La psychiatrie évolutionniste - Site Maintenance in progress

publicité
La psychiatrie évolutionniste
Albert DEMARET *
ABSTRACT
Evolutionary psychiatry
The author’s perspective is that of a naturalist and ethologist. ln this paper, he looks for
evidences of phylogenetic components inherited from evolutionary adaptive behaviours in the
etiology of psychopathological syndroms: bipolar depressions, seasonal affective disorders,
obsessive-compulsive disorders, hysterical syndrome, impulsive behaviours, eating disorders,
etc. Evolutionary psychiatry which sets present human pathological behaviour in the context
of our species past evolution and of our ancestor's adaptations to their natural environment}
leads the psychopathologist to revise certain of classic concepts in this field and resort to
some of the concepts used by the ethologists, such as territory, hierarchy, allo-grooming and
altruistic behaviour. It constitutes an invitation to reconsider the heredity of mental disorders
in the light of phylogenetic consideration. As Freud and Lorenz have always recommended,
one should not dissociate ontogeny from phylogeny in the study of human behaviour, whether
normal or pathological.
Key words: Evolutionary psychiatry, Ethology, Territoriality, Grooming, Altruism,
Mania, Depressions, Hysterical and obsessive-compulsive disorders, Eating disorders,
Adaptation, Phylogeny, Animal models, Hunters-gatherers.
La psychiatrie évolutionniste est une approche épigénétique des maladies
mentales, donnant une place importante à la phylogenèse dans l'étiologie des
syndromes et symptômes psychiatriques. Selon cette perspective, les maladies
mentales ne sont pas seulement le produit de facteurs familiaux, sociaux et
culturels, mais aussi de facteurs génétiques dont certains, loin d'être «morbides »,
sont au contraire des programmes phylogénétiques de comportements adaptatifs
hérités d'époques plus ou moins lointaines du passé de l'espèce. Elle est une
psychiatrie biologique au même titre que l'éthologie est une «biologie du
comportement» (Eibl-Eibesfeldt, 1972; Ruwet, 1969).
* Neuropsychiatre. Président de la Société Royale de Médecine Mentale de Belgique. Médecin-spécialiste des
Hôpitaux de l'Univ. de Liège. Service de Médecine psychologique et de psychiatrie dynamique (Pr. D.
Luminet).
198
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
De l'Animal à l'Homme
Les modèles animaux utilisés proviennent dans leur presque totalité de
l'observation des comportements spontanés et adaptatifs au milieu naturel. Il ne
s'agit, le plus souvent, que d'analogies avec le comportement humain, et plus
rarement d'homologies, mais ainsi qu'on va le voir, l'intérêt de ces analogies n'est
pas du tout négligeable, contrairement à ce qui est généralement affirmé. Les
analogies qui existent entre des comportements humains et animaux ne révèlent pas
de parenté phylogénétique, mais permettent de soutenir, au moins dans certains cas,
que des pressions sélectives semblables (des milieux naturels et des structures
sociales analogues) ont joué un rôle comparable sur les phylogenèses respectives,
conduisant à des ressemblances par le phénomène de « convergence ». Prudemment
interprétées, elles jettent quelques lumières sur le passé lointain de notre espèce.
Dans notre phylogenèse, le mode de vie des chasseurs-cueilleurs, pendant les
derniers millions d'années de l'évolution humaine, doit avoir laissé un maximum de
traces dans le comportement humain actuel, normal ou pathologique. Il représente
donc le modèle à privilégier dans la réflexion évolutionniste sur la biologie des
comportements humains.
L'intérêt des analogies
S'il existait encore des représentants des espèces intermédiaires entre l'homme et
l'animal, des Homo erectus, des Homo faber, des Australopithèques, et des espèces
constituant les « chaînons manquants », il ne serait sans doute pas nécessaire de
recourir aux analogies de comportements que nous offrent les espèces animales
contemporaines pour comprendre la phylogenèse de nos conduites. Et il serait plus
aisé d'établir des homologies. Mais il ne nous reste que les espèces animales
actuelles.
De la même façon qu'il a fallu se baser sur l'anatomie comparée pour reconstituer
la phylogenèse des organes ne laissant pas de fossiles, il faut recourir à l'éthologie
comparée pour reconstituer la phylogenèse des comportements. Les homologies de
programmes phylogénétiques sont a priori les plus intéressantes parce qu'elles
témoignent d'une origine commune. Elles se voient chez les primates proches, en
particulier chez les Chimpanzés commun (Pan troglodytes) et nain (Pan paniscus).
Toutefois ces espèces n'ont pas évolué dans le même milieu que l'espèce humaine,
et à ce point de vue elles ne peuvent nous donner que des indications plus limitées
que ce que l'on pourrait espérer sur la base de leur proximité génétique. Il faut donc
aussi étudier les espèces, même éloignées au plan phylogénétique, qui ont évolué
dans des milieux comparables à l'environ-
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
199
nement primitif de l'homme, une forme de savane tropicale arborée. Les Babouins
comptent parmi celles-ci. Mais des enseignements peuvent être retirés d'espèces
encore plus éloignées, par exemple de la comparaison des comportements des
ongulés solitaires et forestiers, relativement proches des ancêtres du groupe entier
des ongulés, avec ceux qui ont colonisé les savanes en formant des groupes ou des
troupeaux (Schäppi, 1979; 1981), et même de l'observation des oiseaux (Lorenz,
1989).
Ces espèces nous montrent des programmes de comportements adaptatifs à des
milieux naturels variés. Certains de ces milieux ont pu constituer à des phases
successives de l'évolution, les environnements naturels auxquels notre espèce et ses
ancêtres ont dû s'adapter également. Si des programmes analogues semblent
décelables dans les comportements «normaux» ou «pathologiques» de l'homme, on
est fondé à les considérer comme de possibles héritages phylogénétiques
d'anciennes adaptations comportementales à ces milieux, comme des témoignages
d'une phénomène de «convergence» au cours de l'évolution.
Rappelons comme exemple d'analogies au plan anatomique, la patte antérieure
fouisseuse des taupes et des courtilières. Ces analogies ne révèlent évidemment
aucune parenté entre ces mammifères et ces insectes, mais témoignent que ces
espèces ont subi des pressions évolutives comparables dans des milieux semblables.
Il en va de même pour les comportements. Pour plus de détails sur ce sujet
important, le lecteur peut se reporter à Lorenz (1974) et à Eibl-Eibesfeldt (1974).
Le thème des analogies et des homologies nous donne l'occasion de dire quelque
mots sur le sujet des pleurs et des larmes) développé par van Renynghe de Voxvrie
(1991). Psychiatres ou psychothérapeutes, quelle que soit notre empathie envers nos
patients, nous ne nous étonnons pas assez de ce comportement hautement
spécifique des pleurs que nous voyons se produire tous les jours dans nos thérapies
et de la contagion émotionnelle qu'il tend à créer. Son origine ne se découvre pas
dans les observations primatologiques, puisque même nos plus proches cousins
dans la phylogenèse ne pleurent pas. Les pleurs sont, de ce point de vue, encore
plus spécifiques de l'Homme que le rire. Les seules analogies que l'on peut faire à
propos des larmes renvoient aux mammifères marins, qui ont aussi d'importantes
glandes lacrymales, dont la fonction est d'éliminer les sels en excès. Or, l'hypothèse
d'une période de notre phylogenèse pendant laquelle nos ancêtres seraient passés
par une phase aquatique transitoire n'est pas insoutenable (Hardy, 1960; Morgan,
1972, McNaughton 1989). Elle a été desservie par les regrettables fictions et les
dangereuses applications «thérapeutiques» (par exemple naissance sous l'eau) que
certains se sont empressés de développer Mais il est défendable de faire certains
parallélismes entre quelques-unes
200
ETHOLOGIE et PSYCHIATRIE
des caractéristiques anatomiques, physiologiques et comportementales de notre
espèce avec celles de mammifères qui se sont adaptés à la vie aquatique,
notamment par la réduction du pelage et l'apparition de graisse sous-cutanée:
otaries, phoques, etc.
En ce qui concerne les larmes, l'hypothèse est qu'après avoir eu une fonction
physiologique d'élimination des sels absorbés en excès pendant cette phase de la
phylogenèse en milieu marin, complémentaire à celle du rein produisant les urines,
les glandes lacrymales surdéveloppées ont été conservées, après l'abandon de la
phase aquatique, à des fins de communication non-verbale des émotions. Il est
certain que les pleurs exercent une forte influence sur autrui et inhibent l'agressivité
(jusqu'à un certain point en tout cas).
Dans cette perspective, nous rappellerons une idée émise par D. Morris (1972),
mais qui paraît avoir été délaissée ensuite, selon laquelle les larmes auraient le
pouvoir de déclencher les soins de type parental, de la même façon que
l'écoulement de l'urine chez le nourrisson déclenche les gestes d'essuyer et de
sécher la peau inondée. On pense à l'analogie avec les canidés, le chiot parvenant à
calmer instantanément l'agressivité des adultes en colère en se jetant sur le dos et en
émettant quelques gouttes d'urine, un des comportements de type infantile auxquels
recourent les chiens dominés pour exprimer leur soumission. Si l'on pouvait confirmer un jour que pleurer a effectivement eu chez l'homme une première fonction
physiologique parallèle à celle d'uriner, il serait d'autant plus fascinant de découvrir
que l'apparition de la nouvelle fonction de signalisation s'est produite en conservant
la trace de la fonction première, réutilisant, comme c'est souvent le cas dans les
processus évolutifs, des matériaux existants pour construire du nouveau.
Comme le sourire, les larmes peuvent être un stimulus-signal inhibiteur de
l'agression. Mais comme c'est le cas pour beaucoup d'autres signaux « ritualisés »
d'apaisement, l'effet n'est pas garanti. Contrairement à ce que Lorenz a pensé, la
ritualisation des conduites agonistiques ne supprime pas tout danger de meurtre,
même chez les animaux. On connaît maintenant de nombreux exemples
d'infanticides par des mâles de différentes espèces, et notamment de primates
comme les Langurs, les Gorilles et les Chimpanzés. Nous ne pouvons développer
ce sujet ici, mais nous saisirons seulement l'occasion de suggérer que les pleurs et
les larmes révèlent peut-être aussi par leur existence la nécessité de dresser un
maximum d'inhibitions contre l'agressivité naturelle dans notre espèce. Ainsi que
nous l'avons déjà exprimé par ailleurs, notre espèce est, au plan de la biologie des
comportements, à la fois plus agressive et plus altruiste que les autres (Demaret,
1987). Les influences culturelles ne font que renforcer ou inhiber ces
prédispositions biologiques (Schäppi, 1981).
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
201
La Durée: une quatrième dimension de la Métapsychologie
Certains syndromes psychiatriques paraissent porteurs de traces de l'influence de la
phylogenèse plus nettement reconnaissables que les comportements des sujets
indemnes de pathologie. Toutefois la psychiatrie n'est pas le seul domaine où
s'expriment de façon privilégiée des programmes de comportement conservés du
passé de l'espèce. Des émotions fortes et soudaines, par exemple, peuvent faire
apparaître des réactions «toutes faites », non apprises et cependant adaptatives,
même si elles ne réussissent pas toujours. Il en est ainsi du « réflexe de mort », que
chacun peut présenter devant un danger terrifiant - comme devait l'être la brusque
apparition d'un prédateur dans le milieu primitif - et qui est tout à fait analogue à
celui observable chez les animaux. Des exemples bien connus sont donnés par la
couleuvre, l'opossum et d'autres espèces comme le lapin, qui présentent cette
réaction d'immobilisation, parfois qualifiée, de façon assez approximative,
d'hypnose animale. L'expérience du R.P. Kircher sur la poule est largement connue.
La psychopathologie amplifie cette réaction, occasionnelle et brève chez le sujet
normal, jusqu' à réaliser le syndrome catatonique, chronique ou récidivant chez les
schizophrènes anxieux (Vieira, 1972; Gallup et Maser, 1977, Demaret, 1979; 1984).
Cette réaction repose très certainement sur un programme phylogénétique construit
à une époque lointaine de l'évolution et conservé en raison de sa valeur de survie.
La réapparition de conditions d'environnement très hostiles, comme on peut
l'observer en temps de guerre, par exemple, peut être aussi un révélateur de la
nature adaptative de certains comportements jugés pathologiques dans les
conditions de vie normale. Nous pensons à un grand nombre de comportements dits
« impulsifs », tels les passages à l'acte psychopathiques, l'attrait pour le jeu,
certaines formes de boulimie, de kleptomanie, la pyromanie, etc., sur lesquels nous
reviendrons, et qui ont pu être à la base de conduites adaptatives chez les chasseurscueilleurs de la préhistoire.
