doc - Science, éthique et société

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Science, éthique et société
Michel Juste
05/12/2009
L’eugénisme
1- L’inné et l’acquis : l’affaire Cyril Burt et le QI
L’affaire Cyril Burt.
Une question souvent posée est celle de savoir si l’intelligence peut être mesurée et
surtout si l’intelligence est héréditaire. Le cas de l’étude suivante est assez
démonstratif.
Cyril Burt s’est illustré par une étude sur l’hérédité de l’intelligence. Est-ce que
l’intelligence est surtout due à l’hérédité, ou bien est-ce que les capacités
intellectuelles sont développées durant la vie grâce à l’influence du milieu ?
L’étude a consisté à retrouver des couples de jumeaux homozygotes vivants séparés
dans des milieux sociaux différents et à comparer les quotients intellectuels (QI) des
enfants. On reviendra plus loin sur une explication des quotients intellectuels. L’étude
menée par ses 2 collaboratrices a été soi-disant réalisée sur 53 couples de jumeaux
homozygotes et montrait que les quotients restaient identiques quel que soit le
milieu, ce qui confirmait que l’intelligence était héréditaire et transmissible. On sait
pourtant que Cyril Burt a fraudé (il n’a analysé que 15 couples) et que ses
conclusions étaient sans fondement (de plus ses collaboratrices n’ont jamais existé).
Ce qui n’empêcha point certains milieux d’exploiter ses résultats.
Le problème de la transmissibilité de l’intelligence par les gènes est bien illustré par
le Quotient intellectuel. Le QI est-il héritable ? Cette thèse a été relancée en 1994
suite à la sortie d’un livre : The Bell Curve. Les auteurs essaient de démontrer que
les gènes jouent un plus grand rôle que l’environnement dans l’acquisition du niveau
intellectuel que l’on peut mesurer par le QI. De plus ces gènes pourraient être
responsables des différences de QI entre noirs et blancs. Le moindre QI des
populations noires expliquerait une moindre réussite sociale et une plus grande
criminalité. Le QI aurait donc une base génétique.
La thèse n’est pas nouvelle, mais le livre a été un best seller soutenu par un
manifeste de plusieurs scientifiques pour le soutenir.
L’affaire Watson
Durant le mois d’octobre 2007, le scientifique américain James Watson a dit qu’il
était « profondément pessimiste sur le futur de l’Afrique » parce que « toutes nos
politiques de développement sont basées sur le fait que leur intelligence est la même
que la nôtre, alors que tous les tests disent que ce n’est pas vraiment le cas ».
Eugénisme
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Alfred Binet et les tests de dépistage.
Qu’est-ce que l’intelligence ? Il n’existe aucune définition de l’intelligence qui reste
indéfinissable. Le QI, quotient intellectuel, est un score obtenu par un individu à des
tests standardisés.
Pour A.Binet : « l’intelligence est ce que mesure mes tests ».
Alfred Binet (1857-1911) dirigeait le laboratoire de psychologie à la Sorbonne à
Paris. Il souhaitait étudier la mesure de l’intelligence (à l’époque, l’état d’esprit veut
que l’on mesure tout ce qui peut l’être, ou à peu près).
Revenons à l’origine de ses travaux : aux XVIIIème et XIXème siècles, le classement
social était évident : les Blancs étaient supérieurs aux Indiens, eux-mêmes
supérieurs aux Noirs. Ce mode de pensée était bien répandu et en fait largement
admis même parmi les politiques les plus avancés tel Lincoln.
Ce racisme partait de 2 conceptions différentes de l’évolution de l’homme : la
conception monogéniste, décrivait une origine unique pour l’homme (Adam et Eve),
l’humanité ayant dérivé par la suite avec une dégradation plus ou moins importante
de certaines populations expliquant les races actuelles.
L’autre conception est la conception polygéniste défendue par Agassiz et Morton,
décrivant des espèces distinctes dés le début. Cette conception était attaquée par la
religion défendant la conception monogéniste.
Pour démontrer scientifiquement la différence entre races, plus ou moins définies, il
fallait trouver un critère de différenciation : les travaux de Morton (Etats-unis) furent
réalisés dans ce sens : il montrait les différences à partir de la mesure de la taille de
l’encéphale (en remplissant les crânes de squelettes avec des graines). Les
résultats de Morton montrent une fraude évidente, quelques retouches ont permis de
faire coller ses résultats avec son hypothèse qu’il pensait exacte de toute façon. Il
démontra ainsi l’inaptitude de l’Indien à la civilisation, avec les conséquences que
l’on connaît pour l’époque (1839).
Paul Broca en France reprit ses travaux après 1861. Son travail fut plus méticuleux,
mais il était aussi convaincu du résultat dés le départ. Il montra ainsi la supériorité
des hommes par rapport aux femmes.
Cesare Lombroso montra qu’il existait des criminels nés, ne serait –ce que par la
forme de leur crâne.
Alfred Binet reprit ces travaux et il eut au moins l’honnêteté de dire que ses travaux
étaient soumis à des erreurs et biais possibles. Cette autocritique était rare à
l’époque et mérite d’être relevée.
En 1904, A.Binet applique des méthodes psychologiques et il invente une démarche
pour dépister les enfants nécessitant une éducation spécialisée. Il édite plusieurs
versions de ses tests. La version de 1908 donne naissance à la notion d’âge mental.
En Allemagne, W.Stern propose que l’âge mental soit divisé par l’âge chronologique
(donc réel) pour obtenir un rapport plus descriptif : c’est le quotient intellectuel (QI).
