manuel_achats_durables_-_tome_ii

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Version 1 décembre 2013
LE DEVELOPPEMENT DURABLE DANS LES MARCHES
PUBLICS
L’INSERTION DE CRITERES SOCIAUX
Astride MIANKENDA
Cellule Conseil et Politique d’Achats
1er décembre 2013
TABLE DES MATIERES
INTRODUCTION .................................................................................................. 6
I.
ACHETER SOCIAL: PRINCIPAUX ENJEUX ..................................................... 7
1.
2.
3.
4.
II.
Les appels d’offres publics avec clauses de responsabilité sociale: définition ...... 7
Avantages potentiels des marchés publics "sociaux" ....................................... 8
Marchés publics "sociaux" et modèle européen .............................................. 9
Approche légale et politique des marchés publics avec clause de responsabilité
sociale dans l’UE ........................................................................................ 9
STRATEGIE D’ORGANISATION POUR ACHETER SOCIAL ............................ 12
1. Définir les objectifs des marchés publics "sociaux" ........................................12
2. Engagement politique de haut niveau et leadership en matière de marchés
publics "sociaux" ......................................................................................12
3. Mesure des risques et établissement de priorités dans les dépenses pour
améliorer les résultats sociaux ...................................................................12
4. Augmenter la sensibilisation aux marchés publics "sociaux" et impliquer les
principaux acteurs ....................................................................................13
5. Mettre en œuvre une stratégie de marchés publics sociaux" ...........................14
6. Mesurer la mise en œuvre effective .............................................................15
7. Processus de passation des marchés ...........................................................15
8. Approche des marchés publics "sociaux" ......................................................16
III. IDENTIFICATION DES BESOINS ET PLANIFICATION DES MARCHES ......... 18
1. Importance de l’évaluation des besoins réels ................................................18
2. Définir l’objet ...........................................................................................18
3. Améliorer l’accès aux marchés publics .........................................................19
IV.
LE MARCHE ............................................................................................... 21
A. Définition des exigences du marché ..................................................... 21
1.
2.
3.
4.
5.
Etablir les spécifications techniques.............................................................21
Spécifications fondées sur les performances ou spécifications fonctionnelles .....22
Utilisation des variantes.............................................................................22
Labels sociaux et incidences sur le commerce équitable .................................23
Prise en compte de préoccupations sociales dans les méthodes de production et
de traitement ...........................................................................................23
6. Handicaps et spécifications techniques ........................................................24
B. Sélection des fournisseurs et des prestataires de services ................... 25
1. Critères d’exclusion ...................................................................................25
2. Capacité technique ...................................................................................27
C. Attribution du marché........................................................................... 28
1. Règles générales d’élaboration des critères d’attribution et d’attribution du
marché ....................................................................................................28
2. Gestion des offres anormalement basses .....................................................32
3. Information aux soumissionnaires écartés ...................................................32
2
D. Exécution du marché ............................................................................ 33
1.
2.
3.
4.
5.
Règles pour l’exécution du marché ..............................................................33
Exemples issus du considérant 33 de la Directive 2004/18/CE ........................34
Conformité au droit national du travail ........................................................35
Gestion de la chaîne d’approvisionnement ....................................................36
Gestion des marchés et contrôle de la conformité .........................................36
E. Un exemple concret .............................................................................. 37
CONCLUSION ............................................................................................ 48
3
Avertissement
Le premier volet était consacré aux marchés publics intégrant des critères écologiques, le
deuxième volet sera consacré aux marchés publics intégrant des clauses sociales. Les
aspects "clauses éthiques, commerce équitable, accessibilité pour tous et marchés
réservés" seront plus amplement développés dans le troisième volet du manuel.
Il y a lieu de nuancer les termes "aspects sociaux": en général ces mots recouvrent des
notions variées sans trop opérer de distinction entre ce que l’on pourrait qualifier
d’aspects socio-économiques, à savoir le fait de permettre via les marchés publics de
réinsérer dans le monde du travail des catégories de personnes défavorisées au niveau
économique (chômeurs de longue durée, chômeurs âgés, jeunes chômeurs, chômeurs
peu qualifiés, …) et d’autres aspects qui touchent à la morale et à l’éthique (intégration
des personnes handicapées dans le monde du travail, égalité hommes/femmes,
interdiction de la discrimination sur base de la race et de la religion ou des préférences
sexuelles, accessibilité à tous, …). Le présent texte ne s’attache qu’aux aspects purement
socio-économiques qui doivent, semble-t-il comprendre un aspect supplémentaire,
également socio-économique par rapport à ce qui est repris ci-dessus, à savoir
l’implication des petites et moyennes entreprises dans le processus des marchés publics.
Cette préoccupation est plus récente et sera évoquée plus loin.
Il faut également souligner que le "niveau social", à savoir la protection des droits
sociaux des travailleurs n’est vraisemblablement pas identique dans les différents pays
de l’actuelle Union européenne.
Le but n’est pas ici de comparer les niveaux de protection sociale existant dans les divers
Etats membres. Il est toutefois intéressant de rappeler que la réglementation belge
relative aux marchés publics inclut des dispositions en matière de protection sociale. Il
s’agit des articles 43bis (fournitures) et 69bis (services) de l’arrêté royal du 8 janvier
1996.
Le texte est rédigé comme suit:
"Le fournisseur(ou le prestataire de services) belge employant du personnel assujetti à la
loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité
sociale des travailleurs doit joindre à sa demande de participation en procédure restreinte
ou négociée ou à son offre en procédure ouverte, ou produire au pouvoir adjudicateur,
avant la date limite de réception des demandes de participation ou avant la date limite
de réception des offres, selon le cas, une attestation de l’Office national de Sécurité
sociale dont il résulte qu’il est en règle en matière de cotisations de sécurité sociale".
En ce qui concerne la sécurité sur les chantiers, l’article 30 du Cahier général des
charges, annexe à l’arrêté royal du 26 septembre 1996 stipule ce qui suit:
"§ 1er – L’entrepreneur est tenu d’assurer la police du chantier pendant la durée des
travaux et de prendre, dans l’intérêt tant de ses préposés que des agents du pouvoir
adjudicateur et des tiers, toutes les mesures requises en vue de garantir leur sécurité.
4
Il se conforme aux dispositions légales et réglementaires régissant notamment la bâtisse,
la voirie, l’hygiène, la protection du travail, ainsi qu’aux dispositions des conventions
collectives, nationales, régionales, locales ou d’entreprises".
Cette première partie du deuxième volet est une synthèse commentée du "Guide sur les
appels d’offres publics avec clauses de responsabilité sociale" publié début 2011 par la
Commission européenne (Luxembourg, Office des publications de l’Union européenne) ou
du moins des parties du guide traitant des aspects sociaux (économiques) dans les
marchés publics.
ACHETER SOCIAL: UN GUIDE SUR LES APPELS D’OFFRES AVEC CLAUSES DE
RESPONSABILITE SOCIALE
La présente version présente également un exemple concret de promotion de
l'insertion de clauses sociales dans les marchés (voir IV. Le marché, point E).
5
INTRODUCTION
La finalité des marchés publics comprenant des clauses de responsabilité sociale est
de faire évoluer les pratiques du marché en incitant les entreprises à pratiquer une
gestion socialement responsable.
Les domaines visés sont les suivants: les possibilités d’emploi, un travail
décent, l’inclusion sociale, l’accessibilité, la conception pour tous, le commerce
équitable et un meilleur respect des normes sociales.
L’importance de l’impact dépend de la part de marché économique représentée par
les travaux, les fournitures ou les services en question. Ceci implique donc
également un impact sur le développement durable.
Au niveau des marchés publics, la base juridique se trouve dans la Directive
2004/18/CE (pour les secteurs classiques). Celle-ci prévoit que les aspects sociaux
peuvent être pris en compte dans les marchés publics dans la mesure où ils
sont liés à l’objet du marché, proportionnés à ses exigences, que le principe
de l’offre la plus avantageuse soit respecté ainsi que l’égalité d’accès pour
tous les opérateurs de l’Union Européenne. Les sources, quant à elles, se
trouvent dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’union européenne, dans une
Communication interprétative de l’Union européenne de 2001 et dans une Etude de
la Commission européenne de 2003.
6
I.
ACHETER SOCIAL: PRINCIPAUX ENJEUX
1.
Les appels d’offres publics avec clauses de responsabilité sociale:
définition
1.1. Il s’agit de marchés publics qui prennent en compte un ou plusieurs
aspects sociaux suivants: les possibilités d’emploi, un travail
décent, le respect des droits sociaux et du travail, l’inclusion
sociale (notamment des personnes handicapées), égalité des chances,
accessibilité, conception pour tous, prise en compte des critères de
durabilité notamment des questions de commerce équitable, plus
grand respect volontaire de la responsabilité sociale des
entreprises, le tout dans le respect des directives marchés publics et
des principes du Traité. Pour une approche intégrée des marchés, il est
possible d’associer aspects sociaux et environnementaux.
1.2. Ci-dessous figure une liste non exhaustive d’aspects sociaux qui
peuvent être pris en compte, mais pour certains, cela ne pourra
se faire qu’à certaines étapes bien précises d’un marché (par
exemple: les conditions de travail dans les clauses d’exécution, les
questions d’accessibilité dans les spécifications techniques) ce qui
signifie qu’il faudra décider au cas par cas en fonction de l’objet du
marché et des buts poursuivis. Les différents aspects repris dans la liste
sont suivis de quelques exemples:
- Possibilités d’emploi: promotion de l’emploi des jeunes,
représentation équilibrée hommes/femmes dans les deux sens (et
aussi équilibre vie privée/vie professionnelle), promotion de
l’emploi pour les chômeurs de longue durée et pour les
travailleurs âgés, promotion de la diversité et promotion de l’emploi
pour des catégories moins favorisées (migrants, minorités ethniques
et religieuses, personnes à faible niveau d’études, …), promotion
de l’emploi pour les personnes handicapées (environnement de
travail).
- Travail décent: ce concept universel signifie que toutes les
personnes ont le droit d’avoir un emploi productif dans la liberté,
l’égalité, la sécurité et le respect de la dignité humaine. Ce
programme se base sur quatre piliers: droit à un travail productif
librement choisi, principes et droits fondamentaux au travail, emploi
assurant un revenu décent, protection sociale et dialogue social
(égalité hommes/femmes et non-discrimination sont ici des questions
transversales). Les aspects importants en ce qui concerne les
marchés publics sont: le respect des normes fondamentales du travail
(les huit conventions de l’OIT), un salaire décent, la santé et la
sécurité au travail, le dialogue social, l’accès à la formation,
l’égalité hommes/femmes et la non-discrimination, une protection
sociale minimale (cf. ce qui est dit plus haut relativement au
respect des obligations en matière de sécurité sociale).
7
- Respect des droits sociaux et du travail, notamment la
législation nationale et les conventions collectives conformes
au droit communautaire, l’égalité de travail hommes/femmes (y
compris l’égalité de salaire à travail égal et la promotion de l’égalité
hommes/femmes), la législation sur la santé et la sécurité au
travail, la lutte contre les autres discriminations (âge, handicap,
origine raciale, religion ou convictions, orientation sexuelle, …) et la
promotion de l’égalité des chances.
