Geneviève Dejoie :
Il y a des raisons historiques, « Maison ». Historiquement, la publicité n’a jamais été un canal de
communication majeur pour Veuve Clicquot : nous n’avons jamais consacré de gros budgets à la
publicité, nous communiquons essentiellement par les Relations presse. En outre, pour avoir une certaine
visibilité en publicité, et si l’on veut des résultats, il faut il faut investir au moins jusqu’à un certain seuil, sinon
la campagne passe inaperçue, et donc y consacrer des budgets importants. Ce n’est pas notre politique.
Nous sommes bien sûr aussi limités en termes d’expression par la loi Evin, mais aussi par un Code de bonne
conduite Moët-Hennessy.
Mercator : Comment se déploie la stratégie de fidélisation au « style Veuve Clicquot » ?
Geneviève Dejoie :
Nous avons une clientèle fidèle et des internautes très fidèles. Le champagne est une affaire de goût très
subjective, nos clients ont donc un rapport affectif à la marque. L’enjeu pour Veuve Clicquot n’est donc
pas seulement de fidéliser, mais plutôt de faire découvrir d’autres vins après notre Brut Carte Jaune – la
gamme Veuve Clicquot est ainsi riche en vins Vintages (champagnes millésimés) que les gens ne
connaissent pas forcément. La fidélisation chez nous s’apparente plus à de l’éducation. En effet, si
l’univers du vin est déjà complexe, celui du champagne l’est encore plus : il y a beaucoup d’informations
à communiquer sur les produits en eux-mêmes et sur l’histoire de la Maison, très ancienne (1772). Il y a une
alchimie à créer autour du produit pour conférer encore plus d’attachement à la marque.
En termes d’actions de marketing direct à destination du consommateur, notre principal outil est Internet
par lequel nous diffusons notre newsletter. On peut parler aussi du packaging que nous utilisons pour
instruire le consommateur sur les valeurs de la marque, soit directement sur l’étui, soit par le biais de leaflet
(dépliant) glissé à l’intérieur. Nous avons pris l’habitude d’y raconter une histoire, de parler de Madame
Clicquot, d’expliquer un vin, etc.
Nous menons également depuis deux à trois ans un travail de fond avec les journalistes pour obtenir des
articles non pas seulement sur les nouvelles cuvées, mais plutôt sur ce qu’on appelle des « sagas », c’est-à-
dire des articles qui parlent de l’histoire de la Maison, de Madame Clicquot. C’est un concept qui a eu
beaucoup de succès, car l’histoire de la construction des grandes maisons reste fascinante. Chez Veuve
Clicquot, cela fait d’autant plus de sens que nous avons un fonds d’archives exceptionnel, avec une
historienne dédiée à la marque. Notre histoire est une vraie valeur ajoutée pour notre Maison.
Mercator : Quelle est votre vision, pour les Maisons de champagne, du rôle actuel et futur d’Internet
comme canal de vente, de communication et de marketing relationnel ?
Geneviève Dejoie :
Le site web international veuve-cliquot.com que nous avons aujourd’hui va évoluer. Outre la présentation
des dernières innovations autour de la gamme, le site actuel dispose d’un côté encyclopédique très axé
sur l’histoire, la culture du champagne, le vignoble et les techniques de vinification spécifiques à la
marque, qui séduit particulièrement nos internautes fidèles et avides de partager les nouvelles étapes de
la saga.
Evidemment le côté « référence » du site de Veuve Clicquot n’est pas suffisamment tendance, si vous le
comparez avec les sites des marques Moët & Chandon ou de Dom Pérignon. En scénarisant campagnes
et visuels publicitaires, en valorisant les égéries de leurs marques, ces sites ont forcément un impact image
plus important. Mais Veuve Clicquot ne peut pas communiquer de cette manière-là puisque nous ne
faisons quasiment pas de publicité. Nous allons essayer d’aller vers davantage d’ « expérience Veuve
Clicquot » tout en maintenant cette dimension historique qui est très propre au style de la marque. L’une
de nos valeurs est « l’héritage inspirant » – cela signifie que notre histoire n’est pas un poids, bien au
contraire. Madame Clicquot était un personnage mythique, elle avait une personnalité hors du commun,
son audace, son sens de l’innovation sont des qualités que nous souhaitons incarner encore aujourd’hui.
Nous travaillons en étroite collaboration avec l’historienne qui participe à toutes les réflexions sur les
nouveaux produits et sur notre stratégie d’innovation, elle conseille et appuie par ses recherches les chefs
de marque sur le positionnement-produit et l’argumentaire de vente, par exemple. Chez Veuve Clicquot
plus qu’ailleurs, l’histoire nourrit les projets au quotidien.
Dans la refonte du site de Veuve Clicquot, nous allons garder le fonds documentaire qui est un patrimoine
vivant et l’enrichir notamment d’une partie sur nos innovations et sur le design. Nous avons en effet pour
tradition de faire travailler les grands designers (Emilio Pucci, Porsche Design, Karim Rashid…) que nous
allons valoriser sur le nouveau site.
En réalité nos référents aujourd’hui sont plutôt les sites des marques de luxe comme Chanel ou Louis
Vuitton, par exemple.