Comment expliquer les crises financières et réguler le système financier ? Depuis les années 1990, c’est le grand retour des crises financières. Quelles sont-elles ? Sur les différents marchés que nous avons vus au chapitre précédent ont lieu de brusques effondrements de la valeur des actifs. Le système financier est alors fortement déstabilisé et tous les acteurs qui y participent en souffrent. Ces chocs dans la finance peuvent se répercuter dans l’économie réelle sous la forme de récessions. Depuis la crise financière de 2008-2009, se pose la question de comment mieux encadrer le système financier et le re-réglementer. C’est ce que nous allons voir dans ce chapitre. I – Identification des différentes crises et des mécanismes qui peuvent en être à l’origine A - Quels sont les différents marchés ou domaines qui peuvent être affectés par une crise ? Les crises financières peuvent prendre la forme de : • crise de change : effondrement de la valeur d’une monnaie ; • crise boursière (ou « krach » boursier) : très forte chute du cours des actions ; • crise bancaire : faillite de banques qui fait suite à une situation d’illiquidité ou d’insolvabilité de celles-ci. Une banque illiquide est incapable de se procurer et de fournir à ses clients de la monnaie Banque Centrale. Une banque insolvable ne peut plus honorer les paiements auxquels elle s’était engagée. Elle disparait donc avec tous les dépôts de ses clients. • crise de la dette souveraine : incapacité d’un Etat à rembourser ses créanciers ; Question : Quels types de crise ont eu lieu lors de la crise financière de 2008-2009 ? B – Les mécanismes susceptibles d’engendrer une crise 1 – Comportement mimétique et bulle financière Normalement, les titres les plus recherchés sont ceux qui fournissent le niveau de dividendes ou d’intérêt le plus élevé. Ils sont les plus susceptibles de gagner en valeur pour réaliser une plus-value. Autrement dit, derrière la valeur du titre, il y a des fondamentaux (des éléments issus de l’économie réelle) qui l’expliquent. Que se passe-t-il vraisemblablement dans une entreprise dont le cours de son action augmente ? Et dont le cours baisse ? A partir de 1997, on constaté une forte hausse du cours des actions américaines. Cette hausse était alors en particulier tirée par les espoirs placés dans la nouvelle économie et les fabuleux profits qu'elle était sensée produire dans le futur. Cette croyance a créé une bulle spéculative qui a enflé jusqu'en 2000. On estime qu'à cette époque, les cours de Bourse étaient surévalués de l'ordre de 40 % dans tous les pays développés, en dehors du Japon. A partir du début 2001, ces espoirs fous dans la nouvelle économie sont enfin apparus pour ce qu'ils étaient : une pure spéculation. Et la bulle s'est progressivement dégonflée. Comment peut-on expliquer que les cours de bourse se sont retrouvés sur-évalués dans la période décrite ? Exemple suppl. d’explication : Imaginez que vous êtes un trader disposant de 10 000 € pour intervenir sur le marché actions. Vous constatez que les actions d’entreprises automobile se mettent à augmenter et que vos collègues cherchent à acheter ce type de titres. → Pourquoi avez-vous intérêt, vous aussi, à vous procurer ces titres ? Qu’allez-vous en faire ensuite ? A dicter : Une bulle spéculative est une situation où les cours des titres financiers augmentent du fait du comportement mimétique des spéculateurs, sans rapport avec la valeur fondamentale des titres. Les spéculateurs sont en effet sensibles à la "psychologie du marché", c’est-à-dire l’opinion moyenne des acteurs du marché. Les opérateurs de marché se copient les uns les autres (mimétisme) : tous achètent des titres lorsqu’ils pensent que ceux-ci vont prendre de la valeur. Par conséquent, la demande augmente et les titres prennent effectivement de la valeur. La demande continue malgré tout d’augmenter parce que les suiveurs veulent aussi réaliser une plus-value à la revente. Cela crée une bulle spéculative. Au moment où l’opinion dominante se retourne, on parle d’éclatement de la bulle : les agents revendent massivement leurs titres, qui perdent alors de la valeur d’autant plus qu’ils trouvent de moins en moins d’acheteurs. Question : pourquoi lorsque tout le monde se met à courir dans une direction, vous êtes tenté de courir avec eux ? Peut-on transposer ce raisonnement à un marché financier ? L’une des motivations de l’adoption du comportement mimétique est que l’information parfaite sur le marché n’existe pas. L’agent peut estimer que les leaders du marché sont mieux informés que lui et que leur comportement révèle une opportunité qu’il ne connaît pas. Il a donc intérêt à adopter un comportement moutonnier. On a là un exemple d’asymétrie d’information et de ses conséquences. 