PECHERE Jean 1e S6 Etude d’œuvre Zadig ou la Destinée, 1747 De Voltaire Sommaire I- Les Arts 1) Eloquence 2) Savoir, connaissance et bien penser 3) Philosophie voltairienne II- Un conte philosophique initiatique 1) Laïcité, une tolérance voilée 2) L’illusion du bonheur et héroïsme 3) Sens de la vie et Destinée III- Un récit satirique 1) La caricature du despotisme et de la justice 2) Les courtisans et la société bafoués 3) Les religions et les croyances ridiculisées I- Les Arts 1) Eloquence Zadig, sage et doué a surtout un don que Voltaire a bien su lui léguer… l’art de l’éloquence. Un talent qui permet au lecteur d’apprécier et de louer les actes et paroles du protagoniste. Ce talent qui n’est en fait rien d’autre que celui de son auteur et parent Voltaire. Celui parvient à retenir l’attention de quiconque en discourant par le biais de Zadig des propos sensés et des argumentations dénonciatrices et invulnérables. Zadig arbore et flatte aussi bien l’humanité et les communautés qu’il n’arrive à les blâmer ou à les réprouver. Mais son génie de beau parleur oriental lui permet surtout lors du chapitre X, de passer de rang d’esclave à ami intime de son ex-maître Sétoc : « Sétoc, enchanté, fit de son esclave son ami intime » (Chapitre XI, l.1). Il est protégé par Zadig qui le délivre d’un escroc: « ‘‘-Eh bien ! s’écria Zadig, je vous avais bien dit que la pierre porterait témoignage ; puisque cet homme sait où elle est, il avoue donc que c’est sur elle que l’argent fut compté’’ L’Hébreu, déconcerté, fut bientôt contraint de tout avouer […] L’esclave Zadig et la pierre furent en grande recommandation dans l’Arabie. » (Chapitre X, l.99-107). Une audience a été réalisée pour cet épisode et Zadig a pu faire témoigner de son habileté et ses facultés à l’oral, qui lui ont permit de donner à son maître, une plaisante image de lui-même. 2) Savoir, connaissance et bien penser Zadig acquiert une sagesse d’esprit après de multiples épreuves. Il y accède non seulement avec son héroïsme ou son éloquence, mais aussi par ses connaissances scientifiques et son pouvoir de la déduction et de la réflexion… soit son ‘‘ intelligence’’. ‘‘Pessimisme et optimisme ?’’… c’est ce type d’interrogation philosophique que Zadig se pose et qui l’amène à un certain équilibre. Très sain d’esprit, sa culture scientifique ne lui permet pas d’atteindre ses volontés. Chaque épisode qui l’amène à étudier ou à divaguer dans ses pensées scientifiques et chaque rencontre sont sources de désagrément… un des hasard de la vie. A titre d’exemple, il part un jour à la campagne pour étudier la faune et la flore se promène et est interrompu par un eunuque. Suite à ça, un enchaînement de déboires lui arrive: « Zadig vit combien il était dangereux quelquefois d’être trop savant, et se promit bien, à la première occasion, de ne point dire ce qu’il avait vu. » (Chapitre III, l.110-112). Cela montre bien les méfaits que les connaissances peuvent entraîner. Mais aussi, son savoir et son habileté à l’oral peuvent lui permettre aussi son bonheur ; il donne à son maître Sétoc une plaisante image de lui-même. Il lui enseigne par exemple « les lois de l’équilibre [...] beaucoup de choses qui n’étaient point étrangères à son commerce; les pesanteurs spécifiques des métaux et des denrées sous un volume égal; les propriétés de plusieurs animaux utiles; le moyen de rendre tels ceux qui ne l’étaient; enfin il lui parut un sage » (Chapitre X, l.57-64). 3) Philosophie voltairienne Voltaire, possède une structure narrative spécifique à lui-même dans le conte de Zadig. Il écrit et philosophe avec humour mais sans trop de légèreté. Son argumentation distincte et propre à luimême est pleine d’ironie. Plutôt que de dénoncer les injustices de manière directe (et aussi pour essayer d'éviter la censure), Voltaire utilise le rire et l'émotion qui sont des instruments critiques beaucoup plus efficaces que n'importe quel exposé didactique. Le détour permet au lecteur de s'identifier au héros positif (Zadig) et de prendre conscience, avec lui, des abus de la société contemporaine véhiculés par les personnages négatifs. Lorsqu’il écrit Zadig, il accepte la philosophie de Leibniz, avec l’idée d’un