
F O N D E M E N T O N T O L O G I Q U E D E L A F A M I LL E
Malgré le génie de Platon, ô combien soucieux d’organi-
sation politique ! cette impuissance à unifier vraiment, qui
caractérise « l’unité en soi », apparaît déjà dans l’argument dit du
troisième homme à l’égard de la théorie des formes idéelles, les
« eidê » ; chacune, étant une en elle-même, est censée, selon
Platon, unifier la réalité sensible multiple qui lui ressemble
.
Mais une critique semblable, double, peut être faite envers la
théorie de l’hylémorphisme aristotélicien
.
Aussi la théorie de l’acte et de la puissance qui, dans la
scolastique thomiste, par la distinction entre essence et existence,
généralisera en quelque sorte la relation « forme-matière » pour
rendre compte de la multiplicité des « natures » dans l’unité de
l’être, souffre-t-elle de la même impuissance à réaliser une véri-
table unification du multiple. Dans cette manière de concevoir
l’unité, la réalité d’une distinction entre des êtres sera toujours le
signe de la présence d’une certaine imperfection en ces êtres
distincts, imperfection spéculativement responsable de la
distinction elle-même. C’est pour cela qu’un tel concept d’unité,
d’unité définie exclusivement par l’indivision, ne pourra jamais
traduire la puissance unificatrice qui opère dans le Réel. En effet
dans sa définition même, le principe de la distinction entre les
êtres lui est toujours opposé de l’extérieur, en dehors de son
pouvoir d’unification.
En conséquence, dans cette optique, en laquelle le concept
d’unité est pensé uniquement comme indivision, même la notion
d’acte, et singulièrement celle d’actus essendi-d’acte d’être, du
moins dans son acception habituelle « scolairement - scolas-
tique », manquera, pour ces mêmes raisons, du pouvoir ontolo-
gique d’unifier la multiplicité du réel, en la fondant et en la
garantissant dans l’être. Par conséquent elle traduit son impuis-
sance à nous donner une intelligibilité valable de la réalité
humaine de la famille.
B — La famille et ses interprétations mythologiques.
Nous faut-il rester prisonniers de cette optique ? Nous ne le
pensons pas. Pas plus que nous ne devons rester prisonniers de
trois mythes célèbres qui impliquent une semblable conception
de l’unité et une pareille dépréciation de l’idée de distinction et
de pluralité, précisément entre hommes et femmes. Il s’agit du
mythe « religieux » de l’androgyne originel. Celui-ci est divisé,
scindé en homme et femme, en punition d’avoir voulu escalader