On doit se rappeler que les périodes pendant lesquelles se sont produites les
adaptations comportementales de notre espèce, au cours de l'évolution, représentent
une durée à proprement parler inimaginable, se comptant par millions d'années. Il
n'est guère défendable de soutenir que les programmes mis en place pendant cette
longue durée se sont effacés dans le courant des quelques derniers millénaires, en
raison de l'apparition du langage et de l'évolution culturelle qui les auraient rendus
sans fonction. Déjà la période pendant laquelle notre espèce à évolué en subsistant
de la chasse et de la cueillette, et qui représente une étape essentielle de
l'hominisation, s'étend au moins sur deux millions d'années, soit quatre cent fois la
période historique, si on estime celle-ci à cinq mille ans. Et si
202
ETHOLOGIE et PSYCHIATRIE
l'on remonte le temps jusqu'aux premiers reptiles dont nous conservons encore des
structures cérébrales actives dans notre cerveau archaïque, selon MacLean, la durée
se chiffre à quelque trois cent millions d'années. Les psychiatres et
psychothérapeutes ne regardent pas aussi loin en arrière: la vie infantile de leurs
patients et quelques données sur celles de leurs parents et grands-parents leur suffit
comme recul. Ceux qui admettent le rôle de facteurs génétiques ne s'interrogent
guère sur l'ancienneté de ceux-ci, et l'idée que certains d'entre ces facteurs
pourraient remonter loin dans la phylogenèse, avoir un caractère adaptatif plutôt que
pathogène, ne leur est pas familière. C'est pourquoi Badcock (1990) parle de cette
prise en considération de la durée en psychanalyse comme de l'introduction d'une
quatrième dimension dans la théorie, s'ajoutant aux points de vue topique,
économique et dynamique classiques.
Les psychiatres et l'animalité
D'autre part, la nature et l'animal laissent les psychiatres assez indifférents, au
moins dans l'exercice de leur profession, excepté pour les rares d'entre eux qui se
servent d'animaux de compagnie dans leurs traitements. «Many leading
psychiatrists are urban products, knowing little of biological fundamentals »,
écrivait S. Cobb en 1958. C'est encore vrai de nos jours, même s'ils ont lu K.
Lorenz, D. Morris ou J. Bowlby. Le fait que les psychothérapeutes ne sont pas
enclins à prendre en considération le point de vue naturaliste, zoologique, dans leur
pratique, ne tient pas seulement à la conviction que le langage (verbal ou nonverbal, mais spécifique à l'homme) est le seul outil efficace de travail, mais aussi au
malaise qu'une référence à la zoologie leur paraît risquer de créer dans la relation
avec leurs patients. Beaucoup de thérapeutes semblent craindre qu'en agissant ainsi,
ils courent le risque que leurs patients en arrivent à penser qu'ils sont observés
comme des bêtes curieuses, et que leurs collègues les suspectent d'être des partisans
attardés de la théorie de la dégénérescence. Et ce à une époque où de distingués
spécialistes affirment, à nouveau, que l'homme a rompu ses attaches mentales avec
le monde animal par l'acquisition du langage et le développement de la culture.
Un travail pourtant très prudent dans ses références à l'éthologie animale, comme
celui des Tinbergen (1972) sur l’autisme infantile, proposant une méthodologie
d'approche nouvelle et incontestablement utile, n'a rencontré d'abord que de
l'indifférence et du rejet.
Cette peur de donner l'impression de revenir à une perception du malade mental
comme régressé à l'animalité ne pouvait qu'être réveillée, même si ce n'était pas du
tout son intention, par les propos de l'un des maîtres
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
203
à penser de la psychiatrie française de nos jours, Henri Ey, lorsqu'il a écrit
l'introduction à son ouvrage «Psychiatrie animale» (1964): «Nous rencontrons ici la
notion même de régression ou d'archaïsme phylogénétique des comportements
pathologiques de l'homme par quoi il est « dégénéré ». Et c'est en effet à une
conception naturaliste de la psychiatrie que ces échos d'une forme primitive de
l'évolution ... nous renvoient, comme si, au-delà des facteurs culturels de sa
condition psychopathologique, au-delà de la «horde primitive» des structures
barbares de sa préhistoire, l'homme en tombant dans la folie retrouvait les racines
animales de son existence. »
Une telle présentation de la conception naturaliste, évolutionniste de la
psychiatrie, allait à contre-courant de la pensée psychiatrique du moment:
influencée par l'anti-psychiatrie et les conceptions de Szasz sur le « mythe de la
maladie mentale ». Rien d'étonnant si la recommandation finale de H. Ey ne fut
guère suivie: «Si le psychiatre doit être un anthropologue culturaliste, il doit être
aussi, et par adéquation à l'objet de sa science, un naturaliste ». Elle ne pouvait
qu'inquiéter ceux qui, à tort, voyaient dans une telle attitude un obstacle à la
réinsertion des malades mentaux dans la société. Un article d'Ellenberger (1964)
dans le même ouvrage, sur les Jardins zoologiques et les Hôpitaux psychiatriques du
passé, devait augmenter encore leurs craintes, en montrant les ressemblances dans
l'attitude de la société envers les malades mentaux et les animaux sauvages.
Comment réussir la réinsertion sociale des patients des hôpitaux psychiatriques s'ils
donnent l'image d'être retournés à l'animalité ? Mieux vaut encore le réductionnisme
de l'explication biochimique des maladies mentales, il est plus rassurant.
La phylogenèse en psychopathologie
Les anciens aliénistes avaient moins de réticence à accepter l'idée d'une
résurgence des instincts de nature animale ou humaine primitive dans les troubles
mentaux: on n'attendait pas d'eux autre chose que de mettre les malades à l'écart, le
temps nécessaire pour qu'ils retrouvent peut-être la santé et leur «humanité»,
spontanément ou aidés par quelque traitement de choc propre à leur provoquer une
émotion salutaire. Ainsi pensaient Morel, Magnan, Lombroso, et d'autres, sans pour
autant manquer, semble-t-il, d'humanité envers leurs malades.
Les premiers psychanalystes étaient quant à eux passionnés par l'hypothèse
évolutionniste selon laquelle les comportements et les fantasmes des névrosés, des
pervers et des psychotiques étaient des survivances de la phylogenèse et de la
préhistoire de l'homme. Freud était con-
204
ETHOLOGIE et PSYCHIATRIE
vaincu que la pathologie mentale ne découlait pas seulement du passé individuel et
des expériences et fantasmes de l'enfance, mais encore, et plus foncièrement, du
passé phylogénétique de l'espèce humaine (Sulloway, 1981) .
Cette conviction profonde transparaît dans des notes éparses à travers toute son
œuvre, et surtout dans des écrits comme «Totem et Tabou », le «Moïse» et d'autres
essais. Ce «biologisme» de Freud, évidemment mal étayé en raison de sa préférence
pour Lamarck et des connaissances scientifiques encore très limitées à l'époque en
matière de biologie du comportement et de paléontologie, n'a pas manqué d'être
qualifié de spéculation fantaisiste par ses critiques et même par la majorité des
psychanalystes qui lui ont succédé et qui ont totalement délaissé cette partie de son
œuvre, la jugeant dépassée, fantaisiste, voire un peu délirante.
C'est encore de cette façon que beaucoup ont accueilli la découverte en 1983 d'un
texte écrit par Freud en 1915, qu'il avait renoncé à publier, non sans quelques
regrets, en en réalisant sans doute le caractère prématuré, trop spéculatif et
insuffisamment documenté. Il y proposait une reconstitution des étapes de la
préhistoire de l'homme sur la base de ce que donnent à voir les maladies mentales.
Ce travail devait, dans le projet initial de Freud, couronner ses Essais de
Métapsychologie. Il a été rebaptisé «Une fantaisie phylogénétique », Freud ayant
utilisé ces termes lorsqu'il y faisait allusion dans sa correspondance avec Ferenczi
(Freud, 1986). Ainsi que I. Grubrich-Simitis le prédit dans les commentaires qu'elle
donne à la publication du manuscrit redécouvert, certains ne manqueront pas de
trouver dans cette «fantaisie phylogénétique» de Freud un argument de plus pour
répudier sa métapsychologie et son biologisme: les chercheurs qui s'intéressent au
premier chef à l'aspect linguistique du processus d'interprétation et à la philosophie
du langage. En effet, de façon à première vue simpliste, Freud y expose l'idée que
les dispositions à l'hystérie d'angoisse, à l'hystérie de conversion et à la névrose
obsessionnelle ont été acquises dans la lutte contre le dénuement de l'époque
glaciaire, et que les fixations qui sont à la base de la démence précoce, de la
paranoïa et de la maniaco-dépressive tirent leur origine de la répression exercée par
le père sur les fils en prolongement du rôle de ce dénuement après la fin de l'époque
glaciaire. Du point de vue actuel sur l'évolution de l'Homme, pratiquement rien n'est
défendable de cette tentative de Freud de reconstituer la préhistoire de l'humanité à
partir de l'observation de la psychopathologie, si ce n'est l'impressionnante intuition,
chez celui qui a révélé l'importance de la période infantile dans l'étiologie des
troubles mentaux, que l'on ne peut comprendre totalement ceux-ci sans recourir
aussi à la phylogenèse.
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
205
Marie Moscovici (1989) et Catherine David (1991) ont bien saisi la profondeur
des intuitions dans la «fantaisie phylogénétique» de Freud, au-delà des évidentes
naïvetés et erreurs qui y abondent. Toutes deux réclament que l'on s'intéresse à
nouveau au Freud dit «spéculatif », qui leur paraît apporter à l'humanité un message
plus important encore que celui, plus opératoire, qui est généralement le seul retenu.
Elles montrent combien cette notion freudienne d'une mémoire archaïque de
l'espèce, transparaissant d'abord dans les troubles mentaux, mais en fait présente
chez tout être humain, fait partie de ce que la psychanalyse a de plus essentiel à
faire découvrir, et combien elle participe de ce caractère subversif qui en faisait le
prestige à ses origines et qu'elle a perdu en se technicisant et en se vulgarisant.
Sur le plan biologique, on notera même à l'actif de Freud, que sa notion de
castration, à laquelle il recourait dans cette «fantaisie» était très proche de celle que
les éthologistes ont à l'esprit lorsqu'ils parlent de « castration psychique », pour
désigner l'inhibition (réversible en règle générale) de la fonction de reproduction
d'un congénère occupant un statut hiérarchique inférieur, et qui peut s'exercer entre
mâles ou entre femelles, réduisant ces inférieurs à des fonctions d'auxiliaires à la
reproduction des dominants (Immelmann, 1990).
Les partisans des théories de la tabula rasa, successeurs de Watson, et d'autres
behaviouristes considérant que tout comportement humain est entièrement appris, y
compris ceux qui sont considérés pathologiques ne pouvaient que refuser
l'hypothèse d'une phylogenèse des comportements et, par conséquent, la psychiatrie
évolutionniste. Toutefois, une telle attitude radicale se rencontre de moins en moins
souvent (même si elle connaît des regains chez des sociologues ou des psychanalystes) depuis que l'imbrication de l'inné et de l'acquis est généralement admise,
sous forme de programmes phylogénétiques de comportements (Eibl-Eibesfeldt,
1976), ou de contraintes sur l'apprentissage (Seligman et Hager, 1972). Cette
interaction entre la phylogenèse et l'apprentissage nous paraît comparable à celle qui
existe entre les facteurs endogènes et psychogènes dans l'épigenèse des maladies
mentales. Eysenck (1979), par exemple, behaviouriste non-suspect de sympathies
envers Freud, admettait que certains troubles psychologiques, comme les phobies,
ont des bases phylogénétiques.
L'apport de Bowlby à la psychiatrie évolutionniste
A ce jour, l'étude des primates nous a donné des enseignements précieux sur
notre comportement d'attachement, ses origines, ses fonctions, sa nature, sur les
causes et les conséquences possibles de ses perturbations,
206
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
grâce aux recherches de Bowlby (1978a; 1978b; 1984), elles-mêmes inspirées par
les découvertes de Lorenz sur l'Empreinte et le Lien, et de Harlow sur les systèmes
d'affection chez le singe Rhesus. Les travaux de Bowlby réalisent une excellente
synthèse de l'éthologie animale et humaine. Ils sont maintenant suffisamment
connus et facilement accessibles pour que l'on puisse ici se limiter à en résumer les
apports essentiels à la psychiatrie évolutionniste.
Nombre de pathologies humaines ont été reconsidérées avec fruit par Bow1by,
par exemple les différentes formes d'anxiété, les phobies infantiles, les phobies
scolaires, l'agoraphobie, la peur de séparation, la peur de l'étranger, le deuil (normal
et) pathologique, etc. Elles sont apparues sous un jour nouveau par l'éclairage
évolutionniste. En les interprétant par comparaison avec les différentes formes
d'attachement observables chez les animaux d'une part, et chez les chasseurscueilleurs de la préhistoire d'autre part, Bowlby recadre cet attachement dans le
milieu primitif: le «milieu d’ adaptétude évolutionniste de l’ homme ».
