Les origines de la puissance américaine L’effondrement de l’URSS et du bloc soviétique place les Etats-Unis en position de centralité planétaire avec 9,3 km² de superficie, le premier PIB mondial, le rang de première puissance économique, militaire, commerciale, une place prédominante dans les instances internationales … Ainsi il est légitime de s’interroger sur les origines géopolitiques de la puissance américaine. Le concept de puissance implique une distinction énoncée par Spinoza entre la potentia, la puissance naturelle et physique, et la potestas, le pouvoir qui contribue à définir un type de rapport par la médiation d’une force ou d’une main mise. En géographie, le mot pouvoir est réellement apparu dans les années 70-80 comme objet transitionnel pour accéder à l’espace politique. Ainsi «pouvoir» définit une puissance (potentia) structure un rapport et consiste en une pratique dont résulte un ordre, une contrainte, un contrôle (potestas). Ceci nous amène à considérer deux outils de puissance américaine en relation constante: la continentalité et l’impérialisme. En effet le rôle des Etats-Unis dans le monde dépend étroitement de leur capacité à maîtriser leur territoire: l’organisation spatiale du territoire aura une influence immédiate sur la place de l’Etat au niveau mondial. Il y a une mise en relation constante des pratiques spatiales intérieures et de leurs prolongements extérieurs. Ainsi cette puissance multiforme qui s’étend sur le monde trouve sa dynamique dans l’extraordinaire capacité du peuple américain à découvrir, organiser, exploiter les potentialités d’un territoire immense et peu occupé dont il s’est accaparé. Les Etats-Unis d’Amérique semblent exercer une régence sans partage sur les affaires du monde. Ils dominent la scène mondiale par leur richesse, leur armée, leur diplomatie, leur culture tant et si bien qu’ils s’imposent comme puissance américaine et non comme puissance étasunienne, ils appliquent leur hégémonie sur le continent américain jusque dans le sens des mots. Comment s’articule cette dialectique « continentalité-impérialisme » autour de la puissance américaine et quelles en sont les composantes? I) Une gestion du territoire efficace qui fait de la maîtrise de l’espace national l’instrument déterminant de la puissance mondiale Ou comment la continentalité devient-elle potentia ? A) Territoire, population et puissance 1) Les atouts du territoire: un milieu naturel qui, bien que contraignant, offre d’immenses capacités 2) Un pays «ouvert»: une grande diversité ethnique couplée d’une mentalité pionnière B) La maîtrise et l’organisation spatiale du territoire 1) Un réseau de transports exceptionnels qui assure une maîtrise globale du territoire 2) De nouvelles dynamiques façonnent le territoire 3) Une division tripartite du territoire La continentalité, facteur de puissance, a conduit les Américains à un impérialisme exacerbé. II) Une puissance multiforme dont le champ d’action est le monde et la chasse gardée le continent américain Ou comment l’impérialisme est-il révélateur d’une potestas sans égale ? A) Le centre d’impulsion mondial 1) Le moteur incontournable de l’économie mondialisée 2) L’arbitre des enjeux internationaux 3) Un espace culturel global, fruit du soft power américain B) Les éléments de la potestas américaine 1) Première puissance industrielle, agroalimentaire et prestataire de services 2) Le dollar, instrument de la puissance américaine 3) La matière grise et l’innovation Cette extension de la puissance à la planète doit être mise en rapport avec la capacité inégalée de cette nation à découvrir, occuper, encadrer, valoriser et exploiter un territoire considérée à l’origine comme une terre nouvelle, inoccupée, inexploitée mais disposant d’un large potentiel. Face à ce potentiel les Américains se sont forgés des instruments performants qui ont assuré leur domination sur l’espace national qu’il s’agisse du cadre institutionnel, de l’aménagement des territoires, des découvertes scientifiques et des innovations techniques. Ces instruments leur ont ainsi ouvert les champs immenses de la maîtrise de l’espace, perçu comme une extension naturelle de leur espace national. S’implanter à l’extérieur des frontières pour y acheter, vendre, produire illustre la dilatation impériale des Etats-Unis. La potentia étasunienne est donc proportionnelle à la capacité à tirer profit des atouts du territoire. La potestas américaine souligne quant à elle l’attractivité du pays et son pouvoir de commandement à l’échelle internationale dans de nombreux secteurs stratégiques. L’ensemble des éléments qui sont à l’origine de la puissance américaine ne doit toutefois pas faire oublier les limites à l’hégémonie américaine. En effet, la stratégie du libre-échange a entraîné d’importantes fractures sociales et géographiques et l’abandon de pans entiers de l’industrie nationale. Par ailleurs, le modèle américain demeure très contesté, tant sur le plan intérieur (difficile intégration des minorités) qu’extérieur (critiques de l’unilatéralisme et de l’impérialisme américain). Enfin, il faut rappeler à quel point l’économie américaine est dépendante de ses créanciers, ce qui témoigne de sa fragilité latente. Le géant américain ne constituerait-il donc pas finalement un colosse aux pieds d’argile ? Bibliographie : ALLMANG Cédrick, Petites leçons de géographie, Paris, PUF, 2001 KISSINGER Henry, La nouvelle puissance américaine, Paris, Fayard, 2003 LEVY Jacques., LUSSAULT Michel, dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003 NOUAILHAT, Y.H, Les Etats-Unis, L’avènement d’une puissance mondiale, Paris, Editions Richelieu, 1973 STECK Benjamin, La puissance américaine, Paris, Ellipses, 1994 VILBOUX Nicole, Les stratégies de la puissance américaine, Paris, Ellipses, 2002