Chapitre 3 : Le système monétaire international
L'existence d'un système monétaire international se justifie par la nécessité de contrôler les échanges monétaires
au niveau mondial de manière à stabiliser le fonctionnement du commerce international. Le S. M. I. initial a été
mis en place par les accords de Bretton-Woods en 1944 et son histoire a connu de multiples rebondissements
par la suite. Le S. M. I. peut se finir comme un ensemble de règles et de pratiques ; nous en dresserons tout
d'abord l'historique et mettrons ensuite en évidence ses principales caractéristiques.
I Historique - évolution du S. M. I
A 1° étape : le GOLD SPECIE STANDARD ou système d'étalon -- or en vigueur jusqu'en 1914.
Le système de l'étalon -- or se caractérisait par les éléments suivants :
Chaque devise était définie par rapport à un certain poids d'or. L'or ayant toujours été le fondement du caractère
fiduciaire d'une monnaie, toutes les banques centrales détenaient d'importants stocks d'or. À l'époque, l'or
représentait plus de 90 % des réserves monétaires mondiales
Tout possesseur de devises pouvait obtenir des banques l'équivalent en or.
Les règlements internationaux s'effectuaient le plus souvent en or et les transferts d'or entre les pays étaient
courants.
En bref, l'or était représentatif de la masse monétaire mondiale. Chaque banque centrale d'un pays pouvait
présenter à la banque centrale d'un autre pays des devises de ce dernier et en exiger la conversion en or.
Chaque pays détenant des stocks d'or, un lien très étroit existait entre le stock d'or d'un pays et son commerce
extérieur. Le déficit extérieur d'un pays entraînait une baisse de son stock d'or donc une baisse des prix -- cette
baisse des prix entraînait une augmentation des exportations en volume donc une réduction du déficit, donc un
accroissement du stock d'or.
Le surplus d'or dans les pays excédentaires gonflait la masse monétaire, ce qui d'après la théorie quantitative de
la monnaie comportait un risque inflationniste. L'inflation étant préjudiciable aux exportations, cela réduisait
l'excédent donc le stock d'or.
On a longtemps pensé qu'une régulation automatique par les lois du marcpouvait assurer l'équilibre global de
la circulation monétaire mondiale donc la stabilité des échanges internationaux. Nous verrons que, très vite, il
fallut instaurer des mécanismes régulateurs.
Aucun problème ne s'est posé tant que les stocks d'or pouvaient augmenter en proportion avec l'augmentation de
la production. Mais la guerre de 1914 -- 1918 a entraîné l'abandon de l'étalon -- or. En effet, l'inflation européenne
due à la guerre a provoqué un déficit extérieur si important que l'or européen afflua aux U. S. A.. Les stocks d'or
devinrent très rapidement insuffisants pour assurer les règlements des banques centrales européennes vers les
USA.
En résumé, l'ensemble des stocks d'or mondiaux émigrait peu à peu vers les USA. Il ne fut plus possible de
maintenir le système d'étalon or. On n'en arriva donc au Gold Exchange Standard à partir de 1922.
B -- 2°étape : le Gold Exchange Standard ou système d'étalon de change -- or adopté en 1922 à
la conférence de Gênes.
L'idée de départ est la suivante : . Le Gold Exchange Standard doit permettre de rééquilibrer la situation. On
assiste en effet une pénurie mondiale d'or d'une part et un déséquilibre dans la répartition des stocks d'or entre
les pays. Certains pays ont des réserves d'or importantes, voire même trop importantes alors que d'autres en
sont totalement ou quasi totalement dépourvus. L'or ne peut donc plus jouer le rôle qu'il jouait auparavant.
Le système de l'étalon de change -- or se fonde donc sur le fait que certaines monnaie fortes peuvent jouer le rôle
de l'or en tant qu'étalon. En pratique, 2 monnaies seulement pouvaient jouer ce rôle : il s'agissait bien sûr du
dollar et dans une moindre mesure de la livre sterling.
En fait, la conférence de gênes procéde à une distinction entre deux catégories de pays :
D'une part les pays qui disposent de réserves d'or importantes (en pratique, USA et Grande-Bretagne).
Ces pays peuvent continuer à se fonder sur l'étalon or. Toutefois, la convertibilité directe et intérieure est
supprimée -- il n'est plus possible, comme auparavant, à un possesseur de monnaie fiduciaire d'obtenir
auprès d'une banque l'équivalent en or. Seule la convertibilité internationale est maintenue -- les banques
centrales peuvent donc continuer à effectuer leurs règlements réciproques au moyen de transferts d'or. Un
règlement effectué en or confère à un pays un gage de valeur de sa monnaie.