2 – Pourquoi les acteurs sur les marchés financiers ne réfrènent-ils pas leur prise de risque ? a) Le système de rémunération des opérateurs de marché (les traders) Celui explique également la formation de bulle : leur bonus qui s’ajoute à leur salaire est proportionnel aux plusvalues réalisées. Cela est très incitatif à « suivre le marché » et à prendre des risques même si les cours augmentent déraisonnablement. Vous êtes trader. Vous pensez que « le marché a tort » et que le prix d’un titre financier a augmenté bien audessus de sa valeur fondamentale. Pourquoi allez-vous malgré tout participer à cette tendance haussière ? Expliquez. b) Le transfert du risque (de défaut de paiement) possible grâce à la titrisation La relation entre la banque et ses emprunteurs est traditionnellement une relation de long terme. Pour éviter le défaut de paiement des emprunteurs, la banque doit alors évaluer correctement le risque de crédit, c’est-à-dire la capacité des emprunteurs à la rembourser sur longue période. Dans le contexte de très bas taux d'intérêt entretenu par la Federal Reserve Bank des États-Unis pendant les années précédant la crise, l'incitation à prêter et à emprunter était grande. Nombre de banques ont prêté avec moins d'attention concernant la qualité des crédits qu'elles consentaient. Un des cas les plus caricaturaux de cette dégradation de la gestion du risque est celui du subprime aux États-Unis. Ces prêts hypothécaires étaient accordés à des particuliers trop modestes et leurs revenus leur permettaient difficilement d'honorer les remboursements. Pourquoi les banques prêtaient-elles malgré tout ? Les établissements de crédit spéculaient sur le fait que la hausse des prix de l'immobilier continuerait indéfiniment et que cette dernière sécuriserait ces types de prêts (grâce à l'accroissement de valeur des immeubles pris en gage). 1. Qu’est-ce qu’une hypothèque ? Comment fonctionne un prêt hypothécaire ? Dicter : la bulle immobilière a enclenché une expansion des crédits immobiliers hypothécaires à des emprunteurs qualifiés de NINJA. Les institutions de crédit ont eu par ailleurs recours à la titrisation : la banque initiait mais vendait ensuite les crédits qu’elle avait accordés sous forme d’obligations (les CDO : collateralised debt ogligations) sur le marché financier. Des centaines de crédits se retrouvaient donc agrégés en paquets et transformés en titres financiers. C’est ce qu’on appelle la titrisation. Ce n’était donc plus les banques mais les acheteurs de titres subprimes qui se retrouvaient désormais à assumer le risque d’un possible défaut de paiement des emprunteurs. 2. Le fait de pouvoir transférer le risque et de revendre les crédits incitait-il les banques à limiter ou à continuer de fournir des crédits immobiliers aux ménages ? 3. Pourquoi peut-on parler d’alea moral à propos de cette situation ? En réalisant cette opération, elle transfère le risque de non remboursement du prêt à un autre agent. II – La séquence du choc systémique le plus récent d’origine financière Le modèle de la banque universelle L'activité principale des banques consiste à attribuer des prêts. Elles offrent des services (carte bancaire, virements réguliers) à leurs clients sur lesquels elles gagnent des commissions. Elles jouent également sur les marches financiers l'argent que leur confient des investisseurs, mais aussi leurs propres capitaux, par l'intermédiaire de leur banque de financement et d'investissement (BFI), une activité qui leur rapporte aussi des commissions. Ce modèle de banque à tout faire est qualifie de « banque universelle ». 1. Justifiez l'expression « banque universelle ». 