CHU MARTINIQUE – MFME Service Gynécologie Obstétrique ACCOUCHEMENT EN CAS DE MACROSOMIE PRESUMEE Rédacteur : JL VOLUMENIE – B SCHAUB Vérificateurs : B SCHAUB Ref : cf infra Créé le : 01/01/2015 Version du : 23/01/2015 Approbateurs : Généralités : La macrosomie a une incidence variable, notamment en raison de définitions variables selon les séries > 95ème ou 97ème percentile Poids > 4000g, ou 4500 g, voire 5000 g La fréquence est en augmentation probablement en raison de trois facteurs : Diminution du tabagisme maternel Augmentation de l’âge des parturientes Augmentation de l’IMC des parturientes Conséquences de la macrosomie : Augmentation des risques de traumatismes néonatals (dystocie des épaules, fractures des membres) et de l’asphyxie périnatale Augmentation des traumatismes maternels (lésions périnéales sévères, césariennes) Augmentation des hémorragies du post-partum Syndrome métabolique dans le futur chez les enfants nés macrosomes Prévention de la macrosomie : Facteurs de risque difficilement modifiables : IMC maternel en début de grossesse, parité, âge maternel, diabète gestationnel ou préexistant (de type 2) Seul le terme de naissance, l’équilibre glycémique en cas de diabète et le gain pondéral maternel durant la grossesse pourraient être influencés Diagnostic de la macrosomie : 2 méthodes essentiellement : 1. Clinique : sensibilité diagnostique de 9 à 15% pour le poids > 4000 g et de 6 à 43% pour les poids > 4500 g donc médiocre a. Hauteur utérine perturbée par obésité maternelle b. Utilisation de courbes ajustées à la population pour améliorer la sensibilité mais rôle incertain sur l’accouchement. c. La valeur prédictive n’excède pas 53% ce qui rend difficile de prendre des décisions (sur la voie d’accouchement notamment) sur cette base 2. Echographie : généralement considérée plus fiable que la clinique d. Formules de calcul de poids évaluent mal le poids réel; seules 1/3 des formules testées donnent une estimation exacte à +/- 10% e. Existence de formules dédiées aux macrosomes (Hart) : intègre dans le calcul le poids maternel : Meilleure fiabilité de l’estimation. Mais souvent prise en défaut dans les macrosomies sévères (> 4500 g) f. Globalement, moindre précision notamment à terme des formules utilisant le PC (plus difficilement mesurable à un terme avancé) et meilleure fiabilité du PA g. Intérêt de l’échographie 3D (qui permettrait d’intégrer des mesures des parties molles fœtales) reste à démontrer dans ce contexte h. Globalement, difficultés à estimer correctement les fœtus > 4500 g alors qu’il s’agit d’une valeur seuil dans certaines recommandations pour le choix de la voie d’accouchement 3. Estimation pondérale par la patiente : semble une mesure relativement fiable (non inférieure à la hauteur utérine ou à l’échographie) mais uniquement chez patientes multipares Conduite à tenir en cas de macrosomie suspectée avant le travail : Deux situations à distinguer : 1. Patiente diabétique : la césarienne prophylactique est recommandée en cas d’estimation pondérale fœtale > 4250 g ou 4500 g (avec les difficultés évoquées à déterminer ce seuil) (recommandation grade C donc médiocre) 2. Patiente non diabétique : pas de réponse claire à la question de l’intérêt d’une attitude active (déclenchement pour contrecarrer l’un des facteurs de risque de macrosomie à savoir l’avancée du terme). Quelques notions cependant a. La méta-analyse de 2000 qui concluait à l’absence d’intérêt du déclenchement en cas de macrosomie suspectée pour diminuer le taux de césarienne, d’extractions instrumentales ou la morbidité néonatale se fondait sur un nombre limité de patientes (313) et sur des méthodes anciennes de déclenchement avec lesquelles le risque de terminer en césarienne apparaissait plus important qu’avec les techniques de déclenchement modernes. Il semble désormais, en tenant compte des techniques actuelles de déclenchement que ce dernier ne soit plus un facteur de risque indépendant de césarienne b. Une étude randomisée menée en 2010-2011 en France et en Belgique semblait montrer en cas de déclenchement entre 37 et 38 SA pour macrosomie suspectée versus expectative (817 patientes soit l’effectif de loin le plus important sur le sujet) Une diminution des traumatismes néonatals Une augmentation des accouchements voie basse spontanée Sans différence sur le taux de césarienne Toutefois, étude parue sous forme d’abstract en 2012 et jamais publiée depuis c. En conclusion à l’heure actuelle, on ne peut fermement recommander le déclenchement pour suspicion de macrosomie hors diabète pour améliorer les issues néonatales ou maternelles. Ce d’autant que d’autres études (hors contexte