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L’enfant va chercher à satisfaire son besoin de sécurité mentale (≠ sécurité matérielle) en se construisant une place dans le monde. C’est un
désir profondément religieux : marcher dans le droit chemin pour atteindre la paix éternelle. La Nausée, c’est l’histoire du
désenchantement des désirs de l’enfant. L’enfant, devenu adulte, se demande pourquoi, il a fait tout ce qu’il a fait.
Chapitre : Figures de l’ambiguïté et de la fuite (Page 29 ; FL)
Première étape
Antoine Roquentin – Sartre, vingt ans plus tard va connaître des conflits internes alors qu’il est devenu, à son insu, une espèce de super
Simonnot auquel on demande d’effectuer des recherches sur le marquis de Rolbon.
Au contraire de l’autodidacte de la « bibliothèque » qui élimine les angoisses de sa vie en adoptant un comportement quasi mécanique
(étude des ouvrages par ordre alphabétique), Roquentin va naviguer à la limite de la révolte et de l’acceptation de sa vie. Ses mini révoltes
vont se traduire par des comportements « bizarre », comme l’agressivité qu’il manifeste envers le galet ramassé, sa fuite du parc peuplé de
gens étranges, les bretelles non assorties de l’homme du bistro ou, justement, sa répulsion pour les mains moites de l’autodidacte.
Freud aurait considéré que tous ces comportements bizarres proviennent de mécanismes de défense, d’un compromis. Roquentin opère une
sorte de révolte contenue, il est à la limite de son monde. Il y a une censure individuelle ou auto censure (refoulement), semblable à la
censure politique (presse, prisons,…)
Que ce serait-il passé si Roquentin avait été voir un psychanalyste à ce moment-là ?
Par la libre association (= discours libre qui diminue l’effet de la censure et qui semble aller dans tous les sens, mais qui tourne autour du
nœud du problème), le psychanalyste aurait découvert l’importance de Simonnot dans l’état de Roquentin. Bien sûr, Roquentin aurait nié
cette importance, tout comme le président Schreiber en plein délire à Vienne se serait offusqué si Freud lui avait révélé son homosexualité.
Soulignons ici les deux déviations possibles de la psychanalyse :
- L’implication moralisatrice du directeur de conscience (le rôle du petit autre, de l’ami). Le psychanalyste doit rester silencieux, il
doit être le grand autre. Hors de vue de l’analysant, son discours reste en apesanteur, il ne peut pas s’appuyer sur un interlocuteur.
C’est la déviation la plus fréquente.
- L’encouragement au laissé aller, à la libération totale. C’et la société qui est malade.
La psychanalyse doit se borner à aider à la « Connaissance de Soi », à aider à la prise de décision en connaissance de cause, mais elle doit
rester neutre (ce qui suppose que le psychanalyste a déjà réglé ses propres problèmes et qu’il est disposé à subir un transfert). Le
psychanalyste est un médiateur entre soi et soi.
Deuxième étape
Son ancienne maîtresse Anny (FL p.32-33), va opposer à sa nostalgie des « moments parfaits » (moments passivement attendus), les
« moments privilégiés » (moments où de nouvelles ouvertures se présentent et qui engagent à une action). La force d’un homme, c’est
d’oser agir, de prendre des risques. L’idée des moments privilégiés reflète l’idée philosophique de la recherche de la liberté. Anny est
existentialiste.
Troisième étape
Roquentin va entendre un vieux disque de Jazz rayé intitulé « Some of these days, you’ll miss me honey » (analogie avec son besoin de se
mettre en évidence aux yeux de ses parents).
Il y a donc deux dimensions à la philosophie morale :
1) Individuelle. L’inconscient nous empêche de savoir ce que l’on veut véritablement.
En fait, il y a problème d’opacité (voir chapitre : Discours sur le peu de réalité Page 11 ; FL) :
o On est, comme Roquentin, opaque à soi-même. C’est le « Connais-toi toi-même » que l’on peut considérer comme le
but de la philosophie individuelle. Dans les pays libres, la quantité de choix possible est telle, que les orientations de
vie se font la plupart du temps au petit bonheur la chance. C’est sur des petits détails (l’existence d’un Simonnot), que
se choisissent les orientations de nos vies. Les choix se font généralement dans l’émotion.
o Les autres nous sont opaques (comme le sont les intentions des deux noires, sur la bretelle d’autoroute, dans « Le
Bûcher des Vanités » de Tom Wolfe : voir page 16 ; FL), ils ne nous envoient que des signes partiels et partiaux
(souvent contradictoires comme dans le cas de Dreyfus qui transpire lors de son exercice d’écriture). Or les relations
avec autrui sont centrales. Il ne faut pas se fier aux apparences.
o Le passé nous est opaque. Il ne reste que des traces. Il est révolu et ne reviendra pas. C’est pourquoi, en démocratie, le
doute profite aux accusés. Notre monde est pour nous quasi invisible et, tenter de rendre l’invisible visible, c’est,
dans le langage du philosophe, interpréter. Interpréter, c’est aller au-delà des signes. Comme l’illustre bien l’affaire
Mc Coy, la vérité ne correspond pas toujours à l’explication la plus vraisemblable.
Souvent, on souhaiterait reconstruire son passé afin qu’il puisse servir à notre présent. C’est d’ailleurs ce que fait le
service des archives de Big Brother dans « 1984 », le roman de George Orwell. C’est aussi ce qui se fait dans les
régimes totalitaires : Staline, le Petit Père, a non seulement fait assassiné Trotski, mais il a aussi fait en sorte d’effacer
les traces de son passé (en trafiquant par exemple des photos d’archives). C’est ce qu’Orwell appelle « vaporiser » le
passé.
Autres exemples :
Chirac qui nie avoir jamais rencontré Didier Schuller (affaire des HLM) alors que, le lendemain, « Le
Monde » publie la photo de ce dernier sortant du bureau du Maire de Paris.
Article publié le 14 Février 2002 : « Sur la photo » par PIERRE GEORGES
« AH LA PHOTO, quelle plaie, la photo ! Un engin explosif, d'un maniement redoutable. Toujours prêt à
vous sauter à la figure, à faire sens comme disent ceux, et ils sont nombreux, qui ont été amenés à réfléchir
sur l'utilisation de cette arme de presse. Donc, hier, en page 9, Le Monde a publié une photo abominable,
un document atroce, hors toute convention du genre, bref un cliché, somme toute très banal, mais qui, dans
l'actualité politique agitée du temps, a provoqué la fureur, l'indignation des supporteurs du chef de l'Etat. »
Clinton qui commence par nier toute relation sexuelle avec Monica Lewinski.
Interdiction de faire des photocopies en ex-URSS.
Notons que la manipulation du passé fonctionne très bien chez les gens qui ont une mauvaise connaissance du passé.
Un inculte est une personne qui a peu de traces du passé. C’est la stratégie utilisée par les fondamentalistes musulmans,
manipuler des incultes en se chargeant de leur éducation.