2. Comment les banques se rémunèrent-elles dans ces différentes activités ? Ce modèle offre un avantage : quand les marchés vont mal, la banque de dépôts est la pour fournir des revenus stables. Quels sont les avantages et les inconvénients de cette diversification des activités ? A – La contagion de l’économie réelle par la crise financière : Le principal canal de transmission de la crise des subprimes à l'économie réelle est la contraction de l’offre de crédit appelé « credit crunch ». Les banques ont en effet acheté massivement des subprimes. Mais avec l’effondrement du marché immobilier américain et les défauts de paiement des ménages emprunteurs, ces titres perdent toute valeur au point de les appeler des « actifs toxiques ». Sur le marché interbancaire, c’est la paralysie : les banques éprouvent les plus grandes difficultés à trouver des liquidités car elles proposent en échange des titres jugés douteux ou pourris (junk bounds). De même, leur santé financière étant altérée, elle ne peuvent pas faire appel à de nouveaux fonds propres : personne n’a envie de devenir actionnaire d’une banque qui peut potentiellement faire faillite. Elles sont donc moins en mesure d'octroyer des prêts aux entreprises et aux ménages. Le taux d'intérêt des prêts est relevé, car l'ensemble des banques exige des primes de risque plus élevées en raison de la crise de confiance qui s'est installée. L'assèchement du crédit réduit la consommation et l'investissement des ménages et des entreprises. Les petites et moyennes entreprises notamment sont très dépendantes du crédit pour leur création et pour leur croissance (pour financer leurs investissements suivants). Les entreprises sont également mises en difficulté par des problèmes de trésorerie car elles ont de plus en plus de difficultés à emprunter de l'argent à court terme. Sans la possibilité de recourir à des emprunts, une grande partie des ménages ne parvient pas à acheter un logement ou une voiture. Nicolas Couderc, Olivia Montel-Dumont, Des subprimes a la récession, comprendre la crise, La Documentation française, 2009. 1. Représentez par un schéma l'enchaînement de la crise. 2. On parle de risque « systémique » ou d'« effet-domino » à propos crises financières. Montrez en quoi le reste de l'économie (consommation, investissement, croissance, emploi, ...) est frappé à son tour par la crise financière. 3. Les ménages directement détenteurs de fonds placés dans des subprimes peuvent-il subir les conséquences de la crise financière ? Quelle sera leur réaction en termes de propension à consommer ? Avec le décloisonnement des marchés, une crise localisée peut se diffuser à l’ensemble des marchés financiers à l’échelle planétaire. On parle de risque systémique lorsque la dégradation brutale de la stabilité financière risque de compromettre la capacité du système financier à remplir sa fonction fondamentale, c’est-à-dire permettre le financement de l’économie réelle. Avec la crise des subprimes de 2008, le cours des titres subprimes s’est effondré avec, à sa suite, celui des actions d’entreprise : il y a eu donc aussi une crise boursière. B - Il fallait sauver le soldat bancaire : « too big to fail » ! La banque américaine Lehman Brothers fait faillite en 2008. Comme on ne pouvait laisser le système s'effondrer au risque de provoquer une dépression générale, les États et les Banques centrales ont massivement soutenu les banques en difficulté. L’Etat français par exemple a fait voté aux députés en octobre 2008 un plan de sauvetage des banques françaises : 40 milliards d’euros ont été versés aux différentes banques pour les recapitaliser (leur donner de nouveaux fonds propres) et 320 milliards leur ont été prêtés dans le même but. L’ensemble des banques les avait remboursé en 2011. Par comparaison, les deux plans de prêt à l’Etat grec représentaient 240 milliards. Pour sécuriser le système bancaire, la Banque Centrale a adopté le rôle de prêteur en dernier ressort. Si une banque est illiquide, elle peut toujours s’approvisionner en monnaie Banque Centrale auprès d’elle. Cela veut dire que la Banque Centrale a consenti à prendre en pension les actifs toxiques des banques. Enfin, les Etats ont adopté des plans de relance de l’économie en accordant des baisses d’impôts temporaires et des primes à la consommation. Tout cela a fortement creusé les déficits publics. Cela explique une partie de la crise de la dette d’aujourd’hui. L’aléa moral. les opérateurs financiers peuvent prendre des risques non anticipés, parce qu’ils savent qu’il existe un prêteur en dernier ressort (Etat ou banque centrale) qui pourra les couvrir. L’assurance d’un sauvetage financier conduit à prendre davantage de risques. Un établissement "too big to fail" est un établissement " trop gros pour faire faillite ". Son poids financier rend impossible le fait que les autorités monétaires puissent le laisser tomber, en raison de l’effet majeur qu’une faillite entraînerait. Notamment, un phénomène de panique bancaire (une ruée vers les guichets). En l’absence d’intervention, l’économie risque la crise systémique Aléa