- Inclusion sociale et promotion des organisations sociales,
notamment l’égalité d’accès aux marchés publics pour les entreprises
dont les propriétaires ou les employés appartiennent à des minorités
ethniques ou autres (coopératives, entreprises sociales, ASBL, …),
l’emploi des personnes handicapées, également sur le marché du
travail ouvert.
- Accessibilité et conception pour tous: rendre obligatoire des
spécifications techniques qui assurent l’accès à tous, par exemple les
personnes handicapées dans différents domaines (services publics,
édifices publics, transports publics, information et communication
publiques y compris le Web).
- Engagement volontaire pour la responsabilité sociale des
entreprises, ceci signifie que les entreprises vont volontairement
plus loin que ce qui est exigé par la réglementation en ce qui
concerne l’environnement et le social dans leurs activités
quotidiennes: encourager les contractants dans le sens de la
responsabilité sociale des entreprises.
- Respect des droits de l’homme et protection contre les violations
- Promotion des PME dans la mesure où elles sont concernées
par ce qui précède: favoriser l’accès des PME aux marchés publics
en réduisant le coût et/ou la charge des marchés publics "sociaux",
par exemple, donner suffisamment de temps pour l’offre s’il s’agit
d’un marché de grande taille, effectuer les paiements à temps,
prévoir des exigences économique et de qualification proportionnées.
Remarque: les objectifs de politique sociale ne sont pas du même
ordre au sein de l’Union et au sein des différents Etats membres.
2.
Avantages potentiels des marchés publics "sociaux"
2.1. Incitant au respect des engagements nationaux et internationaux pour
le développement social, renforcer mutuellement les aspects
économiques et sociaux.
2.2. Stimulant à la responsabilité sociale des marchés: étendre les marchés
existants ou en créer de nouveaux (modèles pour les autres
consommateurs), économies d’échelle, stimulation de l’innovation et de
8
la concurrence avec pour résultat une amélioration de la qualité et une
diminution des prix (par exemple: produits adaptés aux différents
handicaps).
2.3. Gouvernance de la responsabilité sociale: les marchés publics "sociaux"
relèvent d’une telle gouvernance (impact de l’opinion publique). Ceci
dépasse bien entendu les responsabilités de l’acheteur dans le cadre de
sa mission.
2.4. Stimulation de l’intégration: importance de l’intervention publique.
2.5. Rationalisation des dépenses publiques.
3.
Marchés publics "sociaux" et modèle européen
3.1. • Avantage: diffusion du modèle européen qui implique d’associer la
croissance économique durable à l’amélioration des conditions de vie
et de travail.
• But: une économie prospère qui intègre des normes sociales
spécifiques (emplois de qualité, égalité des chances, nondiscrimination, protection sociale pour tous, inclusion sociale,
dialogue social, relations industrielles de qualité et implication de tous
ceux qui sont concernés dans les décisions).
• Promotion du meilleur rapport qualité/prix et de l’innovation.
3.2. Progrès économique et cohésion sociale sont les piliers complémentaires
du développement durable.
3.3. Intérêt croissant de l’UE pour les droits sociaux et l’égalité (surtout sur
le lieu du travail): le développement durable a dépassé l’aspect
environnemental et inclut l’aspect social.
4.
Approche légale et politique des marchés publics avec clause de
responsabilité sociale dans l’UE
4.1. Développement de la dimension sociale des politiques et législations
communautaires
Au cours des vingt dernières années, l’UE a fortement développé sa
politique sociale. Les marchés publics "sociaux" constituent un
instrument de diffusion de cette politique à côté des mesures
proprement dites qui sont prises en la matière.
Des guides sectoriels (restauration collective, nettoyage, sécurité privée
et secteur textile) existent, mais d’une part, ils sont l’œuvre de
partenaires sociaux, et d’autre part, ils ne sont plus conformes au cadre
juridique communautaire actuel.
9
4.2. Approche légale et juridique des marchés publics "sociaux" dans l’UE
Evolution:
- Communication interprétative de la Commission européenne du 15
octobre 2001.
- Arrêts Concordia Bus (CJUE 17 septembre 2002) et Wienstrom (CJUE
4 décembre 2003).
- Directives 2004/17/CE (secteurs spéciaux) et 2004/18/CE (secteurs
classiques) qui déterminent la façon de prendre en compte des
considérations sociales dans les marchés publics (spécifications
techniques, critères de sélection, critères d’attribution et clauses
d’exclusion). Une disposition particulière relative aux ateliers protégés
y figure également.
Certains pouvoirs adjudicateurs ont mis sur pied une politique de
marchés publics "sociaux" qui s’applique aux marchés non couverts
par la directive (marchés sous les seuils européens et marchés de
l’annexe IIB). Ceci pourrait constituer une piste intéressante, mais
même si les "petits" marchés sont nombreux et représentent un
important volume financier, force est de constater que les "gros"
marchés, échappent à cette politique, je pense à de gros travaux
d’infrastructure, par exemple, qui constitueraient une occasion idéale
pour intégrer des travailleurs sans emploi, peu qualifiés, … Il serait
toutefois souhaitable de promouvoir cette possibilité au niveau de la
politique d’achats.
Ces marchés, même s’ils ne sont pas soumis aux directives, doivent
néanmoins respecter les règles du Traité (égalité de traitement,
transparence, libre circulation des marchandises et libre prestation
des services et liberté d’établissement). Ceci a été confirmé par la
jurisprudence de la Cour de Justice (arrêt Teleaustria CJUE 7
décembre 2000). Il va sans dire que, pour de tels marchés, les
pouvoirs adjudicateurs sont libres de leur appliquer les règles
édictées par les directives.
Le Guide "Acheter social" ne s’attache qu’aux marchés qui entrent
entièrement dans le champ d’application des directives.
4.3. Services sociaux d’intérêt économique national: ces services ne sont pas
spécifiquement abordés dans le Guide "Acheter social".
4.4. Les petites et moyennes entreprises (à but lucratif et non
lucratif)
La charge administrative représentée par les marchés publics est fort
lourde pour les PME, ceci est également le cas en matière de clauses
sociales, que ces PME soumissionnent directement ou qu’elles
10
interviennent en tant que sous-traitants, à qui l’adjudicataire a transféré
ses obligations en matière de clauses sociales. Les pouvoirs
adjudicateurs doivent être conscients de cet état de choses et aussi du
fait que certaines PME se positionneront mieux que d’autres dans ce
domaine.
11
II.
STRATEGIE D’ORGANISATION POUR ACHETER SOCIAL
1.
Définir les objectifs des marchés publics "sociaux"
Ces objectifs peuvent refléter des priorités sociales nationales, régionales ou
locales, en veillant toutefois à ne pas favoriser les produits nationaux,
régionaux ou locaux (le Guide ne donne pas de pistes pour réaliser cet objectif
sans faire de discrimination).
Exemples:
- La France met l’accent au niveau du développement durable sur le rôle
d’exemple de l’Etat.
- En Grande-Bretagne, l’obligation d’égalité entre les hommes et les femmes
est entrée en vigueur en avril 2007. Des lignes directrices ont été
élaborées pour encourager le secteur public à promouvoir les bonnes
pratiques en matière de diversité et d’égalité des rémunérations chez les
contractants du dit secteur.
2.
Engagement politique de haut niveau et leadership en matière de
marchés publics "sociaux"
A nouveau ici, on se trouve à un niveau qui échappe complètement à la
sphère de compétence de ceux qui sont chargés de réaliser les marchés
publics.
3.
Mesure des risques et établissement de priorités dans les dépenses
pour améliorer les résultats sociaux
Suggestions:
- Approche progressive en optant pour débuter pour une gamme réduite de
produits et de services qui ont un impact social clair, qui sont aisément
accessibles et pas plus onéreux (marchés qui peuvent être exécutés par
des travailleurs plus vulnérables). A cet effet, on peut, comme en Suède,
intégrer l’impact social dans l’étude de marché.
- Vérifier que les spécifications du marché n’ont pas un impact social négatif
ou réserver des marchés adaptés, par exemple aux ateliers protégés.
- Disponibilité et coût des solutions sociales et conformités aux règles des
marchés publics (manières plus sociales d’atteindre les objectifs du pouvoir
adjudicateur, conformité aux exigences du pouvoir adjudicateur, moyens
pour les mettre en œuvre, coûts supplémentaires éventuels, effets
restrictifs potentiels sur la concurrence).
- Disponibilité des données, difficultés pour l’aspect technique et la
formulation dans le cahier spécial des charges.
12
- Capacité du pouvoir adjudicateur à mettre en œuvre un tel programme
fonctionnel et efficace.
- Autres solutions que les marchés publics pour appliquer une politique
sociale: ceci sort bien évidemment du cadre des marchés publics.
- Visibilité pour le public et le personnel (exemple: opter pour du café
équitable dans les cafétérias).
- Choisir des services nouveaux plutôt que de chercher à modifier le cadre de
secteurs plus traditionnels.
Il peut être utile pour guider les pouvoirs adjudicateurs de créer un point de
contact spécialisé (comme à Angers en France) ou de créer des outils d’aide
(comme au Royaume-Uni).
Commentaires à propos des suggestions qui précèdent: elles sont
certainement judicieuses mais outre le fait qu’elles couvrent un large éventail
de clauses dites "sociales" sans bien opérer de distinctions, elles présentent
l’inconvénient de ne pas donner une ligne directrice claire directement
utilisable par les acheteurs sur le terrain. Certaines sortent même du champ
d’action de ces acheteurs.
4.
Augmenter la sensibilisation aux marchés publics "sociaux" et
impliquer les principaux acteurs
Les acteurs dont il faut organiser la sensibilisation sont les gouvernements
centraux, régionaux ou locaux, les fournisseurs ou prestataires de
services potentiels, les organisations d’employeurs et les syndicats.
Il faut également communiquer valablement à propos des avantages, des
bonnes pratiques et des exemples de réussite, en ce sens, un partenariat est
souhaitable.
Ici, également il est difficile de distinguer ce qui relève d’une politique
"sociale" voulue au niveau supérieur ou de la compétence des services
d’achats. Par contre, les exemples qui suivent entrent parfaitement dans les
possibilités d’actions de services d’achats organisés. Il s’agit par exemple de
centrales d’achats ou de services d’achats dont le volume de marchés est
important. Ce type de services acheteurs est à même de développer une
"politique d’achats" organisée.
Il faut également souligner que, parmi les exemples cités, certains sont déjà
mis en pratique au niveau belge: division des marchés en lots sur une base
géographique (pratiqué par la cellule CMS pour certains marchés, à l’exemple
de ce qui se faisait antérieurement au BFA), travail en réseau au niveau des
acheteurs (politique d’achats fédérale à l’instigation des cellules CMS et CPA).
13
Exemples:
- Information des soumissionnaires potentiels avant le lancement du marché
(Suède).
- Consultation en ligne au sujet de la participation des PME aux marchés
publics, formation des fournisseurs et simplification maximale des cahiers
spéciaux des charges à l’intention des PME et division des marchés en lots
éventuellement sur une base géographique (Danemark).
- Travail en réseau au niveau des acheteurs.
5.
Mettre en œuvre une stratégie de marchés publics sociaux"
Il s’agit de l’approche et des mesures à prendre, et dans ce cadre, certains
facteurs sont essentiels: le cadre juridique et réglementaire, le cadre
institutionnel, la structure de direction, la disponibilité des capacités
professionnelles et des ressources, une approche adaptée aux particularités
de chaque secteur et une implication des acteurs concernés.