meilleur des mondes possibles, même si Zadig se positionne contre. Dans son œuvre, Voltaire analyse sans concession l’humanité, qu’il compare à « des insectes se dévorant les uns les autres sur un petit atome de boue. » (Chapitre IX, l.8-9). Zadig oppose dans ce chapitre cette vision à la sérénité du ciel étoilé, lorsqu’il fuit en Egypte. Mais Voltaire ne tourne pas encore en dérision, il croit en une sagesse possible, d’abord par abstention, dans les premiers chapitres : renoncer au mariage, à la connaissance et au pouvoir, puis accepter les épreuves qui prodiguent une certaine connaissance du monde. Elle est certes une philosophie de Leibniz, mais elle à part entière une doctrine du siècle des Lumières ; des plaidoiries ‘‘brillantes’’ de Zadig et une clarté tout au long du conte dans un univers exotique. En effet, des sujets comme l’esclavage sont traités (Chapitre X et chapitre XVI) et des dénonciations humanistes sont intégrées dans le texte. II- Un conte philosophique initiatique 1) Laïcité, une tolérance voilée Dans chaque chapitre se distinguent les épreuves que le héros doit traverser pour devenir un adulte et un homme vraiment libre. On retrouve l'un des prétextes les plus courants du roman de formation, le motif du voyage. En effet, c'est en quittant son pays natal que Zadig accède peu à peu à la sagesse, grâce aux rencontres qu’il fait et au contact avec l'altérité. Voltaire parvient à faire apparaître cette valeur essentielle de la laïcité qui place l'homme et la femme tels qu'ils sont avec leurs mêmes droits. Une tolérance privilégiant le métissage des cultures s’installe aux côtés de Zadig lors de son périple. C’est une réelle source d'enrichissement et de paix. La laïcité n'est pas la tolérance. La laïcité est abstention et neutralité. Tolérer, c'est autre chose : c’est le fait de respecter la liberté, les opinions, l'attitude d'autrui… c’est une largeur d’esprit. Ainsi, dans le célèbre passage du souper l'Indien Gangaride finit par tolérer l'opinion religieuse de l'Egyptien, qui tolère la sienne, le Chinois celle du Grec, etc.: ils la manifestent tous, ce qui devrait provoquer réplique, chamaillerie ou peut-être violence extrême, mais, raisonnés par Zadig, ils font tous comme s'il n'y avait pas manifestation: « Mes amis, vous alliez vous quereller pour rien, car vous êtes tous du même avis. » (Chapitre XII, l.95-96). Zadig leur fonde une argumentation qui réfute leur dispute à laquelle Zadig a assisté et chacun se rend compte de son absurdité. Car ils sont tous en train de démontrer leur tolérance envers chaque peuple. 2) L’illusion du bonheur et héroïsme Voltaire pose une réelle interrogation philosophique sur le bonheur dans ce conte orientale et exotique qui place dans l’action Zadig, un homme qui demande à apprendre. Dans cette aventure permanente et parfois surnaturelle, le bonheur y est un fil conducteur. Zadig est un jeune homme doué qui croît pouvoir être heureux. Mais son innocence du début du conte est compromise par le mal et par le temps qui dégrade tout: sa compagne Sémire se montre infidèle et Azora préfère Cador à Zadig. Quant à la science qui devait apporter à Zadig la sérénité intérieure, elle le met en difficulté. On offense tout au long du conte, le héros qui est accusé d’avoir voulu trop voir, trop comprendre ou trop contester. Aussi, son mérite suscite la jalousie (de Amiraze). Le bonheur même et le mérite de Zadig se retournent contre lui et deviennent son malheur. Chaque réussite ou tentative de réussite le ramène à l’infortune, le condamne au châtiment ou à l’errance. Zadig revient à Babylone, triomphe de ses ennemis, épouse Astarté et devient roi. Au début du conte, le bonheur n’était qu’une illusion mais après de multiples épreuves et revers de fortune, il vient à rencontrer le bonheur. Zadig a du faire preuve d’héroïsme pour que lui soit amené la véritable sagesse. Il a du braver le danger à ses risques et périls. A titre d’illustration, Zadig a par exemple sauvé une femme de son cruel mari et a dû subir les reproches amers de celle-ci: « Il m’a forcé de le tuer : je vous ai vengée […] Que voulez-vous maintenant de moi, madame ? – Que tu meures scélérat, lui réponditelle, que tu meures ; tu as tué mon amant ; je voudrais pouvoir déchirer ton cœur. » (Chapitre IX, l.66-70). Il déploie ses armes et se montre héroïque pour ne recevoir que des admonestations de la victime au lieu d’une consolation. 