prise en charge globale d`un polytraumatise en urgence

PRISE EN CHARGE GLOBALE D'UN POLYTRAUMATISE EN
URGENCE
Dr Jean-Louis CAILLOT
Centre Hospitalier Lyon-Sud
Service d’Urgence Chirurgicale
69495 PIERRE-BENITE
1 INTRODUCTION
Le succès d'une approche globale de la prise en charge d'un polytraumatisé réside dans une
appropriée et efficace de la gestion du temps. Pour Donald Trunkey l'établissement des
priorités de traitement du polytraumatisé résulte d'abord d'une rapide évaluation initiale suivie
d'une surveillance primaire, puis d'une surveillance secondaire et, enfin, d'une utilisation
appropriée des diverses techniques de diagnostic et de réanimation. Cette planification
rationnelle est suivie dans tous les centres européens de traumatologie avec quelques
différences spécifiques que nous exposerons ici.
2 L'EVALUATION RAPIDE INITIALE
Pendant les premières secondes qui suivent l'admission du polytraumatisé en salle de
déchocage, une rapide évaluation est nécessaire pour juger de la gravité générale de la
situation. Si possible un seul médecin, qu'il soit chirurgien ou anesthésiste, sera en charge de
cet examen et le reste du personnel médical présent devra rester calme et disponible ; toutes
les énergies sont à focaliser sur le traumatisé.
L'observation inclut les mouvements ventilatoires, l'activité cardiaque, la couleur du patient,
les grosses asymétries, la présence ou l'absence de mouvements spontanés et tout cela suggère
si le polytraumatisé est stable, instable ou mourant. Cet examen rapide va déterminer
l'organisation de la prise en charge du blessé et donnera le ton de l'urgence en déterminant si
le pronostic vital est en cause ou non.
Le médecin peut alors procéder à la surveillance primaire.
3 LA SURVEILLANCE PRIMAIRE
L'American College of Surgeons a élargi le traditionnel score de surveillance ABC (Airway,
Breathing, Circulation) en score ABCDE avec D pour Distability qui décrit le statut
neurologique et E pour Exposure qui rappelle l'évaluation totale du patient après l'avoir
totalement déshabillé. Ce système est utilidans tous les pays européens ; si possible cette
surveillance primaire devra être réalisée par le même médecin qui a pris en charge
initialement le polytraumatisé en salle de déchocage. Cela ne doit pas prendre plus de 2 à 5
minutes.
2
3.1 LA LIBERTE DES VOIES AERIENNES SUPERIEURES
C'est la première étape de cette surveillance primaire. L'établissement ou la maintenance de la
liberté des voies aériennes est la première des priorités. Une phonation claire après un contact
verbal avec un patient semi-conscient en lui posant une simple question (son âge ou son nom),
montre que la liberté des voies aériennes est correcte. La mise en route d'une ventilation
assistée dépendra de la stabilité neurologique et de la qualité des gaz du sang. A l'opposé,
devant un patient inconscient ou un patient avec un traumatisme maxillo-facial important, il
sera requis une assistance ventilatoire dès le début. Si une fracture du rachis cervical est
suspectée, le cou devra être protégé pendant l'intubation mais en urgence la ventilation prend
le pas sur tout traumatisme de la colonne cervicale.
Une exploration au doigt de toute la cavité bucco-pharyngée donnera des informations sur
l'intégrité du squelette du larynx, la présence d'un hématome rétropharyngé obstructif ou d'un
corps étranger, ou encore la possible avulsion de la langue.
Après une oxygénation à 100 %, à l'aide d'un embut ou d'un masque, une intubation oro-
trachéale ou éventuellement naso-trachéale est alisée en moins de 60 secondes. En cas
d'impossibilité, une trachéotomie peut être rapidement réalisée par le chirurgien et une sonde
de trachéotomie N° 5 ou N° 6 sera rapidement mise en place.
3.2 LA VENTILATION
C'est la deuxième priorité pendant la surveillance primaire ; elle suit le rétablissement ou la
maintenance de la liberté des voies aériennes supérieures :
L'observation du rythme respiratoire, du travail des muscles respiratoires accessoires,
la présence d'un enfoncement thoracique, pourront faire évoquer une possible contusion
pulmonaire.