L'attachement est considéré comme un comportement instinctif autonome:
l'amour n'est pas étayé sur la satisfaction des besoins alimentaires, contrairement à
l'opinion généralement admise depuis les premiers écrits psychanalytiques. La
fonction première de l'attachement est d'assurer la sécurité de l'enfant contre les
dangers de l'environnement (prédateurs, etc.), par la proximité maternelle ou
d'autres adultes, au contact desquels l'enfant apprend à explorer le milieu. Les
développements que d'autres chercheurs ont donné aux travaux de Bowlby suivent
des orientations personnelles des plus variées (Klein, 1980; Anzieu, 1985; Cyrulnik,
1989), mais l'on n'y retrouve pas toujours l'inspiration naturaliste et évolutionniste
qui en fait l'originalité principale à notre point de vue.
Les recherches de Bowlby ne s'étendent guère au-delà du thème de la pathologie
de l’attachement et de la séparation. Même si elles peuvent sans doute contribuer à
leur élucidation, elles laissent inexplorées les grandes névroses (comme l'hystérie et
la pathologie obsessionnelle), et les psychoses (comme les dépressions bipolaires,
les schizophrénies, les paranoïas, etc.) C'est dans ces voies libres que l'on peut
poursuivre la réflexion évolutionniste à partir de l'approche éthologique. On sait
aussi que Bowlby n'aborde pas le thème de l'Oedipe: il est intéressant à ce sujet de
prendre connaissance du travail de Badcock (1990), qui ne manquera pas de
susciter des réactions en sens divers, en raison de son inspiration à la fois freudienne et sociobiologique.
Le milieu naturel dans lequel Bowlby recadre l'attachement est celui où s'est
produite la fin de l'hominisation: il s'agit d'une savane arborée telle qu'elle a dû
exister en Afrique du sud-est, il y à deux millions d'années. Par rapport aux durées
géologiques et de l'évolution, cet espace de
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
207
temps est relativement court, même s'il dépasse déjà nos capacités de
représentation. C'est à cette même période terminale de l'hominisation que pensait
Freud en 1915, sans en avoir une image aussi proche de la réalité que celle que
Bowlby (1978a) nous en donne dans son premier volume. Au moment où Freud
formulait ses hypothèses, Dart n'avait pas encore découvert le premier
Australopithèque. Nous verrons plus loin comment la pensée de Freud a
probablement évolué pendant cette période de silence qu'il s'est imposée sur ses
«fantaisies phylogénétiques» après avoir renoncé à les publier dans ses Essais de
Métapsychologie.
L'apport de MacLean à la psychiatrie évolutionniste
La phylogenèse de l'homme remonte évidemment bien au-delà de ces deux
millions d'années auxquelles se limite Bowlby. Si l'on veut s'intéresser aux origines
biologiques de maladies mentales comme la maniacodépressive, la schizophrénie, la
paranoïa, les grandes névroses, etc, qui donnent l'impression d'être plus archaïques
que les troubles étudiés par Bowlby, il faut chercher, pensons-nous, plus loin dans
le temps et la phylogenèse, et étudier le comportement d'espèces animales moins
proches de notre niveau évolutif que les primates supérieurs; des lémuriens jusqu'aux reptiles. C'est ici que nous quittons le psychanalyste-éthologiste Bowlby
pour le neurophysiologiste-évolutionniste MacLean.
Quelles que puissent être les critiques que d'autres neurophysiologistes
formuleront ou expriment déjà à l'égard du schéma de la «théorie des trois cerveaux
de l'homme» ou, mieux, du «cerveau triunique» de MacLean, le mérite restera à son
auteur d'avoir su, mieux que quiconque avant lui, faire apparaître l'héritage animal
encore actif que l'évolution a laissé en chacun de nous dans nos structures
cérébrales. Au flou du terme de « cerveau archaïque », il a substitué ceux, beaucoup
plus éclairants pour la psychiatrie évolutionniste, de cerveaux reptilien, paléomammifère, (hérité des reptiles mammaliens et des mammifères primitifs), et néomammifère, représentant les grandes étapes de l'évolution des structures cérébrales
pendant près de trois cent millions d'années.
Les travaux de MacLean étant maintenant bien connus et plus facilement
accessibles depuis la synthèse qui en a été récemment publiée par R. Guyot
(MacLean et Guyot, 1990), nous nous limiterons à rappeler que MacLean situe dans
le complexe-R (le cerveau reptilien) les structures cérébrales sur lesquelles reposent
les programmes de comportements territoriaux, hiérarchiques, épigamiques
(parades), et d'autres que nous pensons retrouver à la base de beaucoup de
syndromes ou symptômes psychiatriques.
Nous insisterons sur un aspect peu connu de l'évolution des mammifères
primitifs: la longue période de leurs transformations progressives
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
208
pendant le règne des dinosaures, soit durant deux cent millions d'années environ
(Sigogneau-Russell, 1991). En effet, il est intéressant de comparer les propos
évolutionnistes de Freud en 1915 et en 1938, quelques mois avant sa mort. Il écrit
alors cette phrase étonnante, isolée parmi d'autres notes retrouvées après son décès
(Freud, 1941) : «Avec les névrosés on se croirait dans un paysage préhistorique, aux
temps du Jurassique; les grands sauriens sont toujours là, les joncs et les prèles sont
aussi hauts que des palmiers ». Il serait tout à fait injuste de suspecter Freud de
croire que les humains ont côtoyé les dinosaures; très certainement au contraire en
était-il arrivé à penser que le «roc biologique» sur lequel butte l'investigation
psychanalytique classique se situe bien plus loin dans le temps que l'époque de la
« horde primitive », c'est-à-dire chez les mammifères primitifs ou leurs
prédécesseurs, vivant à l'ombre des dinosaures du secondaire. Freud annonçait
MacLean ...
Exemples d'éclairages évolutionnistes sur
la psychopathologie
Il nous reste à illustrer la psychiatrie évolutionniste par quelques exemples. Pour
ne pas allonger cette partie, qu'en tant qu'observateur naturaliste nous préférons aux
discours théoriques, nous renverrons à notre ouvrage sur la phylogenèse et la valeur
de survie des maladies mentales (Demaret, 1979), en nous limitant à détailler
quelques-uns des domaines non abordés dans ce travail antérieur et à ajouter
quelques références intéressantes non mentionnées ou inexistantes alors.
Le psychanalyste anglais Rycroft (1972) a fait remarquer que la territorialité et le
comportement de grooming ne sont malheureusement pas représentés dans la
théorie psychanalytique des instincts. Dès les années trente, le psychanalyste
hongrois 1. Hermann, peu connu chez nous avant la première traduction en français
de ses travaux (Hermann, 1972), avait toutefois attiré l'attention sur l'intérêt du
grooming: il apparaît comme un précurseur de Bowlby. On pourrait ajouter
maintenant l'altruisme, compte tenu des travaux éthologiques des dernières années
portant sur ce sujet (Trivers, 1971; Dawkins, 1990 et beaucoup d'autres).
Nous ordonnerons nos exemples sur la base de ces trois catégories de
comportement. Nous nous excusons par avance du caractère schématique des idées
qui vont être exposées et qui mériteraient chacune de longs développements
nuancés.
La territorialité
La maniaco-dépressive.
S'il existe de nombreux modèles animaux de la dépression (Jesberger and
Richardson, 1985), dont les préférés - on devrait dire les moins
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
209
méprisés - par les cliniciens (Widlöcher, 1983) sont de ceux inspirés par les travaux
de Harlow sur la séparation, ou de Seligman sur la « learned helplessness », le
psychiatre naturaliste est frappé par le fait que tous ces modèles sont créés en
laboratoire et ne proviennent pas (celui de Harlow faisant partiellement exception)
de l'observation des comportements animaux évoluant dans la nature. De plus, en
tant que clinicien, ils nous ont toujours parus bien insatisfaisants pour donner un
éclairage éthologique sur cette maladie fondamentale qu'est la psychose maniacodépressive, rebaptisée « dépression bipolaire », et particulièrement sur la manie.
Il y a vingt ans, nous avons proposé un modèle éthologique territorial de la
manie et de la mélancolie (Demaret, 1971b; 1979). S'il n'est pas souvent repris dans
la littérature, comme d'ailleurs celui proposé par Price (1967), basé sur le
comportement hiérarchique (voir aussi Price et Sloman, 1987), cela nous paraît dû
surtout à la tendance, dont nous avons parlé plus haut, à négliger l'observation du
comportement animal spontané pour lui préférer l'expérimentation volontaire, façon
de conserver une forme de maîtrise de la nature, c'est-à-dire, en dernière analyse, de
notre propre nature. Le modèle animal conçu en laboratoire est un modèle réduit et
opératoire, qui ne remet pas en question le statut de l'homme, pas plus que les
théories biochimiques de la dépression ne semblent gêner les partisans de la tabula
rasa. Par contre l'image d'un homme, fut-il malade, encore habité par des
programmes instinctifs territoriaux hérités de son passé animal est inacceptable pour
beaucoup.
Et pourtant, pour quiconque a un regard un peu naturaliste, rien ne ressemble
plus au comportement maniaque que celui d'un animal s'installant sur son territoire,
défendant celui-ci et, pourrions nous ajouter, jouissant de son domaine.
lnversement, rien ne ressemble plus à une mélancolie que le comportement d'un
animal dépossédé de son territoire. La plus belle expérience d'éthologie que l'on
puisse faire pour illustrer ce rapprochement consiste à répéter celle de Tinbergen sur
les épinoches en aquarium. Deux épinoches mâles s'étant partagé un aquarium, il
suffit en s'aidant de cloches en verre renversées sur chacune d'elles, de les
contraindre à pénétrer dans le domaine de l'autre pour qu'elles inversent leur
comportement plein d'assurance (et même les couleurs qui le signalent) en son
contraire, et pour le retrouver aussitôt qu'elles sont ramenées dans leur territoire. On
peut donc à volonté les faire passer d'un état analogue à la manie à son contraire,
analogue à la mélancolie, en les plaçant dans leur territoire ou dans celui du
congénère.
Le caractère saisonnier ou périodique de la maniaco-dépressive s'accorde à notre
sens très bien avec la périodicité des comportements territoriaux dans la nature. Le
comportement territorial s'observe à travers presque tout le règne animal, et aussi
chez les primates; il n'y a aucune
210
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
raison de supposer qu'il ne serait pas programmé chez l'homme. On sait d'ailleurs
qu'au cours de certaines manipulations neuro-chirurgicales sur l'hypothalamus, des
personnes qui n'avaient jamais présenté d'accès maniaque ou mélancolique sont
soudainement entrées dans cet état. Delay (1946) avait déjà souligné ce fait. Tout
être humain est potentiellement un maniaco-dépressif, l'agent révélateur étant par
exemple dans un cas la prédisposition génétique à réagir aux variations de la
photopériode (dans les formes saisonnières) et dans un autre, le scalpel du neurochirurgien.
La crise épileptique, programmée elle aussi chez tout être humain sur le mode
d'une réaction critique « d'épouvante-défense », selon Cerletti, déclenchée par un
produit convulsivant ou par le passage d'un courant électrique dans la
sismothérapie, reste le plus puissant traitement biologique de la dépression
mélancolique. Dans notre modèle éthologique de la mélancolie, la convulsion
thérapeutique peut se comprendre comme un équivalent biologique de fuite hors
d'un territoire étranger. Les surprenantes guérisons après une grave tentative de
pendaison ratée, fait clinique connu, peuvent s'interpréter de la même façon, comme
un «acte consommatoire », au sens éthologique, mettant fin à un conflit hiérarchique
ou territorial par une soumission ritualisée archaïque. Dans un intéressant article,
Chance (1964) avait déjà attiré l'attention sur les fonctions adaptatives des
convulsions.
Les syndromes affectifs saIsonniers.
On connaît maintenant ces formes particulières de dépressions hivernales mises
en évidence par Rosenthal et Coll. (1984), dans lesquelles il y a ralentissement
psychomoteur, appétence accrue pour les hydrates de carbone, hyperphagie, prise
de poids, asthénie et souvent une certaine tristesse. Présents en automne et en hiver,
ces syndromes disparaissent au printemps.
L'efficacité du traitement par la lumière de ces syndromes affectifs saisonniers
(S.A.S. ou S.A.D.) révèle de façon indubitable la réactivité du cerveau humain aux
variations de la photopériode. Elle devrait aussi faire suspecter que certaines formes
de dépressions saisonnières reposent sur des programmes psycho-biologiques
apparentés à l'hibernation, même si le déterminisme de l'hibernation n'est pas
toujours clairement lié à la lumière. Cette possibilité avait déjà été suggérée par
Lange (1928) et plus récemment par Mrosovsky (1970), avant que l'on définisse le
S.A.S. Il est étonnant, aux yeux d'un psychiatre-naturaliste, que ce rapprochement
ne soit pratiquement jamais plus évoqué maintenant, sauf omission de notre part en
parcourant la littérature. Nous avons seulement trouvé une prudente allusion à cette
hypothèse comme à une voie possible de recherche, dans un travail de Kaspers et
Coll. (1989).
