TERRITOIRES
&
EPARGNE DE SOLIDARITE
CAHIER DE LEPARGNE SOLIDAIRE
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L’EPARGNE DE PROXIMITE SOLIDAIRE
A L’AUNE ET A L’AUBE DU TERRITOIRE
vec ce troisième numéro, les cahiers de l’épargne
solidaire poursuivent leur double objectif consistant
d’une part, à alimenter le débat portant sur les usages alternatifs de
l’épargne au profit de la solidarité et d’autre part, à diffuser au plus
grand nombre les résultats des travaux réalisés sur ces pratiques de
citoyenneté économique. Après avoir précédemment évoqué le cas
de l’entreprise solidaire, pilote d’une économie plus « humaine », le
nouveau cahier que vous découvrez aujourd’hui s’intéresse quant à
lui aux territoires de l’économie solidaire.
Contrairement aux économies libérales pour lesquelles le
territoire n’est qu’un facteur de production parmi d’autres,
facilement interchangeable en fonction de la conjoncture du
moment, l’économie solidaire est, quant à elle, liée à la notion de
territoire de manière indéfectible. Mais quels sont ces territoires sur
lesquels se bâtit jour après jour l’utopie d’un monde plus juste et
plus solidaire ?
Bien que le commerce équitable liant producteurs du Sud
et consommateurs du Nord représente bien souvent, auprès du
grand public, la vitrine de l’économie solidaire, celle-ci semble
néanmoins considérer le territoire de proximité comme le territoire
pertinent pour son action, essentiellement locale auprès des
A
CAHIER DE LEPARGNE SOLIDAIRE
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communautés concrètes
1
. Elle présuppose même, comme le
clament les partisans d’une alter-mondialisation réunis récemment à
Porto Alegre, que le territoire de proximité, avec ses spécificités,
est un élément clé dans la construction d’une « mondialisation à
visage humain » qui s’enrichirait des différences au lieu de les
uniformiser. Elle permet de redonner du sens à celui-ci, loin de
toute logique protectionniste, en restant au contraire ouvert sur le
monde. Le territoire de proximité, c’est le territoire l’on vit, le
territoire de vie, « c’est le lieu de la mobilisation, de la coopération
et de l’émergence de projets collectifs porteurs de valeurs partagées
qui donnent sens à un futur commun »
2
. Cette dernière définition
résonnera sûrement de manière particulière à l’oreille de
l’épargnant solidaire averti. En effet, la double proximité dont on
parle ici n’est-elle pas celle là même qui fonde l’intervention des
clubs CIGALES
3
? Une proximité à la fois géographique mais aussi
de « cœur », moignant de la convergence des valeurs qui unissent
l’épargnant et le créateur aidé. Concrètement, ce territoire vécu peut
recouvrir plusieurs réalités géographiques, économiques ou sociale,
mais une des constantes est justement la possibilité que s’y
expriment des solidarités « naturelles ». Ainsi, ce territoire de
proximité peut être le bassin de vie, le massif, l’agglomération ou
encore le « pays ».
Ces « pays », berceaux des cultures qui font la diversité de
nos régions ont retrouvé, il y a peu, le devant de la scène avec le
vote de la Loi d’Orientation pour l’Aménagement et le
Développement Durable du Territoire (LOADDT, dite aussi Loi
Voynet), en juillet 1999. De survivance un peu folklorique d’une
époque révolue, les pays deviennent aujourd’hui, la construction de
l’Union Européenne aidant, les échelons de base de la politique
nationale de développement du territoire.
Mais en quoi une énième loi visant le développement du
territoire peut-elle bien intéresser le militant d’une autre économie,
souvent sceptique vis à vis des législateurs donneurs de leçons ? Et
1
Pour reprendre les propos d’Anne Marie ALCOLEA, économiste initiatrice du concept
d’Economie Solidaire Territoriale et Cigalière à Chevilly Larue (94).