L'auscultation détectera les bruits aéro-digestifs dans l'hémithorax en cas de rupture de
la coupole diaphragmatique.
La palpation de l'axe trachéal à la recherche d'un déplacement ou d'une rupture de la
trachée, avec emphysème sous-cutané, pneumo ou hémo-pneumothorax.
Les plaies soufflantes du thorax sont traitées par pansements compressifs et occlusifs
et le thorax est drainé de son air ou de son sang par drainage thoracique. De tels drains
doivent être mis très rapidement avant toute radiographie pulmonaire en cas de détresse
respiratoire aiguë.
3.3 LA CIRCULATION
C'est la troisième priorité avec trois problèmes :
. le contrôle d'une hémorragie externe
. l'efficacité de la pompe cardiaque
. l'état de la volémie
L'hémorragie externe est généralement contrôlée par les équipes paramédicales de
secours avant l'admission en salle de déchocage mais, parfois, une hémorragie importante est
observée à l'arrivée. Dans ce cas, une compression directe peut contrôler le saignement et doit
être appliquée sur la plaie. L'application de compresses avec bandage compressif est le plus
3
simple, les garrots ne doivent être utilisés qu'en cas d'hémorragie incontrôlée, directement en
amont d'une amputation traumatique. L'application à l'aveugle de clamp ou de pinces sur des
blessures hémorragiques peut causer des lésions ischémiques irréparables et doit être
proscrite.
Faire la différence entre une défaillance de la pompe cardiaque et un problème de
volémie est en général facile. Si le diagnostic de choc est posé, la présence de veines
cervicales vides ou collabées fera évoquer une hypovolémie tandis qu’une turgescence
jugulaire laissera penser à une défaillance cardiaque.
A la phase de surveillance primaire, plusieurs urgences absolues doivent être reconnues et
traitées :
a) l'arrêt cardiaque :
Un patient sans pouls perceptible ni tension artérielle détectable est en arrêt cardiaque : la
réanimation cardio-respiratoire doit être entreprise sans délai. Elle sera suspendue à
intervalles réguliers afin de permettre une palpation de l'axe carotidien ou fémoral puis reprise
si elle reste inefficace.
Une thoracotomie en salle de déchocage donnera les meilleures chances de survie aux blessés
en cas d'échec des méthodes externes de réanimation et devra atteindre 4 objectifs :
. contrôler les gros vaisseaux et un saignement cardiaque éventuel,
. traiter une tamponnade péricardique,
. optimiser le débit cardiaque,
. redistribuer le sang circulant aux organes vitaux en clampant l'aorte descendante si besoin.
De toute façon si un traumatisme fermé du poumon ou de l'abdomen est la cause de l'arrêt
cardiaque, les chances de sauvetage par thoracotomie ne dépasseront pas 5 %. Les meilleurs
résultats de la thoracotomie en urgence sont naturellement obtenus si le chirurgien ouvre le
thorax avec une boite d'instruments appropriés et si une salle d'opération parfaitement équipée
est toujours tenue ouverte et prête à être utilisée sans délai pour assurer un traitement définitif
en un temps. Ces deux conditions doivent toujours être combinées dans un département de
chirurgie d'urgence pour donner les meilleures chances de survie au polytraumatisé.
L'expérience personnelle du chirurgien en matière de traumatisme thoracique est un autre
facteur dont il faut tenir compte pour décider quand réaliser une thoracotomie sur un patient
en arrêt cardiaque. Après thoracotomie dans le 4ème ou le 5ème espace intercostal gauche, le
péricarde est ouvert avec préservation des nerfs phréniques. Le chirurgien commencera un
massage cardiaque interne avec une main tandis que de l'autre il clampera l'aorte thoracique
descendante. L’aide quant à lui commencera le traitement des lésions accessibles et visibles
pour donner au patient les meilleures chances de survie.