de macrosomie) conseillent d’éviter les déclenchements avant 38 SA sauf pathologie pour limiter les risques néonatals Il semble que la connaissance anténatale de la macrosomie (ou sa suspicion) altère les issues obstétricales (étude sur registre AUDIPOG) Augmentation des césariennes électives et pendant le travail si macrosomie suspectée Augmentation des traumatismes néonatals dans le même groupe Augmentation des lésions périnéales dans le même groupe Pas de différence sur le reste de la morbidité néonatale La pratique de la pelvimétrie n’a aucun intérêt dans la détermination de la voie d’accouchement des macrosomes. En conclusion, devant une suspicion de macrosomie, on ne peut conclure formellement à l’intérêt du déclenchement ni au contraire; Si déclenchement, le programmer au-delà de 38 SA, au cas par cas Cas particuliers : 1. Macrosomie et utérus cicatriciel : pas d’indication de césarienne prophylactique systématique a. A moduler avec indication de la césarienne précédente : césarienne programmée plus libérale si antécédent de césarienne pour stagnation sur macrosome en l’absence d’autre facteur de dystocie (variété postérieure par exemple) b. Pelvimétrie tout aussi inutile pour décision de voie d’accouchement que sur utérus non cicatriciel 2. Macrosomie et antécédent de dystocie des épaules : pas d’argument pour césarienne prophylactique systématique; A moduler en fonction du vécu de la patiente, de la sévérité de la dystocie, de l’existence de séquelles éventuelles chez l’aîné 3. Macrosomie et siège : un poids fœtal estimé > 3800 g sur un siège reste une contreindication classique à la tentative de voie vaginale Conduite à tenir en cas de macrosomie suspectée pendant le travail : Présence de l’équipe obstétricale complète souhaitable à l’accouchement et de deux aides Prédiction de la dystocie des épaules impossible mais si elle survient, gain de temps pour réunir les professionnels concernés Recours à l’anesthésie péridurale fortement conseillée et médicalement indiquée Surveillance de la durée du travail avec respect plus stricte des délais de stagnation 2h en première phase avant décision de césarienne (alors qu’attente plus longue licite en l’absence de suspicion de macrosomie) Prudence en cas de prolongation de la 2ème phase sur recours à l’extraction instrumentale o Celle-ci doit aussi respecter strictement les règles : extraction seulement si fœtus à partie moyenne ou basse o Aide possible par l’échographie transpérinéale : distance sonde-os du crâne < 6 cm o Savoir renoncer si traction paraît soutenue Pas d’indication à épisiotomie de principe mais surveillance attentive du périnée en phase d’expulsion. Mise en hyperflexion systématique pour favoriser la nutation Présence du MAR avec dérivé nitré préparé Présence si possible de 2 aides Conduite à tenir en cas de dystocie des épaules Ce qu'il ne faut pas faire Ce sont les 4 P des anglo-saxons " Panic, Pulling, Pushing, Pivoting " à savoir : - ne pas paniquer ne pas tirer ne pas pousser ne pas faire pivoter la tête 1er temps : La manœuvre de Mac Roberts est un préalable indispensable. Dans l'idéal, si deux aides sont disponibles, il faut amener les genoux de la parturiente au plus près de ses épaules, ce qui nécessite une abduction et rotation externe. Dans le même mouvement l'opérateur exerce une pression sus-pubienne de bas en haut pour tasser le moignon de l'épaule antérieure derrière la symphyse pubienne. Du fait de l'hyperflexion forcée, la symphyse glisse, dans les bons cas, au dessus du moignon de l'épaule qui apparaît sous elle, alors que la rotation de restitution se complète spontanément. Le danger de cette manœuvre est de comprimer violemment une vessie pleine mais il est bien certain que personne ne débute la phase d'expulsion sans avoir fait vider les émonctoires. Lorsque l'on ne dispose pas de deux aides (il est possible de mettre le conjoint à contribution), la manœuvre risque d'être moins efficace. La majorité des tables d'accouchement sont équipées de jambières sur lesquelles reposent les mollets de l'accouchée. Il faut dégager les jambes des jambières et mettre les pieds en appui sur le bord supérieur des dites jambières. On tire alors le fessier en débord de la table tout en exerçant la pression sus pubienne. En cas d'échec de la manœuvre, l'installation aura été optimisée pour la suite des opérations. 