moral, risque systémique, comportement mimétique, régulation. On présentera les mécanismes susceptibles d'engendrer un choc systémique, en insistant particulièrement sur les déséquilibres macro-économiques, les anticipations mimétiques et l'aléa moral. L'exemple d'un marché de matières premières permettra d'illustrer les problèmes posés par la volatilité des cours. Acquis de première : asymétrie d'information, risque de crédit, bilan. C – La volatilité des cours sur les marchés de matières premières 1 – Pourquoi une volatilité des cours ? Les « matières premières » désignent des choses très différentes : les matières premières agricoles (comme le blé, le riz ou le maïs), les métaux, les sources d’énergie fossile. Elles ont des caractéristiques communes : la demande mondiale à leur adresse est plutôt inélastique, c’est-à-dire que la consommation de ces biens varie peu, même si les prix augmentent ou diminuent. Il existe toujours une incertitude sur les quantités disponibles (quelle sera la récolte de produits agricoles ? Où en eston des réserves pétrolifères ?). Par conséquent, une légère réduction de la production entraîne une augmentation très importante des prix. Inversement, des matières premières trop abondantes (agricoles surtout, après une bonne année de récolte) provoqueront un effondrement des cours. On peut donc dire qu’il y a une volatilité des prix, c’est-à-dire qu’ils varient brusquement et avec une forte amplitude. 2 – Les marchés à terme (ou futures) : un mécanisme originel de stabilisation des prix Pour sécuriser les acheteurs (qui veulent éviter de subir des prix trop élevés) et les vendeurs (qui veulent avoir une garantie de vente à des prix pas trop faibles), on a créé des contrats à terme. Ce contrat fixe à l’instant de la signature un prix auquel seront échangées à une date ultérieure les quantités promises. On s’entend maintenant sur l’avenir, c’est pourquoi on parle aussi de contrat futures. Des fonds d’investissement peuvent créer ces « promesses de vente » avant même que ceux qui sont intéressés par les céréales se mettent d’accord. Ces derniers n’auront alors qu’à acheter ces futures déjà existants. Là où les choses se compliquent, c’est que les futures peuvent également être optionnels, c’est-à-dire qu’on peut faire jouer ou non la livraison des quantités physiques. Exercice de compréhension : imaginons que vous êtes en janvier 2012 où le baril de pétrole valait 102 $. Vous voulez être livré de 100 barils en mars et en juin. Il y a une incertitude sur le prix dans le futur. Vous achetez deux contrats futures qui garantissent le prix à 102 $ l’un pour mars, l’autre pour juin. Son coût est de 2 $ pour chaque baril. 1. En mars, le prix du baril est de 105 $, faîtes-vous jouer votre contrat à terme ? acheteur de future gagne, son créateur-vendeur perd 2. En juin, le prix du baril est de 84 $, faîtes-vous jouer votre contrat à terme ? acheteur de future perd, son créateur-vendeur gagne 3. Si le prix du pétrole s’était envolé à 110 $ fin février, pourquoi le contrat à terme que vous déteniez aurait pu être revendu ? Jusqu’à quel prix ? 3 – Un produit dérivé lui-même soumis à fluctuations et qui déstabilise le marché réel Pour toutes les matières premières, il faut distinguer le marché physique où s’échangent les produits agricoles ou énergétiques et les marchés dérivés où s’échangent des contrats à terme qui portent sur des promesses de livraison. Sur les marchés dérivés, les prix des contrats sont déterminés par les anticipations des intervenants concernant les prix futurs des matières premières. Ces anticipations peuvent être totalement déconnectées des fondamentaux et être soumises aux comportements mimétiques. Si tout le monde pense que la récolte de céréales sera mauvaise, les acheteurs de céréales vont être très intéressés par des contrats à terme, de multiples contrats à terme vont être créés et leurs prix vont s’envoler parce que les traders estiment que c’est un titre financier qu’on peut ensuite revendre facilement à un acheteur de céréales. Mais ces contrats à terme doivent être honorés : il faut qu’une certaine quantité puisse être livrée dans le futur. Il faut donc stocker une partie de la récolte ou obtenir des engagements sur une récolte qui n’a pas encore eu lieu. Par conséquent, il faut donc retirer une partie des récoltes du marché physique et l’offre restante se met donc à baisser sur le marché physique. Les prix des matières premières vont donc augmenter dès aujourd’hui. On peut donc