Eugénisme 1 15/04/17
Science, éthique et société
Michel Juste
05/12/2009
L’eugénisme
1- L’inné et l’acquis : l’affaire Cyril Burt et le QI
L’affaire Cyril Burt.
Une question souvent posée est celle de savoir si l’intelligence peut être mesurée et
surtout si l’intelligence est héréditaire. Le cas de l’étude suivante est assez
démonstratif.
Cyril Burt s’est illustré par une étude sur l’hérédité de l’intelligence. Est-ce que
l’intelligence est surtout due à l’hérédité, ou bien est-ce que les capacités
intellectuelles sont développées durant la vie grâce à l’influence du milieu ?
L’étude a consisté à retrouver des couples de jumeaux homozygotes vivants séparés
dans des milieux sociaux différents et à comparer les quotients intellectuels (QI) des
enfants. On reviendra plus loin sur une explication des quotients intellectuels. L’étude
menée par ses 2 collaboratrices a été soi-disant réalisée sur 53 couples de jumeaux
homozygotes et montrait que les quotients restaient identiques quel que soit le
milieu, ce qui confirmait que l’intelligence était héréditaire et transmissible. On sait
pourtant que Cyril Burt a fraudé (il n’a analysé que 15 couples) et que ses
conclusions étaient sans fondement (de plus ses collaboratrices n’ont jamais existé).
Ce qui n’empêcha point certains milieux d’exploiter ses résultats.
Le problème de la transmissibilité de l’intelligence par les gènes est bien illustré par
le Quotient intellectuel. Le QI est-il héritable ? Cette thèse a été relancée en 1994
suite à la sortie d’un livre : The Bell Curve. Les auteurs essaient de démontrer que
les gènes jouent un plus grand rôle que l’environnement dans l’acquisition du niveau
intellectuel que l’on peut mesurer par le QI. De plus ces gènes pourraient être
responsables des différences de QI entre noirs et blancs. Le moindre QI des
populations noires expliquerait une moindre réussite sociale et une plus grande
criminalité. Le QI aurait donc une base génétique.
La thèse n’est pas nouvelle, mais le livre a été un best seller soutenu par un
manifeste de plusieurs scientifiques pour le soutenir.
L’affaire Watson
Durant le mois d’octobre 2007, le scientifique américain James Watson a dit qu’il
était « profondément pessimiste sur le futur de l’Afrique » parce que « toutes nos
politiques de développement sont basées sur le fait que leur intelligence est la même
que la nôtre, alors que tous les tests disent que ce n’est pas vraiment le cas ».
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Alfred Binet et les tests de dépistage.
Qu’est-ce que l’intelligence ? Il n’existe aucune définition de l’intelligence qui reste
indéfinissable. Le QI, quotient intellectuel, est un score obtenu par un individu à des
tests standardisés.
Pour A.Binet : « l’intelligence est ce que mesure mes tests ».
Alfred Binet (1857-1911) dirigeait le laboratoire de psychologie à la Sorbonne à
Paris. Il souhaitait étudier la mesure de l’intelligence l’époque, l’état d’esprit veut
que l’on mesure tout ce qui peut l’être, ou à peu près).
Revenons à l’origine de ses travaux : aux XVIIIème et XIXème siècles, le classement
social était évident : les Blancs étaient supérieurs aux Indiens, eux-mêmes
supérieurs aux Noirs. Ce mode de pensée était bien répandu et en fait largement
admis même parmi les politiques les plus avancés tel Lincoln.
Ce racisme partait de 2 conceptions différentes de l’évolution de l’homme : la
conception monogéniste, décrivait une origine unique pour l’homme (Adam et Eve),
l’humanité ayant dérivé par la suite avec une dégradation plus ou moins importante
de certaines populations expliquant les races actuelles.
L’autre conception est la conception polygéniste défendue par Agassiz et Morton,
décrivant des espèces distinctes s le début. Cette conception était attaquée par la
religion défendant la conception monogéniste.
Pour démontrer scientifiquement la différence entre races, plus ou moins définies, il
fallait trouver un critère de différenciation : les travaux de Morton (Etats-unis) furent
réalisés dans ce sens : il montrait les différences à partir de la mesure de la taille de
l’encéphale (en remplissant les crânes de squelettes avec des graines). Les
résultats de Morton montrent une fraude évidente, quelques retouches ont permis de
faire coller ses résultats avec son hypothèse qu’il pensait exacte de toute façon. Il
démontra ainsi l’inaptitude de l’Indien à la civilisation, avec les conséquences que
l’on connaît pour l’époque (1839).
Paul Broca en France reprit ses travaux après 1861. Son travail fut plus méticuleux,
mais il était aussi convaincu du résultat dés le départ. Il montra ainsi la supériorité
des hommes par rapport aux femmes.