En résumé, le QI n’est qu’un guide empirique, grossier, conçu dans un but pratique
et limité. Binet se méfiait déjà des utilisations sociales perverties qu’il pourrait induire.
Pour Binet, le QI correspond à la mesure de l’étude des comportements des enfants
en difficulté : il est rangé du côté des antihéréditaristes.
Les héréditaristes , de leur côté, veulent utiliser le QI pour effectuer un triage pour
l’éducation et la professionnalisation.
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Binet a insisté sur 3 principes :
 Le résultat est un outil : il ne définit rien d’inné ou de permanent.
 L’échelle est un guide empirique pour signaler les enfants « en retard », il
n’apporte rien aux enfants normaux.
 Il faut utiliser ces résultats dans le but d’aider les enfants en difficulté.
Les héréditaristes.
Mais les héréditaristes ont démantelé ses intentions et ont permis l’éclosion d’un des
plus grands abus scientifiques du XXème siècle.

Ils ont assimilé la notion héritable–inévitable

Ils induisent une confusion entre hérédité intra et intergroupe.
L’idée fausse de départ est de croire que les comportements humains ont une valeur
adaptative et qu’ils sont donc enracinés génétiquement dans notre espèce.
On sait actuellement qu’un QI, même faible n’est pas inévitable et que le milieu a une
importance majeure.
Les héréditaristes ont développé peu à peu leurs idées :

H.H.Goddard a importé l’échelle de Binet aux USA en réifiant (= en le faisant
passer d’un concept à une réalité objective, à un instrument de mesure concret et
universel) le QI considéré maintenant comme l’intelligence innée.

L.M. Ternan a élaboré l’échelle de Stanford Binet et il rêve d’une société où l’on
attribuerait les professions d’après les QI. On sait aujourd’hui que ses résultats
ont été biaisés.

R.M.Yerkes a appliqué le test à l’armée des USA sur 1 750 000 hommes. Ces
travaux ont abouti à l’Immigration Restriction Act de 1924, visant à limiter l’entrée
aux USA de certaines populations issues de quelques parties du monde.
2- Darwin et la théorie de l’évolution
La théorie de Darwin et le Darwinisme.
Charles Darwin (1809-1882) est un naturaliste britannique bien connu, qui a réalisé
un tour du monde sur le Beagle en étudiant les animaux rencontrés durant son
voyage et en prenant de nombreuses notes. Il publie en 1859 « De l’origine des
espèces par la voie de la sélection naturelle ». Cette théorie de la sélection naturelle
a été élaborée de façon concomitante avec Edgar Wallace. Elle précise notamment
qu’il y a une variation aléatoire des caractères et que c’est le plus apte qui survit.
Cette première théorie ne parle pas de l’homme, au contraire de son second livre
publié 11 ans après en 1871 « la filiation de l’homme et la sélection liée au sexe ».
Pour Darwin, l’Homme ne se conçoit plus comme une créature issue du plan divin,
mais comme un produit de la transformation des espèces.
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La théorie de Darwin introduit donc 2 notions importantes :
-
Les transformations aléatoires des espèces aboutissant à une évolution et
une transformation graduelle de ces espèces.
La sélection naturelle qui va permettre au plus apte de survivre et donc
participer à l’évolution des espèces.
Buffon, Lamarck et Cuvier .
Au XIXème siècle, de nombreux scientifiques ont une idée de finalité pour la nature.
La notion de vitalisme est fréquente : le vivant est de la matière dotée d’une force
vitale. Le finalisme est une tendance au perfectionnement des espèces.
Georges Buffon (1707-1788) introduit le concept d’espèce biologique. L’espèce n’est
plus fixe, elle s’éloigne peu à peu de l’original selon l’environnement.
Jean-Baptiste Lamarck (1744-1829) introduit l’idée de modification des espèces
(1805). Il admet le scalisme (les espèces sont ordonnées selon une échelle naturelle
du plus simple au plus complexe). La notion de transformisme est liée à son nom :
les espèces évoluent mais selon des mécanismes qui recourent au vitalisme et
surtout au finalisme, c’est-à-dire que les espèces se perfectionnent à mesure qu’elles
apparaissent.
Cuvier (1769-1832) critique Lamarck. Il est créationniste. Son idée est le fixisme : il
rejette l’idée de transformisme et insiste
sur le rôle des catastrophes
(catastrophisme). Il rejette le concept d’adaptation et d’évolution.
Weissmann, Thomas Morgan et le néodarwinisme.
Darwin ignorait les travaux de Mendel (transmission des caractères) et n’a avit que la
possibilité de transmission des caractères acquis comme hypothèse pour expliquer la
source de variabilité des espèces.
Auguste Weissmann (1834-1914) élimine la possibilité de transmission des
caractères acquis et fonde la génétique.
Hugo De Vries et Thomas Morgan redécouvrent les lois de Mendel et expliquent les
variations par les mutations génétiques. Les gènes sont donc le support de l’hérédité
et de la variabilité.
Une théorie synthétique de l’évolution prend forme : le néodarwinisme. Elle sera
expliquée par Theodosius Dobzhansky notamment, Julian Huxley, George Simpson
et Ernst Mayr.
Stephen Jay Gould et la néoténie
Pour S.J.Gould, la théorie de Darwin est la base mais elle doit être complétée. Pour
lui, la théorie de l’évolution démontre une cohérence logique et historique (grâce aux
fossiles). La théorie de la néoténie de Gould fait évoluer la théorie de Darwin en
prenant en compte l’historicité du vivant.