3) Sens de la vie et Destinée Zadig assiste à son apprentissage du monde et à la découverte du sens de sa destinée réglée par la Providence. Voltaire pose une interrogation philosophique sur la destinée humaine à travers les lignes du texte. Zadig se pose ces questions philosophiques : quel est le rôle de la Providence? Pourquoi le mal existe-t-il? Il rencontre vite les limites de la liberté, chose dont il jouissait au début du conte. Zadig devient prisonnier des événements et victime de sa destinée qu’il subit avec innocence. Le hasard et le mal l’emportent et prennent diverses forme dans le récit : l’ingrate Sémire brise le cœur de Zadig pour Orcan, Arimaze complote contre lui et Arbogad est un brigand. Ou encore, Itobad ment, en se faisant passer pour Zadig. Tous ces personnages que Zadig rencontre sont la preuve irréfutable du mauvais sens du peuple. Au chapitre VIII, Zadig réfléchit sur sa destinée: « Qu’est ce donc que la vie humaine ? Ô vertu ! à quoi m’avez vous servi ? […] Tout ce que j’ai fait de bien a toujours été pour moi une source de malédictions, et je n’ai été élevé au comble de la grandeur que pour tomber dans le plus horrible précipice de l’infortune » (Chapitre VIII, l.134-140). Les péripéties dramatiques s’accumulent, sans livrer le sens de sa destinée à Zadig, jusqu’à sa rencontre initiatique avec l’ermite qui tien dans la main un livre des destinées. La multiplication des événements brouille le sens de la vie comme dans le conte. Quand Zadig croit avoir atteint son but, il est ensuite plongé dans le malheur. Sa destinée ne cesse de s’inverser, mais peu à peu, elle adopte une courbe ascendante. Seul l’ermite, livre la clé de l’énigme: « il n’y a point de hasard, tout est épreuve, ou punition, ou récompense, ou prévoyance » (Chapitre XVIII, l.194196). Cet ermite accomplit de mauvaises actions : vol, incendie meurtrier et assassinat, pour ensuite expliquer, sous les traits de l’ange Jesrad, qu’il « n’y a point de mal dont il ne naisse un bien » (Chapitre XVIII, l.179-180). Tout le périple de Zadig prend alors un sens, c’est l’ange Jesrad qui livre la connaissance sacré… un voyage plutôt gratifiant pour Zadig qui a le mérite d’être celui qui peut recevoir ce bien précieux. Il existe donc un ordre de l’univers, une logique dissimulée, même si le monde apparaît à chacun comme un chaos, ce n’est qu’apparence. Les malheurs de tous sont en fait dépassés. Zadig ne doit pas contester cet ordre, mais refouler ses objections et ses hésitations, face à cet ordre téléologique. Voltaire articule ainsi l’ordre de la Providence et la liberté de l’homme. III- Un récit satirique 1) La caricature du despotisme et de la justice Voltaire parsème le conte de notes satiriques contre la cour, les financiers, les hommes d'église, bref tous ceux qui détiennent le pouvoir. Pour lui, une réforme du système politique est nécessaire. La critique implicite par Voltaire du totalitarisme et de la société est écrite à travers une satire des pouvoirs établis. Zadig ne nous donne aucune connaissance précise et crédible sur la politique en Orient au XVIII siècle. Il nous offre une vision caricaturale du despotisme oriental. Dans Zadig, le despotisme est réduit à l’expression de caprices personnelles et de volontés arbitraires, sans qu’à aucun moment n’apparaissent les raisons ou les motivations proprement politiques du pouvoir. Possédé par la jalousie et par sa passion pour Missouf, le roi Moabdar devient fou et violent. Arimaze représente pour sa part le stéréotype du mauvais conseiller, tel que la littérature humaniste et pacifiste aime à le peindre. Au fond, ce n’est pas le monarque qui est mauvais, mais bien plutôt les influences exercées sur lui. A cette autorité diabolisée, Voltaire oppose la sagesse et la raison incarnée par Zadig. Quant à la justice, elle est arbitraire et expéditive. Elle ne mène aucune enquête, n’écoute pas les accusés et leur inflige des peines disproportionnées. Dans le chapitre VIII, le roi Moadbar condamne Zadig sans un réel fondement ; il le ‘‘soupçonne d’aimer et d’être aimé’’ par Astarté, la femme du roi. Ce ‘’crime’’ ne fait appelle à aucune enquête et sous la colère et suite à une déduction du roi, il décide d’en finir avec Zadig et Astarté : « Le monarque ne songea plus qu’à la manière de se venger. Il résolut une nuit d’empoisonner la reine, et de faire mourir Zadig par le cordeau, au point du jour » (Chapitre VIII, l.79-81). Pour des raisons personnelles et par jalousie, le roi met en péril la vie de sa bien aimée et de son très apprécié second. 