b) l’hémo-pneumothorax compressif :
Le blessé en détresse respiratoire aiguë avec une rupture trachéale, des veines jugulaires
distendues, une hypersonorité thoracique unilatérale doit être suspect d’hémo-pneumothorax
suffocant. Une contusion médiastinale supérieure majeure avec compression de la veine cave
supérieure peut conduire à un arrêt cardiaque en l'absence de traitement immédiat. Une
exsufflation de l'hémithorax par un pleurocath dans le 2ème espace intercostal sur la ligne
médio-claviculaire, avant toute radiographie pulmonaire, est le traitement d'un patient qui
présente une détresse respiratoire aiguë par pneumothorax suffoquant.
Le traitement définitif consiste toujours en la mise en place d'un drainage thoracique par drain
d'Argyle dans le 4ème espace intercostal sur la ligne axillaire moyenne ou postérieure après un
contrôle radiologique. Le drain thoracique est immédiatement mis en aspiration à moins 20
4
cm d'eau et, en cas d'hémothorax, l'écoulement de sang est contrôlé à intervalles guliers. Si
la sortie de sang est massive (plus de 500 ml) et continue une auto-transfusion avec un cell-
saver sera commencée.
c) la tamponnade péricardique :
Un blessé qui présente un choc, des vaisseaux du cou distendus, des extrémités froides et qui
n'a pas de pneumothorax, doit être suspect d'une tamponnade péricardique.
Une péricardosynthèse en urgence va consister en la mise en place par voie sous-xiphoïdienne
d'une aiguille à ponction lombaire dans la direction de l'épaule gauche, sous
électrocardiogramme de contrôle, suivie d'une aspiration à la seringue du sang. Si le sang est
cailloté, le sac péricardique pourra être ouvert à travers une petite incision sous-xiphoïdienne
ou par une thoracotomie antérieure gauche dans le 7ème ou le 8ème espace intercostal. Après
péricardiotomie, en cas de lésions cardiaques, la cardiorraphie est l'essentiel du traitement et
sera réalisée le plus tôt possible en salle de déchocage, si nécessaire.
En cas d'arrêt cardiaque, un massage cardiaque interne est débuté et poursuivi, et une
défibrillation est tentée.
d) la contusion myocardique :
Elle apparaît, en général, après un traumatisme en décélération ou un écrasement du thorax.
La contusion du myocarde se manifeste en général par des troubles du rythme dans les
premières heures, une surveillance permanente par électrocardiographe est essentielle ; la
lidocaïne est le meilleur traitement de ces cas d'arythmie.
e) l'infarctus du myocarde :
Il peut précéder l'accident mais être aussi le résultat d'une hypoperfusion coronaire après le
traumatisme. L'interrogation de la famille du blessé est primordiale pour déterminer une
possible maladie cardiaque antécédente.
Le traitement du choc cardiogénique est la seule issue.
f) l'embolie gazeuse :
Elle résulte du passage d'air dans la circulation pulmonaire après une blessure du parenchyme
pulmonaire. Une contusion fermée ou une plaie pénétrante du poumon sont les causes les plus
fréquentes de ces embolies gazeuses.
Après une contusion thoracique, le diagnostic est posé en urgence devant :
- La présence de mousse obtenue après ponction artérielle ; le passage d'une grande
quantité d'air dans la circulation est ainsi prouvé ; le passage d'air dans la circulation coronaire
peut être une des causes majeures d'arrêt cardiaque ; le traitement précoce consiste en une
thoracotomie immédiate du côté de la blessure et en un clampage hilaire du poumon mais les
résultats sont souvent extrêmement mauvais.
- Un collapsus cardio-vasculaire soudain après intubation endo-trachéale ; la
prévention est possible en évitant un excès de pression positive par la ventilation pendant la
réanimation. L'utilisation d'une « jet-ventilation » à haute fréquence peut être utile en
réduisant la gravité de l'embolie gazeuse et en diminuant la taille du passage de l'air dans la
circulation.
