Analyse du changement climatique récent sur
l’arc péri-méditerranéen et conséquences sur
la production fourragère.
François Lelièvre, Sylvain Satger, Stéphan Sala et Florence Volaire
INRA, UMR 1230 SYSTEM, 2 Place Viala 34060 Montpellier
I. Introduction
Dans les régions tempérées au contact de la zone méditerranéenne (entre les axes
Avignon-Carcassonne et Toulouse-Lyon), une fréquence anormale de sécheresses est
observée sur la décennie 2000-09 : trois ont été très sévères et classées calamités agricoles
(2003, 2005, 2006), et deux autres sévères (2004, 2009). Toutes se sont traduites par
d’importantes pénuries d’herbe en été et en automne, nécessitant des importations massives
de fourrages à coûts élevés pour les éleveurs, l’état et certaines collectivités. La répétition du
problème a conduit trois Régions (Rhône-Alpes, Languedoc-Roussillon, Midi-Pyrénées),
l’INRA et le CEMAGREF à mettre en place le projet CLIMFOUREL (www.climfourel.fr). Ce
projet de recherche est conduit en partenariat entre chercheurs zootechniciens et
agronomes et les services techniques de l’Institut de l’Elevage et de 8 chambres
d’agriculture de l’arc péri-méditerranéen. Son premier objectif, dont il est rendu compte ici, a
été d’analyser la situation climatique, pour tester si le rapprochement des sécheresses et
l’impact sur la production fourragère est déjà un effet très perceptible du changement global.
A partir de cet éclairage, il s’agira d’éclairer sur le caractère conjoncturel ou structurel des
difficultés rencontrées et de proposer des adaptations aux systèmes d’alimentation animale.
La tendance de réchauffement moyen normalisée pour le siècle donnée pour le siècle
(1906-2005) et pour le globe par le GIEC (2007) est de +0,74 [0,56-0,92]°C, ce qui paraît
encore modéré Mais c’est une moyenne de mesures sur les océans qui se réchauffent moins
vite et sur les continents qui se réchauffent plus vite. La moyenne en France métropolitaine
sur le 20ème siècle est de 1°C (Moisselin et al., 2002). Mais en France comme à l’échelle
mondiale, l’évolution n’a pas été uniforme depuis un siècle. On distingue trois phases : (i) un
réchauffement lent de 1900 à 1945; (ii) une quasi stabilité ou un très léger refroidissement de
1945 à 1979 ; (iii) un réchauffement rapide qui commence en 1980. Les tendances
d’évolution de la température moyenne française sur ces trois périodes sont d’environ
+0,5°C sur la première, entre 0 et -0,2°C sur la seconde, et environ +1,5 °C sur la troisième
malgré sa brièveté. Le réchauffement avançant le temps thermique végétal (somme des
degrés-jours) par rapport au calendrier julien, une plus grande précocité des stades de
développement (épiaison, floraison, maturité) est observée chez la plupart des plantes
cultivées ou spontanées. Les couverts accumulant des structures et des réserves carbonées
entre deux hivers consécutifs (forêts, prairies, betterave) sont actifs plus tôt au printemps et
plus tard à l’automne. Ils ont un temps thermique de croissance plus important et leur
production de biomasse augmente si l’alimentation hydrique reste optimale.
La pluviométrie, annelle ou estivale n’a pas significativement changé en France
depuis un siècle ou sur les 30 dernières années (Moisselin et al., 2002). Ce serait donc
l’accroissement de l’évapotranspiration potentielle (ETP) qui tendrait à creuser le déficit
hydrique estival, augmentant la fréquence et la sévérité des sécheresses.
Enfin, la teneur de l’atmosphère en CO2 a augmenté depuis un siècle de plus de 100
ppm, passant de 280 à 385 ppm. Sur la période 1980-2008, la teneur est passée de 335
ppm à 385 ppm (référence Mauna Loa, NOAA), soit +18 ppm/décennie. L’effet sur la
croissance des plantes prairiales est positif, avec de grandes variations selon les espèces,
les conditions de culture et les rythmes d’exploitation (Picon-Cochard et al., 2004). En
moyenne, le gain de biomasse produite est de +0,6% pour +10 ppm de CO2 pour les
graminées en C3 et de +1% pour les légumineuses (Tubiello et al. 2007). Pour une prairie à
dominante de graminées, l’effet moyen est voisin de +3.5% pour +50 ppm 1980-2008.