arriver à une situation extrême où des produits financiers censés limiter les fluctuations du cours des matières premières au contraire les accentuent. Ainsi, une anticipation trop pessimiste du futur va amener, d’abord, à une envolée des prix des matières premières sur le marché physique et une envolée du cours des contrats à terme. Et, dans le futur, si finalement les quantités à disposition sur le marché physique sont suffisantes, la valeur des contrats à termes va s’effondrer puisqu’on pourra obtenir finalement pour pas cher des quantités importantes sur le marché physique plutôt que de faire jouer ces contrats. Les quantités provisionnées seront abandonnées et remise sur le marché physique : les prix vont alors s’effondrer. Une nouvelle affaire secoue les marches. Le trader de la banque UBS, Kweku Adoboli, a fait perdre a la banque suisse - sauvée en 2007 par l'Etat federal suisse - 1,7 milliard d'euros en spéculant sur les « trackers », les indices de matières premieres. vous faîtes jouer votre contrat à terme : chaque baril vous a coûté 104 $ (102 + 2) au lieu de 105 création de chambres de compensation afin d’obliger les parties d’une transaction à verser un dépôt initial représentant une fraction du montant de la transaction. II – Quels instruments de régulation des marchés financiers existent ? Les différentes crises récentes ont révélé l’insuffisance de la régulation existante. La régulation peut être définie comme un ensemble de mécanismes et de règles qui assurent une relative stabilité des marchés financiers. Certaines règles déjà existantes ont à être renforcées, d’autres restent à construire et à imposer au secteur financier. On présentera quelques instruments de régulation des marchés financiers : réglementation prudentielle, contrôle des agents et activités soumis au risque de conflits d'intérêts (agences de notation, titrisation, etc.), contrôle de la finance dérégulée (paradis fiscaux, fonds spéculatifs, etc.), mesures visant une plus grande transparence des marchés. A – La réglementation prudentielle à destination des banques : 1 – Etre prudent maintenant pour ne pas être crise à l’avenir Etats et Banques Centrales veulent éviter trois problèmes qui peuvent déboucher sur des faillites de banques et plus communément sur une contraction du crédit à l’économie et freiner la croissance comment en 2009-2010. Cela consiste à imposer des normes contraignantes aux banques pour éviter : une prise de risque excessive (trop de prêts à des emprunteurs douteux, achat de titres douteux) qui peut déboucher sur des pertes importantes une crise de liquidité (ne pas détenir suffisamment de monnaie banque centrale pour faire face à leurs engagements) une crise de solvabilité (si leurs fonds propres ne suffisent pas à couvrir les pertes éventuelles sur la valeur de ses actifs). 2 – Les mesures : http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Mots-de-la-finance/Ratio-de-solvabilite-bancaire Chaque crise financière a fait se rassembler les différents banquiers du monde pour élaborer les accords de Bâle1 (les premiers à la fin des années 1980, les tous derniers en 2010). Au terme de ces accords, ont été mis en place des ratios prudentiels. Le ratio de solvabilité : si une banque a des prêteurs qui lui font défaut ou que des titres qu’elle a achetés ne lui rapportent plus rien ou ne valent plus rien, elle doit être capable d’amortir ses pertes pour ne pas faire faillite. Elle doit donc rassembler suffisamment de fonds propres dans ce but. Les fonds propres sont composés de l’argent des actionnaires et des bénéfices mis en réserve. Ces fonds propres doivent rester dans une proportion constante vis-à-vis des crédits accordés et de certains placements risqués. Le ratio de solvabilité se calcule ainsi : fonds propres / (prêts + actifs risqués) * 100. 1 les négociations ont été abritées par la Banque des règlements internationaux (BRI) située à Bâle en Suisse. On reste très loin d’une forte limitation de la prise de risque. Il est à hauteur de 8 %. Pour faire simple, si une banque veut accorder 100 € de crédit, elle doit posséder au moins 8 € de fonds qui appartiennent à la banque, le reste pouvant être composé des dépôts des particuliers ou d’emprunts à d’autres institutions financières. 1. Donnez une définition de la « solvabilité ». 2. Si une banque prête plus ou fait davantage de placements risqués, ses fonds propres doivent-ils augmenter ou diminuer ? Pourquoi cela facilite-t-il la solvabilité des banques ? 