D'autre part, les pays qui ont des réserves d'or insuffisantes ont sormais la possibilité de constituer
des réserves de change en devises fortes convertibles en or (en pratique, bien entendu, toujours le dollar et
la livre sterling -- et surtout le dollar.) ou en or.
On constate donc que le système d'étalon de change or consacre la puissance économique des USA via le
dollar. Le billet vert est non seulement une monnaie permettant d'assurer des paiements mais devient une
monnaie servant de réserve de change à l'ensemble des pays. « Le dollar devient donc de l'or ». Le dollar
devient en tout cas la monnaie n°1 dans le monde.
Le système d'étalon de change -- or a assuré pendant quelques années l'expansion du commerce international.
Mais, la grande crise de 1929 à remis en question l'ensemble du système. En 1931, la Grande-Bretagne
abandonne l'étalon -- or. Les crises monétaires touchent peu à peu l'ensemble des pays -- de nombreuses
dévaluations interviennent entre 1930 et 1940 -- les pays se protègent en adoptant des mesures protectionnistes.
Une réforme du S. M. I. apparaît donc indispensable
Cette réforme met en évidence la divergence des analyses théoriques concernant le SMI. Comme toujours, on
retrouve l'opposition entre l'analyse libérale et l'analyse keynésienne.
--Dans l'analyse keynésienne (Keynes fut un participant actif aux négociations qui ont permis la création du
système de Bretton-Woods en 1944) il s'agit prioritairement d'empêcher la déflation. Keynes pense qu'il faut «
s'assurer que l'argent gagné en vendant des marchandises à un pays puisse être consacré à l'achat de produits
de n'importe quel autre pays). Une véritable banque centrale mondiale aurait pour but d'assurer aux pays
déficitaires les moyens de continuer à commercer au lieu d'être contraint de rétablir brutalement l'équilibre par la
réduction de leurs commandes.
keynes préconise donc la création d'une véritable autorité monétaire supranationale : la « Clearing union ».
Cette institution internationale a détenant de l'or déposé par les états participants, aurait créé en contrepartie le
BANCOR, une nouvelle monnaie scripturale. Chaque pays se verrait attribuer un quota de bancor en fonction de
sa part dans les échanges internationaux. De cette manière, la croissance de la monnaie internationale devrait
être proportionnelle à la croissance des échanges internationaux. Le BANCOR aurait donc permis les règlements
internationaux et l'institution internationale aurait accordé aux états débiteurs des crédits sur des comptes en
bancor. Par ailleurs, la « Clearing Union » aurait permis le maintien de la paix dans le monde grâce à l'arme du
blocus financier. Keynes pensait finalement, qu'à tout point de vue, la supranationalisation du pouvoir monétaire
pouvait permettre le maintien des grands équilibres.
Le plan Keynes a été rejeté et n'a, bien entendu, jamais été mis en application.
--L'analyse libérale :
Pour les libéraux, la monnaie internationale est un bien comme un autre. Le prix d'une monnaie ou son cours ne
peut résulter que la loi de l'offre et de la demande. Dans une optique libérale, accuser les Américains, parler
d'impérialisme du dollar relève d'une critique mal intentionnée. La conséquence logique de cette analyse de la
notion de monnaie comme monnaie marchandise est de considérer qu'il est nécessaire de maintenir une grande
flexibilité des taux de change, en d'autres termes de laisser flotter les monnaies (voir notion de taux de change
flottants dans le chapitre précédent).
Les libéraux avancent un certain nombre d'arguments en faveur de leurs thèses :
Tout d'abord, le maintien de taux de change flottants élimine le problème d'un éventuel déficit de la balance des
paiements. Le raisonnement consiste à dire que si un déficit se produit, la monnaie du pays est moins demandée
pour les transactions commerciales et son cours va baisser. Cette dépréciation à accroître le prix des
importations et réduire celui des exportations, la balance commerciale va donc automatiquement s'améliorer.
Inversement, un excédent de la balance des paiements entraînera une hausse de la monnaie cette qui rendra les
exportations plus difficiles -- les exportations baisseront donc en volume et l'équilibre sera rétabli.
Par ailleurs, la spéculation ne doit pas être condamnée car les spéculateurs expriment des préférences en
prenant en compte un certain nombre d'indicateurs économiques (politique des pays, niveau des prix, taux
d'inflation etc...) Et contribue ainsi à garantir le réalisme des taux de change par rapport à l'économie réelle.