Ceci appelle une remarque: le cadre juridique et réglementaire de nos
marchés publics étant strictement dépendant du cadre juridique et
réglementaire imposé par les Directives européennes en la matière, c’est bien
évidemment à ce niveau que les modifications permettant d’intégrer des
clauses sociales devraient être implémentées, tout comme cela a été le cas
pour les clauses écologiques.
Cette mise en œuvre implique de:
- Détailler les responsabilités et les buts visés avec un calendrier réaliste, la
structure de gestion, les ressources professionnelles et financières et les
indicateurs de suivi.
- Créer un groupe de travail, élaborer un plan d’action, implications au
niveau politique et budgétaire.
- Elaborer des programmes de formation, procéder à un partage des bonnes
pratiques, assurer une mise à disposition des compétences (à spécifier par
exemple dans les critères de sélection des candidats) et une mise à
disposition des informations sur ce qui existe au niveau national et
communautaire.
- Prévoir une formation du personnel: juridique, financière et sociale pour
qu’il soit en mesure de décider quand et dans quelle mesure introduire des
clauses sociales, si elles sont adaptées aux priorités du pouvoir
adjudicateur en la matière et si elles sont définies de façon telle à obtenir
le meilleur rapport qualité/prix.
14
Une question se pose ici: où trouver les compétences nécessaires pour
assurer ces formations, sans parler des moyens matériels et financiers?
6.
Mesurer la mise en œuvre effective
Cette mesure permettra d’évaluer les résultats par rapports aux buts qui ont
été déterminés et aux normes qui ont été fixées pour l’exécution.
Cette mesure nécessite des moyens de contrôle interne (rapports spécifiques,
audits internes et sanctions éventuelles) et des moyens de contrôle externes
(audit indépendant, études comparatives par rapport à des résultats
antérieurs ou par rapport aux résultats d’autres entités).
Il y aura lieu d’assurer une publication des résultats et une utilisation de ceuxci en vue d’améliorer la situation au niveau des objectifs et des procédures.
En ce qui concerne le monitoring, il est clair que prendre des mesures dans
n’importe quel domaine implique de pouvoir mesurer leur impact, faute de
quoi il se pourrait bien qu’on réalise une dépense en temps, en travail et en
argent inutile. La question du monitoring a toujours été délicate. Il faut en
effet être sûr de disposer de données significatives. Le projet de circulaire
PO/DD/2 qui devra remplacer la circulaire PO/DD/1 envisage un
monitoring. Ce projet devra toutefois recevoir l’approbation du Budget et du
Conseil des Ministres avant de pouvoir être publié.
7.
Processus de passation des marchés
Deux principes importants doivent être respectés:
- Arriver au meilleur rapport qualité/prix: le pouvoir adjudicateur ne doit
donc pas choisir l’offre la moins chère, mais bien la meilleure offre en
fonction des critères qu’il a déterminés: qualité, coût du cycle de
vie, … Cette notion peut aussi intégrer des aspects sociaux.
Commentaire: ceci n’est évidemment pas valable pour les marchés
passés par adjudication publique ou restreinte, mais, dans ce cas, ce sera
au pouvoir adjudicateur d’intégrer ses exigences en matière de
développement durable dans les spécifications techniques et dans les
conditions d’exécution (ce dernier endroit étant indiqué pour l’intégration
de clauses sociales).
- Assurer un traitement équitable: en respectant les principes du marché
intérieur dont, très important, l’égalité de traitement (tous les opérateurs
économiques doivent avoir les mêmes chances d’accès au marché, donc
également les PME, les entreprises d’économie sociale par exemple).
L’application de ce principe entraîne également le respect du principe de
transparence.
15
Il faut souligner que la difficulté pourrait résider ici dans le fait que les
entreprises d’économie sociale et, sans doute dans une moindre mesure,
les PME, manquent de visibilité sur le marché. Cela entraînera donc pour
les pouvoirs adjudicateurs une étude de marché plus lourde à réaliser.
- Exemples dans les directives:
a) Égalité de traitement: délais d’introduction des offres et des
candidatures, spécifications, interdiction de la discrimination à l’égard
des opérateurs économiques issus des autres Etats membres.
b) Transparence: publication des avis, devoir d’information à l’égard des
soumissionnaires non retenus.
7.1. Importance d’un avis juridique afin de déterminer, dès le début d’un
plan d’action en matière de "marchés publics sociaux", où et comment
dans le cahier spécial des charges, prendre la durabilité et les
considérations sociales en compte.
7.2. Préparation de la procédure: avant de lancer la procédure, le pouvoir
adjudicateur doit définir l’objet du marché et les moyens qu’il va utiliser
pour atteindre le but qu’il s’est fixé. C’est le moment adéquat pour voir
quels sont les aspects sociaux pertinents qu’il pourra prendre en
compte.
8.
Approche des marchés publics "sociaux"
Quatre approches de base peuvent être distinguées:
1. Décider d’intégrer des critères sociaux dans l’objet du marché et/ou dans
les spécifications techniques (par exemple accessibilité d’un équipement
informatique). A remarquer que ceci ne concerne pas les clauses que je
qualifie de "socio-économiques". Il semble bien, en effet, que, pour cellesci, la seule possibilité d’insertion dans les cahiers spéciaux des charges
réside dans les conditions d’exécution.
2. Exclure certains soumissionnaires des marchés lorsqu’ils ont été reconnus
coupables d’actions fautives dans le passé.
3. Pousser les soumissionnaires à respecter certaines normes sociales et en
tenir compte pour l’attribution du marché (par exemple en mettant des
critères sociaux dans les critères d’attribution). En phase d’exécution du
marché, les conditions d’exécution peuvent inclure des aspects sociaux, les
soumissionnaires ne sont pas évalués sur ce point, mais s’engagent à
respecter les conditions.
En ce qui concerne la prise en compte d’aspects sociaux dans les critères
d’attribution, voir ce qui est dit ci-dessus. De plus, la question se posera
toujours du lien indispensable avec l’objet du marché.
16
4. Ces quatre approches peuvent être combinées.
5. Exemple: Gouvernement du pays basque.
Ce gouvernement a rédigé une instruction afin que les administrations et
entités publiques tiennent compte, dans leurs marchés publics, d’aspects
environnementaux et sociaux. Cette instruction prévoit:
- Une évaluation et un suivi sur la rédaction des spécifications et sur leur
mode d’application lors de l’attribution et de l’exécution du marché.
- Des spécifications techniques: exigences d’accessibilité et de conception
pour tous.
- Des critères d’attribution: dans les procédures multicritères, obligation
de fournir des produits et des services adaptés aux personnes
handicapées (si on va plus loin que ce qui est exigé par la
réglementation). Pour les marchés dont l’objet porte sur des services
destinés à des groupes défavorisés, leurs besoins sociaux doivent figurer
dans les critères d’attribution.
Ceci illustre bien une remarque déjà faite plus haut, à savoir que les
recommandations de la Commission européenne reprises dans ce guide
constituent bien souvent des recommandations au niveau des décisions
politiques plus que des outils au service des acheteurs.
- Clauses d’exécution: promotion de l’emploi pour les groupes
défavorisés, égalité des sexes sur le marché du travail, lutte contre le
chômage. Par exemple, le personnel qui exécute le marché doit
comprendre un pourcentage déterminé de personnes défavorisées
(chômeurs, personnes handicapées, jeunes chômeurs, …), une garantie
au cours de l’exécution du marché du respect des normes
fondamentales de l’OIT tout au long de la chaîne d’approvisionnement,
l’assurance de santé et sécurité lors de l’exécution des marchés pour les
travaux et les services.
17
III. IDENTIFICATION DES BESOINS ET PLANIFICATION DES MARCHES
1.
Importance de l’évaluation des besoins réels
Un exemple: un pouvoir adjudicateur doit lancer un marché pour
communiquer des informations au public, il y aurait dès lors lieu de choisir
une solution qui soit accessible à tous. C’est donc à ce moment que le pouvoir
adjudicateur peut voir quelles sont les considérations sociales qui peuvent
figurer dans le marché.
Les conditions à respecter, qui sont valables tant pour les décideurs que pour
les praticiens:
-
Chercher à promouvoir les considérations sociales.
-
Vérifier que ces conditions sociales soient bien liées à l’objet du marché.
-
Se centrer sur les résultats recherchés.
-
Assurer la flexibilité afin de permettre l’adaptation des exigences pendant
la réalisation du projet (prévoir les modifications dans le cahier spécial des
charges en respectant la Directive et la réglementation nationale).
-
Bien identifier les besoins de toutes les catégories d’utilisateurs.
Ce qui précède induit bien évidemment que, dans le cas où l’on souhaite
intégrer une dimension sociale dans un marché public, il faut le faire dès
l’étude de marché.
2.
Définir l’objet
"L’objet d’un marché désigne le produit, le service ou les travaux que le
pouvoir adjudicateur souhaite acquérir".
Les pouvoirs adjudicateurs sont libres de choisir l’objet du marché par
exemple des produits ou des services respectant des considérations sociales si
celles-ci sont liées à l’objet du marché (qui est constitué par les produits ou
les services en question).
Commentaire: comment peut-on, par exemple, dans un marché de
nettoyage de locaux (type de marché de services particulièrement bien adapté
à l’insertion de clauses "socio-économiques"), décider que l’objet du marché
est "social", est-il suffisant de citer cette considération dans la définition de
l’objet du marché? Aucune réponse claire n’est donnée à ce sujet.
Il existe cependant une limite qui est de ne pas entraver la libre concurrence,
la libre circulation des biens et la libre prestation des services. Ceci s’applique
également aux marchés n’atteignant pas les seuils européens et aux marchés
non couverts par la directive.
18
Une autre limite (voir chapitre suivant) est que les spécifications techniques
ne peuvent pas être discriminatoires et doivent être liées à l’objet du marché.
Il faut être conscient que toutes ces limites risquent d’effrayer les acheteurs
qui, par crainte de commettre des erreurs, pourraient préférer ne pas insérer
de clauses sociales.
Enfin les législations communautaire et nationale (pour celle-ci, elle doit être
conforme au droit communautaire également dans le domaine social) doivent
également être respectées.
3.
Améliorer l’accès aux marchés publics
3.1. Améliorer l’accès aux marchés publics
Certaines catégories d’opérateurs économiques ont plus de problèmes
pour accéder aux marchés publics (par exemple les PME). Les pouvoirs
adjudicateurs peuvent tenter d’améliorer les choses, mais la
discrimination positive est interdite (sauf l’exception des marchés
réservés autorisée par la directive).
On rencontre ici une autre préoccupation socio-économique, à savoir
l’accès aux marchés publics de petites entreprises (non seulement les
entreprises d’insertion sociale ou les ateliers protégés, mais les PME en
général). Comme dit plus haut, une judicieuse division en lots pourrait,
pour certains marchés, constituer une solution adéquate:
- cette division peut être envisagée au niveau géographique: des lots
plus petits ou plus accessibles géographiquement peuvent intéresser
de plus petites entreprises
- elle peut également être envisagée en "spécialisant" les lots, par
exemple, pour la fourniture de divers matériels, constituer des lots
par type de matériel demandé pourrait permettre à des entreprises
spécialisées de plus petite taille d’avoir une possibilité d’accéder au
marché.
