Ce que nous ne savons pas en revanche évaluer ce sont les effets non intentionnels de la
modification génétique. Il existe un risque, en théorie, à introduire une construction étrangère
dans le génome d’une plante qui fonctionne harmonieusement sans elle. Cela peut créer des
modifications du métabolisme de la plante, donc des risques imprévisibles. Il faut alors
réaliser une évaluation sanitaire de la plante elle-même et non de l’un de ses constituants.
Nous en sommes ramenés au cas précédemment évoqué : l’évaluation d’un aliment, ce que les
méthodes traditionnelles ne permettent pas de réaliser correctement.
Il fallait donc imaginer une autre approche : il s’agit d’une approche comparative, née voici
une quinzaine d’années et affinée depuis. En 1993, l’OCDE a publié un rapport intitulé :
« évaluation de la sécurité des denrées alimentaires issues de la biotechnologie ». Des
réunions internationales ont eu lieu sur le sujet, à l’initiative notamment de l’OCDE, dont une
en France en 1997. Je l’ai coprésidée en compagnie d’un membre de la Food and Drug
Administration, Jim Marianski. Je représentais alors la commission du génie biomoléculaire
(CGB). De nombreuses réunions ont eu lieu par la suite à l’initiative de la FAO, de l’OMS, de
l’Union européenne.
Nous avons abouti à un consensus au sein de la communauté scientifique internationale
(Figure 1). Puisque les méthodes traditionnelles de la toxicologie alimentaire sont
difficilement applicables aux aliments, il s’agit de comparer la plante génétiquement modifiée
ou les aliments qui en sont issus à un comparateur : la plante génétiquement la plus proche
possible à n’avoir pas été génétiquement modifiée. On compare alors les caractéristiques entre
ces deux plantes : moléculaires, phénotypiques, agronomiques, de composition. Il s’agit du
concept d’équivalence en substance. De multiples rapports ont été rédigés sur le sujet auprès
de l’Union Européenne, de l’OCDE, de l’OMS, etc. Lorsque certains prétendent que nous ne
savons rien et que nous n’avons rien fait, je les invite à venir consulter ma documentation.
J’insiste en particulier sur un gros projet européen (un « cluster », réunion de cinq ou six
projets de recherche) « ENTRANSFOOD » dont les résultats ont été également publiés dans
Food and Chemical Toxicology, la « Bible » des toxicologues de l’alimentation (Figure 2).
Cette approche a été reconnue par le Codex alimentarius et fait référence dans les discussions
internationales au niveau de l’OMC.
La mise en œuvre du concept d’équivalence en substance n’est pas une évaluation
toxicologique ; sa conclusion est : la PGM est ou n’est pas aussi sûre que la plante non
génétiquement modifiée, considérée comme sûre, alimentaire.
Pour aller au-delà du concept d’équivalence en substance, et accroître encore la sécurité des
aliments, il faut donc envisager de nouvelles approches. Lorsque j’exerçais ma fonction de
directeur scientifique à l’INRA, j’ai encouragé les recherches sur des méthodes plus sensibles
qui pourraient nous permettre de répondre aux questions toxicologiques posées. Ces méthodes
reposent sur la mise en œuvre de techniques en « ique », de post-génomique :
transcriptomique, protéomique et métabolomique.
L’allergie est une autre question difficile à traiter. J’ai reporté sur la figure 3 le consensus
international en la matière. Je conteste violemment la partie gauche du schéma : il ne faut
surtout pas rechercher des transgènes dans des sources connues comme des allergènes. C’est
l’objet d’une polémique, depuis une dizaine d’années, avec nos collègues américains. Je
pense que c’est un risque supplémentaire superflu dont la démonstration a été faite à
l’occasion de la vieille affaire du soja ayant intégré un gène de la noix du Brésil.