Citoyenneté et Empire à Rome Ier-IIIe siècles Dans le monde antique, si les Grecs ont inventé la citoyenneté, les Romains l’ont largement étendue. La vie des citoyens romains s’inscrit d’abord tout comme celle des citoyens athéniens dans le cadre d’une cité, Rome. Cette dernière a fondé un empire dont l’apogée se situe au IIe siècle après Jésus-Christ. Rome étend à tout son empire, atour de la Méditerranée, la pax romana, sa civilisation et sa conception de la citoyenneté. Qu’est ce que la citoyenneté romaine ? Quelle est son extension au Ier s., puis au IIIe s. ? I. Qu’est ce que la citoyenneté au début du Ier siècle ? A. Une citoyenneté inégalitaire La population de la cité de Rome aux Ve et IVe S. Av. J.-C. comprend des citoyens, nés fils de citoyens, des étrangers et des esclaves. Les femmes libres, épouses de citoyens, ainsi que les esclaves, sont exclus de la citoyenneté. La société romaine n’est nullement égalitaire : la possession du titre de citoyen n’a rien à voir avec la richesse (il existe des patriciens1 et des plébéiens2) ni avec le pouvoir. Rome n’est pas une démocratie, c’est essentiellement le Sénat, composé d’anciens magistrats, qui gouverne la cité. D’autres assemblées, les comices3, exercent aussi un pouvoir politique mais l’organisation des votes est tel que ce sont les plus riches qui contrôlent le pouvoir. B. Une citoyenneté non fermée, étendue à l’Italie Cependant, la citoyenneté n’est pas fermée : - les premières conquêtes romaines en Italie augmentent la taille de l’ager romanus et par conséquent, le nombre de citoyens. - Des colonies romaines sont créées ; elles remplissent une fonction de surveillance. Les autres cités vaincues sont alliées de Rome ; - Des colonies latines sont également créées ; leurs habitants ne disposent pas de la totalité des droits du citoyen romain. Depuis le début du Ier s. Av. J.-C., après une guerre entre Rome et ses alliés, la guerre sociale (91-88), toute l’Italie au sud du Rubicon a obtenu la citoyenneté, la civitas, par une série de lois en 90-89 av. J.-C. Puis la citoyenneté est accordée à la Gaule cisalpine. C. Une citoyenneté accordée hors d’Italie Hors d’Italie, sont fondées des colonies romaines qui deviennent rapidement de petites Rome, et favorisent la romanisation. Elles possèdent forum, thermes, temples romains, amphithéâtres et arcs de triomphe. En Gaulle, Narbonne est l’une de ces premières colonies. Le mouvement s’accélère dans la seconde moitié du Ier s. Av. J.-C. : Jules César crée la colonie d’Arles vers 45 Av. J.-C.; Auguste crée Lyon, puis, vers 35 Av. J.-C., Béziers, Orange, Fréjus et Valence. 1 Descendants des premiers habitants de Rome; puissantes familles : les gente Les chevaliers, les plus riches citoyens; ils doivent le service militaire à cheval, les petits paysans propriétaires, les paysans ruinés, les pauvres. 3 Assemblées de citoyens à Rome; les plus importants sont les comices tributes et les comices centuriates regroupant les citoyens selon leur richesse. 2 Dans d’autres villes comme Nimes, Vienne, Carcassone, Aix en Provence, Carpentras, Avignon, qui sont des colonies latines, seuls les notables accèdent à la citoyenneté, après avoir exercé une magistrature. La citoyenneté est aussi accordée à des collectivités provinciales devenues municipes4 de citoyens romains. Ainsi, avant le règne de l’empereur Claude, sont citoyens romains : - les hommes libres de Rome et de toute l’Italie; - les hommes libres des colonies de droit romain et municipes de droit romain; - Dans les colonies de droit latin, les hommes libres faisant partie de l’élite et qui occupent des fonctions de magistrats locaux; - Dans toutes les autres villes de l’Empire (les cités pérégrines5), certains hommes libres sont élevés individuellement à la citoyenneté romaine. L’édit de Caracalla en 212 parachève l’oeuvre citoyenne de Rome, en accordant à tous les hommes libres de l’Empire, le droit de cité. II. L’extension de la citoyenneté romaine dans l’Empire (milieu Ier s.-début IIIe S.) A. Diversité de l’Empire En Italie, dès le Ier s. Av. J.-C., tous les hommes libres sont citoyens romains. Hors d’Italie, sous une unité apparente, l’Empire romain, de langue latine en Occident, de langue grecque en Orient, recouvre une grande diversité. Dans les provinces, qu’elles soient sénatoriales ou impériales, le nombre de citoyens romains ne fait qu’augmenter aux Ier et IIe s. En effet, accorder la citoyenneté romaine est, pour Rome, un moyen de s’attirer les sympathies des notables. A partir du Ier s., la citoyenneté romaine est accordée à des provinces entières, à la Gaule Narbonnaise, à l’Espagne, à l’Afrique puis, au milieu du IIe s., aux cités proches du Danube frontière qui est alors menacée par les barbares. Cette extension de la citoyenneté provoque des réticences : le philosophe Sénèque écrit que l’empereur Claude « voulait voir tout le monde en toge, les Grecs, les Gaulois, les Ibères, les Bretons ». B. Le rôle de l’armée Dans l’armée, qui comprend 25 légions sous Auguste, soit 125 000 hommes, et 33 légions à la fin du IIe s., tous les légionnaires sont citoyens. Il n’en est pas de même des troupes auxiliaires, ailes de cavalerie, corps auxilaires de Bataves, Maures, Palmyréniens recrutés dans les provinces. En cas de faits d’armes exceptionnels, ils peuvent obtenir la citoyenneté romaine. A leur démobilisation, après 25 ans de service militaire, ces auxiliaires, obtiennent le droit de cité. Ainsi, l’armée joue un rôle important dans l’extension de la citoyenneté romaine. Les vétérans légionnaires, au terme de leurs 20 ans de service militaire, sont parfois installés dans des colonies romaines : c’est le cas par exemple de la colonie de Nemausus (Nîmes) peuplée de vétérans de la VIIe légion. Fixés en terre gauloise, en tant que citoyens romains, ils participent à la romanisation de l’Empire. Municipalité, cité annexée par Rome, bourg ou communauté, n’ayant gardé que son autonomie administrative et dont les habitants, possèdent une partie de droits des citoyens romains. Ce statut est considéré comme inférieur au statut de citoyen romain. 5 du latin peregrinus, étranger; dans l’empire romain, cité ayant conservé des institutions et un droit non romain. 4 C. Le rôle des villes et l’évolution des lois L’extension de la romanisation est aussi favorisée par l’existence d’un grand nombre de villes et l’émergence d’une bourgeoisie urbaine. Dans les cités de droit latin, les élites de la fortune et de la culture, maîtrisant le latin ou le grec, accèdent aux honneurs municipaux. Ils peuvent être élus aux magistratures locales. S’ils possèdent une certaine aisance, ils peuvent entrer au Sénat local dont les membres sont appelés décurions. Bon nombre de ces bourgeois locaux sont des affranchis6. Ainsi, dans l’Empire romain existe une certaine mobilité sociale. La loi favorise également la transmission de la citoyenneté : l’usage était qu’une fille de citoyen romain mariée à un pérégrin ou à un latin ne donnait pas la citoyenneté à son enfant. A partir du règne d’Hadrien, les enfants d’une fille de citoyen romain sont citoyens romains, même mariée à un pérégrin. 6 ancien esclave qui a obtenu sa liberté légalement.