Il faut donc assurer les mêmes chances à tous.
 Autorisé:
- Encourager la diversité et l’égalité dans la sous-traitance
(attention, ici également, pas de discrimination positive et ne pas,
par exemple, exiger un certain pourcentage de PME dans les soustraitants).
La nuance est importante, mais se pose la question de savoir
comment encourager les adjudicataires à travailler en soustraitance de préférence avec des PME?
19
- Publier des plans à long terme pour les marchés volumineux.
- Organiser des rencontres ouvertes à tous pour expliquer les
besoins et la politique et donc favoriser la transparence et
l’accessibilité.
- Aider les entreprises et donner des indications sur les processus de
passation des marchés.
- Diviser les marchés en lots (attention pas dans le but d’échapper
au champ d’application des directives) d’un point de vue quantitatif
ET qualitatif (voir le commentaire plus haut à ce sujet).
 Non autorisé:
- Réserver le marché à une catégorie particulière d’entreprises (sauf
les "marchés réservés" ou des cas prévus par la législation
nationale si elle est compatible avec le droit communautaire).
- Limiter la concurrence au niveau géographique, mais il est par
contre permis d’exiger de l’adjudicataire qu’il établisse un bureau
dans une certaine zone si cela joue sur la bonne exécution du
marché.
 Exemples:
- Royaume-Uni: la Greater London Authority a opté pour un
programme qui comprend entre autres la révision des procédures
de passation des marchés pour faciliter l’accès et un soutien aux
entreprises.
- Irlande: le programme "Go-Tender" d’InterTrade Ireland
encourage la participation aux marchés transfrontaliers dans l’île
en organisant des ateliers pour faire connaître aux PME le marché
du secteur public, leur fournir les compétences nécessaires et leur
assurer un soutien.
- France: la règle générale est la division en lots. Les exceptions
sont les suivantes: limitation de la concurrence, augmentation des
difficultés techniques, augmentation des coûts d’exécution du
marché, impossibilité pour le pouvoir adjudicateur de coordonner
l’exécution du marché.
Une fois de plus, les exemples fournis sont des exemples de mesures
"venant d’en haut".
3.2. Cas particuliers: les ateliers protégés
Pour mémoire: le sujet sera traité dans le troisième volet du manuel.
20
IV. LE MARCHE
A.
Définition des exigences du marché
1.
Etablir les spécifications techniques
Après avoir défini l’objet du marché, il y a lieu d’en établir les
spécifications techniques. Celles-ci doivent être mesurables, détaillées et
pouvoir être utilisées dans une procédure de marchés publics.
Les fonctions des spécifications techniques sont les suivantes:
- Décrire les exigences du pouvoir adjudicateur afin de permettre aux
soumissionnaires potentiels de vérifier si le marché les intéresse.
- Fournir des exigences mesurables qui seront utilisées pour la
comparaison des offres.
- Etablir des critères de conformité minimaux: les spécifications
techniques doivent donc être claires et correctes.
Elles doivent être formulées dès le départ de manière précise.
Les spécifications techniques doivent être liées à l’objet du marché.
Ceci signifie qu’elles ne peuvent contenir des exigences qui n’ont pas de
rapport avec la fourniture ou le service visé par le marché (exemples:
utilisation de personnel issu de certains groupes "défavorisés",
considération liée à la capacité sociale d’une activité).
Elles ne peuvent restreindre la concurrence. Elles doivent être
transparentes et ne pas être discriminatoires à l’égard des opérateurs
économiques issus d’autres Etats membres.
Autorisé:
- Marchés de travaux: exiger des mesures préventives des accidents de
travail, des conditions spéciales pour le stockage de produits
dangereux.
- Marchés de fournitures: exiger des caractéristiques ergonomiques
afin de garantir l’accessibilité à tous (personnes handicapées).
Non autorisé:
- Exiger qu’un call center externalisé (services par téléphone ou en
ligne) soit situé dans une ville précise.
21
2.
Spécifications fondées sur les performances ou spécifications
fonctionnelles
Les spécifications fonctionnelles présentent l’avantage d’éviter au
pouvoir adjudicateur de devoir élaborer des spécifications détaillées au
niveau technique. Elles permettent aussi de promouvoir des solutions
innovantes puisque les soumissionnaires potentiels auront un espace de
créativité plus grand quant aux solutions qu’ils présenteront.
Dans le cas de spécifications fonctionnelles, il faut cependant être
prudent et suffisamment clair, faute de quoi on ne pourra évaluer
correctement ni justifier cette évaluation.
Il faut noter qu’il sera plus aisé de prendre des considérations sociales
en compte lorsqu’il s’agit d’un projet vaste et complexe que dans un
petit marché à portée restreinte.
Quoi qu’il en soit les impératifs suivants doivent être respectés:
- Spécificité quant aux résultats et aux produits exigés en
encourageant les soumissionnaires à imaginer des solutions sur base
de leur compétences et de leur expérience.
- Il faut laisser de l’espace aux soumissionnaires mais pas en excès, en
effet, dans ce cas les risques qu’ils prendraient deviendraient difficiles
à évaluer ce qui les amènera à gonfler leurs prix.
- Lien avec l’objet du marché tout en tenant compte d’autres
considérations (stratégies transversales, obligations légales, choix
proposé par le marché, étude de marché).
Conclusion pour les spécifications techniques: on voit mal
comment, dans les conditions édictées supra, intégrer dans un marché
d’entretien de parcs et jardins, par exemple, l’exigence d’utiliser pour les
services à prester certaines catégories de chômeurs.
3.
Utilisation des variantes
Pour pouvoir rédiger des spécifications techniques valables, il peut être
utile de dialoguer avec les soumissionnaires potentiels. De même, ce
dialogue peut informer sur ce qu’il est possible de faire en faveur des
aspects durables et de l’égalité des chances. La viabilité commerciale
des solutions peut aussi être examinée mais il faut bien veiller à ne pas
avantager l’un ou l’autre soumissionnaire potentiel.
Ce qui précède relève de l’étude de marché, il peut cependant arriver
qu’au terme de celle-ci le pouvoir adjudicateur ne soit toujours pas en
mesure de déterminer comment au mieux intégrer des considérations
sociales dans ses spécifications techniques.
22
Il pourra alors travailler avec des variantes, ce qui signifie:
- Etablir une liste de spécifications techniques minimales qui
s’appliqueront tant aux offres de base qu’aux variantes.
- Ajouter une dimension sociale pour les variantes socialement
responsables. Ces dernières devront bien entendu respecter toutes
les règles en matière de spécifications techniques et être liées à
l’objet du marché.
- La comparaison des offres sur base des critères d’attribution (qui
comprendront une valorisation de la prise en compte des aspects
sociaux) se fera de façon unique et les soumissionnaires seront libres
de faire offre pour la solution de base ou pour la variante sauf
indication contraire du pouvoir adjudicateur.
Même remarque que précédemment, à propos des spécifications
techniques, sachant que les critères d’attribution doivent
obligatoirement être liés à l’objet du marché.
L’utilisation de variantes implique que le cahier spécial des charges
indique:
- Que les variantes sont admises.
- Les spécifications techniques minimales à respecter.
- Les exigences particulières (obligation ou non de présenter une offre
de base, enveloppe séparée pour la variante).
Exemple: dans un marché de services pour la restauration dans une
administration, il est possible de demander des variantes incluant la
préparation de repas à basses calories, sans sel ou respectant les
convictions religieuses.
4.
Labels sociaux et incidences sur le commerce équitable
Pour mémoire: le sujet sera traité dans le troisième volet du manuel.
5.
Prise en compte de préoccupations sociales dans les méthodes de
production et de traitement
La directive prévoit expressément la prise en compte des méthodes de
production dans les spécifications techniques.
Exemple: prestation de services de restauration pour un hôpital,
prévoir des plats préparés conformément aux besoins médicaux et
alimentaires des différents patients, en n’utilisant que les exigences liées
à l’objet du marché.
23
Ceci ne porte pas sur les critères socio-économiques.
6.
Handicaps et spécifications techniques
"Chaque fois que possible, ces spécifications techniques devraient être
établies de manière à prendre en considération les critères d'accessibilité
pour les personnes handicapées ou la conception pour tous les
utilisateurs". Directive 2004/18/CE, article 23.
Ces impératifs seraient au mieux repris dans l’objet du marché.
Exemple: l’Italie où une loi rend obligatoire l’accessibilité de tous les
sites Internet publics. Cette loi fixe une série d’exigences et les marchés
ICT de grande envergure sont vérifiés sur ce point au niveau national.
En raison de l’impossibilité pour les pouvoirs adjudicateurs de détenir
une expertise dans tous les domaines, il peut être intéressant de voir ce
qui se fait à l’étranger, en-dehors de l’UE:
- Aux Etats-Unis, une loi sur la réinsertion impose aux pouvoirs
adjudicateurs fédéraux de reprendre les normes d’accessibilité dans
leurs marchés publics. Ceci a eu des répercussions sur le plan
international: deux mandats de normalisation en la matière ont été
émis par la Commission européenne, dans le domaine ICT et dans le
domaine de l’environnement bâti. Des normes ont été élaborées dans
le domaine ICT (CEN/BT WG 185 et CLC/BT WG 101-5).
Ceci ne porte pas sur les critères socio-économiques et sera abordé
dans le troisième volet.
Synthèse pour les spécifications techniques:
- Claires, précises, liées à l’objet du marché, pertinentes, transparentes et
non discriminatoires.
- Utiliser les best practices et travailler en réseau.
- Spécifications fonctionnelles ou basées sur les performances pour susciter
les innovations, penser aux méthodes de production et de traitement.
- Utiliser les variantes quand il y a des incertitudes quant à l’existence, au
coût ou à la qualité.
- Eventuellement utiliser les marchés réservés ou les programmes d’emplois
protégés.
- Vérifier que tous les résultats visés ont été prévus (il ne sera pas possible
d’en ajouter par la suite).
24
B.
Sélection des fournisseurs et des prestataires de services
Il s’agit ici de l’évaluation de la capacité des entreprises à réaliser le marché.
1.
Critères d’exclusion
La directive contient une liste limitative de critères pour lesquels une
exclusion du marché est possible (dans certains cas graves, l’exclusion
peut être rendue obligatoire).
Exclusions de nature sociale:
- Défaut de paiement des contributions sociales
- Jugement ayant autorité de chose jugée qui constate un délit qui
affecte la moralité professionnelle
ou
- Faute grave en matière professionnelle, constatée par tous moyens
dont les pouvoirs adjudicateurs pourront justifier (au sens national,
car une telle notion n’est pas définie dans le droit européen).
Exemples:
- Autorisé: exclure un soumissionnaire condamné par un jugement
ayant force de chose jugée pour avoir enfreint une loi nationale
"sociale" (sécurité au travail, discrimination, …) ou un
soumissionnaire n’ayant pas respecté une politique sociale (égalité
des chances) si ce non-respect est considéré comme une faute
professionnelle grave.
Comme déjà dit plus haut, cette possibilité a une portée moindre
dans des Etats tels que la Belgique où la protection sociale est
importante.
- Non autorisé: exclure un soumissionnaire pour des convictions
politiques ou personnelles sans rapport avec sa profession.