3. Si une crise économique frappe la majeure partie des emprunteurs d’une banque, est-elle protégée ? D’un comité de Bâle à l’autre, on a été également plus exigeant sur la composition des fonds propres : ils doivent être plus riches en réserve de monnaie banque centrale et de bénéfices mis en réserve (le ratio de liquidité des fonds propres a augmenté). Selon l’Institut de la Finance Internationale, le secteur bancaire aurait ainsi à lever environ 800 milliards de dollars de capitaux propres complémentaires, dont plus de la moitié pour la zone euro, pour répondre aux nouvelles exigences du Comité de Bâle. Celles-ci doivent s’appliquer à toutes les banques internationales d’ici 2019. 4. Qui est demandeur habituellement de monnaie banque centrale ? 5. Pourquoi la liquidité d’une banque doit-elle être garantie ? Par conséquent, dans la prochaine phase euphorique du cycle du crédit, ces règles devraient freiner son expansion excessive car les exigences en capital augmentent avec la croissance du crédit. Les ratios prudentiels sont des outils contracycliques comme l’est déjà le taux de refinancement sur le marché monétaire. 6. Pourquoi une hausse du crédit conduit-elle à une hausse du taux de refinancement ? 7. Pourquoi les ratios prudentiels sont-ils un autre frein à créer de la monnaie ou à faire des placements risqués ? B – Empêcher les activités soumises au risque de conflits d'intérêts : une régulation qui reste à faire A la suite de la crise des subprimes, plusieurs reproches ont été adressés aux agences de notation (Fitch, Standard’s and Poor’s et Moody’s). Théoriquement, elles ont pour fonction d’améliorer la transparence des marchés en fournissant des informations sur les titres émis. Mais ces agences sont payées par les émetteurs des titres qu’elles notent : on est donc dans une situation de conflit potentiel d’intérêt. Elles sont à la fois " juge et partie ". Les titres subprimes ont en effet bénéficié de la meilleure note (AAA). 1. On parle de conflit d’intérêt lorsque la tâche d’un agent ne peut pas se faire dans l’impartialité notamment à cause d’un intérêt à ne pas la pratiquer de façon impartiale. Pourquoi peut-on dire qu’il existait un conflit d’intérêt chez les agences de notation ? Comment donner une mauvaise note à un client qui pourrait alors se retourner vers la concurrence ? C’est ce qui s’est passé avec les subprimes, les agences ont maintenu pendant très longtemps la note AAA sur ces titres alors que le marché immobilier américain se retournait. Plusieurs pistes de régulation existent : 1. interdiction pour les agences de notation d’exercer d’une activité simultanée de conseil sur la structuration de certains produits financiers (comme ceux liés à la titrisation) et la notation de ces mêmes produits financiers. Elles ne peuvent faire que l’une des deux tâches chez un client. Mais il reste toujours la note payée… 2. Nationalisation des agences ou création d’une agence publique : l’avis des agences est une information utile et indispensable à tous les agents économiques, ce service public peut être assuré par une organisation internationale. 2 - Contrôler la finance dérégulée : Les paradis fiscaux au coeur du système financier Dépôts auprès des banques installées aux Iles Caïmans et au Luxembourg compares a la France, au 31 décembre, en milliards de dollars trimestre 2002 ALTERNATIVES ECONOMIQUES Le gouvernement suisse instaure une nouvelle loi bancaire en 1934. Celle-ci, dans son article 47, place le secret bancaire sous la protection du droit pénal. Un employé d'une banque suisse qui livrera des informations concernant l'identité de ses clients, y compris à son propre gouvernement, commettra désormais un acte criminel. Surtout, la loi étend cette protection juridique aux non-residents. Ces deux décisions fournissent les ferments du développement des paradis bancaires, juridiques et fiscaux tels qu'on les connaît aujourd'hui. Cette loi, la première du genre dans la période contemporaine, représente une innovation légale que d'autres territoires, comme Beyrouth, Tanger, les Bahamas, le Liechtenstein et Montevideo, copieront. Cette innovation fut efficace : d'après Peter Hug, la fortune gérée par les banques suisses a augmenté de 28 % dans les trois ans qui suivaient l'établissement du secret bancaire. Un vrai succès commercial. On parle depuis la crise des paradis fiscaux de plus en plus. Ces territoires se caractérisent par un impôt sur les bénéfices ou sur les revenus de capitaux supporté par les non-résidents