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3- Créationnisme, néocréationnisme et dessein intelligent.
Le créationnisme
Darwin a vite appréhendé les oppositions, venues essentiellement du Vatican qui
condamna son livre (Concile de Cologne). En 1996, le pape reconnaît que
l ‘évolution est « plus qu’une hypothèse », mais l’homme ne peut être inclus tel quel
dans cette théorie : il existe pour l’église un saut ontologique que la théorie de
Darwin n’explique pas.
A l’opposé de sa théorie, les créationnistes (défendeurs du Créationnisme) pensent
que l’émergence de l’esprit (l’intelligence ?) et de l’Homme est un fait divin et que ce
saut ontologique ne peut s ‘expliquer que par l’intervention d’une intelligence
supérieure : Dieu. Pour eux cette théorie est scandaleuse et doit être rejetée.
En 1925, un enseignant de Dayton (Tennessee, USA) est poursuivi par les
créationnistes pour avoir enseigné la théorie de l’évolution.
Le néocréationnisme
De façon récente, la ministre de l’éducation néerlandaise souhaitait remettre en
question la théorie de Darwin considérée comme incomplète. Le ministre polonais de
l’éducation traite la théorie de Darwin de mensonge (octobre 2006).
En Turquie, un ouvrage (l’Atlas de la création) a été édité en début d’année 2007 et
largement diffusé. Cette diffusion prétend démontrer l’erreur de la théorie de
l’évolution des espèces. L’ouvrage est le fruit d’une organisation sectaire, proche de
l’extrême droite et qui n’a rien à voir avec l’Islam.
De même, aux Etats-Unis, il y a un débat très important entre les défenseurs de la
théorie de l’évolution de Darwin et les néocréationnistes.
Le 1 août 2005, Georges Bush déclarait que les thèses de l’ « Intelligent Design » (le
« dessein intelligent ») devaient être correctement enseignées dans les écoles, et
avoir la même place que la théorie de Darwin.
Le Dessein Intelligent
Cette thèse de Dessein Intelligent expose que la vie est si complexe qu’elle ne peut
provenir que d’un esprit intelligent qui pourrait être Dieu ou une force ou un être
surnaturel. Pour eux, la vie n’est pas un accident mais un projet conçu par un
créateur.
Au départ, les créationnistes avaient une lecture littérale de la Bible : le monde a été
créé en 6 jours, il a moins de 100 000 ans et l’homme a été créé le 7 ème jour à
l’image de Dieu.
L’Intelligent Design, défendu actuellement par les Néocréationnistes, est plus subtil
car il utilise des notions scientifiques et apparemment logiques.
Ce débat est l’enjeu de l’enseignement dans les écoles des Etats-Unis où les
programmes scolaires dépendent des conseils d’administration locaux. Une récente
enquête (novembre 2004) a montré que 55% des américains croient que Dieu a créé
les humains dans leur forme actuelle, sans évolution.
Que tirer de ce débat ?
- La théorie de l’évolution reste une théorie, donc une construction
intellectuelle basée sur des faits et des observations mais qui n’a pas
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valeur dogmatique. Elle doit être complétée, parfois remise en question ou
renouvelée. De toute façon elle doit évoluer et s’adapter aux découvertes
actuelles et futures. On parle aujourd’hui de néodarwinisme, car la théorie
a évolué suite à la découverte des gènes et du lien entre ceux-ci et les
variations observées.
L’intelligent Design mélange des aspects religieux à des soucis
scientifiques : il ne faut pas mélanger croyances et faits scientifiques. On
peut très bien croire en Dieu (comme Darwin d’ailleurs) et accepter la
théorie de l’évolution. Théorie de Darwin et Intelligent Design ne sont pas à
opposer car ils ne sont pas du même niveau. La théorie du Big Bang est
aussi attaquable par les néocréationnistes.
Le véritable but des néocréationnistes est de substituer la loi civile
américaine par la loi biblique. Là encore, il ne faut pas mélanger politique
et religion.
Il faut éviter des conclusions hâtives : certaines découvertes récentes
peuvent remettre en question certains aspects de la théorie de Darwin, ce
n’est pas une raison pour la rejeter dans sa globalité ni pour faire appel à
une force supérieure pour expliquer ce que l’on ne comprend pas
aujourd’hui et que l’on comprendra peut être demain.
Une théorie est un système d’idées qui structure le savoir scientifique. Elle n’est
jamais un absolu et elle évolue dans le temps. Une théorie qui se ferme au réel est
une doctrine, et la doctrine réfute tous les démentis du réel (Edgar Morin). La
doctrine blinde ses axiomes qui deviennent des dogmes.
Charles Darwin a tenté de distinguer instincts individuels et instincts sociaux : « la
sélection naturelle sélectionne la civilisation, qui s’oppose à la sélection naturelle ».
Cette phrase tente d’expliquer la morale comme un effet de l’évolution qui, en
sélectionnant les instincts sociaux, conduit à résister à l’élimination des moins aptes.
Cet effet réversif de l’évolution considère la morale comme un fait d’évolution
naturel. Ces instincts sociaux présentent un avantage adaptatif et ils vont produire
des effets qui s’opposent aux conséquences ordinaires de la sélection naturelle
(protection des faibles, soins…).
Il ne faut oublier que Darwin s’opposait à l’eugénisme, au colonialisme, au racisme et
il est violemment contre l’esclavagisme. Sa thèse veut rétablir les conditions d’une
égalité des chances entre les hommes.
Le singe descend de l’homme.