Pour rappel: au niveau belge les critères d’exclusion sont repris dans
les articles 43 (fournitures) et 69 (services) de l’arrêté royal du 8 janvier
1996 et sont les suivants:
 L’exclusion est obligatoire dans les cas suivants:
- Participation à une organisation criminelle telle que définie à
l’article 324bis du Code pénal.
- Corruption telle que définie à l’article 246 du Code pénal.
25
- Fraude au sens de l’article 1er de la convention relative à la
protection des intérêts financiers des communautés européennes,
approuvée par la loi du 17 février 2002.
- Blanchiment de capitaux tel que défini à l’article 3 de la loi du 11
janvier 1993 relative à la prévention de l’utilisation du système
financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du
terrorisme.
 L’exclusion est facultative dans les cas suivants:
- Lorsque le fournisseur ou le prestataire de services est en état de
faillite, de liquidation, de cessation d’activités, de concordat
judiciaire, ou se trouve dans toute situation analogue résultant
d’une procédure de même nature existant dans les législations ou
réglementations nationales.
- Qui a fait l’aveu de sa faillite ou fait l’objet d’une procédure de
liquidation, de concordat judiciaire ou de toute autre procédure de
même nature existant dans les législations ou réglementations
nationales.
- Qui a fait l’objet d’une condamnation prononcée par un jugement
ayant force de chose jugée pour tout délit affectant sa moralité
professionnelle.
- Qui, en matière professionnelle, a commis une faute grave dûment
constatée par tout moyen dont les pouvoirs adjudicateurs pourront
justifier.
- Qui n’est pas en règle avec ses obligations relatives au paiement
des cotisations de sécurité sociale conformément aux dispositions
des articles 43bis et 69bis.
- Qui n’a pas satisfait à ses obligations relatives au paiement de ses
impôts et taxes selon la législation belge ou celle du pays dans
lequel il est établi.
- Qui s’est rendu gravement coupable de fausses déclarations en
fournissant des renseignements exigibles en application du présent
chapitre.
Il y a lieu de signaler qu’en matière de sécurité sociale, le pouvoir
adjudicateur peut, à quelque stade que ce soit de la procédure,
s’informer, par tous moyens qu’il juge utiles, de la situation en matière
de paiement des cotisations de sécurité sociale de tout candidat ou
soumissionnaire.
26
2.
Capacité technique
Il faut tout d’abord souligner que la liste des critères prévus dans la
Directive est exhaustive.
Il faut également tenir compte de la jurisprudence en la matière : arrêt
Beentjes (CJUE 20.09.88 – 31/87): l’emploi de chômeurs de longue
durée n’a pas de rapport avec l’aptitude des soumissionnaires.
Les critères de sélection doivent être non-discriminatoires,
proportionnés et liés à l’objet du marché. Pour que ce dernier point soit
justifié, il faut expressément que l’exécution du marché exige un
savoir-faire particulier dans le domaine social. C’est seulement
dans ce cas qu’il sera permis de prendre des considérations techniques
en compte au niveau de l’examen de la capacité technique et ce, de la
façon suivante:
- Vérifier la disponibilité du personnel disposant des connaissances et
de l’expérience nécessaires (crèche: personnel qualifié et
encadrement, accessibilité d’un bâtiment: ingénieurs et architectes
qualifiés).
- Vérifier l’existence de l’équipement technique nécessaire (maison de
retraite: équipement adapté).
- Vérifier l’existence de structures techniques spécialisées (matériel
informatique accessible aux personnes handicapées).
Moyens de justification:
- Contrats antérieurs avec mention des techniciens ou organismes
techniques ayant participé.
- Description des équipements techniques et des mesures utilisées.
- Titres d’études et professionnels du personnel (surtout si
l’accomplissement des objectifs sociaux dépend du personnel).
- Effectifs et importance de l’encadrement.
- Part du marché pouvant être sous-traitée.
Comme toujours, le pouvoir adjudicateur devra veiller que ses exigences
respectent bien le principe de proportionnalité.
27
Synthèse pour les critères de sélection:
- Capacité des soumissionnaires sur base de la liste exhaustive.
- Capacités sociales nécessaires (en fonction de l’objet du marché).
- Capacité technique à exécuter le marché.
- Marchés similaires.
- Conditions d’exclusion.
On constate qu’au niveau des critères de sélection et hormis ce qui est
légalement exigé, l’insertion de considérations socio-économiques dans
les critères de sélection pourrait théoriquement être possible, mais reste
restreinte.
C.
Attribution du marché
1.
Règles générales d’élaboration des critères d’attribution et d’attribution
du marché
Certaines conditions doivent être respectées pour prendre en
considération des critères d’attribution sociaux:
- Ils doivent être liés à l’objet du marché.
- Ils ne peuvent pas donner au pouvoir adjudicateur une liberté
illimitée de choix.
- Ils doivent être mentionnés expressément dans l’avis de marché et
dans le cahier spécial des charges.
- Ils doivent être conformes aux principes fondamentaux du droit
européen.
L’attribution du marché se fait soit sur base du seul prix (auquel cas,
bien évidemment des considérations sociales ne pourront intervenir au
niveau de l’attribution, mais uniquement dans les spécifications
techniques et les conditions d’exécution, si cela est justifié) soit sur base
de plusieurs critères d’attribution (offre économiquement la plus
avantageuse – meilleur rapport qualité/prix).
Remarque: contrairement à ce qui est dit dans le document de la
Commission, les critères sociaux ne sont pas repris dans l’article 53 de
la Directive (il est vrai que la liste n’est pas limitative), mais il y est fait
allusion dans le Considérant 46: "… C’est dans ces mêmes conditions
qu’un pouvoir adjudicateur peut utiliser des critères visant à la
satisfaction d’exigences sociales répondant notamment aux besoins –
28
définis dans les spécifications du marché – propres à des catégories de
population particulièrement défavorisées auxquelles appartiennent les
bénéficiaires/utilisateurs des travaux, fournitures, services faisant l’objet
du marché".
Différentes méthodes de comparaison et de pondération existent: elles
doivent être annoncées suffisamment à temps pour que les
soumissionnaires aient le temps de bien préparer leur offre
(comprendre: dans l’avis de marché ou au plus tard dans le cahier
spécial des charges).
Règles à respecter:
- Les critères doivent être liés à l’objet du marché (cf. spécifications
techniques.) On peut dès lors accorder des points supplémentaires
lorsque l’offre répond à des critères supérieurs à ce qui est exigé
dans les spécifications techniques.
Exemple espagnol: norme d’accessibilité à Internet UNE 139803
"Requisitos de accesibilidad para contenidos Web" qui comprend les
niveaux A, AA et AAA.
- Les critères doivent permettre l’évaluation pour l’ensemble des
critères de qualité et économiques. Ce qui signifie que chaque critère
pris isolément ne doit pas présenter un avantage économique, c’est
l’ensemble qui est pris en compte.
Autorisé:
- Prestations de soins à des personnes handicapées: critères portant
sur les exigences particulières par rapport à chaque catégorie
d’utilisateurs (personnes âgées, …).
- Prestation de services pour des tests de recrutement pour le service
public: garantir l’égalité des chances (âge, sexe, religion, …).
- Logiciels et matériel informatique: accessibilité (handicap, cécité,
surdité, …).
Non autorisé:
- Construction d’un hôpital: exiger que les soumissionnaires achètent
leur équipement auprès de firmes locales, ce critère n’est pas lié à
l’objet du marché et entraîne une inégalité de traitement à l’égard
des soumissionnaires qui se fournissent ailleurs.
- Critères d’attribution ne figurant pas dans le cahier spécial des
charges (non propre aux critères sociaux).
29
- Critères d’attribution arbitraires: pour du matériel informatique,
accorder des points supplémentaires par niveau d’accessibilité sans
indiquer les paramètres de calcul (idem).
1.1. Conditions applicables aux critères d’attribution lors de
l’évaluation des offres
Les règles de base pour les critères d’attribution figurent dans le
considérant 46 de la Directive ainsi que dans les arrêts Concordia
Bus et Wienstrom (ceux-ci portent sur les aspects
environnementaux, mais les principes sont les mêmes).
(a) Des critères liés à l’objet du marché
Principe essentiel qui garantit que les critères se
rapportent aux besoins du pouvoir adjudicateur tels
qu’ils sont définis dans l’objet du marché.
- Arrêt Wienstrom: dans un appel d’offres pour la fourniture
d’énergie, la Cour de Justice a estimé qu’un critère qui se
référait uniquement à la quantité d’électricité fournie à
partir de sources d’énergie renouvelables ne pouvait être lié
à l’objet du marché en ce qu’il portait sur une quantité
dépassant la consommation du pouvoir adjudicateur.
Cet arrêt portait sur l’insertion de considérations
environnementales dans les critères d’attribution. Il est
évident que les principes restent valables.
- Marché de travaux pour la construction d’une école: un
critère basé sur les sommes d’argent versées par
l’adjudicataire à la communauté locale n’est pas lié à l’objet
du marché.
(b) Des ccritères spécifiques et objectivement quantifiables
Ils ne peuvent en effet pas donner une liberté de choix
illimitée au pouvoir adjudicateur.
- Arrêt Wienstrom: la Cour a précisé que les critères devaient
être clairs et susceptibles d’être interprétés de la même
manière par tous les soumissionnaires et que de plus, le
pouvoir adjudicateur devait se limiter à fixer des critères
pour lesquels les informations fournies par les
soumissionnaires seraient effectivement vérifiables. En
l’occurrence, il n’avait pas déterminé la période pendant
laquelle les soumissionnaires devaient préciser la quantité
qu’ils seraient en mesure de fournir.
30
- Arrêt Concordia Bus: le système d’attribution de points
supplémentaires a été considéré comme adéquat: des
points supplémentaires étaient accordés pour des bus dont
l’émission d’azote était inférieure à 4 g/Kwh (2,5 points par
bus), à 2 g/Kwh (3,5 points par bus) et dont le niveau
sonore était inférieur à 77 dB (1 point par bus).
(c) Des critères préalablement publiés
L’avis de marché doit indiquer s’il s’agit du prix le plus bas ou
de l’offre économiquement la plus avantageuse.
Les critères utilisés doivent figurer dans l’avis de marché ou au
moins dans le cahier spécial des charges.
(d) Des critères conformes au droit communautaire, en ce
compris les principes fondamentaux du Traité
La Cour de Justice de l’Union européenne a mis l’accent sur
l’importance du principe de non-discrimination (base de la
liberté d’établissement et de la liberté de prestation des
services).
Arrêt Concordia Bus: un des arguments de cette société était
que les critères fixés étaient discriminatoires en ce que seule
la société adjudicataire du marché possédait des autobus
satisfaisant à ces critères.
La Cour a réfuté cet argument en déclarant qu’un critère
spécifique n’était pas forcément discriminatoire au motif que
seul un petit nombre de soumissionnaires potentiels était à
même d’y satisfaire. En effet, la société Concordia Bus s’était
vu attribuer un autre lot du même marché, lot auquel
s’appliquaient les mêmes exigences.
On peut constater que la frontière est mince entre ce qui est
discriminatoire et ce qui est admis.
1.2. Le critère additionnel
Arrêt C-225/98: la CJUE a décidé qu’un marché pouvait être
attribué sur une condition visant à lutter contre le chômage (dans
le respect des principes du droit communautaire) s’il s’agit de
départager des offres économiquement équivalentes, à condition
que ce soit mentionné dans l’avis de marché et qu’il n’y ait pas
d’incidence sur les soumissionnaires issus d’autres Etats membres.
