Les feuilles des bois
A tes yeux jauniront encore,
Mais c'est pour la dernière fois.
L'éternel cyprès se balance ;
Déjà sur ta tête en silence
Il incline ses longs rameaux :
Ta jeunesse sera flétrie
Avant l'herbe de la prairie,
Avant le pampre des coteaux ՙ.
« Et je meurs ! De leur froide haleine
M'ont touché les sombres autans ;
Et j'ai vu, comme une ombre vaine,
S'évanouir mon beau printemps.
Tombe, tombe, feuille éphémère !
Couvre, hélas ! Ce triste chemin ;
Cache au désespoir de ma mère
La place où je serai demain.
Mais si mon amante voilée
Au détour de la sombre allée
Venait pleurer quand le jour fuit,
Éveille par un léger bruit
Mon ombre un instant consolée ».
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