L’espace en partage : approche interdisciplinaire de la dimension spatiale des rapports sociaux Rennes, France - du 9 au 11 avril 2014 Acronyme : REPARE Titre : Repenser le partage de l’espace dans les « régions-ressources » québécoises Yann Fournis, Centre de recherche en développement territorial, Université du Québec à Rimouski ; [email protected] Marie-José Fortin, Chaire de recherche du Canada en développement régional et territorial, CRDT, Université du Québec à Rimouski ; [email protected] Mots clé : territoire, régions, ressources naturelles, Québec, gaz de schiste, éolien, controverse, développement, socio-technique, agriculteurs Disciplines : développement régional, science politique Résumé : Les territoires périphériques québécois, organisés autour de la mono-industrie liée aux ressources naturelles, ne sont plus ce qu’ils étaient : historiquement fondées sur un grand partage entre économie et société, ces « régions-ressources » sont désormais le lieu d’invention de nouveaux partages entre sociétés, ressources naturelles et technologies, qui annoncent une nouvelle répartition du pouvoir dans l’espace. Les régions québécoises sont le produit d’une partition dans l’espace économique entre les zones urbaines centrales, fortement diversifiées et internationalisées, et les territoires ruraux, basés sur la mono-exploitation des ressources à vocation d’exportation. Ce schéma, efficacement conceptualisé par l’économie politique canadienne (les staples), fonctionne toutefois de moins en moins : alors que la « société de la connaissance » passe par les grands centres urbains (mais pas seulement), l’économie des ressources naturelles conserve un poids économique majeur au Canada, comme l’a rappelé la crise de 2008. Il convient donc de questionner leur caractère «périphériques» : au delà de leur localisation géographique, elles participent de phénomènes contemporains, spécifiques, de nos économies mondialisées (Hayter et al., 2003)). Dans le contexte actuel, certains estiment qu’il s’y produit une transition économique d’ampleur, parce que l’épuisement des ressources traditionnelles (forêt, pêche, mines) et l’invention de ressources nouvelles (énergie éolienne, gaz de schiste) se combinent dans les régions-ressources pour exiger la mise en place de nouveaux arrangements, plus complexes et subtils, entre économie et société (Howlett, Brownsey, 2007). Plusieurs dossiers saillants de ces dernières années (crise forestière, développements éoliens, exploration des gaz de schiste) ont ainsi donné lieu à des échanges plus poussés entre les administrations, divers groupes locaux et les entreprises. Ces dynamiques semblent indiquer qu’il ne sera plus vraiment possible, à l’avenir, de gérer séparément les enjeux économiques et les enjeux sociaux des régions-ressources et qu’il faudra y intégrer de nouvelles variables. Des résistances au gaz de schiste aux mobilisations favorables aux entreprises, nouvelles (éoliennes) ou traditionnelles (mines), la société civile et les acteurs locaux tendent à acquérir un poids nouveau qui conduit les acteurs traditionnels du développement à ouvrir (non sans difficulté) les paramètres du développement à ces nouveaux acteurs. L’étude de terrain de deux projets de développement (une controverse autour d’un parc éolien et les négociations autour de l’exploration des gaz de schiste) démontre la nécessité (mais aussi la difficulté) de partager l’espace, lorsqu’il est question d’introduire de nouvelles activités économiques sur les territoires. Nous insisterons en particulier sur deux dynamiques : la médiation au sein des communautés, à partir de l’exemple d’agriculteurs-citoyens mobilisés contre l’exploitation des gaz de schiste et la « traduction » socio-technique, liée à l’implantation d’un parc éolien. Il s’agira de démontrer la difficile articulation entre les intérêts particuliers et l’intérêt communautaire ou territorial, avancée au cœur des conflits par certains groupes, qui posent de véritables défis pour trancher les dilemmes du développement territorial. En conclusion, nous souhaitons montrer comment ces structures socioéconomiques et ces dynamiques sociopolitiques obligent à un renouvellement des outils conceptuels des études régionales : à partir du cas particulier des recherches québécoises, nous souhaitons interroger plus largement les réalités que peut recouvrir la notion de « région ». Au Québec, le GRIDEQ (Groupe de recherche interdisciplinaire sur le développement régional, de l'Est du Québec) poursuit depuis quelques dizaines d’années un programme de recherche sur le développement des territoires périphériques. Initialement, il développe une étude interdisciplinaire à forte coloration « sociale » (histoire, géographie sociales, sociologie, etc.), souvent très attentive aux contradictions entre les structures et les acteurs mais, confrontée aux apories d’une conceptualisation fondée sur le partage structure-acteurs, il s’oriente à partir des années 1990 vers une acception constructiviste du développement sur les territoires. Cette rupture se nuance : penser le développement dans une région-ressource réclame de prendre toute la mesure du poids des structures économiques (staples) et politiques (régimes de ressources) pour évaluer les marges de manœuvre –grandissantes – des acteurs. À terme, ceci permettrait de revenir sur la définition d’une région-ressource : entre la lourdeur des structures sociales et économiques (cf. Côté, 2013) et le dynamisme des acteurs locaux (Beaudry, Dionne, 1996), il y a des arrangements politiques propres, voire une gouvernance des régions-ressources. Bibliographie : BEAUDRY Raymond et DIONNE Hugues, « Vivre quelque part comme agir subversif : les solidarités territoriales », Recherches sociographiques, vol. 37, no 3, 1996, pp. 537-557. CÔTÉ Serge, « Comment concevoir le développement des régions ressources? », in Pierre-André TREMBLAY et Suzanne TREMBLAY (eds.), Penser le développement, Saguenay, Groupe de recherche et d’intervention régionales (GRIR) - Université du Québec à Chicoutimi, 2013. HAYTER Roger, BARNES Trevor J. et BRADSHAW Michael J., « Relocating resource peripheries to the core of economic geography’s theorizing: rationale and agenda », Area, vol. 35, no 1, 2003, pp. 15-23. HOWLETT Michael et BROWNSEY Keith, « Introduction to Special Issue on Canada’s Staples Industries », Canadian Political Science Review, vol. 1, no 1, 2007, pp. 1-7.