Enfin, la flexibilité des taux de change donne à chaque pays une plus grande liberté de manœuvre concernant sa
politique économique et monétaire.
On constate donc que l'analyse libérale s'oppose totalement à l'analyse keynésienne -- encadrement des
politiques monétaires par une autorité supranationale pour l'analyse keynésienne -- liberté totale de circulation
des capitaux et déréglementation pour l'analyse libérale.
Au moment de la négociation des accords de Bretton-Woods en 1944, c'est finalement l'analyse libérale qui a
prévalu. Le plan WHITE, du nom d'un financier américain, servit dans ses grandes lignes à élaborer les bases du
système monétaire international. Ce plan écartait l'instauration d'une autorité supranationale ayant autorité sur les
pays membres en matière monétaire. Le plan White n'envisageait que la création de simples organes de
coopération volontaire.
II -- Le contenu des accords de Bretton-Woods (juillet 1944).
Les accords de Bretton-Woods reposent sur trois principes essentiels :
Permettre la conversion libre des monnaies entre elles.
Permettre aux pays dont la balance des paiements est déficitaire d'obtenir des crédits.
Assurer la stabilité des taux de change donc la stabilité du commerce international.
A -L'instauration d'un système de parités fixes.
Au moment de l'adoption des accords de Bretton-Woods en 1944 chaque pays avaient déclaré au FMI (fonds
monétaire international créé par les accords) une parité de sa monnaie nationale par rapport à l'or et par rapport
au dollar. Au 1er juillet 1944 un dollar était équivalent à 888,671 mg d'or soit approximativement à un gramme
d'or. Une once d'or (31,1 grammes d'or) et qui valait à 35 dollars. Partant de là, les parités ont été fixées à plus ou
moins 1 % par rapport au dollar. Les parités ont été portées à plus ou -0,75 % à partir de 1958 et ont été élargies
à plus ou moins 2,25 % à partir des accords du Smithsonian Institute (1971).
Mécanisme :
Dans cet exemple, la banque de France devait intervenir sur le marché des changes pour maintenir le cours du
franc à l'intérieur de la parité définie (plus ou moins 1 %). Si la première limite était atteinte la banque de France
devait acheter des dollars contre des francs -- si la seconde limite était atteinte la banque de France devait au
contraire vendre des dollars contre des francs.
Autre caractéristique du système mis en place : une réduction de marge de manœuvre pour les pays concernant
leur politique monétaire ainsi que la mise en place des DTS (Droits de Tirage Spéciaux).
Le recours à la dévaluation ou à la réévaluation n'est admis que pour la correction d'un déséquilibre fondamental
de la balance des paiements. Il devient nécessaire de prévenir le FMI pour les modifications de moins de moins
de 10 % par rapport à la parité choisie. Pour les modifications de plus de 10 %, une autorisation du FMI est
nécessaire.
Les DTS ont été mis en place au moment de la réforme de 1976 à partir du moment le dollar n'a plus été en
mesure de s'imposer aussi universellement qu'autrefois. L'ambition des DTS était de remplacer l'or en tant
qu'instrument de réserve. Les DTS étaient définis par rapport à un panier de monnaie. Les DTS permettait aux
pays ayant besoin de régler des déficits de leur balance des paiements à faire appel au financement du FMI.
Mais, les DTS souffraient d'une trop grande complexité d'utilisation.
B. -- la libre convertibilité des monnaies entre elles.
Le principe de la liberté de convertibilité des monnaies entre elles impliquait la suppression de tout contrôle des
changes. Toutefois, le FMI a toléquelques exceptions à la règle pour les pays qui voulaient maintenir des
restrictions sur les paiements et transferts relatifs aux opérations internationales courantes, à condition toutefois
de consulter le FMI chaque année sur l'opportunité de maintenir de telles restrictions et surtout de s'engager à les
supprimer dès que la situation de leur balance des paiements le permettra.
En 1944 le dollar est la monnaie n°1 et sert de monnaie de réserve dans les banques centrales. Les USA sont en
effet en position de domination économique financière et, du fait qu'ils sont les seuls à pouvoir assurer la
convertibilité immédiate de leur monnaie en or, ils bénéficient d'un privilège de non-intervention sur le marché des
changes. En d'autres termes, il existe deux catégories de monnaies : le dollar et les autres !
On se trouve donc en quelque sorte dans un système d'étalon de change or (GES) mais avec un organisme (le
FMI) chargé de superviser le fonctionnement d'ensemble du système et de faire respecter les parités.