2
Id
3
Club d’Investisseur pour une Gestion Alternative et Locale de l’Epargne Solidaire.
CAHIER DE LEPARGNE SOLIDAIRE
5
bien justement parce que cette loi veut marquer une rupture.
Rupture avec une logique de planification qui privilégiait le guichet
au projet, avec des procédures qui plaçaient face à face des
développeurs (élus et techniciens) et des développés (société
civile), rupture enfin avec une conception de la démocratie qui
n’était parfois plus que l’ombre d’elle-même.
Les nouveaux territoires appelés à recomposer l’espace
national seront proposés de manière concertée par les acteurs
locaux, ils seront construits autour d’un projet, s’inscrivant dans
une démarche de développement local, durable et solidaire. Plus
pragmatiquement, l’enjeu est de taille puisque la charte co-
construite qui consignera les orientations stratégiques choisies par
chaque territoire pour les dix années à venir, est appelée à devenir
le cadre de référence des diverses actions d’aménagement et de
développement conduites par les acteurs locaux et leurs partenaires
extérieurs (Europe, Etat, Région, voir Département).
Par la place centrale qu’elle accorde au projet et à la
concertation locale, cette « révolution tranquille » telle que l’on
qualifie communément la LOADDT, pourrait bien entraîner des
changements profonds dans la manière de gérer les territoires et de
conduire le développement local. Mais ceci ne sera possible que si
tous les acteurs des territoires, qu’ils soient élus,
socioprofessionnels, associatifs ou simples citoyens s’emparent dès
aujourd’hui des opportunités offertes pour faire progresser la
démocratie locale.
Depuis les premières discussions autour du projet de Loi,
les enjeux sous-tendus par cette nouvelle politique d’aménagement
du territoire n’avait pas échapà la Fédération des CIGALES. Un
partenariat avec la DATAR et la rencontre avec un étudiant
disponible pour s’investir dans une étude sur la problématique ont
permis de lancer la réflexion sur l’inscription territoriale de
l’épargne de proximité solidaire.
L’étude est partie d’un constat simple relevé au cours de
l’assemblée générale des CIGALES de 2001 à Dijon. Plus de 3/4
des Cigaliers interrogés déclaraient habiter dans un périmètre de
pays ou d’agglomération tout en ignorant les tenants et aboutissants
CAHIER DE LEPARGNE SOLIDAIRE
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de ces nouveaux territoires. De plus, seul un club parmi les présents
était à l’époque investi dans les démarches en lien avec la
LOADDT. Avant toute action visant à promouvoir le
développement de l’outil CIGALES dans le cadre des pays, deux
questionnements devaient trouver des éléments de réponse :
- Quels sont les apports des pratiques d’épargne de proximité
solidaire aux dynamiques locales ?
- Quelles sont les conditions permettant la prise en compte de ces
pratiques dans les projets des nouveaux territoires en formation ?
Pour ce faire, trois territoires engagés dans une démarche
de transcription locale de la LOADDT et comptant en leur sein des
outils d’épargne de proximité solidaire ont été approchés : le Pays
de Vesoul Val de Saône (70), l’agglomération de Dunkerque (59) et
le Pays de la Haute Vallée de l’Aude (11). Une soixantaine
d’acteurs (élus, épargnants solidaires, porteurs de projet,
socioprofessionnels, etc.) auront au final été interrogés. Leurs
témoignages auront permis de faire émerger des éléments de
réponse particulièrement intéressants au regard de notre
questionnement initial.
Ce troisième numéro des cahiers de l’épargne solidaire
utilise donc quelques uns des apports de l’étude menée courant
2001
4
, il se fait aussi l’écho des autres activités de la Fédération
dans le champ territorial et intègre quelques réflexions et apports
externes sur le thème du territoire.
Sylvain Péchoux
4
Ce travail sera disponible en léchargement sur le site de la Fédération des CIGALES,
http://www.cigales.asso.fr.
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