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Willy Ronis
Le photographe, un des plus illustres représentants du courant humaniste français de l'après-guerre, avait imaginé avec plaisir une
grande exposition à Paris pour fêter ses cent ans en 2010.
Il a disparu depuis, mais nous allons voir aujourd’hui les nombreuses facettes de son oeuvre, images sociales, poétiques ou les deux, et
images plus intimes.
L'exposition s'ouvre sur les aspects les plus connus de l'oeuvre de Willy Ronis. A la fin des années
1930, il photographie le 14 juillet du Front populaire, la grève à l'usine Javel-Citroën, avec la célèbre
Rosa Zehner qui harangue les grévistes. Cette photo oubliée avait été exhumée quarante ans plus
tard pour devenir une image-icone.
Il y a les images de la liesse de l'après-guerre, Le Retour du prisonnier, qui embrasse une bonne soeur
comme du bon pain. Les dockers et les mariniers sur la Seine.
Willy Ronis, proche du parti communiste, exprime ses préoccupations sociales dans son travail de
photographe. Sans idéaliser le monde ouvrier, ni faire de misérabilisme il témoigne d'un Intérieur
pauvre dans le 4e arrondissement de Paris, photographie les gueules noires à Lens ou le bidonville de
Nanterre.
Il y a aussi des photos purement poétiques, le reflet de la colonne Vendôme dans une flaque, entre
les pieds d'une fille, Paris sous la pluie la nuit. Ronis ne connaît pas encore Brassaï, il le rencontrera
plus tard.
Il y a de l'empathie et une grande poésie dans les images qu'il tire du monde ouvrier. Comme cette
magnifique Forge chez Renault où les ouvriers sont des ombres dans un rayon de lumière. Tirée d'une
commande de la Régie, elle n'avait pas plu parce qu'elle n'était pas assez "positive". Dans les usines
textiles, il utilise le graphisme des fils, des rouleaux de tissu.
Willy Ronis a beaucoup photographié Paris et sa banlieue. Il a aussi voyagé à l'étranger. L'exposition
montre des images d'un reportage effectué pendant cinq semaines en Allemagne de l'Est, pour l'association Echanges franco-allemands.
Il a aussi travaillé à Londres pour une revue suisse, fixant l'ambiance des pubs de Soho et
de les lumières de la nuit. En voyage privé en Hollande, il a été frappé par les costumes
traditionnels des femmes et des enfants. L'exposition montre encore des images de
Prague, le pont Charles sous la pluie, de Moscou ou de New York. A l'île de la Réunion, il
capture en 1990 un instant magique et lumineux de lessive dans la rivière.
L'exposition se termine sur une note plus intimiste. Des photos privées de la femme du
photographe, Anne-Marie, et de son fils Vincent. Dont le fameux Nu provençal: en
vacances à Gordes, Willy Ronis n'avait pas imaginé que cette photo de toilette deviendrait si célèbre.
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Et enfin les nus de Willy Ronis. Il n'a pas photographié que sa femme. Toute sa vie, au hasard des rencontres et des demandes, il a
photographié des nus. "La beauté du corps féminin m'a toujours impressionné", disait-il dans une interview au Nouvel Observateur au
moment de la sortie de Nues, un livre réalisé avec Philippe Sollers. Et la beauté de ces corps féminins, il a su la saisir avec beaucoup
de respect et de délicatesse. Sa dernière photo, en 2002, était un nu, avant qu'il raccroche son appareil photo. Les dernières années, il
souffrait de douleurs, n'arrivait plus à marcher et avait préféré ne plus prendre de photos.
Le parcours d'un photographe de l'humain
Willy Ronis est né en 1910 à Paris, d'un père juif ukrainien, photographe de quartier et amateur
d'opéra, et d'une mère juive lituanienne, professeur de piano. Il se passionne pour la musique et le
dessin, mais penche plutôt pour la musique et rêve d'être compositeur.
Willy Ronis réalise son premier cliché à l'âge de 16 ans, avec un Kodak 6,5 x 11 cm que lui a offert
son père. Quand son père tombe malade, il doit le remplacer au studio et abandonne la musique.
Mais la photo de studio l'ennuie, il préfère l'extérieur, la rue. Il commence à photographier Paris, ses
ouvriers et ses clochards, son pavé luisant la nuit, les mouvements sociaux. Alors à la mort de son
père, en 1936, Ronis se débarrasse du magasin et devient photographe pour la presse, l'industrie,
la mode et la publicité.
Pendant le Front Populaire, en 1936, Willy Ronis publie dans la revue Regards ses premiers
reportages sur les mouvements sociaux. Il photographie aussi des anonymes dans la rue, dans le
métro, mais, timide, il ne s'approche pas beaucoup, aimant les personnages isolés dans la foule. Pendant la Seconde guerre
mondiale, Willy Ronis quitte Paris pour la zone libre où il occupe divers emplois de régisseur de théâtre, aide-décorateur de cinéma,
ou peintre sur bijoux, avec Marie-Anne qu'il épouse en 1946.
A la Libération, Willy Ronis participe à la renaissance de la presse illustrée. Comme il le racontait en 2005, à l'occasion d'une grande
exposition à l'Hôtel de Ville de Paris, "le public avait une folle soif d'images et, pendant quelques années, la photographie pour la page
impriméee connut une période de grande fertilité". Il effectue des commandes sur des sujets de société pour divers magazines.
Willy Ronis intègre, en 1946, la première équipe de l'agence Rapho avec Robert Doisneau, Brassaï,
Boubat... C'est la grande époque de la photographie dite "humaniste" française, qui a l'humain
comme sujet principal.
En même temps, Ronis poursuit un travail personnel sur Paris. A partir de 1947, il se passionne
pour les quartiers populaires de Belleville et de Ménilmontant dont il arpente les rues et
immortalise le côté encore campagnard, la lumière, les cafés et les gamins.
Les années 60 et 70 sont moins fastes pour les photographes humanistes. Le regard idéaliste qu’ils
portaient sur l’homme n’est plus à la mode. Les commandes sont moins nombreuses
Le photographe fait de la publicité, de la mode, du reportage industriel, des genres qui ne le
passionnent pas. En 1972, Willy Ronis décide de quitter Paris pour Gordes, puis l’Isle-sur-la-Sorgue.
Pendant ses années provençales, il enseigne et photographie le Midi.
La consécration vient à la fin des années 1970: après quelques années d’oubli, on redécouvre les photographes humanistes, avec
la nostalgie du vieux Paris. Grand Prix des arts et lettres pour la photographie en 1979, invité d'honneur des Rencontres internationales
de la photographie d'Arles en 1980, Willy Ronis obtient le prix Nadar pour son livre Sur le fil du hasard en 1981.
Expositions, rétrospectives et hommages se succèdent, notamment à Paris en 1985, 2005-2006, à Arles en 2009.
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