France / Crise économique / François Hollande / Zone euro Comment la France peut-elle sortir de la récession ? (MFI/21.05.2013) La France est officiellement entrée en récession avec un recul de sa croissance pendant deux trimestres successifs : 0,2 % au quatrième trimestre 2012, idem au premier trimestre 2013. Thierry Coville, économistes et chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques, plaide pour un retour à des politiques de croissance et d’investissement malgré une faible marge de manœuvre au sein de la Zone euro. RFI : Que traduisent-ils ces chiffres de l’économie française, qui ne sont pas réellement une surprise ? Une économie au point mort ? Thierry Coville : Techniquement, un pays est en récession quand il y a deux trimestres de suite de baisse du PIB. Donc, il y a eu baisse du PIB à la fin du dernier trimestre 2012 et au premier trimestre 2013. On peut dire que l’économie française est en récession depuis le début 2012 dans le sens où il y avait déjà une baisse du PIB au deuxième trimestre 2012. Là, on a une économie française qui techniquement et même pratiquement est en récession. RFI : C’est une mauvaise nouvelle pour les entreprises qui vont moins investir et moins embaucher. Une dynamique de récession va-t-elle s’installer ? Th. C. : Oui. Ce qui est relativement inquiétant, c’est que la consommation des ménages français, qui jusqu’à présent avait relativement résisté par rapport à la crise ces derniers mois, a vraiment plongé fin 2102. Là, on entre dans un cercle vicieux assez dangereux dans le sens où s’il y a baisse de la consommation, les entreprises investissent moins, il y a baisse de l’emploi, avec un impact négatif sur la consommation. RFI : La baisse historique du pouvoir d’achat des ménages de moins 0,9 % en 2012 peut-elle s’accentuer en 2013 ? Th. C. : Oui. Ce qui pèse sur la consommation des ménages, c’est la hausse du chômage. Le taux de chômage a atteint 11 % début 2013 en France et limite la consommation (…). Autre élément, les consommateurs français commencent à constituer une épargne de précaution face à la dégradation du marché de l’emploi. RFI : Cette hausse du chômage est-elle inéluctable ? Th. C. : Oui. Il faut que l’économie française ait une croissance de 1,5 %, pour, au moins, stabiliser le taux de chômage. Avec un PIB en baisse, il est normal que le taux de chômage augmente. Et il apparaît assez logique qu’il continue à augmenter dans les prochains mois, compte tendu du contexte sur le plan de la croissance. RFI : Le gouvernement maintient ses prévisions positives. Est-ce réaliste ? Th. C. : Cela va très mal mais il faut savoir si cela va aller un petit peu moins mal. Dans l’idéal, on serait au fond du trou. Malheureusement, tous les indicateurs sont en baisse : la consommation des ménages, l’investissement… Ce qui est inquiétant, c’est qu’il n’y a pas vraiment de changements sur les facteurs qui déclenchent cela, c’est-à- dire la hausse du chômage et une politique économique qui penche vers l’austérité. Donc, il n’y a pas vraiment de raison que cela change dans les prochains mois. RFI : Ce 15 mai, le président François Hollande a passé son « grand oral » devant la Commission européenne à Bruxelles. Quelle est sa marge de manœuvre ? Th. C. : Il y a une prise de conscience un peu tardive en Europe, et de la part de la Commission européenne, que cette politique de revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB, qu’ils voulaient imposer à tous les pays de la Zone euro, est un énorme échec. C’est une des causes, à mon avis, de la situation économique. Donc, la France est un peu plus à l’aise dans le sens où la Commission européenne lui a donné deux ans. Mais on est loin du compte. On ne voit pas trop pourquoi cela changerait. Il faudrait vraiment qu’on passe d’une politique d’austérité à une politique de relance. La Commission européenne n’est pas prête à sauter le pas. Et l’Allemagne n’est pas du tout sur cette ligne-là. RFI : Quelle serait la mesure urgente pour relancer l’économie ? Th. C. : Il faudrait inverser la tendance en matière de politique budgétaire. Arrêter de parler d’austérité : sur le plan de la confiance, c’est très mauvais. Et puis, du côté des emplois aidés, il faudrait amplifier les bonnes mesures qui ont été prises par le gouvernement concernant les emplois d’avenir, etc. On a besoin d’emplois aidés actuellement en France pour inverser la courbe du chômage. Propos recueillis par RFI