LA GUERRE FROIDE (1947-1989) : UNE SERIE DE CONFLITS ENTRE LES DEUX GRANDS Les origines Les Etats-Unis redoutent l’influence communiste en Europe occidentale (France et Italie) et s’opposent à l’intention de l’URSS de créer une zone d’influence progressivement satellisée en Europe de l’est. C’est pourquoi ils engagent la mise en place d’un dispositif destiné à l’endiguement (« containment ») du communisme. Le détonateur de la GUERRE FROIDE est la situation en Grèce ou la guérilla communiste menace le gouvernement monarchiste soutenu par la Grande-Bretagne. Le 12 mars 1947, le président TRUMAN demande une aide au congrès pour la Grèce et la Turquie et annonce un secours financier et militaire américain à tout gouvernement désireux de lutter contre le communisme. C’est la doctrine Truman. Le 5 juin 1947, dans le prolongement de la doctrine du « containment », le général MARSHALL propose une aide économique en plus de l’aide militaire, à tous les pays européens dont l’économie a été ruinée par la guerre. Les pays de l’est ne sont pas exclus, mais les conditions mises par les Etats-Unis entraînent leur refus. Le plan Marshall permet à l’Europe d’assurer sa reconstruction. Il permet aussi d’écouler les surplus américains. La réplique soviétique ne se fait pas attendre. En septembre 1947 est créé le KOMINFORM (bureau d’information des partis communistes), qui s’inspire du rapport JDANOV : pour cet officier soviétique, le monde est divisé en deux camps et dans la lutte qui les oppose, nul ne peut rester sans choisir. Des crises importantes : 1945-1953 A partir de 1947, le monde prend conscience du risque d’une troisième guerre mondiale. Deux crises majeures touchent, en 1948, l’Europe centrale. * Tchécoslovaquie (février 1948) Les communistes sont solidement implantés dans le pays (40% aux élections de 1947) et dirigent un gouvernement de large union. Mais les difficultés économiques créent une scission dans le gouvernement qui provoque une crise de régime. Le parti communiste et les syndicats font appel aux milices ouvrières. De grandes manifestations contraignent le président à former un nouveau gouvernement à majorité communiste. Ceux-ci prennent donc le pouvoir sans effusion de sang, mais par la force. C’est ce que l’on a appelé le « COUP DE PRAGUE ». Par cette action, l’URSS complète son glacis en Europe de l’est. *BLOCUS DE BERLIN (juin 1948-mai 1949) C’est en Allemagne que va se dérouler le premier affrontement d’envergure de la Guerre Froide. En juin 1948, les trois occidentaux se réunissent et décident de l’unification de leurs zones d’occupation, l’élection d’une assemblée et l’institution d’une monnaie commune : le DEUTSCHMARK. Les soviétiques répondent en fermant le trafic terrestre entre Berlin et les trois zones occidentales. Les américains ripostent en organisant un pont aérien qui va fonctionner pendant un an. Le blocus ayant échoué, Staline n’insiste pas. Les américains poussent à la création d’un état ouest-allemand ( 8 mai 1949). Konrad Adenauer devient le premier chancelier de la République Fédérale d’Allemagne (RFA). En riposte, la zone soviétique devient le 7 octobre 1949 la République Démocratique Allemande (RDA). Suite à tous ces événements, les occidentaux signent le TRAITE DE L’ATLANTIQUE NORD (4 avril 1949) à Washington : Etats-Unis, Canada et 10 états européens (France, GB, Italie, Danemark, Norvège, Islande, Portugal, Bénélux). En 1950 est mise en place l’ORGANISATION DU TRAITE DE L’ATLANTIQUE-NORD : OTAN, qui place l’Europe sous la protection du « parapluie nucléaire » américain . Face à ces surenchères, l’opinion publique s’inquiète. En 1950, l’appel de Stockholm, lancé par le mouvement mondial de la paix pour l’interdiction de l’arme atomique reçoit des dizaines de millions de signatures en Europe occidentale. *Victoire communiste en CHINE (1949) Le gouvernement nationaliste de TCHANG KAI TCHEK perd pied face aux communistes de MAO TSE TOUNG, qui appuyés par les paysans prennent le pouvoir. Le 1er octobre 1949, à Pékin est proclamée la République