
nécessité : le substantif est la tête (le noyau) du GN la plus grande nécessité du monde, GN
du GPrép. Dans… (l.5-6). L’expansion adjectivale du N est au superlatif, et le GN est ainsi
pleinement déterminé par le groupe adjectival superlatif (et la).
En ce qui concerne la série lexicale nécessité, nécessaire, nécessiteux, nécessiter, telle qu’elle
fonctionne en français contemporain , il est légitime de privilégier une analyse synchronique.
C’est ce que fais le Robert méthodique (1982), avec l’entrée NECESS- ainsi définie « élément
qui signifie « être inévitable, indispensable » », regroupant les différents dérivés « en
éventail » construits à partir de cette base commune. En ce cas, l’adjectif dérivé nécessaire est
motivé par rapport au substantif nécessité, comme l’est l’autre dérivé adjectival nécessiteux.
Mais dans un texte de français classique, c’est l’héritage du latin qui est retenu, situant le
substantif en relation avec necessitas (-atem), et l’adjectif avec necessarius (-um) ; en
revanche nécessiteux est un construction française, en l’occurrence une dérivation adjectivale
d’une base nominale. Le suffixe –EIX, -EUSE est ainsi défini par le Robert Méthodique en ce
qui concerne le morphème de dérivation adjectivale : « élément d’adjectifs et de noms qui
indique une qualité ou une propriété […] associé à une base nominale (aventureux, -euse,
silencieux-euse) ».
Le substantif a au XVIIème siècle deux sémèmes (= polysémie), l’un organisé par le trait
incluant [+ matériel], l’autre par le trait incluant [+ abstrait].
Les traits [+ matériel], [+ besoin] développant le trait lexical [+ concret] organisent le sémème
du substantif dans le texte, fréquent en français classique, ainsi glosé « besoin, disette… être
en nécessité, être dans le besoin ». Le dictionnaire historique (Robert) pose que « le premier
sens de nécessité est celui de « misère, pauvreté », réalisé dans la locution être en nécessité ».
Le second comporte le trait [+ obligation]. Ajoutons que « le Pauvre » glose sa première
assertion (l. 5-6) dans sa réplique suivante (l. 9-10) Je vous assure, Monsieur, que le plus
souvent je n’ai pas un morceau de pain à me mettre sous les dents, et la reprise finale (l. 22)
j’aime mieux mourir de faim.
soins : substantif tête (noyau) du GN Prép tu es bien mal reconnu de tes soins (l. 11-12).
Etudié dans le Dictionnaire historique… dans l’article Soigner, soin est ainsi défini : « Il a à
l’époque classique le sens de « souci, inquiétude » (XVème s.) d’où avoir soin de qqn au sens
disparu de s’inquiéter pour qqn » (1677) […] Soin désigne notamment l’occupation, la charge
qu’a une personne de veiller à qqch, valeur toujours vivante. » Le dictionnaire de la langue
classique signale plusieurs équivalents : »Attention, intérêt porté à qqn ou à qqch, part. au
pluriel, Assiduités, marques de dévouement à la personne aimée, Démarche zélée, effort,
Tâche, mission, Souci, préoccupation, Occupation » et sa restriction de sens en français
contemporain.
Dans le texte, le mot est employé par Dom Juan, avec reprise anaphorique de ton occupation
(l. 1) et des réponses du Pauvre (3 répliques). On retrouve ici encore la polysémie entre un
sémème à trait lexical [+ abstrait] (attention, souci) et un sémème à trait [+ concret] (tâche,
occupation), avec relations métonymiques entre les deux. S’il est habituel de proposer en
français contemporain l’équivalent souci pour soin, le pluriel du mot accentue le trait [+
concret] et cette équivalence ne rend pas compte de la polysémie. De plus, il convient de
rappeler que ces soins consistent à prier le Ciel tout le jour, ce qui tend à impliquer le trait [+
abstrait] et contextuellement [+ religieux]. Le problème sera repris dans l’analyse stylistique.