Cesare Lombroso montra qu’il existait des criminels nés, ne serait ce que par la
forme de leur crâne.
Alfred Binet reprit ces travaux et il eut au moins l’honnêteté de dire que ses travaux
étaient soumis à des erreurs et biais possibles. Cette autocritique était rare à
l’époque et mérite d’être relevée.
En 1904, A.Binet applique des méthodes psychologiques et il invente une démarche
pour dépister les enfants nécessitant une éducation spécialisée. Il édite plusieurs
versions de ses tests. La version de 1908 donne naissance à la notion d’âge mental.
En Allemagne, W.Stern propose que l’âge mental soit divisé par l’âge chronologique
(donc réel) pour obtenir un rapport plus descriptif : c’est le quotient intellectuel (QI).
En résumé, le QI n’est qu’un guide empirique, grossier, conçu dans un but pratique
et limité. Binet se méfiait déjà des utilisations sociales perverties qu’il pourrait induire.
Pour Binet, le QI correspond à la mesure de l’étude des comportements des enfants
en difficulté : il est rangé du côté des antihéréditaristes.
Les héréditaristes , de leur côté, veulent utiliser le QI pour effectuer un triage pour
l’éducation et la professionnalisation.
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Binet a insisté sur 3 principes :
Le résultat est un outil : il ne définit rien d’inné ou de permanent.
L’échelle est un guide empirique pour signaler les enfants « en retard », il
n’apporte rien aux enfants normaux.
Il faut utiliser ces résultats dans le but d’aider les enfants en difficulté.
Les héréditaristes.
Mais les héréditaristes ont démantelé ses intentions et ont permis l’éclosion d’un des
plus grands abus scientifiques du XXème siècle.
Ils ont assimilé la notion héritableinévitable
Ils induisent une confusion entre hérédité intra et intergroupe.
L’idée fausse de départ est de croire que les comportements humains ont une valeur
adaptative et qu’ils sont donc enracinés génétiquement dans notre espèce.
On sait actuellement qu’un QI, même faible n’est pas inévitable et que le milieu a une
importance majeure.
Les héréditaristes ont développé peu à peu leurs idées :
H.H.Goddard a importé l’échelle de Binet aux USA en réifiant (= en le faisant
passer d’un concept à une réalité objective, à un instrument de mesure concret et
universel) le QI considéré maintenant comme l’intelligence innée.
L.M. Ternan a élaboré l’échelle de Stanford Binet et il rêve d’une société l’on
attribuerait les professions d’après les QI. On sait aujourd’hui que ses résultats
ont été biaisés.
R.M.Yerkes a appliqué le test à l’armée des USA sur 1 750 000 hommes. Ces
travaux ont abouti à l’Immigration Restriction Act de 1924, visant à limiter l’entrée
aux USA de certaines populations issues de quelques parties du monde.
2- Darwin et la théorie de l’évolution
La théorie de Darwin et le Darwinisme.
Charles Darwin (1809-1882) est un naturaliste britannique bien connu, qui a réalisé
un tour du monde sur le Beagle en étudiant les animaux rencontrés durant son
voyage et en prenant de nombreuses notes. Il publie en 1859 « De l’origine des
espèces par la voie de la sélection naturelle ». Cette théorie de la sélection naturelle
a été élaborée de façon concomitante avec Edgar Wallace. Elle précise notamment
qu’il y a une variation aléatoire des caractères et que c’est le plus apte qui survit.
Cette première théorie ne parle pas de l’homme, au contraire de son second livre
publié 11 ans après en 1871 « la filiation de l’homme et la sélection liée au sexe ».
Pour Darwin, l’Homme ne se conçoit plus comme une créature issue du plan divin,
mais comme un produit de la transformation des espèces.
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La théorie de Darwin introduit donc 2 notions importantes :
- Les transformations aléatoires des espèces aboutissant à une évolution et
une transformation graduelle de ces espèces.
- La sélection naturelle qui va permettre au plus apte de survivre et donc
participer à l’évolution des espèces.
Buffon, Lamarck et Cuvier .
Au XIXème siècle, de nombreux scientifiques ont une idée de finalité pour la nature.
La notion de vitalisme est fréquente : le vivant est de la matière dotée d’une force
vitale. Le finalisme est une tendance au perfectionnement des espèces.
Georges Buffon (1707-1788) introduit le concept d’espèce biologique. L’espèce n’est
plus fixe, elle s’éloigne peu à peu de l’original selon l’environnement.
Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) introduit l’idée de modification des espèces
(1805). Il admet le scalisme (les espèces sont ordonnées selon une échelle naturelle
du plus simple au plus complexe). La notion de transformisme est liée à son nom :
les espèces évoluent mais selon des mécanismes qui recourent au vitalisme et
surtout au finalisme, c’est-dire que les espèces se perfectionnent à mesure qu’elles
apparaissent.
Cuvier (1769-1832) critique Lamarck. Il est créationniste. Son idée est le fixisme : il
rejette l’idée de transformisme et insiste sur le rôle des catastrophes
(catastrophisme). Il rejette le concept d’adaptation et d’évolution.
Weissmann, Thomas Morgan et le néodarwinisme.
Darwin ignorait les travaux de Mendel (transmission des caractères) et n’a avit que la
possibilité de transmission des caractères acquis comme hypothèse pour expliquer la
source de variabilité des espèces.
Auguste Weissmann (1834-1914) élimine la possibilité de transmission des
caractères acquis et fonde la génétique.
Hugo De Vries et Thomas Morgan redécouvrent les lois de Mendel et expliquent les
variations par les mutations génétiques. Les gènes sont donc le support de l’hérédité
et de la variabilité.
Une théorie synthétique de l’évolution prend forme : le néodarwinisme. Elle sera
expliquée par Theodosius Dobzhansky notamment, Julian Huxley, George Simpson
et Ernst Mayr.
Stephen Jay Gould et la néoténie
Pour S.J.Gould, la théorie de Darwin est la base mais elle doit être complétée. Pour
lui, la théorie de l’évolution démontre une cohérence logique et historique (grâce aux
fossiles). La théorie de la néoténie de Gould fait évoluer la théorie de Darwin en
prenant en compte l’historicité du vivant.
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3- Créationnisme, néocréationnisme et dessein intelligent.
Le créationnisme
Darwin a vite appréhendé les oppositions, venues essentiellement du Vatican qui
condamna son livre (Concile de Cologne). En 1996, le pape reconnaît que
l ‘évolution est « plus qu’une hypothèse », mais l’homme ne peut être inclus tel quel
dans cette théorie : il existe pour l’église un saut ontologique que la théorie de
Darwin n’explique pas.
A l’opposé de sa théorie, les créationnistes (défendeurs du Créationnisme) pensent
que l’émergence de l’esprit (l’intelligence ?) et de l’Homme est un fait divin et que ce
saut ontologique ne peut s ‘expliquer que par l’intervention d’une intelligence
supérieure : Dieu. Pour eux cette théorie est scandaleuse et doit être rejetée.
En 1925, un enseignant de Dayton (Tennessee, USA) est poursuivi par les
créationnistes pour avoir enseigné la théorie de l’évolution.
Le néocréationnisme
De façon récente, la ministre de l’éducation néerlandaise souhaitait remettre en
question la théorie de Darwin considérée comme incomplète. Le ministre polonais de
l’éducation traite la théorie de Darwin de mensonge (octobre 2006).
En Turquie, un ouvrage (l’Atlas de la création) a été édité en début d’année 2007 et
largement diffusé. Cette diffusion prétend démontrer l’erreur de la théorie de
l’évolution des espèces. L’ouvrage est le fruit d’une organisation sectaire, proche de
l’extrême droite et qui n’a rien à voir avec l’Islam.
De même, aux Etats-Unis, il y a un débat très important entre les défenseurs de la
théorie de l’évolution de Darwin et les néocréationnistes.
Le 1 août 2005, Georges Bush déclarait que les thèses de l’ « Intelligent Design » (le
« dessein intelligent ») devaient être correctement enseignées dans les écoles, et
avoir la même place que la théorie de Darwin.
Le Dessein Intelligent
Cette thèse de Dessein Intelligent expose que la vie est si complexe qu’elle ne peut
provenir que d’un esprit intelligent qui pourrait être Dieu ou une force ou un être
surnaturel. Pour eux, la vie n’est pas un accident mais un projet conçu par un
créateur.
Au départ, les créationnistes avaient une lecture littérale de la Bible : le monde a été
créé en 6 jours, il a moins de 100 000 ans et l’homme a été créé le 7ème jour à
l’image de Dieu.
L’Intelligent Design, défendu actuellement par les Néocréationnistes, est plus subtil
car il utilise des notions scientifiques et apparemment logiques.
Ce débat est l’enjeu de l’enseignement dans les écoles des Etats-Unis les
programmes scolaires dépendent des conseils d’administration locaux. Une récente
enquête (novembre 2004) a montré que 55% des américains croient que Dieu a créé
les humains dans leur forme actuelle, sans évolution.
Que tirer de ce débat ?
- La théorie de l’évolution reste une théorie, donc une construction
intellectuelle basée sur des faits et des observations mais qui n’a pas
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