Populaire de Chine. Les nationalistes doivent se réfugier à Taïwan. Un traité d’assistance et d’amitié mutuelle est conclu entre l’URSS et la Chine de Mao. Le camp socialiste s’étend de l’Elbe au Pacifique, il dispose de l’arme nucléaire. C’est pourquoi les Etats-Unis décident d’étendre à l’Asie la politique de containment, et ne reconnaissent que le gouvernement de Taïwan comme représentant légal de la Chine à l’ONU. Ils font du Japon la sentinelle du « monde libre » , car les mouvements insurrectionnels se multiplient dans la région(Vietnam, Corée). *Guerre de Corée (1950-1953) Deux zones d’occupation autour du 38ème parallèle (soviétique et américaine). La victoire des communistes chinois encourage les nord-coréens, communistes, à envahir le sud. Les EtatsUnis interviennent et font décider par l’ONU (que l’URSS boycotte) l’envoi d’une force armée internationale. La guerre dure trois ans, et les chinois interviennent aux côtés des nord-coréens. Finalement l’armistice consacre la paix sur la base des frontières antérieures au conflit. La guerre de Corée donne à la Guerre Froide une dimension mondiale. En Asie, les Etats-Unis renforcent leurs alliances. Après le retrait de la France en Indochine et la partition de la péninsule en deux Etats, ils accordent leur soutien au Vietnam du Sud. La course aux armements est relancée. En Europe, les occidentaux proposent le réarmement de l’Allemagne Fédérale dans le cadre d’une Communauté Européenne de Défense (CED). Dégel ou détente ? (1953-1956) Après la mort de Staline (1953), on assiste à un dégel des relations internationales : -armistice en Corée -reconnaissance de la RFA par l’URSS -dissolution du Kominform Mais un peu partout dans le monde, les tensions demeurent vives (Moyen-Orient, Amérique Latine, Europe). En Europe, la décision de réarmer la RFA provoque la signature du PACTE DE VARSOVIE par les pays de l’est. Et en 1956, deux crises attestent de la fragilité de la détente. SUEZ En Egypte, le colonel NASSER , a pris le pouvoir après la décolonisation de son pays. Il veut en affirmer l’indépendance par un acte symbolique. C’est pourquoi il décide de la nationalisation du canal de Suez. Les britanniques qui le contrôlent vont réagir soutenus par les français et les israéliens. Un corps expéditionnaire est envoyé pour reprendre le canal à l’armée égyptienne. L’opération militaire est un succès, mais l’intervention des russes qui menacent et des américains qui ne veulent pas d’une détérioration des relations internationales, pousse les protagonistes à se retirer. Nasser sort grandit de cet épisode, et va s’affirmer comme un des leaders du Tiers-Monde naissant. La Grande-Bretagne et la France ont connu un cuisant échec diplomatique. HONGRIE 1956 La mort de Staline a créé des remous en Europe de l’est. Déjà en 1953, des émeutes avaient éclaté à Berlin-Est, réprimées par l’armée soviétique. En Pologne, sans rompre avec Moscou, les communistes au pouvoir prennent leurs distances avec l’URSS. Plus graves sont les événements de Hongrie. Imre NAGY est au pouvoir ; communiste libéral, il proclame en octobre 1956 le retour au pluralisme politique, la neutralité de la Hongrie, et son retrait du pacte de Varsovie. Les soviétiques interviennent militairement et leurs blindés écrasent l’insurrection de Budapest du 3 au 5 Novembre 1956. Pour beaucoup de communistes dans le monde, c’est un choc. L’URSS vue jusqu’ici comme un libérateur, devient un état oppresseur ; c’est le début de son déclin. Dissuasion et coexistence pacifique(1956-1975) A partir de cette époque, on entre dans une situation d’équilibre de la terreur basée sur l’improbabilité d’un affrontement direct entre les deux grands, ce qui ne s’applique pas aux alliés de l’un ou de l’autre. Les relations sont plus souples : KROUTCHEV se rend aux Etats-Unis (1959), mais cela n’exclut pas une offensive soviétique sur tous les terrains, notamment le soutien aux mouvements de libération nationale (Vietnam, Congo, Cuba ). Aux Etats-Unis, KENNEDY, élu en Novembre 1960, est fermement décidé à