individus et les organisations provenant de disciplines et d'horizons divers sont appelés à
travailler ensemble pour accomplir quelque chose d’unique, d’inédit et d’importance.
L’objectif de cet article est de proposer et d’évaluer deux alternatives à la perspective
rationnelle de l’organisation qui domine en gestion de projet : une perspective politique
ainsi qu’une perspective psychosociale de l’organisation et du projet. Il s’agit de deux
lectures concurrentes mais complémentaires dont l’éclairage est, à notre sens, utile pour
la gestion des projets en général et même indispensable dans certains cas. Dans cet
article, nous examinons le projet selon des perspectives qui sont donc peu abordées dans
la littérature.
La perspective rationnelle de l’organisation, in vitro : le projet en tant qu’activité
objective mandatée [pour passer de l’idée à l’action]
Comme l’organisation monolithe dont il est issu, le projet est réifié, c’est-
à-dire considéré comme une entité concrète, qui a ses fonctions, ses
parties, ses structures, et ses relations avec l’environnement, et une
existence qui transcende celle de ses membres (Linehan et Kavanagh,
2006). Le projet est donc mobilisé pour réaliser un objectif spécifique qui
est unique, externe et consensuel : le mandat du projet. L’efficience, notamment le
respect des contraintes de délai et de coût, y est non seulement possible mais essentielle
pour le succès du projet et pour en comprendre le fonctionnement. Du coup, le problème
du projet est, d’abord et avant tout, technique et de gestion, et en conséquence, il suffit,
de façon rationnelle et objective, de bien planifier et contrôler pour le réussir. Tel un
architecte, le gestionnaire du projet l’aborde à travers le prisme d’une approche
prescriptive, universelle, mécaniste, instrumentale, monolithique, générique et
professionnelle (Cicmil et al., 2009). Ainsi, le projet fait le mandat et vice versa. Réussir
l’un, c’est donc réussir l’autre.
La perspective politique de l’organisation, in situ: le projet en tant
qu’instrument [au service de plusieurs groupes mandants]
L’organisation est constituée de plusieurs coalitions qui ont des attentes
divergentes à l’égard du projet, lequel est d’ailleurs un instrument pour
chacune d’entre elles. « Compromis entre le possible de la situation et le
souhaitable des finalités », le projet exige une médiation de ses objectifs
opératoires, et des motifs, mobiles et désirs plus ou moins implicites de
ses nombreuses parties prenantes (Boutinet, 2005: 258 et 269). Ces multiples pressions
externes font que le projet est tiraillé et que ses objectifs multiples voire contradictoires
doivent être négociés et réconciliés au mieux. Tel un politicien, le gestionnaire du projet
doit évoluer dans une arène où les conflits, la négociation, et les compromis entre les
intérêts des coalitions prennent toute leur importance. Ainsi le projet est plus que le
mandat, car les mandants font plutôt le projet. Le réussir, c’est le réussir pour les
mandants – mais lequel ? « Such political perspectives on projects tend to suggest the
need for a wider picture which considers what goes on in the social construction of
projects and project management by focusing on who and which agendas are included or
excluded from decision-making processes… » (Cicmil et al. 2009: 85).