Cette affirmation provocante est en fait liée aux découvertes récentes de
paléontologie qui remettent en cause certaines idées parfois anciennes. On a
longtemps fait croire que l’homme descendait du singe (c’est ce que disaient les
opposants à la théorie de Darwin pour la ridiculiser).
Depuis cette époque, il était convenu que les critères d’humanité étaient la taille du
cerveau, l’outil, le langage, la bipédie.
La découverte d’ancêtres communs bipèdes de 7 millions d’années remet en
question le buissonnement généalogique des primates. Il apparaît donc que les
grands singes sont d’anciens bipèdes qui sont devenus quadrumanes par la suite.
Les critères d’humanité sont remis en cause, la théorie de l’évolution continue à
évoluer et se renforce.
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4- Le darwinisme social
Bien que ne parlant pas de l’homme, le premier livre de Darwin a suscité des
débordements.
Herbert Spencer (1820-1903) s’est approprié les thèses de Darwin et il a donné
naissance au darwinisme social et à la sociobiologie (sociologie biologique à
l’époque).
Herbert Spencer (1820 – 1903)
Fondateur de l’évolutionnisme culturel et social en Angleterre au XIXème siècle.
Il défend une explication mécaniste de l’univers et reprend l’idée darwinienne de
la sélection naturelle pour l’appliquer au monde social (darwinisme social).
Il a écrit les Principes de biologie (1864-1867) et les Principes de sociologie
(1877-1896).
Le darwinisme social est une dérive qui tente d’expliquer le progrès du genre humain
à partir des thèses de Darwin : tout est expliqué par la lutte entre les individus, la
concurrence et la sélection naturelle des plus performants.
Spencer va donc donner une caution scientifique à ces débordements qui vont
entraîner des catastrophes au XXème siècle.
Ceci ne peut se comprendre que si l’on envisage l’état d’esprit du XIXème siècle.
C’est l’âge d’or de la biologie (1850-1900), et 3 grands noms sont à retenir : Claude
Bernard, Louis Pasteur et Charles Darwin.
 Claude Bernard : apport de la physiologie moderne et de la médecine
expérimentale
 Louis Pasteur : la microbiologie et les applications hygiéniques, industrielles et
agricoles.
 Charles Darwin : l’évolutionnisme
Ces 3 types de travaux ont eu de grandes influences idéologiques :
- Avec Claude Bernard, le genre humain est sous le règne de la physico-chimie : il
n’y a pas de force vitale, mais une homéostasie. La tentation est grande de
comparer organisation biologique et organisation sociale.
- Avec Pasteur, on assiste à une biologisation de la société et de la politique. Le
pastorisme représente un idéal scientiste, que l’on va appliquer à l’élevage puis
aux populations (vaccinations). On serait tenté de faire un rapprochement entre
humains et moutons. Cette biologisation entraîne une conception un peu
« bétaillère » de la société.
- L’évolutionnisme touche directement la politique que l’on va vouloir corriger pour
la faire coïncider avec un supposé ordre naturel. L’ancien ordre était basé sur la
tradition, la religion et un certain obscurantisme que combattait le scientisme et le
progressisme de la fin du XIXème siècle.
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Le darwinisme social n’a donc rien de darwinien à proprement parler : il s’agit bien
d’une dérive que l’on a tenté de justifier par les travaux de Claude Bernard et de
Pasteur.
L’évolution a été différente selon les pays : en France le pastorisme a limité
l’influence du darwinisme social en le confinant à un hygiénisme. L’influence des
théories de Lamarck a aussi été limitante.
Le darwinisme social restait une thèse peu scientifique et plutôt idéologique.
L’eugénisme est différent dans le sens où il recherche des outils scientifiques et dans
la mesure où son objectif est clairement d’organiser la reproduction dans l’espèce
humaine.
Par contre, dans les pays anglo-saxons, l’association darwinisme + théories de
Weismann et de Mendel ont abouti à l’eugénisme. L’Allemagne a subi de plus
l’influence de Haeckel.
Darwin a donc apporté, sans le vouloir, des arguments scientifiques pour justifier des
politiques sociales et économiques.
Ernst Haeckel (1834-1919)
Biologiste, philosophe et libre penseur allemand. Il a fait connaître la théorie de
Darwin en Allemagne et a participé à sa diffusion. C’est l’un des pères de
l’écologie, terme qu’il créa en 1866. Opposé aux créationnistes, il conçoit une
unité entre Dieu et le monde (philosophie moniste). On lui reproche d’avoir
proposé une classification des races humaines. Certaines de ces idées furent
utilisées et détournées par les nazis.
Du darwinisme social à l’eugénisme.
En fait le darwinisme scientifique ne s’est pas imposé aussi facilement que cela,
scientifiquement parlant !
En fait, à partir de 1860, les théories de Darwin se sont ajoutées à un ensemble
confus de thèses biologiques, et le concept majeur de sélection naturelle s’est
répandu dans d’autres disciplines.
Le succès du darwinisme doit être recherché dans la société de l’époque (et non
dans sa valeur scientifique intrinsèque)..
La période 1850-1900 voit le triomphe de la révolution industrielle. La bourgeoisie
remplace l’aristocratie comme classe dominante.
L’aristocratie est basée sur le droit de la naissance, ce qu’on appelle le droit du sang.
La bourgeoisie n’a que le mérite, le travail, le rang social, le pouvoir et la richesse.
Seul le darwinisme pouvait fournir à cette bourgeoisie la justification scientifique de
son nouveau règne. Le darwinisme social traduit donc bien l’opposition bourgeoisie –
aristocratie finissante.
