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Né dans une famille de notables de La Ferté-Milon : son père était greffier et ses deux
grands-pères occupaient des positions-clés au grenier à sel de La Ferté-Milon et de Crépy-en-
Valois ; l'on vit longtemps, sur la façade de la maison des Racine, rue de la Pêcherie, leurs armes
parlantes : d'azur, au rat et au cygne d'argent . Orphelin à l'âge de trois ans (sa mère décède en
1641 et son père en 1643), il est recueilli par ses grands-parents paternels et semble être entré
très tôt aux "Petites Écoles" de Port-Royal (peu après que sa jeune tante avait été accueillie
comme professe au monastère de Port-Royal de Paris). Devenu le pupille de son riche et puissant
grand-père maternel (Pierre Sconin) à la mort du grand-père Racine en 1649, il est laissé quelque
temps à Port-Royal, avant d'être envoyé faire ses humanités et sa rhétorique au collège de la ville
de Beauvais. Au lieu d'y faire ses deux années de philosophie, il retourne à Port-Royal où sa
grand-mère avait rejoint sa fille qui y était religieuse. Les "Petites écoles" ayant été fermées sur
ordre royal, il y est éduqué quasiment seul et reçoit ainsi de solides leçons des meilleurs
pédagogues du temps, et à la différence de la presque totalité des écoliers de son temps il
apprend le grec ancien, l'italien et l'espagnol. Il a pour maîtres les célèbres Claude Lancelot,
Pierre Nicole et Antoine Le Maistre, ainsi que Jean Hamon. Cependant, le théâtre y était
totalement absent, car les jansénistes considéraient que, plus que toute autre forme de fiction, il
empoisonne les âmes. Il est ensuite envoyé compléter sa formation au collège d'Harcourt et il y
fait ses deux années de philosophie.
À 18 ans, Racine est donc orphelin et dépourvu de biens (mais non pas pauvre, contrairement à
la légende, car il est toujours soutenu par son riche tuteur), mais possède à la fois un très vaste
savoir (il connaît, outre le latin et le grec, l'italien et l'espagnol) et les plus grandes qualités de
"civilité" (un des points forts de l'enseignement à Port-Royal). Il peut en outre s'appuyer sur le
réseau de relations des jansénistes. Il découvre la vie mondaine grâce à son cousin Nicolas Vitart
qui l'héberge dans ses appartements de l'Hôtel de Luynes (où il réside en tant qu'intendant du duc
de Luynes). C'est là qu’il écrit ses premiers poèmes, dans la veine galante, telle qu'on la
pratiquait alors dans tous les salons. Bien conseillé par Vitart, il ne laisse pas passer l'occasion de
se faire remarquer à l'occasion du mariage de Louis XIV, et soumet (été de 1660) au principal
critique de l'époque, Jean Chapelain, un long poème encomiastique, La Nymphe de la Seine,
dédié à la Reine : Chapelain le corrige et l'encourage et La Nymphe de la Seine est bientôt
imprimée (à compte d'auteur, sans doute avec l'aide de Vitart, qui semble n'avoir ménagé ni son
admiration ni son argent pour son jeune cousin).
La même année il écrivit sa première pièce de théâtre, une Amasie, dont on ne sait rien, sinon
qu'elle a été refusée par le directeur du Théâtre du Marais auquel elle avait été soumise.
Quelques mois plus tard, il se lança dans un nouvel essai théâtral (printemps de 1661), consacré
à Ovide et à la "seconde Julie" (la petite-fille de l'empereur Auguste); le projet est bien accueilli
par la troupe de l'Hôtel de Bourgogne; mais tombé gravement malade d'une fièvre qui sévit dans
tout le nord de la France, il ne peut l'achever, et il est envoyé passer sa convalescence à Uzès.
Le choix d'Uzès s'explique par le fait que l'un de ses oncles, le Père Sconin, y réside, et espère
pouvoir lui faire obtenir l'un de ses bénéfices ecclésiastiques, ce qui permettrait à Racine de
pouvoir se consacrer pleinement à l'écriture tout en étant assuré sur le plan matériel par le revenu
d'une cure ou d'un prieuré (il suffisait pour cela d'étudier un peu de théologie, de recevoir la
tonsure et de porter un discret habit à petit collet). Il recommence à écrire des vers, mais ne
reprend pas sa pièce de théâtre sur Ovide, et se désespère loin de ses amis dans sa lointaine
province, d'autant que les affaires de son oncle sont embrouillées et qu'il voit la perspective
d'obtenir rapidement le bénéfice du Père Sconin s'éloigner. Rentré à Paris bredouille près de
deux ans plus tard (printemps de 1663) — mais Vitart et le Père Sconin continuent à s'activer
pour ce bénéfice dans la coulisse, et il finira par l'obtenir, sans quitter Paris, en 1666 —, il profite
d'une rougeole royale vite guérie pour se faire remarquer à nouveau par un deuxième poème
d'éloge, Ode sur la Convalescence du Roi (elle aussi encouragée et retouchée par Chapelain).
Grâce à elle (et à Chapelain) il est inscrit durant l'été (1663) sur la première liste des
gratifications royales pour la somme de 600 livres. Il remercie aussitôt avec une nouvelle ode, la
Renommée aux Muses, qui lui permet d'être présenté au duc de Saint-Aignan, puis au roi, tout en