Certains syndromes psychiatriques paraissent porteurs de traces de l'influence de la
phylogenèse plus nettement reconnaissables que les comportements des sujets
indemnes de pathologie. Toutefois la psychiatrie n'est pas le seul domaine où
s'expriment de façon privilégiée des programmes de comportement conservés du
passé de l'espèce. Des émotions fortes et soudaines, par exemple, peuvent faire
apparaître des réactions «toutes faites
»,
non apprises et cependant adaptatives,
même si elles ne réussissent pas toujours. Il en est ainsi du « réflexe de mort
»,
que
chacun peut présenter devant un danger terrifiant - comme devait l'être la brusque
apparition d'un prédateur dans le milieu primitif - et qui est tout à fait analogue à
celui observable chez les animaux. Des exemples bien connus sont donnés par la
couleuvre, l'opossum et d'autres espèces comme le lapin, qui présentent cette
réaction d'immobilisation, parfois qualifiée, de façon assez approximative,
d'hypnose animale. L'expérience du R.P. Kircher sur la poule est largement connue.
La psychopathologie amplifie cette réaction, occasionnelle et brève chez le sujet
normal, jusqu' à réaliser le syndrome catatonique, chronique ou récidivant chez les
schizophrènes anxieux (Vieira, 1972; Gallup et Maser, 1977, Demaret, 1979; 1984).
Cette réaction repose très certainement sur un programme phylogénétique construit
à une époque lointaine de l'évolution et conservé en raison de sa valeur de survie.
La réapparition de conditions d'environnement très hostiles, comme on peut
l'observer en temps de guerre, par exemple, peut être aussi un révélateur de la
nature adaptative de certains comportements jugés pathologiques dans les
conditions de vie normale. Nous pensons à un grand nombre de comportements dits
« impulsifs
»,
tels les passages à l'acte psychopathiques, l'attrait pour le jeu,
certaines formes de boulimie, de kleptomanie, la pyromanie, etc., sur lesquels nous
reviendrons, et qui ont pu être à la base de conduites adaptatives chez les chasseurs-
cueilleurs de la préhistoire.
On doit se rappeler que les périodes pendant lesquelles se sont produites les
adaptations comportementales de notre espèce, au cours de l'évolution, représentent
une durée à proprement parler inimaginable, se comptant par millions d'années. Il
n'est guère défendable de soutenir que les programmes mis en place pendant cette
longue durée se sont effacés dans le courant des quelques derniers millénaires, en
raison de l'apparition du langage et de l'évolution culturelle qui les auraient rendus
sans fonction. Déjà la période pendant laquelle notre espèce à évolué en subsistant
de la chasse et de la cueillette, et qui représente une étape essentielle de
l'hominisation, s'étend au moins sur deux millions d'années, soit quatre cent fois la
période historique, si on estime celle-ci à cinq mille ans. Et si