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
211
On sait qu'au moins une espèce de lémurien, le Chirogale (Cheirogalus medius))
présente une forme d'hibernation saisonnière, et est capable d'accumuler des
réserves de graisse à la base de la queue et aux membres inférieurs pour survivre à
cette période d'inactivité. De même le Singe écureuil mâle (Saïmiri sciurus) présente
annuellement une prise de poids liée à une mise en réserve de graisses aux épaules
et au tronc, qui a pour fonction de lui faciliter l'accès aux positions dominantes dans
les combats saisonniers pour la hiérarchie (Napier, 1985), D'autre part, c'est un fait
connu de longue date que l'on peut amener des oiseaux captifs à chanter beaucoup
plus tôt dans la saison si on les soumet à de fortes stimulations lumineuses pendant
l'hiver.
Le fait que le ralentissement dépressif dans les S.A.S. peut s'observer en été, bien
que plus rarement, n'est en aucune façon une contradiction au modèle animal de
l'hibernation pour les dépressions hivernales, car il existe un autre modèle
éthologique auquel on peut se reporter dans les formes estivales: celui de la torpeur
adaptative aux fortes chaleurs (Shallow Torpor; estivation), observable chez
certaines espèces animales vivant par exemple dans des déserts torrides (Walker
and Berger, 1980).
Les résultats thérapeutiques parfois obtenus dans les dépressions par suppression
totale du sommeil paraîtront moins paradoxaux si l'on sait que beaucoup d'animaux
hibernants sortent quelquefois de leur torpeur pendant quelques heures ou quelques
jours et présentent une activité normale plus ou moins prolongée pendant laquelle
ils réexplorent le milieu.
S'il devait se confirmer que la dépression saisonnière est bien apparentée à
l'hibernation, il y aurait là matière à humilité vis-à-vis de notre nature humaine. De
toute façon, sans nier aucunement l'intervention de facteurs psychogènes dans les
causes de cette affection, le seul fait qu'elle apparaisse ou guérisse par l'action
biologique de la lumière mérite que l'on s'interroge sur le bien-fondé d'une vision
désincarnée de l'esprit on d'un déterminisme n'ayant d'autre racines que dans le
langage.
Les troubles obsessionnels-compulsionnels,
Nous avons suggéré dans un travail antérieur que les comportements
obsessionnels et compulsionnels pourraient dériver des comportements animaux de
marquage du territoire (Demaret, 1979). L'observation comparée des gestes par
lesquels les mammifères apposent leurs odeurs et de ceux des malades présentant
des compulsions de nettoyage, de lavage, ou au contraire des phobies de contact,
fait apparaître en effet d'étonnantes analogies.
De nombreuses espèces de mammifères et les primates primitifs que sont les
lémuriens signalent leur passage ou les limites de leur territoire en déposant des
marques odorantes sur des objets plus ou moins en
212
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
évidence. Il existe de multiples formes de ce marquage, variables selon les espèces,
utilisant soit les fèces, soit les urines, soit la sécrétion de glandes spécialisées pour
cette fonction, situées en des endroits différents du corps, souvent la région anale,
parfois sur les membres, la tête, ou ailleurs encore. Bien que l'utilité de ce marquage
par les odeurs ne soit pas évidente dans chaque cas pour les observateurs, ceux-ci
relatent souvent l'insistance mise par les animaux à imprégner d'odeurs
caractéristiques de l'espèce, du groupe, du sexe ou de l'individu, soit
l'environnement, soit leur progéniture ou leur partenaire. On voit les animaux frotter
longuement et de façon répétée, voire stéréotypée, des branches, des pierres
saillantes, parfois en se nettoyant de cette façon le pelage et la peau, laissant ainsi
leur traces. Le marquage de l'environnement, du partenaire (allomarquage), l'autoimprégnation du corps propre, et la dispersion spontanée des odeurs s'imbriquent
pour laisser des traces de la présence des animaux dans leur milieu (Schilling, 1990;
Wickler, 1978). D'autre part, ils flairent les marques apposées par leurs congénères,
semblant en retirer des informations diverses sur le comportement de ceux-ci. Ces
activités se déroulent chaque jour, avec « ponctualité », le matin, le soir, ou à toute
occasion.
Ces marques odorantes donnent l'avantage à l'animal qui les a déposées de
signaler aux congénères que le territoire est occupé, ce qui peut créer une certaine
inhibition chez ces derniers s'ils y pénètrent. Mais ces traces ont en même temps
l'inconvénient de renseigner aussi les prédateurs, et de les conduire jusqu'à leur
auteur. Dès lors, certaines espèces-proies recourent à des stratégies anti-prédateur:
le Lièvre commun (Lepus europaeus) est bien connu pour brouiller sa piste. « Pour
rejoindre son gîte, le lièvre ne procède pas en ligne droite, mais d'une façon très
singulière: parvenu en vue de celui-ci, il exécute quelques sauts jusqu'à recevoir des
effluves du gîte. Il fait alors demi-tour, bondit encore, suit sa propre trace à l'envers;
il fait un grand saut de côté pour se placer parallèlement ou obliquement par rapport
à la première piste; repassant près du gîte, il revient encore en arrière en bondissant,
fait un nouveau saut de côté et continue ce manège jusqu'au moment où il juge qu'il
peut, d'un bond puissant, se blottir à l'endroit choisi.» (Koenen, in Grzimek, 1974).
Les prédateurs qui suivent à la trace les méandres de cette piste s'égarent ou sont
repérés à temps par le lièvre. Ce comportement est programmé : le petit lièvre le
présente déjà.
Evoquons maintenant le comportement, typique des sujets atteints d'une grave
névrose obsessionnelle-compulsionnelle, qui consiste à marcher avec de continuels
retours en arrière, déplacements latéraux, évitement de certains objets, passage
obligé par d'autres, arrêts et piétinements, etc. N'y a-t-il pas là d'étonnantes
ressemblances avec le comportement du
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
213
lièvre? Nous en avons assez dit sur les analogies pour que l'on ne nous suspecte pas
de soutenir une parenté entre le lièvre et l'homme obsessionnel, mais aussi pour
qu'on ne les juge pas sans intérêt. Le patient atteint de névrose obsessionnelle ne
présenterait-il pas une réactivation d'un programme phylogénétique de marquage
territorial doublé d'une stratégie de défense contre le prédateur? Ne nous dit-il pas
sa phobie de laisser des « traces », invisibles et pourtant décelables, porteuses de
dangers inconnus mais graves, et sa compulsion à toucher certains objets tout en
prenant bien garde de ne pas en toucher d'autres? «Je suis toujours suivi» ai-je plus
d'une fois entendu dire par ces malades coutumiers de ces retours en arrière, et dont
le comportement territorial semble exprimer leur besoin insatisfait d'affirmation de
soi, leur vécu d'oppression dans la société ou la famille. Le doute, l'ambivalence, le
flou de la pensée, la procrastination, la méticulosité, les manies de symétrie et tant
d'autres symptômes, ou « contre-symptômes» (baptisés formations réactionnelles),
qu'il serait trop long d'énumérer ici ne sont-ils pas la transposition au niveau mental
du conflit entre le désir de s'affirmer (en marquant son territoire ou du moins son
passage) et celui de demeurer insaisissable (par la stratégie anti-prédateur)? Qui n'a
pas noté que plus on essaye d'obtenir d'un obsessionnel ou d'un «psychasthénique»
des précisions sur ses pensées parasites, moins on y voit clair ?
Freud a noté lui-même que «l'homme aux rats », son patient atteint d'une névrose
obsessionnelle, reconnaissait dans son enfance les personnes d'après l'odeur, « tel
un chien» et que les sensations olfactives, à l'âge adulte, lui importaient plus qu'à
d'autres.
Il ajoutait que ce patient avait présenté dans l'enfance des
tendances « coprophiles» très marquées et de l'érotisme anal. Freud ne pouvait faire
de rapprochement entre l'analité et le marquage du territoire, notion encore quasi
inconnue à l'époque. Mais actuellement, l'analité, la tendance à « salir », ou la
«formation réactionnelle» à la propreté, caractéristiques des conduites
obsessionnelles» devraient être considérée en premier lieu comme l'expression des
programmes phylogénétiques de marquage par les fèces, les urines et les sécrétions
corporelles et non seulement comme le résultat d'une éducation sphinctérienne
inadéquate. Le psychanalyste B. This (1960) avait déjà pensé à cette base
biologique de l'analité, mais il ne fut guère écouté. Salir, c'est marquer directement;
nettoyer, c'est effacer le marquage d'un autre et en même temps apposer le sien.
Dans la nature, l'animal fait souvent simultanément l'un et l'autre, par exemple en se
nettoyant le pelage sur une écorce qu'il imprègne en même temps de son odeur.
Nous y reviendrons plus loin.
Les obsessionnels-compulsionnels (ancienne «folie du doute et du toucher »,
laveurs compulsifs, maniaques du nettoyage, vérificateurs, etc.)
214
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE:
auraient conservé des programmes phylogénétiques du comportement de marquage
olfactif, sans avoir conscience de leur nature, donnant lieu à divers comportements
stéréotypés qui paraissent bizarres en dehors de leur contexte naturel, aussi bien aux
patients qu'à ceux qui les observent. Par exemple, bien que cette hypothèse puisse
paraître fantaisiste, le lavage compulsif des mains pourrait avoir sa racine
phylogénétique dans le comportement de marquage par l'urine. Celui-ci est pratiqué
de façon très ritualisée (au sens éthologique), par certaines espèces de primates
(lorisidés, cébidés), qui urinent sur leurs mains en les frottant l'une contre l'autre, et
marquent ainsi leur passage dans les branchages (urine washing). On imagine
facilement la transposition de ce programme de comportement aux compulsions des
obsessionnels. Ce signal urinaire laissé par les singes est actif pendant des mois et
peut être réactivé par simple hydratation (pluies). On ne peut manquer de
rapprocher ce fait de la conviction des obsessionnels que leurs propres « traces» ou
celles des autres sont quasi indélébiles et même se propagent: tout se passe comme
s'ils avaient conservé de la phylogenèse d'étonnants souvenirs. Le sorcier hottentot
arrose de son urine les jeunes circoncis, les nouveaux mariés et les chasseurs: cette
conduite ritualisée (au sens culturel) n'est sans doute pas sans fondement biologique
non plus.
On nous opposera que le comportement de l'homme s'est affranchi de l'olfaction,
évolution déjà très marquée chez les primates supérieurs. Il serait toutefois erroné
de croire que les odeurs n'ont plus d'importance déterminante dans le comportement
humain, spécialement en psychopathologie. Freud admettait le rôle des odeurs, tout
en considérant que la répression du sens olfactif, qu'il jugeait liée à l'éloignement du
sol par l'adoption de la position verticale, était une première étape de l'évolution
vers des conduites sociales civilisées. Après lui, Brill (1932) a fait un travail
psychanalytique intéressant sur le rôle des odeurs en psychopathologie. On connaît
les travaux de Montagner (1988) et de ses collaborateurs (Schaal) sur la
reconnaissance réciproque et précoce de la mère et du nouveau-né. La sexologie, la
neurologie (Sacks, 1988), ainsi que l'éthologie humaine des sociétés «primitives» ou
«civilisées» (Eibl-Eibesfeldt, 1976) apportent de nombreux faits à l'appui de
l'importance toujours actuelle de l'olfaction dans le comportement humain. Bien que
les primates et l'homme montrent une substitution progressive de l'olfaction par la
vision (accompagnée par la disparition du vomer), cette évolution est bien moins
prononcée que chez les oiseaux, par exemple, animaux qui ne réagissent guère qu'à
des stimuli auditifs et visuels (à part certains migrateurs pour lesquels les odeurs
semblent encore un repère utilisable). Il subsiste toujours chez l'homme de
nombreuses glandes apocrines produisant des sécrétions odorantes, notamment dans
les régions axillaires et péri-anales, dont la fonction de marquage est toujours
potentiellement
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
215
intacte. Leurs sécrétions ne font que renforcer les traces odorantes que nous laissons
sur notre passage, même avec nos chaussures aux pieds, ainsi qu'un chien policier
peut facilement en donner la preuve.
Même sans déambuler dans le plus simple appareil, partout où nos pieds ou nos
mains se sont posés, partout où nous nous sommes assis ( glandes péri-anales), nous
laissons des traces. Il semble que le patient atteint de troubles obsessionnelscompulsionnels en ait une connaissance sub-consciente, en soit insécurisé et
cherche à «brouiller la piste », impression que l'on a toujours, ainsi que nous l'avons
déjà dit, lorsqu'on essaye de préciser ses phobies et ses obsessions, et que l'on se
heurte au flou de sa pensée, à ses retours en arrière, à ses lenteurs et digressions.
Tout se passe comme si le cheminement de sa pensée était à l'image de celui de sa
progression de « lièvre », comme s'il y avait mentalisation conforme à un schéma
phylogénétique de comportement.