Le créationnisme qui fixe l’ordre des êtres est remplacé par le droit naturel du plus
méritant qui est « sélectionné ».
Cet état d’esprit se retrouve dans les théories de Darwin : les principes sociaux et
économiques de l’époque se sont retrouvés « biologicisés » par Darwin puis repris
par le darwinisme social avec une nouvelle caution scientifique.
Le darwinisme scientifique a été « porté » par le darwinisme social jusqu’au début du
siècle suivant où la génétique a apporté une consolidation.
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Le darwinisme social se traduit par des thèses douteuses :la supériorité de la
bourgeoisie, l’infériorité des ouvriers, les « races » inférieures qui peuvent et doivent
être colonisées (justification de la politique de colonialisation). On justifie donc toute
une hiérarchie sociale, et l’aristocratie, catholique, est remplacée par un ordre
biologique, calviniste.
Dans le même ordre d ‘idées, la guerre devient une obsession pour la société de la
fin du XIXème siècle. Elle représente la lutte et la sélection naturelle, notamment la
guerre entre « races ».
Tintin au Congo (bande dessinée parue en 1931).
La commission britannique pour l’égalité raciale a jugé que la bande dessinée
contenait des »préjugés racistes abominables ». Une chaîne de librairies a retiré
l’album de la vente et une autre plainte a été posée en Belgique. Hergé, décédé
depuis plusieurs années, n’a fait que traduire l’état d’esprit de la société de son
époque. Sa vision était celle qu’avait l’Europe de cette époque (1920-1930) vis à vis
des pays colonisés africains. Le ridicule est plutôt du côté de l’européen qui a une
vision déformée, condescendante et imbécile sur l’Afrique.
Vouloir censurer cette œuvre est tout aussi ridicule, car il faudrait censurer un
nombre incalculable de livres ou de films. Le plus utile serait sûrement de préfacer
ces œuvres pour les replacer dans leur contexte.
5- L’eugénisme
C’est la science des « bonnes naissances ».
Eugénès ; du grec «bien né ».
Cette science est prétendument fondée sur le darwinisme et la génétique.
Trois questions éthiques peuvent se poser :
- L’eugénisme présente un intérêt pour qui ? L’état, les parents ou l’enfant qui doit
en « bénéficier » ?
- Quelle humanité souhaitons-nous ?
- Quels moyens d’intervention faut-il mettre en place ?
Elle a été controversée, notamment par l’église catholique et par le lyssenkisme,
mais cette thèse a été très répandue durant la première moitié du XXème siècle.
Elle est basée notamment sur l’intervention des états avec des lois.
Il s’agit d’un tabou, dont on parle difficilement, car l’eugénisme implique de nombreux
scientifiques et politiques encore aujourd’hui. La simplification entre eugénisme et
nazisme est trop simple, mais le discours est souvent limité à cette approche.
L’eugénisme est donc une science née grâce à Francis Galton : bourgeois anglais,
scientifique « touche à tout », curieux et passionné, épris de statistiques. Il voulait
vérifier, entre autres, que les femmes avaient des sens moins aigus que ceux des
hommes.
Galton était le cousin de Darwin. Il voulait donc classer les hommes selon leurs
capacités naturelles, en insistant bien sûr sur la supériorité de certains (les anglais
sur les irlandais par exemple). Il insista pour assurer la survie « des plus doués », et
de favoriser leur développement. Pour lui, le génie ou le crime étaient déterminés par
l’hérédité.
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Dans le contexte de l’époque, ces idées furent vite adoptées et servirent
d’application aux concepts du darwinisme social.
Ces concepts existaient bien avant déjà (on pense bien sûr aux WASP américains :
White Anglo Saxons Protestants) qui jugeaient les indiens incivilisables. « Les
indiens n’ont ni l’intelligence, ni les mœurs, ni le désir de progresser. Ils doivent
nécessairement céder devant la puissance des évènements et, passé un certain
temps, disparaître. » Andrew Jackson, 7ème président des USA de 1829 à 1837.
L’opposition de l’église catholique n’eut pas de portée réelle hormis dans les pays
latins.
Les premières applications de l’eugénisme commencèrent vers 1900.
1907
1928
1929
1933
1934
1935
1ère loi eugéniste en Indiana (Etats-Unis)
Suisse, Canada
Danemark
Allemagne
Norvège
Suède
C’est donc aux Etats-Unis que l’eugénisme s’est développé, avec l’aide de grands
financiers dont Rockfeller qui subventionna l’eugénisme en Allemagne.
Pratiquement, l’eugénisme prend 2 formes :
- l’eugénisme positif : favorise l’union et la reproduction des meilleurs
- l’eugénisme négatif : empêcher les « dégénérés » de se reproduire.
Aux USA : il existait une loi interdisant le mariage de certaines personnes au
Connecticut en 1896. La première loi autorisant la stérilisation date de 1907 en
Indiana. En 1950, 33 états américains disposent de lois eugéniques. Elles
s’appliquent aux malades mentaux, aux déficients intellectuels, aux criminels sexuels
et aux gens atteints de troubles du comportement. Dans certains cas, ces lois ont été
étendues aux épileptiques, mongoliens et toxicomanes.
Au Danemark : période 1929-1945. Eugénisme négatif pour les débiles mentaux,
lents d’esprit, épileptiques. Mais cette loi a concerné aussi les diabétiques, les
aveugles et les personnes atteintes de troubles nerveux durant leur grossesse.