défendre « le monde libre » en poursuivant la politique d’endiguement. Dans le même ordre d’idées, il définit une attitude plus souple que ses prédécesseurs à l’égard des Nations du Tiers-Monde qui refusent de s’aligner sur la politique américaine. Un nouveau rapport de forces mondial se met en place. L’émergence du Tiers-Monde et son entrée dans les relations internationales, la création du mouvement des non-alignés(1961) et l’afflux de nouveaux membres à l’ONU changent les données des relations internationales. De plus, le système bipolaire est contesté par la poussée Tiermondiste mais aussi par les fissures qui apparaissent dans les deux blocs. L’hégémonie des Grands est mise en cause. Enfin le mouvement pacifiste se développe. Pourtant la sortie de la Guerre Froide génère encore des crises comme celles de Berlin et Cuba. 13 Août 1961 : un mur à Berlin Depuis des années, la RFA refuse systématiquement de reconnaître la RDA. La capitale allemande demeure un foyer de tensions et Berlin-Ouest attire les citoyens de la RDA (3 millions depuis 1945). La RDA et l’URSS exigent un nouveau statut pour Berlin, qui sera soit annexé par par la RDA , soit internationalisée sous le contrôle de l’ONU. A près l’échec d’une conférence à ce sujet, l’URSS agit alors unilatéralement. Dans la nuit du 12 au 13 Août 1961, les autorités est-allemandes font construire un mur entre les secteurs occidentaux et le secteur soviétique de la ville. CUBA En 1959, Fidel CASTRO a chassé le dictateur Batista, soutenu par les américains. Les mesures prises par Castro provoquent l’hostilité de Washington qui met en place un blocus et prépare une intervention militaire avec des exilés cubains qui aboutit au débarquement dans la baie des cochons en avril 1961. Cette tentative pousse Castro à proclamer Cuba République socialiste et à réclamer à l’URSS des missiles nucléaires. En octobre 1962, les services américains publient des photos prouvant que les soviétiques installent des fusées à Cuba, dirigées contre les Etats-Unis. Kennedy annonce le blocus autour de l’île (il y est encore aujourd’hui). Le monde entier se sent au bord du gouffre. Finalement, Washington contraint Kroutchev au retrait des fusées, mais Kennedy s’engage à rspecter l’intégrité de Cuba. Le monde a frôlé la catastrophe nucléaire . On rentre ensuite dans un processus qui conduit à la détente et à la coexistence pacifique. Elles sont possibles car fondées sur l’équilibre de la terreur et les armes atomiques. Pourtant, les hégémonies des deux Grands sont contestées aussi bien dans le monde qu’à l’intérieur de leur propre camp. C’est d’abord la France qui conteste le leadership américain par la voix du Général DE GAULLE, et s’affirme comme une puissance nucléaire. Elle se retire de l’organisation militaire de l’OTAN en mars 1966. Elle prend de plus en plus ses distances avec les EtatsUnis en condamnant leur intervention à Saint-Domingue et au Vietnam (1966), en encourageant l’émancipation de l’Amérique Latine (1964) et celle du Québec(1967) et en pratiquant une politique d’ouverture avec les pays communistes : reconnaissance de la Chine Populaire (1964), voyage de De Gaulle en URSS. Dans le camp socialiste des fissures apparaissent aussi. En Roumanie, le parti communiste, dirigé par Nicolae CEAUCESCU, prend ses distances avec Moscou, mais pour éviter la destalinisation. Par contre, en Tchécoslovaquie, sous la direction de DUBCEK, les mesures de libéralisation se multiplient pour construire « un socialisme à visage humain ». Les troupes du Pacte de Varsovie interviennent brutalement (20-21 Août 1968) et mettent fin au « printemps de Prague ». La Tchécoslovaquie est « normalisée ». Pour de toutes autres raisons, l’Albanie se détache de Moscou . Elle refuse la destalinisation et son chef Enver HODJA se rapproche de la Chine. C’est pourtant la rupture entre l’URSS et la Chine qui constitue l’événement principal des problèmes du camp socialiste. Les dirigeants chinois n’ont apprécié ni la condamnation de Staline par le XXème congrès du PC de l’URSS , ni la coexistence pacifique entreprise par Kroutchev. La rupture est consacrée définitivement en 1963. les difficultés internes des deux Grands L’URSS connaît dans les années 60, une période de difficultés économiques. Sa position internationale est affaiblie par la révélation des crimes de Staline. Les Etats-Unis sont confrontés au mouvement pacifiste, né de la guerre du Vietnam. Les minorités noires agissent, les zones de pauvreté s’étendent et « l’american way of life » est remise en cause. Ces difficultés favorisent la coexistence pacifique. La détente A la fin des années 60, la détente devient globale. Les accords SALT comportent un traité sur la limitation des armements (missiles). En Europe, on se dirige vers le règlement de la question allemande. Le chancelier ouest-allemand Willy BRANDT entame une politique d’ouverture à l’est : traités avec URSS et Pologne (1970), signature d’un accord sur Berlin qui normalise les relations entre les deux états allemands qui sont admis ensemble à l’ONU (1973). En Asie, le président américain NIXON se rend en Chine Populaire en février 1972 et les Etats-Unis ne font plus obstacle à l’admission de celle-ci à l’ONU et à l’éviction de Taïwan du conseil de sécurité. Cependant, Nixon a l’intention de continuer la guerre du Vietnam, mais face à la protestation internationale, la paix est signée le 23 janvier 1973. Pourtant, beaucoup de foyers de tension subsistent, qui avec l’apparition de la crise économique, vont devenir les facteurs d’un « nouveau désordre mondial ». « Le nouveau désordre mondial » (1975-1990) Après 1975, les rapports Est-Ouest ne cessent de se détériorer et les superpuissances fortes d’armements nouveaux s’opposent par pays interposés. Désormais les repères traditionnels, est-ouest, nord-sud sont inséparables. Pour l’URSS, le Tiers-Monde constitue une scène privilégiée ; reculant au MoyenOrient, elle développe une activité intense en Afrique. Les soviétiques possèdent sur ce continent de nombreux points d’appui (Ethiopie, Angola, Mozambique) mais ces bénéfices sont gommés par les réactions hostiles du Tiers-Monde à l’invasion de l’Afghanistan en 1979. Les Etats-Unis, tentent de combattre l’influence de l’URSS dans le Tiers-Monde, en accordant le plus souvent leur soutien actif aux régimes les plus autoritaires : Philippines, Thaïlande, Pakistan, Salvador, Guatemala, Chili, Paraguay, etc. Ils approuvent l’installation d’une dictature militaire en Turquie. C’est l’intervention soviétique en Afghanistan qui va tendre à nouveau les rapports entre les Deux Grands. Avec l’arrivée au pouvoir de REAGAN (1981), les Etats-Unis reprennent une politique combative vis à vis de l’URSS . C’est l’époque de l’installation en Europe de missiles aussi bien du côté occidental(PERSHING) que du côté oriental (SS20). Les rapports Est-Ouest se trouvent dans l’impasse. Reagan lance les Etats-Unis dans le programme IDS (guerre des étoiles, qui pourrait redevenir d’actualité avec BUSH JR) . L’URSS va s’épuiser à vouloir concurrencer ce projet. En 1985, avec l’arrivée de Mikhail GORBATCHEV , les rapports se modifient et prennent à nouveau la direction de la détente, ou pour le moins celle d’un dialogue constructif. Les deux présidents vont se rencontrer souvent et signer des accords sur la limitation des armements nucléaires et leur destruction. Finalement, cette nouvelle détente va permettre à l’ONU de régler de nombreux conflits régionaux : -VIETNAM/CAMBODGE (1985) -IRAN/IRAK (1988) -ANGOLA/AFRIQUE DU SUD (1988) -TCHAD/LIBYE (1988) Mais surtout la nouvelle politique de l’URSS va entraîner la chute des régimes « communistes » de l’est, avant son propre éclatement et sa disparition (1989-1991). De bipolaire, le monde devient unipolaire et se trouve sous la coupe de la seule grande puissance restante, les Etats-Unis, qui eux sont confrontés à de nombreuses difficultés, même s’ils ont pris en main l’ONU. Ils n’arrivent pas à contrôler les nombreux conflits nés de la fin de la Guerre Froide, et à mettre en oeuvre LEUR nouvel ordre international...