Le ciel est, par-dessus le toit, Si bleu, si calme ! Un arbre, par dessus le toit, Berce sa palme. La cloche, dans le ciel qu’on voit, Doucement tinte. Un oiseau sur l’arbre qu’on voit Chante sa plainte. Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là, Simple et tranquille. Cette paisible rumeur-là Vient de la ville. - Qu’as-tu fait, ô toi que voilà Pleurant sans cesse, Dis qu’as-tu fait, toi que voilà, De ta jeunesse ? Paul Verlaine, Sagesse, 1881 Chaleur Bel arrangement du matin, Qui aveuglez d’air argentin Les coteaux crêpelés de thym ; Brillez sur les toits et les portes, Et sur toutes les routes tortes De la campagne à demi morte. Tout luit, tout bleuit, tout bruit, Le jour est brûlant comme un fruit Que le soleil fendille et cuit. Chaque petite feuille est chaude Et miroite dans l’air où rôde Comme un parfum de reine-claude … Anna de Nouilles, L’Ombre des jours, 1902 Chant d’enfant Regarde le joli jardin Que Dieu nous donna ce matin Plein de gai soleil et de fleurs Aux yeux de toutes les couleurs. Pour le retenir en lieu sûr Nous l’avons entouré de murs Sans quoi la nuit il s’en irait Faire le fou dans la forêt Si loin que plus personne après Jamais ne le retrouverait. Nous l’avons avec notre clé La plus solide, la plus forte, Enfermé derrière une porte Pour que le Vent, cet endiablé Voleur volant qui va souffler Quand nous dormirons ne l’emporte Pour y loger ses feuilles mortes. Marie Noël, Chants des Quatre-temps, 1962. Editions Gallimard Petite pluie d’été Petite pluie d’été, Petite pluie que j’aime Tombe sur les ramiers, Tombe sur les troènes, Tombe sur les brebis Rentrant du pâturage, Tombe sur moi aussi Qui lui tends mon visage. Puis elle prend la nuit Doucement par la manche Et doucement se penche Sur la route qui luit. … Maurice Carême, Le Mât de Cocagne, 1963. Fondation Maurice Carême