très faible et par un secret bancaire important (concernant les clients de la banque). Dans les territoires à secret bancaire, on trouve la Suisse, Beyrouth, la Belgique, Tanger, les Bahamas, le Liechtenstein ou le Luxembourg. Cela conduit à plusieurs travers dans la finance internationale : Les entreprises multinationales peuvent ouvrir une filiale sur un de ces territoires et y concentrent l’essentiel de leurs bénéfices avec des manipulations comptables de leur commerce intrafirme. Leur bénéfice à l’échelle mondiale sera donc moins imposé si une partie importante est déclarée dans ces paradis. Les particuliers peuvent pratiquer l’exil fiscal en déposant une partie de leur patrimoine financier sur des comptes dans des paradis fiscaux : une partie de leur patrimoine devient donc invisible et ils réduisent alors le montant qu’ils doivent payer sur le patrimoine. Mais sur ce dernier point, de plus en plus d’Etats (Etats-Unis et France notamment) font pression sur les paradis fiscaux pour retrouver la trace des particuliers fraudeurs et augmenter leurs recettes fiscales en ce temps de dette. Enfin, cela permet le blanchiment d’argent issu d’activités criminelles. Passer par un compte anonyme permet d’ensuite réinjecter cet argent dans l’économie normale sans être menacé de poursuites. Une partie des paradis fiscaux sont appelés aussi « centres financiers off-shore ». Ainsi, dans les îles Caïmans, Bermudes, Bahamas, ou à Guernesey, la réglementation bancaire est peu contraignante et ne respecte pas les règles prudentielles internationales. Plusieurs banques créent là-bas des filiales sous forme de sociétés-écrans, (ou "special purpose vehicles") qui gèrent une partie de leurs fonds. Cela affaiblit la portée de la réglementation bancaire car les banques internationales peuvent toujours délocaliser leurs activités risquées là-bas… et refaire les mêmes erreurs ! Les fonds spéculatifs (hedge funds) sont également une épine dans le pied la régulation financière. Ils utilisent la technique des ventes à découvert (de devises ou de titres) : ils s’engagent à vendre à terme (à un prix élevé) un titre qu’ils ne possèdent pas en espérant le racheter à un cours moins élevé et réaliser d’importantes plus-values. Pour créer des mouvements de cours dont ils cherchent à profiter, ils agissent simultanément, pour créer un mouvement moutonnier. Ils sont donc hautement spéculatifs. Certains hedge funds promettent un taux de rentabilité qui peut atteindre les 20 %, en échange d’une confiance aveugle. De plus en plus d’institutions financières (fonds souverain, fonds de pension ou banques…) leur confient une partie de leur argent. Les banques également sont souvent associées dans leurs paris spéculatifs : elles prêtent à ces fonds pour permettre un très grand achat de titres qui peut décupler la plus-value potentielle, mais aussi les pertes. Si les fonds ne réussissent pas leurs opérations, les sommes confiées peuvent se retrouver transformées en des actifs dont la valeur s’écroule soudain et les remboursements ne peuvent plus être honorés. La chute de certains hedge funds peut donc mettre en difficulté d’autres institutions financières par contagion. Exemple : Vous faîtes un pari baissier : A t, vous vendez un contrat à terme 1 $ qui permet de revendre une action pour 10 $ à t+1. pari gagné : A t+1, l’action sur laquelle repose votre contrat vaut 8 $. Ceux qui ont acheté votre contrat à terme doivent être livrés : vous rachetez à les actions à 8 $ pour les revendre à 10 $. Vous réalisez 2 $ de plus-value par titre. Ceux qui ont acheté un contrat à terme avec option peuvent alors refuser la livraison, mais vous avez gagné 1 $ avec la vente du contrat. pari perdu : A t+1, l’action sur laquelle repose votre contrat vaut 12 $. Tous ceux qui ont acheté votre contrat à terme doivent ou veulent être livrés : vous rachetez à les actions à 12 $ pour les revendre à 10 $. Vous réalisez 2 $ de moinsvalue par titre. Certes, vous avez gagné 1 $ avec la vente du contrat, mais au final vous avez 1 $ de perte par titre. Premièrement, ils utilisent les marchés de gré à gré, c’est-à-dire en s’entendant directement avec des acheteurs ou des vendeurs sans passer par les marchés officiels. On peut donc difficilement repérer leurs transactions financières. Deuxièmement, Comment des défauts de régulation peuvent-ils déboucher sur une crise financière ? Document 1 : Selon Martin Wolf, journaliste au Financial Times, en sauvant Bear Stearns, la banque centrale américaine