Même si les sécrétions des glandes apocrines et sudoripares, les urines et les
fèces étaient devenues inexistantes ou inodores, il serait encore possible pour un
éthologiste de soutenir que les comportements de marquage n'ont pas
nécessairement disparu de l'éthogramme humain: en effet on sait que les schèmes
de comportement sont souvent plus stables que les caractères morphologiques (von
Cranach, 1972). Il suffit de penser à l'exemple de la réaction d'horripilation,
lorsqu'on est soumis au froid, ou en présence de stimuli effrayants, ou
enthousiasmants, alors qu'il n'est plus utile de hérisser ces vestiges de poils pour se
réchauffer ou pour impressionner (cf. le «frisson sacré de l'enthousiasme militant»
selon Lorenz, 1969; 1970, b).
Cette question de l'importance des odeurs dans le comportement de l'homme est
illustrative des deux façons opposées d'aborder la comparaison du comportement
animal et humain, aussi bien chez les zoologistes que chez les psychologues. Ainsi
Y. Leroy (1987), ne consacre que 4 pages au comportement olfactif de l'homme pour conclure qu'il n'a guère d'intérêt - sur plus des 400 de son ouvrage sur les
communications olfactives alors que M. Stoddart (1990) consacre un livre entier à
l'étude de ce comportement chez l'homme dans ses aspects biologiques spécifiques
et' culturels.
K. Lorenz (1969) avait donné de la pensée magique et de la force de l'habitude
une première explication éthologique à propos du comportement «superstitieux» de
son oie apprivoisée Martina. Nous invitons le lecteur à se reporter à cette délicieuse
histoire. Rapoport (1991) la reprend dans ses interprétations éthologiques des
troubles obsessionnels-compulsionnels, pour lesquels elle admet également
l'enracinement dans les programmes de comportement de marquage du territoire.
216
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
Les troubles schizophréniques.
Le comportement des schizophrènes n'est parfois pas éloigné de celui des
troubles obsessionnels : on y retrouve aussi des symptômes du marquage olfactif, et
même plus que chez les obsessionnels: témoins les stéréotypies, et surtout les
symptômes très régressifs présentés par des schizophrènes en phase aiguë, étalant
leurs excréments sur les murs de leur chambre, comme certains lémuriens le font
sur les branches des arbres pour marquer leur territoire. A.B. Vieira, qui a bien
étudié les aspects éthologiques des schizophrénies, développe ce sujet mieux que
nous (Vieira, 1974; 1982; 1991).
Rappelons simplement, dans la ligne de ce que nous venons d'exposer,
l'existence de « délires olfactifs de relation » (Bourgeois, 1973).
Les comportements exhibitionnistes.
La phylogenèse des primates montre, comme nous venons de le dire, une
évolution consistant dans la substitution progressive de l'olfaction par la vision dans
l'adaptation à l'environnement et dans la communication avec les congénères. Cette
évolution se marque dans les conduites de la signalisation territoriale. Ainsi, chez
plusieurs espèces de primates plus évolués que les prosimiens auxquels nous nous
sommes référé surtout pour les marquages par les odeurs, le pénis érigé sert à
l'expression de la menace territoriale à l'égard de congénères étrangers: c'est le cas
chez certaines espèces de Babouins terrestres (caractéristique des individus postés
en périphérie du groupe et que l'on appelle des «sentinelles») et chez le Singeécureuil, le « penile display » de cette espèce ayant été étudié de façon approfondie
par MacLean (1991) et Ploog, qui ont localisé les structures cérébrales qui le
commandent dans le Complexe-R, et ont montré que le petit mâle présente déjà
cette parade à l'âge de deux jours sans l'avoir apprise. Cette menace phallique dérive
sans doute de façon ritualisée du chevauchement pseudo-copulatoire de dominance.
Cette observation naturaliste ne devrait pas être ignorée ou négligée par les
psychiatres qui s'occupent des exhibitionnistes, et pourtant c'est le cas. Quand on a
entendu des exhibitionnistes parler de leur compulsion irrésistible à la récidive,
malgré les sanctions qu'ils savent inévitables, et de l’état de trouble de la conscience
dans lequel l'acte se produit, quand on sait que ces actes stéréotypés ont un caractère
saisonnier, qu'ils sont souvent répétés aux mêmes endroits et aux mêmes heures
(fait déjà noté par Lasègue), qu'ils ont donc des modèles animaux assez rapprochés
au plan phylogénétique (non seulement les Babouins mais aussi les Chimpanzés,
qui présentent souvent une érection lors de leur parade de défi), on devrait intégrer
ce modèle éthologique témoignant d'une composante phylogénétique probable dans
les explications de cette pathologie. Jones
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
211
et Frei (1979) ont bien traité de cette hypothèse et nous nous limiterons à renvoyer à
leur travail. La phobie obsédante de n'être muni que d'un pénis de taille inférieure
pourrait être analysée également sur cette base éthologique.
L'évolution de la menace phallique depuis ses origines primatologiques jusqu'à
l'homme nous paraît s'être accompagnée d'une forme de clivage partiel entre deux
composantes de dominance et de sexualité. L'expression ritualisée de la menace
dans le comportement quotidien recourt au déplacement (au sens éthologique) vers
le haut de la signalisation phallique du «membre viril» sur l'extrémité du membre
supérieur, voire la face (le nez, et ce qui nous reste de canines à exhiber dans le
rictus de menace). Le geste bien connu (différent de celui de l'indication) qui consiste à «ériger» l'index, parfois en l'agitant dans le sens antéro-postérieur, est un
premier niveau de la menace phallique ritualisée et déplacée sur une autre région du
corps; il est facilement compris par les enfants en bas-âge. La signification
menaçante devient de plus en plus explicite avec les gestes de montrer le poing, de
faire le «bras d'honneur», jusqu'à celui de brandir une arme quelconque. A l'opposé,
dans la parade militaire, le détournement de l'arme est une forme de ritualisation, à
la fois éthologique et culturelle, exprimant l'absence d'agressivité. L'arme possède
bien évidemment la valeur phallique que lui ont toujours reconnue les psychanalystes, sans parler de celle du sceptre, de la crosse, et autres bâtons signalant
un statut enviable. L'exhibitionniste, souvent peu sûr de lui, en est resté à une
ritualisation plus biologique et dont la composante sexuelle s'exprime nettement
dans le choix de ses «victimes». Celles-ci sont préférentiellement des petites filles,
auxquelles il cherche à faire peur, sans avoir de véritables intentions sexuelles ou
agressives, puisqu'il maintient toujours une distance respectable entre elles et lui. Il
est préférable qu'il en reste à cette forme biologiquement primitive d'affirmation de
soi plutôt que de recourir, comme le font certains psychopathes ou hystériques, à
l'exhibition plus dangereuse des symboles phalliques spécifiques que sont les armes
blanches ou les armes à feu. Ou de passer à des actes de violence directe.
Certaines tribus de Nouvelle-Guinée ont renforcé culturellement la ritualisation
éthologique de la menace phallique par le port d'un étui pénien d'impressionnantes
dimensions (on pourrait parler ici de stimulus supra-normal en termes d'éthologie) .
.Le lustrage ou grooming
L'onychophagie et la trichotillomanie.
Chacun connaît le comportement du grooming chez les primates, par lequel ils
s'assurent mutuellement l'entretien du pelage et en même temps
218
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
un apaisement réciproque (Sparks, 1978). Nous avons décrit ce comportement et
suggéré qu'il sous-tend un certain nombre de pathologies psychiatriques (Demaret,
1973; 1979). En particulier nous avons fait ressortir que l'onychophagie et la
trichotillomanie étaient modulées sur le programme phylogénétique du lustrage,
rapprochement qui est maintenant repris par Rapoport (1989) et ses collaborateurs,
dans leurs nombreux travaux sur le traitement psychopharmacologique des
compulsions et des tics (Léonard et ColL, 1991; Swedo et Coll. 1989). Il est en tout
cas intéressant de pouvoir donner à de tels comportements des modèles
éthologiques qui évitent de recourir à des interprétations invoquant abusivement ou
prématurément des pulsions masochistes, masturbatoires, voire auto-destructrices,
alors qu'il s'agit plus simplement d'un comportement de toilettage hérité du passé, et
qui est encore tout à fait naturel et adapté dans certaines régions du monde où l'on
s'épouille mutuellement avec plaisir et efficacité.
Les avatars du lustrage chez l'Homme.
Le lustrage chez l'homme est un de ces exemples auxquels nous faisons allusion
plus haut où un comportement est conservé plus longtemps dans l'évolution d'une
espèce que les organes anatomiques qui en sont l'objet. La disparition du pelage,
dont la cause et la fonction sont encore inexpliquées, ne s'est pas accompagnée de
l'extinction du programme du lustrage (qui conservait de toute façon comme objet
la chevelure, étonnamment développée de surcroît). Or, on sait que le temps
consacré au lustrage chez les primates est considérable, occupant une partie
considérable des « loisirs », avec pour effet une régulation des rapports sociaux.
Quels objets substitutifs du pelage disparu ont bien pu s'offrir aux premiers «singesnus» avant que le langage ne permette que le bavardage social (comme dans les
cocktails) se substitue au lustrage social, et que le tabac, l'alcool et les drogues ne
soient disponibles? Nous avons fait remarquer que les gestes du fumeur de
cigarettes reproduisent ceux du grooming, ce qui n'est peut-être pas sans importance
dans la compréhension de ce comportement et des raisons de la difficulté de s'en
défaire.
Nous formulons l'hypothèse que c'est dans cette nécessité de trouver des objets
nouveaux pour l'exercice du programme du lustrage que se sont renforcés des
comportements dont on décèle déjà l'ébauche chez les primates (utilisation d'outils)
et que sont apparues des activités spécifiquement humaines: tissage (peut-être à
partir du tressage des cheveux, rendu nécessaire par leur développement exubérant au moins chez certaines races - comme caractère spécifique); peinture (d'abord sur
le corps) tatouages et dessins (il est intéressant de considérer les gribouillis plus ou
moins structurés que l'on dessine en téléphonant à un interlocu-
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
teur intouchable que l'on veut peut-être inconsciemment lustrer); façonnage d'outils
et d'autres objets, dont ceux nécessaires pour la couture: aiguilles, poinçons, fils (et
plus tard le tricot: Vieira, 1989). Beaucoup plus récentes, l'écriture et son corollaire
la lecture, nous paraissent aussi avoir des racines biologiques dans les gestes du
lustrage. Peut-être même le cannibalisme rituel, comportement hautement
spécifique, dérive-t-il plus du lustrage que de pulsions dévoratrices ou agressives.
En effet, dans les observations qui ont été faites sur des chimpanzés ayant tué des
jeunes de leur espèce, on voit alterner des gestes de lustrage et de dévoration,
comme si la distinction entre le congénère et le non-congénère n'était pas nette
(Bygott, 1972; Demaret, 1987).
En dernière analyse, c'est par les différentes formes de travail (et par le langage)
que l'homme serait parvenu à substituer des activités nouvelles aux gestes du
lustrage, devenus sans objets, ou presque, par la perte du pelage: cette évolution
devrait intéresser aussi les ergothérapeutes, les kinésithérapeutes (très concernés par
le lustrage dans leurs techniques de massage ou de relaxation), et les
psychothérapeutes (dans une réévaluation de l'importance respective des paroles
apaisantes et des interprétations élaborées dans l'efficacité de leurs méthodes).
En tant que substituts du pelage perdu par notre espèce pour le grooming il est
évident que les animaux de compagnie tiennent une place importante, au moins
dans notre culture où les contacts physiques sont très contrôlés. Et pourtant
beaucoup de thérapeutes hésitent à interroger leurs patients à propos de leurs
animaux familiers, à s'y intéresser, par peur de les effaroucher en parlant d'animaux,
tant ce thème a été jugé infantile et régressif. L'expérience démontre cependant que
dans la majorité des cas, les patients apprécient de pouvoir s'exprimer aussi à ce
sujet, et parfois longuement, sans que l'on puisse les suspecter d'une quelconque
zoolâtrie. De plus, ces dialogues portant sur la relation avec l'animal-compagnon se
révèlent souvent un bon fil conducteur en psychothérapie (Demaret, 1976; 1977a;
Demaret et Bartsch, 1983).
De même, les références à des notions d'éthologie pour expliquer certains
comportements ou certains fantasmes sont au moins aussi bien acceptées que celles
renvoyant à des notions psychodynamiques, souvent plus inquiétantes et moins
humoristiques. Comment ne pas reconnaître d'ailleurs dans la position des
protagonistes d'une psychanalyse la reproduction de l'attitude du grooming mais
avec frustration du contact physique? On peut faire bien des associations libres à
partir de ce rapprochement!
La phobie des aiguilles: un exemple clinique.
En ce qui concerne l'éclairage supplémentaire que la prise en considération du
programme du lustrage peut apporter à la compréhension de cer-
220
ETHOLOGIE ET PSY-CniATf,i~
tains symptômes, nous donnerons un exemple de phobie obsédante assez classique :
la peur des aiguilles.
Il s'agit d'une patiente de 37 ans, mariée et mère d'un garçon de 6 ans.