Un peu plus tardivement le diagnostic d'embolie gazeuse est suspecté devant des signes
neurologiques focalisés apparaissant alors qu'il n’y a eu aucun traumatisme crânien ; ce
diagnostic sera confirmé par l'examen du fond d'œil qui montrera des bulles d'air dans les
artères rétiniennes.
g) l'hypovolémie et le choc :
5
Trois niveaux d'hypovolémie déterminent trois degrés de choc :
. le choc débutant (10 à 20 % de perte de volume) : la peau est froide, le patient se sent froid
et a soif, on note une tachycardie avec pâleur.
. le choc modéré (20 à 40 % de perte de volume) : la maintenance d'un débit cardiaque et
cérébral correct est réalisée aux dépens des autres organes : le rein est affecté le premier et la
diurèse contrôlée par une sonde à demeure est la meilleure méthode pour surveiller et
normaliser la volémie par remplissage adapté.
. le choc sévère (plus de 40 % de perte de volume) qui induit un déficit majeur du débit
cérébral et cardiaque : une agitation qui se transforme peu à peu en coma avec arythmie et une
ischémie myocardique à l'électrocardiogramme sont les principaux symptômes.
Un accès veineux adapté permettra de fournir des informations diagnostiques, de restaurer le
volume circulant et d'anticiper d'autres pertes.
Dans tous les cas un accès veineux à l'aide d'un angiocathéter est placé dans une veine
du membre supérieur ; un échantillon de sang est prélevé pour bilan complet, en particulier
groupe, rhésus, numération formule et bilan biologique classique (ionogramme, glycémie,
urée, amylases).
En cas de choc modéré, la mise en place d'un second cathéter veineux au niveau du
membre supérieur controlatéral est utile.
En cas de choc sévère, un troisième accès veineux à l'aide d'une veine jugulaire interne
ou d'une veine sous-clavière sous contrôle radiologique ou, plus rarement, par voie
saphénienne ou fémorale est souhaitable.
Le choix du soluté de perfusion se limitera aux solutions isotoniques comme le Ringer lactate
et au sang, et seulement en cas d'absolue nécessité. Le plus souvent, 2 litres de solution salée
isotonique sont passés immédiatement pendant la première perfusion. La pression veineuse
centrale, la diurèse, le niveau de conscience et l'amélioration de la perfusion périphérique sont
les meilleurs indicateurs d'une réanimation satisfaisante. Le maintien d'une pression artérielle
systémique satisfaisante et d'une diurèse normale sont les meilleurs arguments.
La décision quant à une éventuelle transfusion sanguine est difficile et doit respecter les
risques concernant HIV, HBV et HCB. En cas d'hémorragie externe sévère, l'autotransfusion
par cell-saver est le meilleur moyen. En cas d'urgence absolue, une transfusion de sang sera
réalisée si le taux d'hémoglobine est inférieur à 7 gr/ml (9gr en cas d'antécédents cardiaques
sévères).
3.4 L'INSTABILITE NEUROLOGIQUE
Le niveau de conscience et un rapide examen neurologique donnent le degré de l'instabilité
neurologique du patient au début de la surveillance. Le score AVPU est utilisé aux Etats-Unis
(A = alerte, V = réponses au stimulus verbal, P = réponses au stimulus douloureux, U =
absence de réponse).
En France des constantes identiques sont relevées à l'admission du patient en salle de
déchocage : c'est le score de GLASGOW (EMV) côté de 3 à 15 avec E = ouverture des yeux
au stimulus (noté de 1 à 4), M = mouvements au stimulus (noté de 1 à 6) et V = réponses
verbales au stimulus (noté de 1 à 5).
3.5 L'EXAMEN GENERAL
Le patient est totalement déshabillé pour un examen complet. L'utilisation de ciseaux pour
couper les pantalons et sous-vêtements est autorisée.
1 / 13 100%

prise en charge globale d`un polytraumatise en urgence

La catégorie de ce document est-elle correcte?
Merci pour votre participation!

Faire une suggestion

Avez-vous trouvé des erreurs dans linterface ou les textes ? Ou savez-vous comment améliorer linterface utilisateur de StudyLib ? Nhésitez pas à envoyer vos suggestions. Cest très important pour nous !