roumaine savoureuse, « pârţagului matale » tandis que Nina Cassian aime se tenir près du texte
original : « necazuri ». Racine l’emploie au sens de « tourment, souffrance morale très forte » :
« Crois-tu que mes chagrins doivent s’évanouir » (Iphigénie, v. 419), « Quel péril, ou plutôt quel
chagrin vous en chasse » (Phèdre, v. 33), ou bien dans le sens d’ « inquiétudes » : « Les chagrins
qu’il me cause / M’occuperont assez tout le temps … » (Britannicus, v. 7), ou dans le sens de
« ressentiments » : « Unissez vos chagrins ; liez vos intérêts » (Britannicus, v. 313). Une bonne
traduction de ce mot serait : « supliciu, chin, suferinţă ». Ce qui est assez surprenant c’est que nous
ne trouvons nulle part ce mot dans l’œuvre de Corneille, ce qui nous fait penser qu’il ne l’agréait
pas quoique ce terme fît plutôt part du vocabulaire tragique que de celui de la comédie.
Des mots comme gêne et gêner sont, pour le locuteur de langue française moderne,
synonymes d’embarras, incommodité, embarrasser, incommoder. Ces sens se sont développés aux
dépens de ceux de la langue française ancienne lorsque les mots signifiaient torture, torturer. Ils
offrent un bon exemple de la manière dont un mot perd sa force primitive. Dérivés de Gehenna, i.e.
vallée de Hinnom, près de Jérusalem, mentionnée dans la Bible dans la scène des sacrifices
humaines, et puis appliquée par extension à Hadès, les mots gêne et gêner ont eu à l’origine le sens
propre et figuratif de torture et torturer. Plus tard, cette idée s’est affaiblie et a acquis le sens de
douleur et chagrin et, encore plus tard, elle a subi un autre affaiblissement, acquérant le sens
moderne d’embarras. C’est dans les sens de torture et torturer qu’on les retrouve dans la littérature
du XVII e siècle, la période qui nous intéresse. Chez Molière : « Allons vite, des commissaires, des
archers, des prévôts, des juges, des gênes, des potences et des bourreaux. » (L’Avare, acte IV, scène
VII, l. 32). Arghezi, qui se prend comme d’habitude des libertés dans la traduction, traduit ce mot
par « hingheri » tandis que A. Kiriţescu préfère « temniceri ». Chez Corneille : « Ne t’étonne donc
plus si mon âme gênée / Avec impatience attend leur hyménée » (Le Cid, v. 105), « Dieu, que vous
vous gênez par cette défiance ! » (Polyeucte, v. 1471). Chez Racine : « Sont-ils d’accord tous deux
pour me mettre à la gêne ?» (Phèdre, v. 1454) ; Nanu traduit la dernière partie du vers par « să-mi
smulgă ceva prin silnicie » ; « Britannicus le gêne, Albine » (Britannicus, v. 13). Ces mots, gêne et
gêner ne posent pas de problèmes de traduction, il faut les traduire par « tortură, supliciu », « a
tortura ».
Le mot déplaisir, tout comme gêne et ennui, avait un sens plus fort au XVIIe siècle qu’il
n’en a maintenant et il était équivalent de « tourment, désespoir, souffrance morale profonde ».
Chez Molière : « Je serais fort fâchée de vous causer du déplaisir » (L’Avare, acte III, scène VII, l.
30), « Je sais les chagrins et les déplaisirs que sont capables de causer de pareilles traverses. »
(L’Avare, acte IV, scène I ère, l. 5). Chez Corneille : « Et de là prend son cours mon déplaisir
secret » (Le Cid, v. 116), « Ah ! cruels déplaisirs à l’esprit d’une amante ! » (Le Cid, v. 1165),
« […] et qu’un peu de soupirs / Fait un aisé remède à tous vos déplaisirs » (Polyeucte, v. 480),
« […] dans un tel déplaisir / Je ne puis que résoudre » (Polyeucte, v. 1067). Le mot déplaisir peut
être traduit par « chin, supliciu, tortură morală ».
L’adjectif aimable, qui signifie maintenant « affable, gentil, sociable », avait au XVII e
siècle le sens de « digne d’être aimé ». Nous le retrouvons chez Racine : « […] et ne daigne pas
peut-être s’informer / Si César est aimable, ou bien s’il sait aimer ? » (Britannicus, v. 426), mais
aussi chez Corneille : « […] vous serez excusable / D’avoir moins de chaleur contre un objet
aimable » (Le Cid, v. 838), « Il est toujours aimable, et je suis toujours femme » (Polyeucte, v.
346). En ce qui concerne sa traduction, on n’a pas en roumain en mot qui, par lui seul, puisse rendre
l’idée de « digne d’être aimé », c’est pourquoi nous pouvons recourir à une périphrase du type
« demn / vrednic de iubire » ou bien le traduire par « iubit, îndrăgit, drag ».
Le mot amitié était fréquemment employé au XVII e siècle pour désigner l’amour entre
parents et enfants ou entre « amants ». Son étymon est le mot latin amicitia. Il est assez
fréquemment employé dans les œuvres des trois écrivains. Chez Molière : « servez-vous de tout le
pouvoir que vous donne sur elle cette amitié » (L’Avare, acte IV, scène II, l. 96). La traduction que
Arghezi et Kiriţescu donnent à ce mot est « dragoste ». « Apprenez que le capitaine […] prit amitié