III -- L'évolution du système de Bretton-Woods.
Au lendemain de la seconde guerre mondiale, l'économie se caractérisait par un très important déséquilibre dans
les échanges entre l'Europe et les USA. En effet, les besoins de l'Europe en biens d'équipement étaient énormes
et ne pouvaient être satisfaits que par les USA. L'Europe était déficitaire -- la balance des paiements américaine
était au contraire « excessivement excédentaire ».
Le plan Marshall a permis à l'Europe de reconstituer peu à peu son potentiel productif -- l'Europe a réussi
une réduction spectaculaire du déséquilibre de ses échanges et ceci d'autant plus que l'on a assisté à de très
nombreuses dévaluations européennes par rapport au dollar. La compétitivité prix des produits européens s'est
améliorée et la situation s'est progressivement renversée. La balance des paiements européenne est devenue
excédentaire (n'oublions pas les trente glorieuses !) et la balance des paiements américaine s'est détériorée.
À partir de 1958 la situation s'est aggravée pour les USA en raison principalement de leurs importantes dépenses
militaires à l’étranger ainsi que des très importantes sorties de capitaux américains du aux investissements
directs des entreprises américaines à l'étranger et surtout en Europe en raison des perspectives de profits élevés.
Il en résulte une perte de confiance dans le dollar Il y a en quelque sorte une masse excessive de dollars par
rapport à la part relative détenue en or. Le dollar deviendrait-il progressivement « une monnaie de papier », une
monnaie inconvertible en or ?
Pour éviter que cette perte de confiance n'entraîne trop de mouvements spéculatifs sur l'or, les dix pays
industriellement les plus puissants ont constitués en 1961 le «pool de l'or ». Aux termes de cet accord, les
banques centrales des dix pays concernés devaient vendre de l'or contre des devises chaque fois que le cours de
l'or dépassait 35,20 dollars l'once.
La spéculation n'a pas été enrayée, et, en 1968 le pool de l'or a été supprimé
En 1971, la balance américaine se dégrade à nouveau -- l'inflation américaine est importante et les taux
d'intérêt pratiqués sont inférieurs aux taux d'intérêt européens. La spéculation change de visage, elle s'effectue
désormais sur le Mark et contre le Dollar. C'est la raison pour laquelle le 15 août 1971, le président Nixon
annonça la suppression de la convertibilité du Dollar en or ainsi que la mise en oeuvre d’une politique de
rigueur aux USA. À la suite de cette cision, la quasi-totalité des pays décide de laisser flotter leur monnaie --
les interventions des banques centrales se font rares -- il devient nécessaire de réformer le système monétaire
international.
Suite à ces événements, le 14 décembre 1971, aux Açores, Pompidou et Nixon organisent la rencontre des dix
pays industriellement les plus développés. Cette rencontre aboutira à l'adoption des accords du Smithsonian
Institute.
À la suite de ces accords une nouvelle grille de parités a été établie : les marges de fluctuation passent de plus
ou moins 1 % à plus ou -2,25 %, toujours par rapport au dollar. Le dollar reste donc le centre du système
monétaire international malgré sa dévaluation par rapport à l'or (le prix de l'once d'or passe de 35 à 38 dollars).
Compte tenu de ces modifications, toutes les monnaies se trouvent évaluées par rapport au dollar. En théorie,
on devrait assister à une augmentation des exportations américaines.
Quel furent les conséquences de l'augmentation des marges de fluctuation et de leur passage à plus ou moins de
2,25 %.
Curieusement, cet élargissement a entraîné la naissance, le 12 avril 1972 (accords de Bâle) du serpent
monétaire européen. Le serpent monétaire européen, destiné à assurer la stabilité des monnaies européennes
entre elles, est considéré par beaucoup comme le premier pas vers l'Euro.
Explication :
L'élargissement des marges de fluctuation présentait de graves inconvénients pour les échanges commerciaux
intra européens en raison du cumul des marges entre monnaies européennes. Examinons les choses un peu
plus en détail en comparant la situation d'avant 1971 et celle d'après 1971 :
Avant 1971
Ecart instantané entre le Franc et le Mark : 2%
Ecart temporel entre les deux périodes =Ecart instantané x2 soit 4% L’écart est jugé tolérable et ne nécessite pas
l’instauration d’un système propre à encadrer les monnaies européennes.
Après 1971
Ecart instantané entre le Franc et le Mark : 4,5%
Ecart temporel entre les deux périodes =Ecart instantané x2 soit 9%
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