s’est en fait comporté comme un assureur qui garantit à toutes les banques d’investissement que, quoi qu’elles fassent, quelques soient les risques pris en spéculant sur les marchés, elles seront secourues. Pour éviter, à l’avenir, de multiplier ce type de sauvetages, la Fed ne peut donc faire autrement que d’imposer aux établissements financiers des règles plus strictes. Les lobbys bancaires vont bien résister, mais leur position sera intenable: les institutions qui reçoivent une protection officielle doivent en payer le prix. Ce n’est pas qu’une question de justice, mais aussi d’efficacité. "Un casino dérégulé, mais subventionné, n’allouera pas de manière efficace ses ressources", explique Wolf. Nicolas Cori : « Et si les subprimes allaient tuer le libre marché? » Blog sur liberation.fr, 26/03/2008, http://cordonsbourse.blogs.liberation.fr/cori/2008/03/et-si-grce-aux.html Document 2 : L'idée de transparence suppose que les marchés s'auto-régulent, ce qui n'est pas le cas. On peut prendre ici l'exemple du marché des subprimes. Alors même que des informations montrant la dégradation du marché de l'immobilier et du marché des crédits hypothécaires titrisés étaient disponibles dès le milieu de l'année 2006, il faudra attendre août 2007 pour que la crise éclate. Cela suggère que les intervenants de ces marchés n'ont pas voulu voir la fin de la bulle, et ce, tant que celle-ci n'a pas effectivement éclaté. Thomas Blanchet : « Comment analyser les réformes en cours du SFI ? » Entretien avec Jean-Pierre Allegret, Apses Info n°59 - Février 2011 Introduction : prendre le temps d’analyser le sujet : Comment des défauts de régulation peuvent-ils déboucher sur une crise financière ? Définitions : Une crise financière est entendue comme le retournement brutal de la conjoncture dans le système financier. Elle peut concerner aussi bien effondrement du marché actions que le marché des changes avec la forte dépréciation d’une devise. La régulation peut être définie comme un ensemble de mécanismes et de règles qui assurent le bon fonctionnement et la stabilité des marchés Problématique : dans les crises financières, quel facteur a rendu possible leur émergence et aurait pu être empêché par un mécanisme de régulation ? I – Sans régulation, des crises financières peuvent surgir de plusieurs manières A – Les crises peuvent intervenir suite à un défaut de transparence sur les marchés et à un comportement mimétique des acteurs 1 – Les phénomènes récurrents de bulles financières : appréciation très forte puis dépréciation tout aussi forte d’actifs financiers 2 - Les produits financiers proposés sont très complexes et l’information à leur propos est sujette à conflit d’intérêts : agences de notation payées par l’émetteur du titre => information non fiable sur certains produits financiers qui peuvent expliquer engouement puis abandon 3 – Les acteurs financiers ont un intérêt à « suivre le marché » même s’il se déconnecte des fondamentaux si une plusvalue est toujours possible => comportement mimétique favorisant les bulles (cf. doc. 2) B – Prise de risque des acteurs financiers et intervention publique : l’aléa moral est possible (doc. 1) pas d’autolimitation dans l’achat de titres dont la valeur pouvait chuter car le sauvetage sera assuré par la Banque Centrale et les Etats => cette sécurité incite à augmenter le risque pris + problème du « too big to fail » II – Des régulations s’imposent pour freiner l’émergence de crises A – Le relèvement des ratios prudentiels : les acteurs financiers doivent provisionner des réserves financières à hauteur des risques qu’ils prennent : davantage de fonds propres en vis-à-vis des crédits alloués et des actifs risqués achetés B – Les règles financières doivent être valables à l’échelle du globe : il faut en finir avec les paradis fiscaux et financiers C – Extra : « Qui perd paye » : malus pour les traders + « un grain de sable dans les rouages de la finance » : taxe Tobin sur les transactions financières Instruments de régulation Réglementat ion prudentielle des banques Réglementati on des « hedge funds » ? 1°) freiner la prise de risque 2°) obliger à provisionner des contreparties financières à des prêts ou des placements risqués Réforme des agences de notation Augmenter la qualité des évaluations des titres : connaître mieux la valeur fondamentale Démanteler les paradis fiscaux 1°) généraliser les « règles de sécurité » financières au monde entier 2°) transparence des transactions 3°) éviter évasion fiscale