Tous les autres critères doivent être liés à l’objet du marché.
31
Ceci est évidemment intéressant mais d’utilisation très limitée
puisque restreint aux seuls cas d’offres équivalentes, ce qui n’est
pas fréquent.
2.
Gestion des offres anormalement basses
La Directive impose aux pouvoirs adjudicateurs, dans le cas d’offres
anormalement basses, de demander des éclaircissements aux
soumissionnaires avant un rejet éventuel. Ces explications doivent
notamment avoir trait au respect des "dispositions concernant la
protection et les conditions de travail en vigueur au lieu où la prestation
est à réaliser". Elle établit donc un lien entre les deux et prévient des
situations de concurrence déloyale.
La procédure à suivre est définie par la Directive de façon à agir de
manière non-discriminatoire.
Exemples de domaines concernés: protection des travailleurs, paiement
des contributions sociales, nombre d’heures de travail, sécurité au
travail, travail clandestin.
Il est par contre interdit à un pouvoir adjudicateur de fixer un seuil endessous duquel une offre sera considérée comme anormalement basse.
Les informations à demander dans ces domaines peuvent l’être au
soumissionnaire concerné, mais aussi, par exemple, aux syndicats, le
pouvoir adjudicateur doit alors vérifier auprès du soumissionnaire. Les
règles à suivre se trouvent dans les réglementations nationales et
doivent toujours prévoir que le soumissionnaire puisse présenter son
point de vue.
L’obligation de rejeter ou non une offre réellement anormalement basse
dépend de la réglementation de chaque Etat membre.
Ceci constitue certainement un aspect important au niveau des
considérations socio-économiques et sera, je pense utilisable dans
certains secteurs bien précis dans lesquels le travail au noir est parfois
utilisé. Je pense aux secteurs de la construction (travaux), confection
(fournitures – ateliers clandestins) et nettoyage (services). Il est clair
cependant que dans les Etats membres qui bénéficient d’une forte
protection sociale tels que la Belgique, l’impact d’une telle vérification
sera moindre que dans d’autres pays.
3.
Information aux soumissionnaires écartés
Peut-être le moment adéquat pour informer les soumissionnaires
écartés sur la politique sociale du pouvoir adjudicateur, surtout si le
soumissionnaire a été écarté pour insuffisance dans le domaine social.
32
Synthèse pour les critères d’attribution
- Liés à l’objet du marché.
- Ne pas conférer une liberté illimitée de choix au pouvoir adjudicateur.
- Etre expressément mentionnés dans l’avis de marché et dans le
cahier spécial des charges.
- Etre conformes au droit communautaire (y compris aux principes
fondamentaux du Traité).
- Permettre de désigner l’offre qui a le meilleur rapport qualité/prix.
- Respecter les règles applicables des directives sur les marchés
publics.
- Suivre les règles en matière d’analyse des offres anormalement
basses (en particulier, vérifier si le faible montant de l’offre provient
du fait que le soumissionnaire ne respecte pas les normes sociales).
Hormis les quelques considérations ci-dessus, force est de constater que
les critères d’attribution ne constituent pas la meilleure cible pour
prendre en compte des considérations sociales au sens restreint du
terme.
D.
Exécution du marché
Tout marché public doit être exécuté en conformité avec les règlements
sanitaires et sociaux. De plus, si le pouvoir adjudicateur veut ajouter une
dimension sociale supplémentaire (qui n’entre ni dans la sélection, ni dans les
spécifications techniques, ni dans les critères d’attribution), il doit le faire au
niveau des conditions d’exécution du marché.
1.
Règles pour l’exécution du marché
Il s’agit d’obligations que tous les soumissionnaires sont tenus
d’accepter, ce à quoi ils s’engagent par le dépôt de leur offre. Au cas où
celle-ci contiendrait des conditions en sens contraire, elle devrait être
rejetée. Cependant, les conditions d’exécution ne doivent pas encore
être remplies au moment de l’introduction de l’offre. Ce sont, en fait,
des conditions supplémentaires au contrat (arrêt Beentjes). Elles
peuvent être de nature environnementale ou sociale. Ces conditions
n’ont donc un lien qu’avec l’exécution du marché. Aucune preuve de
conformité à ces conditions ne doit donc être demandée au cours de la
procédure.
Les conditions à respecter pour les conditions d’exécution sont les
suivantes:
33
- Etre liées à l’exécution du marché, donc liées à des tâches
nécessaires à la production des produits ou à la prestation des
services.
Exemple contraire: obligation d’embaucher une proportion de
travailleurs handicapés sur un autre marché, exiger de l’adjudicataire
une contribution pour la construction d’un centre pour personnes
défavorisées, obligation pour l’adjudicataire d’un marché de travaux
d’organiser une garderie pour les enfants du personnel.
- Figurer dans le cahier spécial des charges, ce qui permet aux
soumissionnaires d’élaborer leurs prix en toute connaissance de
cause (Directive, article 26).
- Se conformer au droit communautaire (y compris les principes du
Traité).
2.
Exemples issus du considérant 33 de la Directive 2004/18/CE
"Elles peuvent, notamment, avoir pour objet de favoriser la formation
professionnelle sur chantier, l'emploi de personnes rencontrant des
difficultés particulières d'insertion, de lutter contre le chômage ou de
protéger l'environnement. À titre d'exemple, on peut citer, entre autres,
les obligations — applicables à l'exécution du marché — de recruter
des chômeurs de longue durée ou de mettre en oeuvre des
actions de formation pour les chômeurs ou les jeunes, de
respecter en substance les dispositions des conventions fondamentales
de l'Organisation internationale du travail (OIT) dans l'hypothèse où
celles-ci n'auraient pas été mises en oeuvre dans le droit national, de
recruter un nombre de personnes handicapées qui irait au-delà de ce qui
est exigé par la législation nationale".
D’autres exemples ont étés cités dans la Communication interprétative
de la Commission (2001):
- Obligation de recruter des demandeurs d’emploi ou de prévoir
des actions de formation.
- Obligation de prévoir des mesures pour l’égalité des chances (sexe,
race, …) ou l’accès aux personnes handicapées.
- Obligation de respecter les conventions fondamentales de l’OIT.
- Obligation de recruter des personnes handicapées allant plus loin que
ce que prévoit le droit national.
Les marchés de travaux et de services sont les plus adéquats dans ce
domaine. En effet, pour les marché de fournitures, il pourrait être
discriminatoire d’imposer ces mesures impliquant une modification de
34
l’organisation d’entreprises situées sur le territoire d’un autre Etat
membre.
La remarque est adéquate. En effet, les marchés de travaux tout comme
les marchés de services impliquent, dans la plupart des cas, une
exécution entière sur place, c’est-à-dire sur le territoire de l’Etat
membre dont relève le pouvoir adjudicateur. A contrario, pour les
marchés de fournitures, la fabrication peut avoir lieu sur le territoire
d’un autre Etat, seule la livraison se fera sur le territoire de l’Etat
concerné.
D’autres exemples:
- Suède: les marchés de construction nationaux contiennent une clause
obligeant au respect des conventions fondamentales de l’OIT. Les
marchandises et produits utilisés doivent avoir été fabriqués dans un
environnement sûr et conforme à ces conventions, à défaut de quoi
elles devront être remplacées aux frais du contractant qui est tenu de
faire respecter ces obligations par ses sous-traitants, des pénalités
sont prévues.
En ce qui concerne cet exemple on peut se poser la question de
savoir s’il est bien conforme à ce qui est dit juste avant?
- Royaume-Uni: le programme "Transport for London" (constructions et
extension du métro) prévoit l’égalité et l’inclusion comme concepts
clés: régénération des quartiers défavorisés, minimisation de l’impact
des travaux, environnement propice au bon fonctionnement de la
ligne. Exigences pour l’exécution du marché: stratégie d’égalité
durant tout le projet, formation à la diversité pour le personnel,
diversité des fournisseurs.
L’intégration de telles exigences implique des moyens de gestion du
marché et de contrôle du respect des obligations, on ne peut donc
imposer des obligations qui ne pourraient pas être contrôlées de
manière efficace.
3.
Conformité au droit national du travail
Le droit national (réglementation, conventions collectives), pour autant
qu’il soit conforme au droit communautaire et le droit communautaire
est d’application durant l’exécution du marché.
L’article 27 de la Directive 2004/18/CE prévoit ce qui suit:
"Le pouvoir adjudicateur peut indiquer ou peut être obligé par un État
membre d'indiquer, dans le cahier des charges, l'organisme ou les
organismes auprès desquelles les candidats ou soumissionnaires
peuvent obtenir les informations pertinentes sur les obligations relatives
à la fiscalité, à la protection de l'environnement, aux dispositions de
35
protection et aux conditions de travail qui sont en vigueur dans l'État
membre, la région ou la localité dans lesquels les prestations sont à
réaliser et qui seront applicables aux travaux effectués sur le chantier ou
aux services fournis durant l'exécution du marché.
Le pouvoir adjudicateur qui fournit les informations visées au
paragraphe 1 demande aux soumissionnaires ou aux candidats à une
procédure de passation de marchés d'indiquer qu'ils ont tenu compte,
lors de l'établissement de leur offre, des obligations relatives aux
dispositions concernant la protection et les conditions de travail en
vigueur au lieu où la prestation est à réaliser.
Le premier alinéa ne fait pas obstacle à l'application des dispositions de
l'article 55 relatives à la vérification des offres anormalement basses".
Ces dispositions ont évidemment comme but d’empêcher que des
soumissionnaires introduisent des offres dont le prix serait inférieur aux
autres du fait d’avoir diminué la protection des travailleurs.
Ceci est lié aux protections sociales prévues par la réglementation en
vigueur dans l’Etat membre concerné.
4.
Gestion de la chaîne d’approvisionnement
Pour mémoire: le sujet sera traité dans le troisième volet du manuel.
5.
Gestion des marchés et contrôle de la conformité
Pour pouvoir gérer au mieux l’exécution du marché et en contrôler la
conformité aux conditions d’exécution prévues dans le cahier spécial des
charges, il est nécessaire de disposer des outils et conditions qui
suivent:
- Système de gestion des performances: définir les méthodes utilisées
et entreprendre les actions nécessaires. Des récompenses peuvent
être accordées, on peut résoudre les problèmes d’insuffisance et
collaborer avec l’adjudicataire pour améliorer l’exécution.
- Indicateurs de performances clés.
- Dispositifs de surveillance: récolte des données adéquates et analyse
efficace.
- Conditions de paiement (spécifiées dans le cahier spécial des
charges): elles sont une garantie de la bonne exécution, avec
éventuellement des sanctions pour les manquements et des
récompenses en cas de dépassement de ce qui est exigé.
36
- Possibilité d’invoquer un manquement aux conditions d’exécution,
mais de façon mesurée.
- Culture de partenariat indispensable.
Commentaire: ceci nécessite un certain nombre de moyens et dépend
donc de la politique d’achat appliquée.
Exemples:
- Royaume-Uni: services de restauration hospitalière: enquête de
satisfaction annuelle auprès des patients (par âge, origine, …),
analyse des résultats, évaluation des services ont donné lieu à des
modifications contractuelles pour améliorer les services.