Celui-ci présente brusquement un épisode respiratoire aigu et grave. La patiente
doit l'amener en urgence, en le tenant dans les bras et en cherchant à l'apaiser par
des caresses, à l'hôpital où il est immédiatement séparé d'elle et placé en
réanimation. Elle ne peut suivre les soins donnés à son enfant qu'à distance, à
travers la vitre séparant le couloir réservé aux «accompagnants» du local de
réanimation. Pendant tout ce temps, elle souffre de ne pouvoir toucher et tenir son
enfant. L'enfant est sauvé, mais on lui conseille de désormais faire disparaître toute
substance susceptible de créer de l'allergie, et elle retient l'insistance mise : «Vraiment tout! » Aussi se met-elle en devoir de retirer les moquettes, d'éliminer tous les
vêtements « avec des poils », d'expulser les animaux de compagnie, et finalement
elle s'enferme dans la maison avec l'enfant, qu'elle n'ose même plus promener
dehors, par peur d'une nouvelle crise.
Un jour elle est prise d'une soudaine angoisse à l'idée qu'elle aurait pu oublier
une aiguille dans le pantalon de l'enfant lorsqu'elle a mis ce vêtement dans la
machine à lessiver. Où l'aiguille est-elle allée? Dans les tuyaux? Ou bien est-elle
demeurée dans le pantalon? Elle vérifie cent fois celui-ci sans pouvoir se rassurer et
finit par le jeter. Mais à partir de là, elle qui était une ancienne couturière, elle n'ose
plus prendre une aiguille en main, et elle se met à vérifier partout s'il n'en traîne pas
quelque part, Y compris dans les endroits les plus invraisemblables, mais surtout
dans les vêtements, dans ses cheveux, ceux du mari ou ceux de l'enfant, ou dans la
vaisselle, d'où elles pourraient être avalées par le petit, lequel en mourrait sans
doute. En rêve, elle se voit avec des aiguilles dans la bouche, et plus elle en retire,
plus il y en a. Un jour où, pour lui laisser un peu de répit, sa mère a repris l'enfant
chez elle, il lui vient tout à coup l'image que le T-shirt de l'enfant est rempli
d'aiguilles et qu'il s'en répand partout, comme des puces qui sautent de la fourrure
d'un chien. Elle pose la «bonne question» pour un éthologue: «Pourquoi ai-je
surtout peur qu'il y en ait dans les vêtements, dans les cheveux, dans les poils? »
Il nous faudrait trop de place pour analyser ce cas en détail dans la perspective
éthologique en faisant intervenir le programme du lustrage dans le «choix du
symptôme », mais il nous paraît assez évident qu'il n'est pas possible de comprendre
ce type de pathologie sans penser au grooming. De plus, comme pour
l'onychophagie, l'approche éthologique du symptôme permet de faire l'économie
d'imaginer des hypothèses psychanalytiques faciles, par exemple que cette femme
veut inconsciemment la mort de son fils, qui aurait pu ne pas être désiré, etc. Plus
simplement, on peut pen-
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
221
ser que le programme de grooming a été activé par la détresse de l'enfant, puis plus
encore par les recommandations de faire disparaître « absolument tout ce qui a des
poils », amenant la mère à explorer continuellement ce qui tient lieu de fourrure (les
cheveux, les vêtements), à la recherche de « poils ». L'aiguille prend ici la valeur
d'un corps étranger dangereux comme peuvent l'être les échardes que les primates
lustreurs s'attachent à enlever avec soin, en se gardant bien de les avaler, à la
différence des pellicules épidermiques qu'ils découvrent et ingèrent dans une
satisfaction évidente, comme récompense de leur travail (les humains pratiquant
encore l'épouillage social ingèrent en plus les poux qu'ils trouvent, alors que les
primates en sont plutôt dépourvus).
Cette femme était probablement prise dans une situation paradoxale: il lui était à
la fois enjoint de lustrer et de ne pas lustrer, de chercher les causes de la maladie
dans les poils et d'écarter absolument tout ce qui pouvait ressembler à ceux-ci.
Comment ne pas finir par halluciner le corps étranger pathogène sous forme de ce
que le programme du lustrage prévoit de découvrir : une écharde (une aiguille) ... à
ne pas avaler. On sait que si le petit singe se plaint, la mère le prend et se met à le
lustrer à la recherche de ce qui cause la souffrance de l'enfant. C'est sans doute ce
que voulait faire cette femme, déjà pendant la réanimation de son enfant, et par
après, en « épouillant» l'environnement, l'enfant, et toute personne qui s'en
approcherait. Il n'est pas interdit d'imaginer qu'elle faisait tout cela par «formation
réactionnelle» contre des pulsions infanticides, mais cela ne nous paraît pas
probable ... Et nous pensons au contraire, bien que nous ne lui ayons pas dit en ces
termes, qu'elle préfèrerait être comparée à un mère-singe trop anxieuse que perçue
comme une mauvaise mère humaine.
Dans un autre cas de phobie obsédante que l'on nous a récemment présenté, le
patient, âgé de 30 ans, est obsédé par la pensée qu'il pourrait s'être introduit
involontairement un objet dans les cheveux, un clou, ou une pièce de monnaie, par
exemple en se passant la main dans les cheveux; que cet objet pourrait tomber dans
son assiette ou dans sa tasse, et qu'il pourrait l'avaler. Il passe donc son temps à
secouer les mains pour s'assurer qu'il n'y a pas de clou ou de pièce de monnaie
collés à ses doigts, à se peigner ou à se faire peigner par son épouse, à secouer la
tête baissée pour que tombe tout objet de métal qu'il pourrait avoir inséré dans sa
chevelure sans le vouloir.
Dans ses antécédents personnels, on retrouve d'une part une phobie de la
pédiculose, et plus récemment une phobie du tétanos et du SIDA, l'un et l'autre
pouvant se contracter, dans son esprit, par l'ingestion ou la piqûre d'un objet
métallique. Les « ingrédients» habituels des phobies
222
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
et obsessions liées au programme du grooming se retrouvent ici: cheveux, objet
effilé, pénétrant, ou susceptible d'être avalé; avec en plus la réminiscence de la
pédiculose (la pièce de monnaie collant aux doigts et aux cheveux). Rappelons que
les pathologies du grooming sont traitées avec une certaine efficacité, semble-t-il,
par la psychopharmacologie antidépressive à fortes doses (Rapoport, 1989). Cette
efficacité de certains antidépresseurs dans cette pathologie se comprend mieux si
l'on tient compte que dans les pathologies dépressives, le malade a tendance à négliger les soins corporels (incurie), c'est-à-dire l'auto-lustrage.
La référence au lustrage pourrait aussi éclairer des pathologies comme les délires
parasitaires, ou délires dermatozoïques, ou syndrome d'Ekbom (Marneros et Coll.,
1988), que certains pensent liés à l'isolement social, et qui sont en tout cas plus
fréquents dans le sexe féminin et chez les personnes âgées.
L'altruisme
Si l'on s'en tient étroitement à la théorie psychanalytique, l'altruisme peut être
réduit à des formations réactionnelles contre des pulsions fondamentales égoïstes et
agressives. En suivant tout aussi fidèlement la théorie initiale de la sélection
naturelle, il n'y aurait aucun avantage pour un animal vivant dans les conditions
naturelles à se comporter en aidant les congénères à son propre désavantage, donc
en agissant de façon altruiste, puisque cela conduirait à sa propre perte dans la lutte
pour la survie, ou à celle de ses descendants héritant des composantes génétiques de
cette prédisposition. En fait, depuis les travaux de certains chercheurs, bien
présentés entre autres dans les ouvrages de Dawkins (1989), il apparaît maintenant
assez clairement qu'il peut exister deux formes d'altruisme véritable et parfaitement
adaptatif pour ceux qui les présentent: l'altruisme réservé à la parentèle, c'est-à-dire
aux sujets apparentés génétiquement dans le groupe, et l'altruisme réciproque, basé
sur le principe qu'un service offert sera rendu, sauf tricherie (Immelmann, 1990).
Développer ce thème sur le plan théorique prendrait beaucoup trop de place, et il
nous paraît préférable de présenter tout de suite des exemples tirés de l'approche
éthologique de la psychiatrie, et dont certains ont été détaillés dans nos publications
antérieures. Précisons simplement que l'existence de comportements altruistes chez
l'animal ne réclame aucune forme de conscience ou d'intention de l'acte: il en est
d'ailleurs bien souvent de même chez les humains, la spontanéité des actes
d'altruisme, leur caractère souvent irréfléchi, voire impulsif, les faisant apprécier
plus encore par ceux qui en bénéficient.
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
223
Les troubles du comportement alimentaire.
Nous avons présenté le syndrome d'anorexie mentale chez la jeune fille comme
un exemple de comportement altruiste adaptatif au milieu naturel, analogue au
comportement des aidants à la reproduction (helpers at the nest) (Demaret, 1971a;
1977b; 1979; 1991a). Les jeunes filles boulimiques apparaissent également dans
cette perspective comme des parents-auxiliaires dont l'apport altruiste paraît lié à
l'aide à l'allaitement (nourrices). Enfin les jeunes hommes anorexiques, caractérisés
par leur comportement de coureurs compulsifs, exprimeraient le programme phylogénétique des chasseurs à la course (Demaret, 1991 b). Le syndrome anorexiqueboulimique serait donc basé sur des programmes adaptatifs à la survie des
chasseurs-cueilleurs ayant évolué vers l'hominisation dans les derniers millions
d'années.
Ce rapprochement est à notre sens intéressant à deux points de vue.
Au plan de la génétique: les composantes génétiques que l'on tend à reconnaître
maintenant dans ce syndrome (Holland, Sicotte et Treasure 1988), qui avait toujours
été considéré comme purement socio-culturel, pourraient donc être situées dans
l'échelle chronologique de l'Evolution à quelque deux millions d'années. Au plan
thérapeutique: l'anorexique serait donc fondamentalement altruiste, malgré les
apparences qu'elle donne d'être exclusivement préoccupée par son problème
alimentaire et d'image du corps, et ce changement de perspective pourrait faire
progresser certains principes des psychothérapies qui lui sont appliquées.
L'homosexualité masculine.
L'homosexualité masculine a été considérée comme un comportement altruiste
dans le milieu naturel: le sujet homosexuel ne se reproduit pas directement mais
apporte son aide aux membres du groupe auquel il est apparenté génétiquement, et
notamment à la progéniture, dont il augmente ainsi les chances de survie (Wilson,
1987). Cette stratégie contribuerait à la préservation et à la propagation des gènes
que l'homosexuel a en commun avec les membres du groupe. Ainsi s'expliquerait la
présence d'une certaine proportion d'homosexuels mâles dans la population comme
une stratégie adaptative à la «castration psychologique» imposée par les
«dominants». Cette suggestion n'a pas rencontré beaucoup d'adhésion.
Badcock (1990) va plus loin en suggérant un rapprochement avec les
comportements de «cleptogamie» (Immelmann, 1990) qui s'observent chez
certaines espèces de batraciens, reptiles, oiseaux, et mammifères, ou des mâles
«satellites» se font tolérer par le dominant puis parviennent à des «copulations
furtives» avec les femelles de celui-ci. Ces comportements n'ont pas encore été
décrits chez les primates, à notre connaissance,
224
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
bien que des coïts entre des femelles et des mâles subordonnés paraissent exister à
l'insu des dominants ou grâce à une certaine indifférence de leur part. Dans cette
perspective, l'homosexualité masculine reposerait sur un programme
phylogénétique d'hétérosexualité cryptique. Cette autre suggestion risque de se voir
encore plus mal acceptée par certains milieux que celle de Wilson. Elle est pourtant
assez séduisante au plan biologique.
Les comportements impulsifs.
Beaucoup de comportements impulsifs semblent être les formes actuelles
d'expression de programmes dont la valeur adaptative au milieu naturel et la
fonction altruiste est assez compréhensible. Les psychopathes portés au passage à
l'acte ne sont-ils pas appréciés dans les armées en temps de guerre? Précisons que
les passages à l'acte ne sont pas nécessairement agressifs et peuvent être altruistes.
Dans les conditions naturelles où les aliments ne sont pas disponibles de façon
régulière, la boulimie et l'appétence pour les substances sucrées peuvent être
adaptatives, ainsi que Lorenz (1973) l'a déjà fait remarquer. Certaines espèces de
mammifères ont développé une capacité d'ingurgiter des quantités étonnantes
d'aliments qu'ils peuvent ainsi ramener dans leur «estomac social» au gîte où ils
seront régurgités pour les jeunes et les congénères qui sont restés pour les protéger
(c'est le cas chez des canidés sociaux). Des espèces de primates, notamment certains
macaques, ont acquis des abajoues dans lesquelles ils stockent de la nourriture,
comme le font les hamsters. La kleptomanie peut elle aussi être le reflet de programmes ayant permis de survivre par le vol d'aliments en l'absence de
comportements de partage. Une autre base biologique de cette conduite dont le
«symbolisme» semble se rattacher quelquefois au désir d'enfant chez la femme peut
être en rapport avec le « vol d'enfants » qui s'observe chez les primates et d'autres
espèces. Nous avons fait mention de ces modèles biologiques à propos de l'anorexie
mentale et de la boulimie (Demaret, 1991a; 1991b).