2) Les courtisans et la société bafoués Voltaire parvient à critiquer le peuple dans lequel il vivait au XVIIe et XVIIIe siècle. De manière détournée, Voltaire s'attaque aux problèmes de société de son époque. Plutôt que de dénoncer les injustices de manière directe (et aussi pour essayer d'éviter la censure), Voltaire utilise le rire et l'émotion qui sont des instruments critiques beaucoup plus efficaces que n'importe quel exposé didactique. Le détour permet au lecteur de s'identifier au héros positif (Zadig) et de prendre conscience, avec lui, des abus de la société contemporaine véhiculés par les personnages négatifs. Arimaze est le stéréotype d’un noble que l’on pouvait rencontrer dans la cour de Louis XV qui n'aimait pas les intellectuels et ressentait une grande aversion pour Voltaire. La société à Babylone est décrite par delà des personnages symboliques (les diverses figures du hasard et du mal [II, 3)]). Jalousie, traîtrise…les grands défauts de la société de l’époque de Voltaire sont traités. La vermine de l’époque est apparente entre les lignes. En effet, Zadig subit des tromperies comme celle de l’Envieux qui par simple jalousie, veut nuire à Zadig: « L’Envieux fut heureux pour la première fois de sa vie. Il avait entre les mains de quoi perdre un homme vertueux et aimable. Plein de cette cruelle joie, il fit parvenir jusqu’au roi cette satire écrite de la main de Zadig : on le fit mettre en prison, lui, ses deux mains et la dame » (Chapitre IV, l.95-99). C’est un chapitre de l’aventure de Zadig mis en scène à travers une ironie grinçante qui dessine les vicissitudes de la destinée et le monde injuste, cruelle et sans pitié de l’époque. Un monde dans lequel la terreur banale de l’esclavagisme règne encore. 3) Les religions et les croyances ridiculisées Adversaire des religions révélées et enseignées, Voltaire prône dans Zadig le déisme, en particulier au chapitre XII. Il émet l’idée d’un Dieu créateur mais non révélé. Dans ce chapitre sont présents plusieurs représentants de diverses religions qui défendent leurs croyances communes ou non. Voltaire met en scène des querelles sur le sujet des liturgies, il s’amuse avec les contradictions. Les rites et les croyances sont présentés de manière absurde, ridicule. Les rituels interdisant la consommation de certains animaux, la coutume de brûler les veuves sur le bûcher où se trouve leur mari et tous les autres mœurs sont jugés sans fondement. Quant aux religieux, ils sont présentés comme fanatiques et féroces. Lors du souper à Bassora, réunissant des convives de divers pays, les invités se querellent pour d’obscures questions de rites. Zadig parvient à les réconcilier en leur prouvant qu’ils sont tous du même avis et qu’ils adorent le même Dieu. Mais les prêtres qui n’ont toujours pas accepté la réforme du « bûcher des veuves » le font condamner : « Zadig apprit en arrivant qu’on lui fait son procès en son absence, et qu’il allait être brûlé à petit feu. » (Chapitre XVI, l.112-114). Zadig parvient en un dîner à briser les croyances de nombreux hommes, preuve de l’oeil que Voltaire porte sur ces religions, il les trouve ridicules. La satire des mœurs et des institutions: Voltaire s'attaque au fanatisme religieux et à l'intolérance. Il dresse un véritable réquisitoire contre l'Eglise qui détourne les valeurs de la religion au profit des intérêts personnels. Sa dénonciation est claire dans ce chapitre, dans lequel les prêtres décident de condamner Zadig à mort pour avoir fait abolir une tradition cruelle. Voltaire évoque également tout au long du périple, les péchés de l’Homme et la société.