Homélie de la messe chrismale Cathédrale Saint-Charles - 7 avril 2009 Lc 4, 16-21 A la fin de notre avant-dernière rencontre de l’équipe épiscopale, j’ai proposé d’inviter les animateurs laïcs en pastorale, les diacres et les prêtres à se retrouver cet après-midi pour déposer devant le Seigneur ce qui nous a fait mal et, probablement, nous fait encore mal. Un membre laïc de cette équipe me dit alors : « Au fond, vous nous dites que nous ne pouvons pas célébrer la messe chrismale cette année comme un autre année ». Cette phrase exprime toute l’espérance de la liturgie catholique. Une liturgie faite de mémoire, pratiquement de répétitions et, en même temps, d’une nouveauté, d’une actualité sans laquelle elle serait mortifère, une nouveauté nourrie par les événements et la vie des hommes. Cette année – à la suite des autres années mais pas comme elles – je vais bénir et consacrer les saintes huiles. Ce geste m’apparaît plus que jamais comme l’actualisation de la promesse de Dieu réalisée en Jésus, l’Oint du Seigneur : L’Esprit du Seigneur est sur moi, s’aventure Isaïe … Cette parole de l’Ecriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit, affirme Jésus que nous appelons à juste titre le Christ, l’oint. C’est une bonne manière de se préparer à Pâques car c’est une bonne manière de nous situer dans le dessein de Dieu : Dans la mémoire de la promesse et dans la joie de la savoir réalisée une fois pour toute en Jésus par la grâce de l’Esprit Saint. Nos onctions sacramentelles expriment le don de l’Esprit Saint promis, un Esprit qui est don et amour par nature, un Esprit qui agit en pénétrant l’intime de nous-même comme la nature de l’huile le fait comprendre. L’amour divin et éternel rencontre les tumultes historiques de notre humanité. Cela est déjà vrai en Jésus. En effet, quel est le sens de cette onction pour Jésus, Fils de Dieu ? N’est-il pas Dieu lui-même ? L’Esprit Saint lui manquerait-il ? C’est dans la synagogue de Nazareth que cet épisode est situé. Nazareth, ville symbole de l’origine tellement humaine de Jésus qu’on n’en trouve nulle part mention dans la première alliance. Que peut-il sortir de bon de Nazareth, s’entendra dire le Fils de Dieu fait homme, par les spécialistes de l’Ecriture ? L’onction, que Jésus reçoit et assume au début de son ministère, est fondamentale. Elle signifie la profonde unité – pour sa mission – de son corps avec la personne du Verbe, la profonde union de son humanité et de sa divinité. Le Verbe n’agit pas à travers son humanité ; il agit par elle, en elle, pour elle, dans la grâce de l’Esprit Saint. Depuis lors, en réalité depuis la promesse, c'est-à-dire depuis toujours dans le cœur de Dieu, l’humanité est travaillée par l’Esprit Saint pour y faire sa demeure. Ce « travail » de l’Esprit s’incarne, se résume et s’accomplit en Jésus dans son mystère pascal, mystère de combat, mystère de l’amour vainqueur, mystère de la miséricorde du Père qui ne s’est jamais résolu à l’éloignement de ses enfants. Pouvons-nous relire nos inquiétudes, nos combats et toute notre mission à l’aune de ce mystère, dans l’Esprit Saint ? Rien des tumultes de notre humanité n’échappe à l’Esprit Saint soit qu’il le consume dans le feu de son amour soit qu’il le purifie pour qu’apparaisse sa vraie nature. C’est ainsi que le Concile Vatican II parlait des signes des temps, lieu d’action et de discernement du travail de l’Esprit. 1 Jésus ne nous montre pas seulement le chemin ; il nous associe à travers les onctions sacramentelles du baptême, de la confirmation et de l’ordination à sa vie et à sa mission. Ainsi, comme le disait Ste Elisabeth de la Trinité, notre humanité devient-elle une humanité de surcroît pour le Christ car unie au projet de Dieu par l’unique Esprit. En avançant dans les jours saints, acceptons de donner cette humanité, de la livrer au travail de l’Esprit Saint, de faire mourir ce qui lui fait obstacle, c'est-à-dire tout ce qui n’est pas vivifié par l’amour. Du moins accueillons-en la promesse qui vient de Dieu ! Nous avons beaucoup pensé à la vie de notre Eglise, de Rome au Brésil en passant par Ecône et l’Afrique. Et si, en ces jours, nous pensions aussi à nos communautés, à nos équipes d’animations pastorales, à nos relais, à nos pôles, à nos services diocésains, à nos mouvements mais aussi à notre prochain, à nos villes, à nos villages, à nos lieux de travail, à nos écoles, à nos quartiers, à nos associations et syndicats, à nos quartiers populaires, à nos prisons et à nos centres de rétention. Livrons-les à l’Esprit Saint encore un peu plus ! N’y aurait-il pas chez nous quelques amertumes à brûler, quelques paroles à pardonner, quelques gestes à oublier –oserais-je ajouter quelques excommunications qui n’en ont pas le nom à lever-, mais aussi –et c’est plus important- quelques défis à relever, quelques audaces à avoir, quelques vies humaines à sauver, quelques douceurs à apporter, quelques sourires à redonner … au plus proche de chacun d’entre nous ? Par la bénédiction et la consécration des huiles, Dieu nous dit à nouveau et pour aujourd’hui sa confiance. Soyons dans la joie d’avoir été choisis pour sa mission ; soyons heureux d’être unis à l’oint du Seigneur, mort et ressuscité, pour annoncer aux pauvres la Bonne nouvelle … pour annoncer une année de bienfaits accordés par le Seigneur. Or, une année de bienfaits cela commence toujours à Pâques. Au nom du Père, et du Fils et du Saint-Esprit. Dominique Lebrun Evêque de Saint-Etienne 2