Le jeu pathologique pourrait reposer sur des programmes phylogénétiques qui
ont pu avoir une fonction adaptative dans les activités des chasseurs-cueilleurs. La
pyromanie, tellement redoutable de nos jours, a pu être à la base, sinon de la
découverte du feu, au moins de certaines techniques de chasse puis de
défrichement, de pâturage et de culture. Les fugues de l'adolescence ont pu faciliter
la recherche de nouveaux territoires. Il vaudrait parfois mieux, devant certaines
tentatives de suicide d'adolescents, parler d'équivalents de fugues, plutôt que de
considérer les fugues comme des équivalents de suicide. Lorenz (1970a) est l'auteur
d'un intéressant travail éthologique sur l'adolescence et le conflit des générations.
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
225
L'hystérie de conversion et la
spasmophilie.
La névrose hystérique peut être considérée dans certains de ses aspects
importants comme une forme d'expression de programmes phylogénétiques
altruistes. Dans un des chapitres de notre travail sur la phylogenèse et la valeur
adaptative des maladies mentales, nous avons pris comme modèle animal de
l’hystérie de conversion (dont l'expression la plus typique est sans doute la pseudohémiplégie), la « feinte de l'aile brisée », telle qu'elle est observable chez des
oiseaux nichant sur le sol et cherchant à détourner un prédateur de l'endroit où se
trouvent leurs œufs ou leurs jeunes (Demaret, 1979). Ce comportement consistant à
attirer l'attention pour tromper le prédateur se voit aussi chez certains primates et
nous en avons trouvé une description dans Hrdy (1984), à propos d'une espèce de
Colobe, le Langur de Mentawai (Presbytis potenziani). A l'approche d'êtres humains
représentant un danger pour sa femelle et sa progéniture, le mâle adulte émet des
cris puissants et secoue violemment des branches en effectuant de larges cercles,
attirant ainsi l'attention sur lui. Il est probable que cette espèce n'a pas le monopole
de cette stratégie anti-prédateur chez les primates.
A la différence de ce qui est observé chez les oiseaux, on ne décrit pas ici de
«simulation» de blessure. Si de telles simulations étaient un jour décrites chez des
primates se livrant à une forme de jeu du « chat perché» en présence d'un prédateur,
on pourrait supposer que les individus qui prendraient de tels risques sont
génétiquement très proches de la progéniture menacée. Mais s'il s'agit des mères,
elles commenceront plutôt par se saisir de leur jeune, conformément au programme
de l'attachement, et se mettront à l'abri avec lui, cramponnés mutuellement. La base
phylogénétique de la tétanie psychogène et de la spasmophilie, dont on sait la
parenté avec la personnalité hystérique, réside probablement dans cette réaction
programmée (Demaret, 1979).
Remarquons que chez les Callitrichidae, ce sont les mâles qui portent les jeunes
(des jumeaux) la plus grande partie du temps: il n'est donc pas probable que ce soit
eux qui présentent l'éventuelle « simulation» de blessure. Celle-ci pourrait plus
facilement se comprendre de la part de femelles auxiliaires apparentées à la
progéniture menacée, surtout de femelles âgées n'ayant plus beaucoup de chances
de mener à bien une nouvelle maternité. A l'appui de cette hypothèse, nous relevons
le fait que chez l'Entelle, ou Langur Hanuman (Presbytis entellus) dont les mâles
pratiquent l'infanticide dans certaines circonstances (Hrdy, 1984), ce ne sont pas les
jeunes mères qui prennent le risque de défendre les petits contre la violence des
mâles, mais les vieilles femelles. Elles ne présenteront évidemment pas de
«simulation de blessure» en la circonstance, une telle réaction ne
226
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
pouvant en rien modifier le comportement infanticide du mâle, mais il ne nous
paraît pas exclu qu'en présence d'un prédateur, les femelles âgées, dans cette espèce
ou dans une autre, se comportent de façon à attirer l'attention sur elles. Nous
n'avons toutefois pas connaissance de tels comportements.
L'interprétation adaptative de la ménopause (Dawkins, 1990) présente ce
phénomène spécifiquement humain comme plus avantageux à partir d'un certain
âge que de nouvelles grossesses, dans notre espèce dont les enfants réclament des
soins prolongés pendant plusieurs années de la part de leur mère pour survivre dans
le milieu naturel. Parvenue à cet âge, une femme assurera mieux la survie de ses
petits-enfants en tant que mère-auxiliaire et expérimentée qu'elle ne pourrait mener
à bien une nouvelle maternité. Le maternage intense dont beaucoup de grandsmères font preuve, leur vigilance inquiète, leur tolérance accrue envers les
«caprices» des petits-enfants se comprennent assez naturellement dans cette
perspective. Bien que la ménopause soit un phénomène spécifiquement limité à
notre espèce, on lui connaît un parallèle chez les biches âgées, dites « bréhaignes »,
qui ne se reproduisent plus mais deviennent des meneuses, conduisant la harde vers
les ressources dont elles ont, semble-t-il, gardé la mémoire des emplacements et des
dangers du parcours.
A plusieurs reprises sur ce thème des modèles animaux possibles de l'hystérie,
nous avons rencontré la tendance à attirer l'attention sur soi, fût-ce au prix de courir
des dangers: cette tendance évoque la traumatophilie des hystériques, leur apparente
méconnaissance du danger, voire la «belle indifférence» des syndromes conversifs.
De même, les violentes crises d'agitation que les jeunes primates peuvent présenter
lors du sevrage peuvent aller jusqu'à leur faire courir des risques réels d'attirer des
prédateurs vers le groupe et vers eux. On a observé qu'au cours de ces paroxysmes
d'agitation et de cris, évoquant les temper tantrums décrits en pédopsychiatrie, les
petits lancent des coups d'œil dans la direction de la mère, comme s'ils voulaient
tester l'effet de leur violent «caprice », ce qui n'est pas sans évoquer ce que l'on
observe dans les grandes crises d'agitation des hystériques. Trivers (1974), a donné
de ces phénomènes du sevrage une interprétation en termes de conflit entre les
intérêts de la mère et ceux, de l'enfant, devenue classique (Schappi, 1982). Selon les
observations de Jane van Lawick-Goodall, les mères chimpanzés semblent peu
impressionnées par ces crises, ce qui contraste avec leur sollicitude habituelle
envers les enfants plus jeunes.
Une des caractéristiques du comportement hystérique chez la femme demeure un
mystère pour les hommes qui y sont confrontés: la coquetterie extrême, le
comportement séducteur en surface, voire provocant, presque
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
227
toujours suivi du refus des relations sexuelles. Si l'on prend en considération la
différence d'investissement des deux sexes dans la reproduction, et les chances de
survie de la progéniture dans le monde animal, il n'y a cependant rien que de très
naturel à ce que le sexe féminin soit programmé pour éviter autant que possible des
fécondations par des mâles trop empressés dont les qualités pourraient ne pas être
idéales. Il y a trop à perdre : grossesse, allaitement, élevage, et peut-être pour une
progéniture moins capable de survivre que celle d'autres femelles qui ont été plus
exigeantes dans leur choix du mâle. Par contre, ce dernier n'a pas grand chose à
perdre dans une copulation qui aboutit, et du point de vue de la propagation de ses
gènes, il augmente même son potentiel par rapport aux autres mâles en multipliant
ses chances. Ainsi agissent les psychopathes et les Don-Juans.
Le couple hystéro-psychopathique ne serait donc pas un pur produit de la culture
et des milieux sociaux défavorisés, mais aussi le reflet amplifié des stratégies de
reproduction différentes selon les sexes. Les variations sur ce thème biologique sont
innombrables: elles réclament de nombreuses nuances dont on trouvera une bonne
approche dans des ouvrages comme celui de Dawkins (1990) et que nous ne
pouvons développer ici.
Synthèse
Le «symptôme», dont l'intérêt a été quelque peu négligé dans la
psychopathologie moderne au profit de l'analyse des conflits sous-jacents, (en
particulier depuis la notion, par ailleurs très utile, de «symptôme offert », que l'on
doit à Balint), fait l'objet d'une attention renouvelée dans la psychiatrie
évolutionniste. En lui reconnaissant une composante phylogénétique possible, on lui
découvre en même temps une signification nouvelle, utile à la compréhension de la
nature et de l'origine des troubles présentés. Et le « choix » du symptôme devient
plus clair.
Toutefois, en raison de la fonction adaptative fondamentale des programmes
conservés par la phylogenèse, l'importance relative des différents symptômes
observés dans un même syndrome ne sera pas toujours la même que dans l'approche
médicale. Ainsi, dans l'anorexie mentale, le refus de s'alimenter est en fait, malgré
son importance médicale, un symptôme secondaire à l'altruisme. De même,
l'hypnose collective est plus fondamentale que l'hypnose individuelle (Demaret,
1984).
L'approche évolutionniste contribue donc à une révision des notions du normal et
du pathologique, et conduit à reconsidérer sous un jour nouveau des concepts
comme l'oralité (avec l'attachement et le lustrage), l'analité (avec la territorialité et
le marquage), ou des mécanismes de défense comme la formation réactionnelle (par
l'altruisme), ou encore
228
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
l'hérédité (par les adaptations phylogénétiques). Elle permet parfois une explication
au choix du symptôme, lorsqu'il apparaît que la base phylogénétique possible de
celui-ci se rattache au type de conflit générateur des troubles observés.
Ces perspectives sur la psychopathologie, rejoignant le vœu de Henri Ey que le
psychiatre soit aussi un naturaliste, intéresseront surtout les esprits déjà enclins à
recadrer les comportements humains dans le contexte des phénomènes naturels.
Toutefois, même les psychiatres les plus indifférents au monde de la nature et ne
s'intéressant qu'aux aspects linguistiques devraient prendre en considération la
phylogenèse, au moins comme ils le font avec l'étymologie pour saisir toute la
signification des mots.
Freud, à travers toute son œuvre, n'a pas cessé d'insister pour que l'on ne sépare
pas l'ontogenèse de la phylogenèse. La même insistance se retrouve dans les œuvres
de Lorenz. Ainsi le père de la psychanalyse et celui de l'éthologie peuvent-ils être
rapprochés dans l'histoire de l'étude des comportements humains. L'un et l'autre ont
certes commis bien des erreurs dans leur cheminement intellectuel, mais leurs
intuitions fondamentales demeurent sans doute parmi les plus importantes en
psychologie, et parmi les plus dérangeantes: celles de Freud plus encore que celles
de Lorenz. «Nous descendons tous d'une longue lignée de meurtriers» a écrit Freud,
tandis que Lorenz, auquel on a injustement reproché son livre sur l'Agression (qui
traitait tout autant du Lien), croyait que la ritualisation de l'agressivité était une
barrière solide contre les pulsions au meurtre. La réalité des infanticides chez les
langurs, les gorilles, les chimpanzés et d'autres espèces, d'une part, et celle des
inhibitions et des ritualisations de l'agressivité chez les espèces sociales d'autre part,
donnent en définitive autant raison à Freud qu'à Lorenz.
Le caractère dérangeant des écrits de l'un et de l'autre de ces deux grands esprits
de notre siècle tient sans doute à leur conviction que notre phylogenèse détermine
encore en partie, et à notre insu, nos comportements: «L'idée d'inconscient, son
énigme même, à laquelle nous semblons nous être apprivoisés, a peut-être
aujourd'hui pour dernier refuge de la persistance de son caractère inacceptable pour
la pensée, cette notion bizarre d'hérédité et de mémoire archaïque» (Marie
Moscovici, 1989).
Albert Demaret
Exposé introductif à la Journée d’Etudes de la Société Royale de Médecine
Mentale de Belgique sur le thème « Ethologie et Psychiatrie ». 15 septembre
1990, Hôpital Universitaire Erasme de Bruxelles.
Publié dans Acta Psychiatrica Belgica 91, 4-5, 197-231, 1991.
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
229
BIBLIOGRAPHIE
ANZIEU, D. : Le moi-peau. Dunod. Paris. 1985.
BADCOCK, Ch.: Oedipus in Evolution. Blackwell. Oxford. 1990.
BOURGEOIS, M. :L’autodysmorphophobie et le syndrome ou dé1ire olfactif de relation. Annales
médico-psychologiques, t. 2. 131° année, n° 3, 353-376, 1973.
BOWLBY, J.: L’Attachement, P.U.F Paris. 1978 (a).
BOWLBY, J : La séparation, angoisse et colère. P.U.F. Paris, 1978 (b).
BOWLBY, J.: La perte, tristesse et dépression. P.U.F:.Paris, 1984.
BRILL A.A.: The sense of smell in the neuroses and psychosis. Psychoanalytic Quarterly, 1, 7-42, 1932.
BYGOTT, J.D.: Cannibalism among wild chimpanzees. Nature, 238. 410-411, 1972.
CHANCE, M.R.A.: Convulsions dans une perspective biologique in Brion et Ey. (Ed.) Psychiatrie animale. 373-397.