- France: le rôle des institutions publiques d’inclusion sociale est
important: aides aux soumissionnaires, subventions, appel à du
personnel juridique spécialisé en la matière.
Synthèse pour les conditions d’exécution:
 Conditions d’exécution: elles sont le meilleur instrument pour l’insertion de
clauses sociales.
 Les conditions d’exécution doivent être:
-
Liées à l’exécution du marché
Cohérentes avec le meilleur rapport qualité/prix
Mentionnées dans le cahier spécial des charges
Conformes au droit communautaire et aux principes fondamentaux du
Traité.
 Vérifier qu’un contrôle correct est possible.
 Travailler en partenariat.
 Conserver des traces des performances.
 Utiliser des clauses de variation qui permettront l’évolution du marché
(conformes à la Directive et au principe de transparence).
 Collaborer avec le secteur (sur base de volontariat) et se tenir à jour des
développements.
E.
Un exemple concret
Le texte qui suit n’est pas basé sur le Guide. Il constitue une synthèse d’une
circulaire de la Région de Bruxelles-Capitale du 4 octobre 2012 (Moniteur
37
belge du 5 décembre 2012) relative à l’insertion de clauses sociales dans les
marchés publics.
Il est intéressant d’examiner, à titre d’exemple, comment une autorité
publique belge responsable d’un grand nombre de pouvoirs adjudicateurs
(voir chapitre 3) met en œuvre la promotion de l’insertion de clauses sociales
dans les marchés.
Les conséquences effectives de l’application de cette circulaire ne peuvent
pas encore être analysées, étant donné sa récente entrée en vigueur.
CIRCULAIRE CLAUSES SOCIALES BRUXELLES-CAPITALE
Chapitre 1 - Dispositions générales
Les autorités publiques, ici en l’occurrence les autorités de la Région de
Bruxelles-Capitale, doivent montrer l’exemple et favoriser un haut taux
d’emploi.
Les objectifs de la circulaire sont les suivants:




Préciser quels sont les opérateurs et les marchés concernés
Donner une stratégie, tant globale que par opérateur
Préciser quelles sont les considérations essentielles à analyser
Préciser quel est le cadre légal pour l’intégration de clauses sociales dans
les marchés publics
 Donner les ressources qui sont disponibles pour aider les opérateurs.
Chapitre 2 - Définition des clauses sociales
"Les clauses sociales visent - à travers la réalisation d'un marché - à
demander à l'entreprise de participer à une dynamique d'insertion
socioprofessionnelle. Dès lors que les objectifs sociaux poursuivis sont
l'emploi, la formation ou l'insertion par le travail, l'utilisation des marchés
publics comme instrument de politique sociale peut se concevoir de deux
façons différentes:
- soit la mesure vise à favoriser des entreprises qui mènent des actions
particulières en faveur de l'emploi;
- soit la mesure bénéficie directement à un public cible défini qui est plus ou
moins fragilisé sur le marché de l'emploi.
L'objet d'une clause sociale sera généralement:
- soit de prévoir l'embauche de demandeurs d'emploi par l'entreprise
adjudicataire: l'objectif visé est alors d'offrir une expérience professionnelle
assurant un meilleur ancrage sur le marché du travail (voir chapitre IV, 2.,
2.1. et 2.2.);
- soit de réserver le marché à une entreprise d'économie sociale dont l'objet
social est la réinsertion socioprofessionnelle (voir chapitre IV, 2., 2.3.);
38
- soit de sous- traiter une partie d'un marché à une entreprise d'économie
sociale dont l'objet social est la réinsertion socioprofessionnelle (voir
chapitre IV, 2., 2.4.);
- soit de prévoir une formation pour les demandeurs d'emploi, l'entreprise
adjudicataire devenant ainsi un opérateur dans leur insertion
professionnelle (voir chapitre IV, 2., 2.5.)".
Chapitre 3 – Champ d’application de la circulaire
1. Le champ d’application s’étend à toutes les administrations qui dépendent
de façon fonctionnelle du Gouvernement de la Région de BruxellesCapitale, donc non seulement le Ministère de la Région de BruxellesCapitale, mais par exemple également, Bruxelles-Propreté, l’IBGE, Actiris,
la Société du Logement, le Service d’Incendie et d’Aide médicale urgente,
la Société bruxelloise de Gestion de l’Eau, la STIB,le Port de Bruxelles,…
En ce qui concerne les communes, CPAS, intercommunales et structures
mixtes, l’application de la circulaire constitue une recommandation dans le
but d’amplifier les synergies.
2. Les personnes concernées:
-
Le personnel dirigeant
Les responsables des achats et de la maintenance.
Il est recommandé aux différentes administrations de désigner, dans les
trois mois de la publication de la circulaire, une personne ressource qui
aura pour mission d’assurer la mise en place du contenu de celle-ci.
3. Les marchés concernés:
3.1. Marchés de services et concessions de services pertinents dont le
montant est supérieur à 125.000 € hors TVA:
- Création et entretien d’espaces verts
- Catering événementiel ou régulier, repas scolaires restaurants
d’entreprises
- Collecte, gestion, traitement des déchets
- Nettoyage (bureaux, vitres, chantiers, nettoyage urbain et
détachage, …)
- Imprimerie
- Publipostage et routage
- Archivage électronique
- Marchés nécessitant des services de secrétariat (consultance,
conseil, assistance,…)
- Maintenance technique, chauffage/ventilation/climatisation
(HVAC), …
Remarque: certains secteurs sont soumis à des conventions collectives de
travail qui prévoient, comme dans le secteur du nettoyage que, au terme
39
d’un marché, le nouvel adjudicataire devra reprendre le personnel affecté
au marché précédent et le garder pendant six mois. Ceci entraînera, soit
l’adaptation de la clause sociale, soit un report de son effectivité après le
délai de six mois précité.
3.2. Marchés de fournitures dont le montant est supérieur à 22.000 € hors
TVA.
3.3. Marchés de travaux et concessions de travaux pertinents dont le
montant est supérieur à 125.000 € hors TVA:
-
Construction de bâtiments
Rénovation de bâtiments
Génie civil
Travaux et rénovation d’égouttage
Travaux de voirie, de rénovation des impétrants, d’ouvrages d’art,
de pavage
- Déconstruction de bâtiments.
Remarque: il y a lieu d’éviter de prévoir des clauses sociales dans des
marchés dont le délai d’exécution est trop court (estimation: moins
de vingt jours ouvrables) et dans des marchés trop techniques
(exemple: les lots ‘ascenseurs’).
3.4. Marchés par procédure négociée sans publicité
La circulaire demande aux pouvoirs adjudicateurs de consulter les
entreprises d’économie sociale.
Chapitre 4 – Le cadre légal de l’intégration des clauses sociales dans
les marchés publics
1. Où les insérer?
La circulaire ne porte que sur les clauses sociales d’insertion et de
formation, dont le but est de favoriser l’insertion socioprofessionnelle. Les
autres formes de clauses sociales (par exemple, respect de la dimension du
genre, respect des normes de l’OIT, …) ne font pas l’objet de la circulaire.
Chaque type de clause sociale sera traitée séparément en tenant compte
de la base légale et de la manière de procéder.
2. Les différents types de clauses
2.1. Clause sociale d’insertion pour les marchés de travaux de
750.000 € et plus
Un arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 22
avril 1999 impose pour de tels marchés dont la durée prévue des
travaux est d’au moins soixante jours, l’insertion d’une clause qui
40
oblige les soumissionnaires à prévoir l’engagement de demandeurs
d’emploi inscrits auprès de l’Office régional bruxellois pour l’Emploi.
La base légale est l’article 18bis, § 1er de la loi du 24 décembre
1993.
Comment procéder?
- Au début de la rédaction du cahier spécial des charges et au plus
tard lors de l’approbation de celui-ci par l’organe compétent,
informer Actiris afin de rédiger au mieux la clause.
- A la réception provisoire: faire compléter le formulaire d’évaluation
du dispositif "clauses sociales" par l’adjudicataire et le transmettre
à Actiris.
2.2. Clause sociale d’insertion pour les marchés de travaux ou de
services compris entre 125.000 € et 750.000 €
Comment procéder?
- Au début de la rédaction du cahier spécial des charges et au plus tard
lors de l’approbation de celui-ci par l’organe compétent, il est
recommandé d’informer Actiris afin de rédiger au mieux la clause.
- A la réception provisoire: faire compléter le formulaire d’évaluation
du dispositif "clauses sociales" par l’adjudicataire et le transmettre à
Actiris.
2.3. Réservation de marchés ou marchés à lots à l’économie sociale
d’insertion
Cette réservation est autorisée par la réglementation des marchés
publics pour les marchés dont le montant estimé est inférieur aux
seuils européens. La circulaire précise qu’il s’agit d’un critère de
sélection qualitative.
Remarque: j’estime personnellement qu’il s’agit plutôt d’une question
de droit d’accès au marché, puisque ce droit trouve son fondement
dans la loi.
Pour les entreprises de travail adapté (« ateliers protégés »), la
réservation est légalement possible au-delà des seuils européens ; la
faisabilité doit être vérifiée, ainsi que l’existence d’une concurrence
effective.
Les mêmes possibilités existent pour les marchés à lots dont un ou
plusieurs lots peuvent être réservés sous les mêmes conditions,
chaque lot étant inférieur au seuil européen.
Comment procéder?
41
- Insertion dans l’avis de marché et dans le cahier spécial des
charges de la clause suivante: "conformément à l'article 18bis, § 2
de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics, la
participation à la procédure de passation du marché public est
réservée aux entreprises d'économie sociale d'insertion telles que
définies à l'article 59 de la loi du 26 mars 1999".
- Insertion dans le cahier spécial des charges de la clause suivante:
"Echantillons, documents et attestations à joindre à l'offre: les
documents attestant de la reconnaissance comme entreprise de
travail adapté ou comme initiative d'économie sociale d'insertion
au sens de l'article 59 de la loi du 26 mars 1999 relative au plan
d'action belge pour l'emploi 1998 et portant des dispositions
diverses. Dans le cas d'une offre remise par une entreprise issue
d'un autre état membre, celle-ci doit apporter la preuve qu'elle
remplit des conditions équivalentes dans son pays d'origine".
Les règles relatives à l’agréation des entreprises doivent
évidemment être également respectées.
- Même en cas de réservation de marchés, la réglementation impose
la consultation de plusieurs entreprises et ce, également en cas de
procédure négociée sans publicité. La pratique impose la même
règle pour les marchés sur bon de commande.
- Il y aura lieu d’étendre quelque peu les délais de réalisation afin de
permettre la mise en place des processus d’insertion et de
formation.
- Au moment du lancement des marchés réservés, il y aura lieu
d’informer Actiris par l’envoi d’une copie du cahier spécial des
charges.
2.4. Clause sociale permettant la sous-traitance à l’économie sociale
d’insertion comme alternative à la clause sociale d’insertion.
Il s’agit ici d’une condition d’exécution qui prévoit soit l’engagement
de demandeurs d’emploi, soit la sous-traitance d’une partie du
marché à une entreprise d’économie sociale d’insertion. Ceci permet
à des entreprises de taille plus modeste d’accéder à des marchés de
plus grande ampleur.
Les acheteurs publics sont tenus de consulter au moins trois
entreprises; les entreprises adjudicataires ne sont pas soumises à
cette obligation.
Comment procéder?
