malentendus’ culturels) ne prenne pas assez en compte les dimensions spécifiques
(sociales et historiques) de cette définition de l’universalité, ni l’inscription de celle-ci
dans une histoire complexe qui font que la critique des idéaux et des applications de
l’idéologie universaliste reste néanmoins superficielle.
Un autre problème, parallèle, est que la recherche de cet universel (nouveau) est fondé
a priori, d’une part, sur la possibilité de l’accord systématique à travers la discussion
(la recherche du consensus par l’éthique de la discussion) et, d’autre part, par l’horizon
de l’unanimité des esprits raisonnables rendant ainsi théoriquement impossible
l’hétérogénéité des valeurs dans le dissentiment (si on n’est pas d’accord, c’est qu’on
n’a pas compris). Par ailleurs l’idée que les différents fonds ‘spirituels’ et religieux
constituent un nouveau paradigme pour le fondement d’une éthique universelle, est
problématique. Cette idée est la réédition d’une idée très ancienne (l’œcuménisme
théiste ou le syncrétisme spiritualiste) qui semble ignorer que les religions sont aussi
des organisations sociales (où se dégagent des logiques de domination, de lutte et de
pouvoir...) et sont aussi fondamentalement des facteurs de division et de
différenciation sociale (il est vrai que le travail mené ne se centre que sur l’énonciation
de valeurs et ne s’intéresse jamais aux pratiques).
Le problème (non abordé) devient donc quel type de discours de légitimation une
démarche interculturelle peut-elle tenir sur la nécessité de l’accord et sur les formes
que ce processus met en jeu (le dialogue, l'échange) ? Le principe de l’accord
interculturel comme critère de validation d’un travail de construction imaginaire, sur
les socles éthiques communs à toute l’humanité, ne fonde pas nécessairement la
découverte d’un universel enfin réalisé, mais confirme l’optique volontariste d’abolir
les frontières dites culturelles, à travers une forme qui les intègre, pour pouvoir les
dépasser tout en constatant silencieusement qu'il s'agit de frontières indépassables.
Un autre point développé par le travail sur les Chartes est celui de la traduction et de
ses enjeux. Sans se fonder sur les développements récents en théorie de la traduction
ou sur l’héritage de la linguistique, les discussions ont abouti toutefois à cerner les
problèmes réels de la transposition de termes et de pratiques d’une société à une autre
(ce qu'on appelle techniquement l'équivalence) ; sans réussir toutefois à lever les
problèmes prévisibles de l’existence de certaines notions intraduisibles, difficiles à
contextualiser (obstacle et projet auxquels se heurte la pratique de la traduction depuis
des millénaires). Dans certains cas donc, les efforts pour rendre toutes les acceptations
de mots tels que ‘citoyens’ ou ‘responsabilité’, ont abouti à une impasse. Mais parfois
aussi cette impasse s'est révélée d’autant plus féconde qu’elle a permis de réorienter les
efforts sur un autre registre.
Le fait que le travail sur la Charte se soit transformé au point de thématiser et de
recentrer les efforts sur la notion de responsabilité est aussi important. En effet, la
responsabilité est, avec le principe de précaution, une des deux sphères les plus
ouvertes au questionnement moral, juridique et politique actuellement. On peut
cependant regretter qu’une réflexion sur le type de transformation juridique (la
responsabilité étant avant tout un concept opératoire de nature juridique) et sur les
grandes lignes d’un droit unifié planétaire, n’ait été menée dans le cadre de la visée
normative de créer une proposition de texte pour un troisième pilier de la vie
internationale. Ce pont aurait permis de mettre en avant certains autres problèmes