Desclée de Brouwer. Paris, 1964.
CRANACH, M. (von): De l’importance de l’éthologie pour la connaissance du comportement
humain. Inform. Sc. Soc. 11 (2) 7-28, 1972.
CYRULNIK, B. Sous le signe du lien. Hachette, Paris, 1989.
DAVID, C. Préface à l’édition française de GAY, P. : Freud, une vie. Hachette, Paris, 1991.
DAWKINS, R. : Le gène égoïste. A. Colin. Paris, 1990.
DELAY, J.: Les dérèg1ememts de l’humeur. P.U.F Paris, 1946.
DEMARET, A. : Essai d’explication de l’anorexie mentale de la jeune fille dans la perspective éthologique. Acta Psychiat.
Belg. 71, 5-23. 1971(b).
DEMARET, A. : La psychose maniaco-dépressive envisagée dans une perspective éthologique. Acta Psychiat. Belg. 71.
429-448. 1971 (b).
DEMARET, A. : Onychophagie, trichotillomanie et grooming. Ann. méd-psychol t. l, 131° année, no 2, 235-242, 1993.
DEMARET, A. : Psychologie médicale et médecine vétérinaire. Ann. Méd. Vét. 120, 255-258, 1976.
DEMARET, A. : Les relations animaux de compagnie/maîtres. L’animal de compagnie. n° 5, 485-489. 1977 (a).
DEMARET, A. : La valeur de survie de l'anorexie mentale. Approche d'inspiration éthologique. Psychologie médicale. 9,
2165-2170, 1977(b).
DEMARET, A. : Ethologie et Psychiatrie. Valeur de survie et phylogenèse des maladies mentales. Mardaga. Bruxelles.
1979.
DEMARET, A.: De l'hypnose animale à l'hypnose humaine, in Chertok (Ed.). Résurgence de l’hypnose. Desclée de
Brouwer. Paris. 1984.
DEMARET, A. : L’agressivité chez les animaux et chez l'homme. Cahiers d'Ethologie appliquée. 7, (2) 1-18, 1987.
DEMARET, A. : De la grossesse nerveuse à l'anorexie mentale. Acta Psychiat. Belg. 91, 11-22, 1991 (a).
DEMARET, A. : Perspectives évolutionnistes sur l'anorexie mentale, la boulimie et la grossesse nerveuse. Comm. au
Symposium International de Paris 17 au 19 avril 1991 sur le thème: Eating Disorders. 1991(b). A paraître.
DEMARET, A. et BARTSCH, P : Utilité et nocivité des animaux de compagnie. Rev. Méd. Liège. 38. n° 8. 306-315
1983.
EIBL-EIBESFELDT, I.: Ethologie: biologie du comportement. Naturalia et Biologia. Editions scientifiques. Paris, 1972.
EIBL-EIBESFELDT, I. : Universaux du comportement et leur genèse, in Morin et Piatelli-Palmarini (Eds.) L’Unité de
l'Homme, Seuil, Paris, 1974.
EIBL-EIBESFELDT, 1.: L'Homme programmé. Flammarion, Paris, 1976.
ELLENBERGER, H.F : Jardin zoologique et Hôpital psychiatrique. in Brion, A. et Ey, H.:
Psychiatrie animale. 559-578. Desclée de Brouwer, Paris, 1964.
EY, H.: Le concept de «Psychiatrie animale », in Brion, A. et Ey, H.: Psychiatrie animale. 11-40.
Desclée de Brouwer. Paris, 1974.
EYSENCK, H.J. La névrose et vous. Mardaga, Bruxelles, 1979.
FREUD, S. : Vue d'ensemble des névroses de transfert. Gallimard, Paris, 1986.
FREUD, S. : Ergebnisse, Ideen, Probleme. (Findings, Ideas, Problems, in posthumous works, 1938). G.W. 17. 149-152,
1941.
GALLUP, G.C., MASER, J.D.: Tonic Immobility/Evolutionnary Underpinnings of Human Catalepsy and Catatonia. In
Maser, J.D. and Seligman, M.: Psvchopathology : Experimental models. 334-357. Freeman. San Francisco. 1977.
GRZIMEK, B. (Ed.): Le Monde Animal. Tome 12. Stauffacher, Zurich. 1974.
230
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
HARDY, A.: Was man more aquatic in the past? New Scientist. 7. 642-5. 1960.
HERMANN, I.: L'instinct filial. Denoël, Paris, 1972.
HOLLAND, A.J.; SlCOTTE, N.; TREASURE, J.: Anorexia nervosa: evidence for a genetic basis.
J. Psychosom. Res., 32, 561-571, 1988.
HRDY, S.B.: The woman that never evolved. Harvard Univ. Press. Cambridge. Massachusetts. (1981). Trad. franç. : Des
guenons et des femmes. Tierce. Paris, 1984.
IMMELMANN, L : Dictionnaire de l'éthologie. Mardaga. Liège-Bruxelles, 1990.
JESBERGER, J.A., RICHARDSON, J.S.: Animal Models of Depression: parallels and Correlates to Severe Depression in
Human. Biol. Psychiatry, 20, 764-784, 1985.
JONES, LH; FREI, D.: Exhibitionnism - A biological hypothesis. Br. J. Med. Psycho!. 52, 63-70, 1979.
KASPERS, S.; WEHR, T.A.; BARTKO, J.J.; GAIST, P.A.; ROSENTHAL, N.E. : Epidemiological Findings of Seasonal
Changes in Mood and Behavior. Arch. Gen. Psychiatry, 46, 823-833, 1989.
KLEiN, D.F.: Anxiety Reconceptualized. Compr. Psychiatry, 21, 411-427, 1980.
LANGE J.: Die endogenen und reaktiven gemütskrankheiten und die manisch-depressive konstitution. in BUMKE:
Handbuch der Geiteskrankheiten (Bd. 6) Springer. Berlin. 1928.
LEROY, Y.: L'univers odorant de l'animal. Boubée, Paris, 1987.
LEONARD, H.L.; LENANE, M.G.; SWEDO, S.E.; RETIEW, D.C.; RAPOPORT, J.L. : A double-blind Comparison of
Clomipramine and Desipramine Treatment of Severe Onychophagia (Nail Biting). Arch. Gen. Psychiatry, 48, 821827, 1991.
LORENZ, K.: L'Agression. Une histoire naturelle du mal. Flammarion, Paris, 1969.
LORENZ, K.: The Enmity between Generations and its probable Ethological Causes. Studium
General, 23, 963-997, 1970(a).
LORENZ, K. : Essais sur le comportement animal et humain. Seuil. Paris, 1970(b).
LORENZ, K.: Les huit péchés capitaux de la civilisation. Flammarion, Paris, 1973.
LORENZ, K.: Analogy as a source of knowledge. Les Prix Nobel en 1973. The Nobel Foundation, 1974.
LORENZ, K. : Les Oies cendrées. Albin Michel. Paris, 1989.
MacLEAN, P.D. et GUYOT, R.: Les trois cerveaux de l'Homme. Laffont. Paris. 1990.
MARNEROS, A. ; DEISTER, A. ; ROHDE, A. : Delusional Parasitosis. Psychopathology, 21,
267-274, 1988.
McNAUGHTON, N.: Biology and emotion. Cambridge University Press. Cambridge. 1989.
MONTAGNER, H.: L'Attachement : les débuts de la tendresse. O. Jacob, Paris. 1988.
MORGAN, E.: The Descent of Woman. Stein & Day. New York, 1972.
MORRIS, D. : Le Couple nu. Grasset. Paris, 1972.
MOSCOVICI, M. : Il est arrivé quelque chose. Ramsay. Paris, 1989.
MROSOVSKY, N.: Regulatory extremes in hibernators and hibernation-like symptoms in man.
J. Psychosom. Res. 14, 239-246, 1970.
NAPIER J.R.; NAPIER, P.H.: The natural history of the primates. British Museum (Natural History). Cambridge Univ.
Press. Cambridge. 1985.
PRICE, J.S.: The Dominance Hierarchy and the Evolution of Mental Illness. Lancet, ii.
234-246, 1967.
PRICE, J.S and SLOMAN, L. : Depression as Yielding Behavior : An Animal Model Based on
Schjelderup-Ebbe's pecking order. Ethology and Sociobiology, 8, 85S-98S. 1987.
RAPOPORT, J.: La biologie des obsessions. Pour la Science, N° 139, 22-29. Mai 1989.
RAPOPORT, J.: Le garçon qui n'arrêtait pas de se laver. O. Jacob Paris. 1991.
RENYNGHE de VOXVRIE, (van), G.: Le rire et les pleurs, comportements spécifiques de l'Homme. Acta Psychiatr.
Belg., 91, 279-294, 1991.
ROSENTHAL, N.E.; SACK, D.A.; GILLIN, J.C.; LEWY, A.J.; GOODWIN, F.K.; DAVENPORT; Y., MUELLER P.S.;
WEHR, T.A.: Seasonal affective disorder: a description of the syndrome and preliminary findings with light therapy.
Arch. Gen. Psychiatry. 41. 72-80, 1984.
RUWET, J.C.: Ethologie: biologie du comportement. Dessart-Mardaga. Bruxelles, 1969.
RYCROFT, Ch.: Dictionnaire de Psychanalyse. Hachette. Paris, 1972.
SACKS, O. : L'homme qui prenait sa femme pour un chapeau. Seuil. Paris, 1988.
SCHÄPPI, R. : Un psychiatre face à l'éthologie. Arch. Psychol, 47, 61-84, 1979.
SCHÄPPI, R.: Quelques apports récents de l'éthologie à l'étude de l'agressivité. Arch. Suisses de Neurol., neurochir. et de
Psych. 129. (1) 105-118, 1981.
SCHÄPPI, R. : Le modèle éthologique de la relation mère-nourrison. in BRAZELTON et Coll. :
La dynamique du nourrisson. 102-134. E.S.F. Paris, 1982.
SCHILLING, A.: Communications par signaux chimiques chez les prosimiens, in ROE DER and ANDERSON (Eds.):
Primates. Recherches actuelles. Masson. Paris. 1990.
SELIGMAN, M.E.P.; HAGER J.L.: Biological Boundaries of Learning. Appleton-Century-Crofts,
New York, 1972.
SIGOGNEAU-RUSSEL. D.: Les mammifères au temps des dinosaures. Masson, Paris. 1991.
ETHOLOGIE ET PSYCHIATRIE
231
SPARKS, J. : L'allolustrage chez les Primates. Recension. in MORRiS, D. (Ed.): L'éthologie des
Primates. Edit. Complexe. Bruxelles, 1978.
STODDART, D.M.: The Scented Ape. Cambridge Univ. Press, 1990.
SULLOWAY, F.J. : Freud, biologiste de l'esprit. Fayard. Paris, 1981.
SWEDO, S.E.; RAPOPORT, J.L.; LEONARD, H.; LENANE, M.; CHESLOW, D. : Obsessive-Compulsive Disorder in
Children and Adolescents. Arch. Gen, Psychiatry, 46. 335-341, 1989.
THIS, B. : La Psychanalyse. Science de l'homme-en-devenir. Casterman. Tournai, 1960.
TINBERGEN, E.A.; TINBERGEN N : Early childhood autism : An ethological approach. Paul Parev,
Berlin und Hamburg. 1972.
TRIVERS. R.L.: The evolution of reciprocal altruism. Quarterly Review of Biology. 46, 35-57, 1971.
TRIVERS, R.L.: Parent-offspring conflict. American zoologist. 14. 249-264, 1974.
VIEIRA, A.B.: De la Noogenèse de la Catatonie: pour une esquisse d'Anthropologie Phénoménologique. Evolut. Psychiat.
37, 657-692. 1972.
VIEIRA, A.B.: De l'évolution de la schizophrénie considérée comme un conflit territorial.
Acta Psychiat. Belg. 74, 57-79, 1974.
VIEIRA, A.B.: Ethologie et Psychiatrie. Phylogenèse des comportements et structures des psychoses. Evolut. Psychiat. 47,
999-1017, 1982.
VIEIRA, A.B.: Les modèles éthologiques animaux et la psychopathologie humaine. in LEROY.
C. (Ed.): Comportements et Communication. 91-98. Medsi/McGraw-Hill. Paris, 1989.
VIEIRA, A.B.: Pour un modèle éthologique des psychoses endogènes. Acta Psychiat. Belg. 9l. 232-242, 1991.
WALKER, J.M. and BERGER, R.J.: Sleep as an Adaptation for Energy Conservation Functionally Related to Hibernation
and Shallow Torpor. Prog. Brain Res. 53, 255-258, 1980.
WICKLER, W.: Les signaux socio-sexuels et leur imitation intra-spécifique chez les Primates in MORRIS (Ed.).
L'éthologie des primates. Edit. Complexe, Bruxelles, 1978.
WIDLÖCHER, D. : Les logiques de la dépression. Fayard. Paris, 1983.
WILSON, E.O.: La sociobiologie. Le Rocher. Paris, 1987.
Téléchargement