En Suède : 60 000 stérilisations entre 1935 et 1976
En France : l’eugénisme a été introduit en France par G. Vacher de Lapouge, mais
ces effets ont été peu marqués malgré quelques adhésions de scientifiques
favorables. Les influences du pastorisme, du lamarkisme et du catholicisme ont
réduit les risques de dérives. On parle plutôt d’hygiénisme social, dont il nous reste
l’examen prénuptial.
Notons Alexis Carrel, favorable à l’eugénisme, mais ce scientifique a travaillé aux
USA entre 1906 et 1938 (à l’institut Rockfeller). Pétainiste, réactionnaire et
antidémocrate, il eut une influence sur les autorités de Vichy durant la guerre.
Il écrit que la médecine se fourvoie en essayant « d’améliorer les individus de
mauvaise qualité », qu’il convient plutôt de « fortifier les forts : il faut abandonner
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l’idée dangereuse de restreindre les forts , d élever les faibles, et de faire ainsi
pulluler les médiocres ».
Les mêmes idées se retrouvent Charles Richet (prix Nobel de médecine en 1913) :
« Il ne s’agit pas de punir les tarés, mais de les écarter de nous. Il ne faut pas que
leur sang vicié vienne corrompre le sang généreux d’une race forte ».
En URSS : il n’y eut pas de législation. Lyssenko y était opposé. Il y eut bien une
tentative d’eugénisme bolchévique en 1920 mais qui ne fut jamais mise en place.
Lyssenko, Trofim Denissovitch (1898-1976)
Agronome soviétique soutenu par Staline. Il a critiqué et attaqué la génétique
classique en affirmant la primauté de l’acquis sur l’inné. Il soutenait que les
caractères acquis pouvaient se transmettre et ainsi qu’il était possible de
transformer de l’avoine en orge, de l’orge en blé, un pin en sapin…
La théorie chromosomique (défendant la transmission de l’inné et pas de l’acquis)
est dénoncée comme « réactionnaire, idéaliste, métaphysique et stérile ».
La polémique aboutit à une scission entre la théorie de Lyssenko et celle des
généticiens classiques (Vavilov) puis à un démantèlement de la génétique et de la
biologie en Union soviétique. Utilisé par Staline pour renforcer son idéologie, le
triomphe de Lyssenko, bien que totalement usurpé et agrémenté de fraudes
scientifiques, a survécu à l’époque staliniene et il ne fut révoqué qu’en 1965.
En 1933, un scientifique allemand (Hermann Muller) propose à Staline un
programme d’eugénisme positif. Mais il est rejeté par Staline. Muller insiste et
s’attaque à Lyssenko en 1936. Muller recevra le prix Nobel en 1946, puis il relança
au début des années 60 un programme d ’eugénisme positif avec le soutien d’un
milliardaire (Robert K. Graham) : la fondation pour le choix germinal, une banque de
sperme des grands hommes, effectivement créée en 1971.
En Allemagne : la situation était semblable au reste de l’Europe jusqu’en 1933,
quand fut publiée la première loi eugéniste. Cette loi était calquée sur la loi
américaine. Il existait déjà (1932) une loi eugéniste positive concernant le mariage
des SS. En 1935, fut publiée une loi sur les interdictions de mariage, complétée par
le « Lebensborn » (source de vie): programme d’eugénisme positif destiné à la
production d’enfants aryens.
Quelques noms sont à retenir : celui d’Otmar von Verschuer , Eugen Fischer,
influencé par Haeckel et dont les instituts étaient financés par la fondation
Rockefeller.
Au total, il faut compter entre 350 000 et 400 000 victimes de l’eugénisme, impliquant
des médecins souvent inconscients de leur participation.
En 1939, le programme T4 fut lancé : il autorisait l’extermination des malades
mentaux ou malades jugés incurables. Ce programme fut critiqué et fut l’objet de
protestations surtout catholiques. Il fut mis de côté puis repris plus tard de façon plus
sauvage. Il serait plus exact de parler d’extermination.
On ne parle pas encore de génocide, dont la définition se rapporte à des groupes
raciaux, religieux ou politiques. L’eugénisme en était le point de départ.
Pour Julian Huxley, l’eugénisme fait partie intégrante de la religion de l’avenir. Il fut
nommé directeur de l’Unesco en 1946. Le fameux docteur Müller reçut le prix Nobel
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(en 1946) aussi, et les mêmes idées se retrouvent dans le livre The Bell Curve, en
1994.
6- De l’eugénisme au racisme.
Le racisme moderne est calqué sur le modèle de l’eugénisme.
Nous avons vu le parcours débutant par le darwinisme, puis le darwinisme social
pour arriver à l’eugénisme. Tout cela sur le fonds social très particulier du XIXème
siècle et du début du XXème.
L’objectif du racisme est la purification de la société de tout ce qu’elle comporte
d’individus indésirables et inférieurs du point de vue biologique et psychologique.
L’étude de la genèse de ce mouvement, et son épanouissement au XXème siècle
apportent un exemple de réflexion éthique.
Quelle définition peut-on donner au mot race ? C’est une subdivision de l’espèce qui
réunit des individus, qui au delà des différences individuelles, présentent tous
certaines particularités héréditaires assez marquées pour les caractériser nettement
en tant que groupe mais insuffisantes pour que ce groupe constitue une espèce
distincte.
Cette définition reste encore assez floue et peut donc porter à des interprétations
diverses.
