L'exploitation du gaz de schiste serait aussi
nocive pour le climat que le charbon
Le Monde, édition du 30 mai 2012 - La production de cet hydrocarbure non
conventionnel provoque des fuites de méthane
Si le gaz de schiste est décrié pour les dégâts environnementaux que sa production
entraîne, il pouvait se targuer d'un atout écologique : sa combustion dans les centrales
électriques entraîne moins d'émissions de CO2 (dioxyde de carbone) que la
combustion du charbon - 44 % de moins, selon l'America's Natural Gas Alliance,
l'association professionnelle du gaz aux Etats-Unis.
Quant à l'émission de gaz à effet de serre lors de la production de gaz de schiste, elle
était considérée jusqu'à présent comme négligeable. Mais ce postulat est sévèrement
mis en cause par une série d'études scientifiques. Selon ces analyses, la production de
gaz de schiste a un bilan en gaz à effet de serre équivalent, voire supérieur, à celui du
charbon.
L'explication de ce paradoxe tient au fait que le gaz naturel - aussi appelé méthane
(CH4) - a un coefficient de réchauffement supérieur de vingt-cinq fois à celui du
dioxyde de carbone - voire soixante-douze fois sur les vingt premières années de son
émission, en raison d'un temps de résidence dans l'atmosphère différent de celui du
CO2. La présence de méthane dans l'atmosphère a donc un effet important.
Or la production de gaz de schiste entraîne un relâchement important de méthane.
Quand les fluides utilisés pour fracturer la roche sont pompés pour être ramenés vers
la surface, ils entraînent avec eux des bulles de gaz naturel qui vont se disperser dans
l'atmosphère. De plus, la remontée du gaz à l'ouverture du puits se traduit pendant
quelque temps par une fuite supplémentaire de méthane. Enfin, les différents
gazoducs et autres équipements techniques sont aussi sources de fuites.
Jusqu'à récemment, les émissions liées au gaz de schiste étaient estimées selon des
valeurs officielles établies par l'Agence de l'environnement des Etats-Unis (EPA) en
1996. En 2011, une équipe de chercheurs menée par Robert Howarth, de l'université
de Cornell, a abouti à la conclusion que les puits de gaz de schiste laissaient fuir
jusqu'à 8 % du méthane pendant leur durée d'exploitation. Cette étude, publiée dans la
revue Climate Change Letters, s'appuyait sur une revue approfondie des données
disponibles. Selon Robert Howarth, " du point de vue climatique, le gaz de schiste est
pire que le gaz conventionnel, mais aussi que le charbon et que le pétrole ".
En février 2012, une autre équipe de chercheurs de l'université du Colorado a publié
dans le Journal of Geophysical Research une étude confirmant le constat. Mais la
méthode ici utilisée était expérimentale : des relevés physiques ont été effectués dans
une campagne de mesures par un véhicule doté d'équipements sophistiqués. Les
échantillons d'air prélevés dans la région de Denver-Julesburg, au nord-est du
Colorado, où vingt mille puits exploitent le gaz de schiste, ont ensuite été analysés en