2ème temps : Se préparer à œuvrer Puisque l'accouchement ne s'est pas terminé, c'est qu'il persiste une rétention des épaules soit au détroit supérieur, soit dans l'excavation. Il va falloir agir, surtout et toujours dans le calme et sans précipitation. Trois préalables indispensables : il faut connaître le coté du dos du fœtus par rapport à la mère, ce qui semble évident car il ne viendrait à l'idée de personne de débuter une expulsion sans connaître parfaitement la présentation et son orientation. il faut travailler dans les axes du bassin, ce qui n'est possible que si les yeux de l'opérateur sont à la hauteur de la vulve maternelle. Il est élégant d'être agenouillé mais il est également possible d'être assis sur un petit marchepied. Il est possible qu'il faille aller au delà du détroit supérieur, donc faire pénétrer l'avant bras, voire le coude au delà de la vulve. Ce n'est déjà pas facile mais c'est impossible si l'on porte un sarrau à manches longues sans avoir mis un gant à délivrance artificielle. Il va falloir passer la vulve. C'est habituellement aisé dans les cas de rétention dans l'excavation, beaucoup plus difficile dans les vraies dystocies des épaules où la tête est comme aspirée vers l'intérieur. Si une incision périnéale n'a pas été réalisée préalablement, il est le plus souvent nécessaire d'en faire une large, soit du côté opposé à celui où l'on va œuvrer, à type d'épisiotomie médio-latérale, soit, comme le proposent certains (53) d'incision médiane coupant le sphincter, qui donne plus d'aisance. Si l'on doit introduire la main du côté d'une épisiotomie médiolatérale, il importe que le bout des doigts garde le contact avec le cou fœtal pour ne pas se fourvoyer dans le para-vagin. Avec quelle main ? L'objectif va être de se saisir d'un membre supérieur fœtal qui sera toujours en position ventrale. La main est donc celle de même nom que le côté du dos par rapport à la mère. 3ème temps : Œuvrer La main a été introduite par le sinus sacro-iliaque, peu lubrifiée. Par contre, l'avant bras est largement arrosé de savon ou de vaseline, sitôt que la main a pénétré. Si on est chanceux, on rencontre le moignon de l'épaule postérieure dans la concavité sacrée. L'index et le majeur crochète le creux de l'aisselle et exerce une traction vers le plancher. Si cela ne suffit pas, associé à l'hyperflexion prononcée à désenclaver l'épaule postérieure, il faut alors, sans tirer, essayer de faire tourner cette épaule postérieure pour amener l'antérieure dans le diamètre oblique (manœuvre de Woods) voire plus loin pour profiter de l'effet de spire des lignes innominées et engager l'épaule antérieure (manœuvre de Letellier). Ce n'est pas si facile que cela et le début de la rotation demande un peu de force dans le poignet. Il ne faut surtout pas tirer tant que la rotation n'est pas bien amorcée sinon cette dernière est impossible. L'épaule antérieure s'étant engagée, le dégagement peut être terminé éventuellement aidé par une manœuvre de Couderc puisque l'humérus antérieur est devenu accessible à deux doigts glissés en attelle le long de lui. Si on n’a pas de chance, on ne rencontre rien dans l'excavation. Les deux épaules sont retenues au dessus du détroit supérieur. Il faut continuer à s'enfoncer, difficilement, dans les voies génitales. Parvenu au dessus du détroit supérieur, il faut partir à la recherche d'une main fœtale. Ce n'est pas très facile car, contrairement à la recherche du pied d'un deuxième jumeau à membranes intactes, tout est compacté. La vulve et la tête fœtale compriment le coude et ses nerfs. Dans la manœuvre de Jacquemier classique, il faut trouver la main du bras postérieur du foetus, main qui se trouve souvent auprès du moignon de l'épaule antérieure. Ce n'est pas rédibitoire. Si l'on saisit la main correspondant au bras postérieur, le fœtus tournera. L'important est de ne pas lâcher cette main et de la descendre dans l'axe sacro-coccygien, c'est à dire qu'il ne faut surtout pas se relever : sinon, l'avant bras fait levier sous la symphyse pubienne et on lâche la main difficilement acquise ! On se retire donc lentement mais très fermement, en direction du plancher. Le diamètre bi-acromial est transformé en acromio-thoracique et la seconde épaule s'engage. Tout cela ne nécessite qu'une seule chose : du calme et de la zénitude !! L'obligation de réussite n'existe pas. L'acharnement est toujours coupable. Si une tentative honnête est infructueuse, il reste la manœuvre de Zavanelli. La complicité d'un MAR qui accepterait l'utilisation d'un dérivé nitré, facilitera la réintégration fœtale, à condition que l'on se soit souvenu qu'il faut, d'abord, franchir la vulve. C'est alors une césarienne en urgence code ROUGE. La dystocie est résolue. Vous avez été brillant mais vous avez vieilli de 10 ans ! Ref : 1. Recommandations pour la pratique clinique CNGOF 2010 diabète gestationnel. 2. Recommandation HAS – le déclenchement artificiel du travail – avril 2008