Le problème est que depuis Darwin, certains biologistes ont pris l’habitude de
considérer les différences en termes d’avantage évolutif. Pour eux, l’évolution résulte
du triomphe d’une race sur l’autre et que la classification des sociétés revient à une
classification des races. Il existe une classification hiérarchique selon le
développement technique qui tient lieu de classification hiérarchique des races.
Le racisme n’est pas récent, mais l’eugénisme a permis son application rigoureuse
avec la caution de la science.
Historiquement, le racisme a justifié des politiques ségrégationnistes, paternalistes,
colonialistes (exploitation) ou exterminatrices.
Il existe actuellement un débat éthique sur le fondement scientifique de ce racisme.
Arthur de Gobineau : littérateur français du XIXe siècle qui a écrit un « essai sur
l’inégalité des races humaines ». Cet auteur raciste base son argumentaire sur le
principe de l’ordre social calqué sur les castes indiennes : il existe des différences et
une hiérarchie entre les groupes humains. Il n’est nulle part question de différence
biologique.
L’histoire et la géographie expliquent les différences et les évolutions des civilisations
expliquent qu’il y ait une hiérarchie.
La perturbation véritable est le métissage qui est à l’origine de la dégénérescence de
l’humanité.
Noter que Gobineau n’a jamais été antisémite.
La notion de race débute, scientifiquement parlant, avec les travaux des naturalistes
comme Linné, puis Lamarck et Cuvier.
Pour Linné, les espèces sont fixes, il distingue 6 races humaines.
Lamarck est un adepte du transformisme : les êtres vivants forment un continuum du
plus simple au plus complexe et les espèces se transforment.
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Cuvier revient à un certain fixisme en introduisant les notions d’embranchement et
d’organisation. La barrière d’espèce est la possibilité de reproduction. Il distingue 3
races humaines (caucasienne, mongolienne, éthiopique).
Puis vint Darwin :
La biologie bascule dans le transformisme, les races sont expliquées comme des
espèces naissantes, en voie de différenciation.
Peu à peu, la biologie et la génétique vont donner des arguments au racisme. Le
rejet du métissage est justifié par son effet contre évolutif. Mais il est clair que le
racisme trouve son origine non pas dans une reconnaissance de diverses races,
mais dans une hiérarchisation plus ou moins justifiée scientifiquement. Le
Darwinisme a donné sa caution scientifique à cette hiérarchisation.
Vacher de Lapouge, bibliothécaire français, insiste sur la dysharmonie des métis et
introduit le mythe de la race aryenne.
Pour Davenport, aux USA, le métissage explique les morts précoces, la folie, la
criminalité.
Haeckel, biologiste allemand, est le vulgarisateur du darwinisme.
Ludwig Gumplowicz (1838-1909) est un sociologue d’origine polonaise qui enseigne
à Graz en Autriche (sciences politiques). Il introduit la notion de lutte entre les races.
Pour lui, les théories de Darwin expliquent « naturellement » les exterminations
réalisées dans les colonies. Son livre « La lutte des races » théorise la conception
raciale de l’histoire et de la société.
Il explique une reconnaissance naturelle entre les membres d’une même race qui
s’unissent entre eux pour lutter contre l’étranger. Pour le dominer aussi et l’exploiter.
L’apport de cet auteur influent sur les politiques de son époque est donc d’ajouter à
la conception hiérarchisée des races, les notions de haine contre l’étranger et de
guerre des races.
Notons qu’il n’existe aucune justification biologique véritable. Seule la caution
darwinienne vient épauler la justification historico-sociale.
La loi du sang( Limpeza de sangre).
En 1492, la chute de Grenade achève l’expulsion des maures de l’Espagne
catholique. C’est aussi la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb et c’est
aussi l’exil des Juifs d’Espagne au nom de la pureté du sang. La loi espagnole sera
étendue à toute l’Espagne en 1543. Les juifs convertis sont écartés et exilés
(Portugal, Turquie, Pays Bas). Il faut prouver une lignée pure pour occuper un
poste important.Ce racisme social et religieux va en fait signer le déclin de
l’Espagne.
Paradoxalement, les nazis ont utilisé un antisémitisme racial du même type au
XXème siècle.
Dés lors, la montée des idées racistes était quasi inévitable. Le racisme est une idée
dominante à la fin du XIXe siècle. Plusieurs lois racistes existent (USA, colonies)
mais peu en Europe.
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En 1919, les alliés refusent la proposition d’inclure dans la charte de la SDN (Société
des Nations) une proclamation pour l’égalité des races. Proposition faite par …le
Japon.
L’eugénisme doit permettre aux individus supérieurs de supplanter les inférieurs, et
le racisme doit permettre aux races supérieures de supplanter les races inférieures.
L’Allemagne a été le confluent de ces 2 notions : eugénisme et racisme.
Le devenir des tziganes ne doit pas être oublié : ils sont considérés comme une race
inférieure métissée. L’extermination est la seule solution eugénique.
Le problème des Juifs : Ils sont considérés comme une race supérieure (Haeckel et
Gobineau). Ils sont même parfois classés avec les aryens (de arrya : « bien né », de
bonne famille : définition très proche de celle de l’eugénisme). Il n’existe aucune
caution scientifique contre les juifs. On considère qu’il existe entrer eux une
« convergence psychique », une affinité spirituelle qui va les rendre indésirables pour
des raisons politiques, sociales et parfois religieuses.
La publication en 1903 des protocoles des Sages de Sion en Russie va défendre la
thèse du complot juif pour la mainmise sur le monde. Malheureusement ces
documents sont des faux, mais ils vont avoir une influence capitale. Ils sont toujours
lus et certains y croient encore.