42
- Insertion de la clause suivante dans l’avis de marché et dans le
cahier spécial des charges: "Conformément à la loi sur les marchés
publics, l'entreprise adjudicataire doit, au cours de l'exécution du
présent marché, mettre en oeuvre des actions de formation et
d'insertion socioprofessionnelle pour des demandeurs d'emplois
selon les précisions décrites ci-dessous:
- soit en assurant durant le marché l'engagement de X
demandeurs d'emplois, englobant X heures d'insertion sous
contrat de travail en entreprise au métier de .... via le dispositif
Actiris.
Les demandeurs d'emplois:
.
.
.
doivent être chômeurs complets indemnisés, bénéficiaires du
revenu d'intégration sociale ou demandeurs d'emploi libres;
doivent être âgés d'au moins 18 ans;
ne doivent pas disposer d'une expérience professionnelle
comptabilisant plus de 150 heures de travail dans les 12
derniers mois;
- soit en sous-traitant x % du montant total hors T.V.A. du
marché à des entreprises d'économie sociale d'insertion. Un
engagement ferme d'une (ou plusieurs) entreprise(s)
d'économie sociale d'insertion (contrat de sous-traitance ou
lettre d'engagement irrévocable en cas de notification, etc) par
lequel cette dernière s'engage à exécuter en sous-traitance pour
le compte du soumissionnaire x % du montant total hors T.V.A.
du présent marché doit alors être joint à l'offre.
Le soumissionnaire précise dans son offre la manière dont il
entend satisfaire à ses obligations dans une note distincte ayant
spécifiquement pour objet les modalités de la clause sociale qu'il
s'engage à exécuter dans le cadre du marché.
Les documents démontrant qu'il satisfait à cette condition sont
produits dans les trente jours qui suivent la notification de la
décision d'attribution".
- Au moment du lancement des marchés de sous-traitance, il y aura
lieu d’informer Actiris par l’envoi d’une copie du cahier spécial des
charges.
2.5. Clauses sociales de formation en entreprise
Ce type de clause est autorisé par la réglementation en tant que
condition d’exécution.
Comment procéder?
43
- Insertion de la clause suivante dans l’avis de marché et dans le
cahier spécial des charges: "Conformément à la loi sur les marchés
publics, l'entreprise adjudicataire doit, au cours de l'exécution du
présent marché, mettre en oeuvre des actions de formation et
d'insertion socioprofessionnelle pour les demandeurs d'emploi
selon les précisions suivantes:
- soit en assurant la formation en entreprise sous la forme d'une
formation individuelle d'une durée de xx heures, pour xxx
demandeurs d'emploi, au métier de xxx;
- soit en assurant la formation en entreprise sous la forme d'une
formation collective d'une durée de xx heures pour xxx
demandeurs d'emploi au métier xxx dont le programme est
convenu entre l'entreprise et l'opérateur public de formation
compétent sur le territoire de la Région".
- Détermination du volume horaire de la formation: calculer la part
de main-d’œuvre dans le marché et demander entre 2 et 8 % de
cette part pour la formation.
- Le soumissionnaire est tenu de préciser dans son offre et ce, au
moyen d’une note distincte et spécifique, comment il prévoit de
remplir ses obligations relativement à cette clause sociale qu’il
s’est engagé à exécuter.
2.6. Intégration de considérations socioprofessionnelles dans l’objet du
marché
Cet aspect ne concerne que les procédures négociées et les appels
d’offres et non les adjudications, puisqu’il s’agira d’un critère
d’attribution.
Quand l’utiliser?
Lorsque le pouvoir adjudicateur demande un effort d’insertion
socioprofessionnelle, mais qu’il souhaite laisser un choix aux
opérateurs économiques. Ce choix portera sur la formule d’insertion
elle-même (sous-traitance, engagement de demandeurs d’emploi, …)
mais également sur l’ampleur de l’effort d’insertion évalué au moyen
d’un critère d’attribution.
La base juridique de ceci se trouve dans l’article 16 de la loi du 24
décembre 1993, dans le considérant 46 de la Directive 2004/18/CE et
dans la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union européenne.
Comment procéder?
Une série d’étapes est proposée à titre d’exemple:
44
1. Elargir l’objet du marché en un double objet (l’objet initial et la
formation) de manière à ce qu’il y ait un lien entre le critère
d’attribution et l’objet du marché.
2. Le critère doit être formulé de façon précise et objectivable. Un
exemple de formulation est fourni:
"Critère n° X. les performances en matière d'insertion
socioprofessionnelle des publics en difficulté: pondération X %
Ces performances seront analysées au regard du nombre d'heures
de formation et/ou d'insertion professionnelle des publics en
difficulté prévues annuellement pour ce présent marché, et le taux
d'encadrement des publics cibles.
L'offre qui présentera le nombre d'heures le plus important et le
taux d'encadrement le plus élevé recevra X points. Les autres
offres obtiendront un nombre de points qui correspondra au ratio
par rapport à la meilleure offre. Moins il y aura d'heures et plus
faible sera l'encadrement et moins l'offre recevra de points.
Par exemple, cette valeur peut être déterminée comme suit:
- Valeur A = nombre d'heures annuelles de formation et/ou
d'insertion (le nombre d'heures d'insertion via engagement est
multiplié par 3 par le PA par rapport aux heures de formation).
- Valeur B = nombre de personnes encadrées/nombre personnes
encadrantes.
- Valeur C = valeur A/valeur B.
- Valeur D = Valeur A + Valeur C.
Exemple:
Formation de 5 personnes à raison de 200 h par an et par
personne.
Taux d'encadrement = 5 personnes pour 1 encadrant.
Valeur A = 1000 heures.
Valeur B = 5.
Valeur C = 200 h (correspond à 1 encadrant pour les 5 personnes,
soit 200 h).
Valeur D = 1000 + 200 = 1200 heures totales".
Le critère devra être analysé par rapport aux exigences de la
clause sociale figurant dans le cahier spécial des charges.
Une note de présentation de cette clause devra être rédigée.
45
Un vade-mecum est prévu dans lequel figureront des compléments
d’information.
3. Le critère devra figurer dans l’avis de marché et dans le cahier
spécial des charges.
4. Une clause d’exécution sera également prévue dans le cahier
spécial des charges ; cette clause prévoira ce qui suit:
"Conformément à la loi sur les marchés publics, l'entreprise
adjudicataire doit, au cours de l'exécution du présent marché,
mettre en oeuvre des actions de formation et/ou d'insertion
socioprofessionnelle pour les demandeurs d'emplois".
Trois solutions sont possibles pour le soumissionnaire:
• Soit il assurera sur le chantier la formation à un métier précis
de demandeurs d’emploi.
On entend par demandeurs d’emploi des chômeurs complets
indemnisés, des bénéficiaires du revenu d’intégration sociale ou
des demandeurs d’emploi libres, âgés d’au moins 18 ans et ne
disposant pas d’une expérience professionnelle de plus de 150
heures de travail au cours des 12 derniers mois.
• Soit il sous-traitera un pourcentage du montant total (hors TVA)
du marché à une ou plusieurs entreprises d’économie sociale
d’insertion; l’offre devra donner le détail du volume horaire
d’insertion prévu et être accompagnée de l’engagement de la ou
les firme(s).
• Soit il est lui-même une entreprise d’économie sociale
d’insertion (cf article 59 de la loi du 26 mars 1999) et il en
fournira la preuve.
Les soumissionnaires étrangers sont également admis à
condition de fournir, dans les trente jours de la décision
d’attribution, la preuve qu’ils remplissent des conditions
équivalentes dans leur pays d’origine.
L’ampleur de cette clause sociale sera cotée par le biais du
critère d’attribution correspondant.
Le soumissionnaire est tenu de joindre à son offre une note
spécifique relative aux considérations socioprofessionnelles
figurant dans l’objet du marché.
Remarque: quoique cela ne ressorte pas clairement du texte de
la circulaire, il est à supposer que les deux dernières
stipulations valent pour les trois solutions énumérées ci-dessus.
46
Chapitre 5 – Faculté de renforcer le respect d’exécution des clauses
sociales
Le pouvoir adjudicateur qui le souhaite, peut prévoir, dans le cahier spécial
des charges, des sanctions visant à renforcer le respect des clauses sociales.
Le non-respect des clauses doit être constaté conformément à l’article 20 du
Cahier général des charges annexe à l’arrêté royal du 26 septembre 1996.
Les sanctions qui peuvent être prévues sont une pénalité de 2% du montant
initial du marché et éventuellement, la différence entre le montant du subside
régional auquel le pouvoir adjudicateur aurait eu droit si la clause sociale avait
été respectée et le montant du subside réellement perçu.
Les mesures d’office prévues au Cahier général des charges précité sont
également applicables.
47
CONCLUSION
Le présent texte ne s’attache comme dit plus haut qu’aux critères sociaux, stricto sensu,
c’est-à-dire ceux que l’on peut qualifier de socio-économiques. Ceux qui sont relatifs à
l’insertion ou à la réinsertion dans le marché du travail de catégories de personnes
défavorisées sur ce point: il peut s’agir de chômeurs âgés, peu qualifiés, de jeunes sans
emploi, … et ceux qui sont relatifs à l’accès des petites et moyennes entreprises aux
marchés publics d’une certaine taille.
Dans l’état actuel de la réglementation et dans les limites imposées par l’Union
européenne, si on envisage les différents stades auxquels on pourrait envisager d’insérer
ces clauses sociales, force est de constater que les possibilités ne sont pas nombreuses:
A.
Pour les clauses relatives à la réinsertion de travailleurs
- Critères de sélection:
1)
2)
Critères d’exclusion voir arrêté royal du 8 janvier 1996
Critères de sélection proprement dits, mais ils doivent obligatoirement être
liés à l’objet du marché ce qui restreint fortement les possibilités car cela
signifie que l’objet du marché doit, au moins en partie, porter sur un aspect
social.
- Spécifications techniques: elles doivent également être liées à l’objet du
marché. La remarque ci-dessus est donc pertinente ici également.
- Critères d’attribution: le même lien direct avec l’objet du marché est exigé, la
même constatation doit donc être faite.
- Conditions d’exécution: le lien qui est exigé ici est celui avec l’exécution du
marché, ce qui élargit les possibilités. Il faut rappeler que les conditions
d’exécution doivent en toute transparence figurer dans les documents du marché
et ne peuvent être discriminatoires. Il est bon de rappeler que ces conditions
n’interviennent pas dans l’évaluation des offres. Elles sont imposées par le
pouvoir adjudicateur et le soumissionnaire s’engage à les respecter par la
signature de son offre. Il faudra donc veiller à ne pas imposer de conditions trop
exigeantes qui risqueraient de décourager les soumissionnaires potentiels.
B.
Pour l’accès des petites et moyennes entreprises aux marchés publics, une division
judicieuse en lots paraît être une méthode utilisable, de même qu’une transparence
et une attitude ouverte à l’égard de ce type de soumissionnaires.
In fine, la balle est dans le camp des décideurs (européens au premier chef), il leur
appartient, comme cela a déjà été le cas pour les critères environnementaux de vouloir
permettre d’intégrer une dimension sociale dans les marchés publics. Ceci ne pourra se
faire que par le biais d’une modification de la réglementation dans le sens d’un
assouplissement. Pour cela il faut qu’une volonté politique allant dans ce sens existe.
48
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