Pour Vacher de Lapouge, la domination mondiale se résume à une opposition entre
les WASP (White Anglo Saxons Protestants) et les Juifs (notamment la finance
juive).
Ces thèses sans aucun support scientifique, font que pendant longtemps les Juifs ne
se sont pas sentis menacés, et de nombreux scientifiques juifs ont travaillé en
Allemagne jusqu’en 1933.
Le nazisme a été l’instrument du mélange antisémitisme traditionnel + darwinisme
social qui a pu aboutir au génocide des tziganes et des juifs.
Une erreur grossière serait de faire un raccourci nazisme-holocauste : ceci
reviendrait à occulter les origines véritables de l’antisémitisme et à oublier les
applications eugénistes de l’Allemagne nazie.
La preuve de ce raccourci trop facile est que l’eugénisme a été vite oublié après la
guerre ; de nombreux scientifiques allemands ont été oubliés et ont parfois même
continué à avoir de hautes fonctions scientifiques.
Racisme et génome
Existe-t-il des races humaines ? Pourquoi cherche-t-on toujours et encore à justifier
des différences culturelles et sociales avec des arguments scientifiques ?
On parle parfois de groupe ethnique, ce terme est moins chargé d’histoire, mais il
signifie la même chose. Il existe des différences génétiques entre certains groupes,
mais elles sont minimes et ne peuvent mener à aucune). Il ne s’agit jamais de
caractères du type oui/non, mais de proportions ou de pourcentages. On parle
aujourd’hui de caractéristiques génétiques (loi du 4 mars 2002).
En ce qui concerne le génome, il y a très peu de différences entre les humains, mais
peu aussi entre l’homme et le chimpanzé (1% de différence).
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Il existe peu de différences entre les humains, 1 % de variabilité génétique, qui est
corrélé à la distance géographique entre les groupes. Mais les différences existent : il
est vrai que certaines populations ont des différences avec d’autres (mais parfois il y
a plus de différences entre certaines populations africaines qu’entre Europe et
Afrique).
L’antiracisme moderne, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, a la conviction
que la science a retiré toute réalité biologique à la notion de race humaine. Ceci dans
le but d’invalider les propos racistes qui basaient les différences de culture sur des
différences de nature biologique.
En juin 2000, il était admis que la notion de race n’avait aucun fondement génétique,
ni scientifique (New York Times, 10 octobre 2004).
En 2006, l’unité génétique de l’espèce humaine est prouvée mais certaines données
permettent de distinguer des origines différenciées entre Europe, Afrique et
Extrême-Orient. Ceci est contraire à ce qu’il était attendu.
On estimait que la variabilité génétique interhumaine était de 0,1%, elle est plus
proche en fait de 1% (Nature Genetics, novembre 2006).
Les tests ADN
La France a adopté un texte de loi concernant la maîtrise de l’immigration grâce à
des tests ADN. Ces tests sont issus des recherches et utilisations réalisées depuis
plusieurs années en médecine légale et police scientifique. Certains n’hésitent pas à
souhaiter un recensement systématique de l’ensemble de la population (notamment
en Grande-Bretagne).
La polémique suscitée en France est salutaire, même si on nous dit que ce débat n’a
pas eu lieu dans d’autres pays. Le fonds du débat est la perversion de la conception
de la famille. Dans le contexte de cette loi, la famille devient biologique et non plus
juridique. Or les lois françaises défendent les liens tissés dans une même famille,
sans tenir compte de la vérité biologique. Y aurait–il des lois pour les familles
françaises et une autre pour les familles qui souhaitent venir en France ?
La gestion du social par le biologique est un danger qui n’est pas nouveau mais qui
revient en permanence. Le biopouvoir tend à gouverner les hommes par les
sciences, et à les gérer comme des corps biologiques et non comme des citoyens.
L’histoire du racisme montre bien que la démonstration de preuves génétiques n’a
jamais été l’objectif des racistes et que leur argumentaire n’a rien de scientifique.
Arguer de la quasi-identité des génomes chez les humains pour combattre le
racisme est inutile, car c’est implicitement fonder l’égalité des droits sur cette relative
unicité génétique de l’espèce.
La connaissance du code génétique n’a rien à voir avec l’éthique.
Les races humaines existent peut-être, et alors ?
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Conclusion.
Selon Richard Dawkins, le gène a détrôné l’individu. Il représenterait la cible
l’évolution et de la sélection naturelle. Le gène serait donc le véritable moteur
l ‘évolution: « les individus sont des artifices que les gènes ont inventés pour
reproduire ». Cette thèse reste très réductionniste et fait table rase de la notion
personne, en reléguant l’être humain à un objet.
de
de
se
de
La réflexion éthique ne va pas de soi et elle exige un minimum de prémisses :

Une réflexion personnelle, basée sur des informations fiables, diverses et les plus
« scientifiques » possibles.

Une prise de recul nécessaire pour observer les phénomènes de façon globale et
non passionnée.

Une dimension critique pour soulever tous les problèmes, en tirer les aspects
positifs et négatifs se débarrasser d’un certain manichéisme.

Etre curieux et savoir se remettre en cause.
L’éthique est une philosophie de l’action, et il lui arrive de souffrir d’une image trop
intellectuelle ou savante. L’éthique n’est pas un domaine réservé, ni la philosophie.
« L’éthique, c’est réfléchir, c’est choisir, c’est pouvoir expliciter ses choix, ce n’est
pas obéir » Anne Fagot-Largeault.
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