Et enfin les nus de Willy Ronis. Il n'a pas photographié que sa femme. Toute sa vie, au hasard des rencontres et des demandes, il a
photographié des nus. "La beauté du corps féminin m'a toujours impressionné", disait-il dans une interview au Nouvel Observateur au
moment de la sortie de Nues, un livre réalisé avec Philippe Sollers. Et la beauté de ces corps féminins, il a su la saisir avec beaucoup
de respect et de délicatesse. Sa dernière photo, en 2002, était un nu, avant qu'il raccroche son appareil photo. Les dernières années, il
souffrait de douleurs, n'arrivait plus à marcher et avait préféré ne plus prendre de photos.
Le parcours d'un photographe de l'humain
Willy Ronis est né en 1910 à Paris, d'un père juif ukrainien, photographe de quartier et amateur
d'opéra, et d'une mère juive lituanienne, professeur de piano. Il se passionne pour la musique et le
dessin, mais penche plutôt pour la musique et rêve d'être compositeur.
Willy Ronis réalise son premier cliché à l'âge de 16 ans, avec un Kodak 6,5 x 11 cm que lui a offert
son père. Quand son père tombe malade, il doit le remplacer au studio et abandonne la musique.
Mais la photo de studio l'ennuie, il préfère l'extérieur, la rue. Il commence à photographier Paris, ses
ouvriers et ses clochards, son pavé luisant la nuit, les mouvements sociaux. Alors à la mort de son
père, en 1936, Ronis se débarrasse du magasin et devient photographe pour la presse, l'industrie,
la mode et la publicité.
Pendant le Front Populaire, en 1936, Willy Ronis publie dans la revue Regards ses premiers
reportages sur les mouvements sociaux. Il photographie aussi des anonymes dans la rue, dans le
métro, mais, timide, il ne s'approche pas beaucoup, aimant les personnages isolés dans la foule. Pendant la Seconde guerre
mondiale, Willy Ronis quitte Paris pour la zone libre où il occupe divers emplois de régisseur de théâtre, aide-décorateur de cinéma,
ou peintre sur bijoux, avec Marie-Anne qu'il épouse en 1946.
A la Libération, Willy Ronis participe à la renaissance de la presse illustrée. Comme il le racontait en 2005, à l'occasion d'une grande
exposition à l'Hôtel de Ville de Paris, "le public avait une folle soif d'images et, pendant quelques années, la photographie pour la page
impriméee connut une période de grande fertilité". Il effectue des commandes sur des sujets de société pour divers magazines.
Willy Ronis intègre, en 1946, la première équipe de l'agence Rapho avec Robert Doisneau, Brassaï,
Boubat... C'est la grande époque de la photographie dite "humaniste" française, qui a l'humain
comme sujet principal.
En même temps, Ronis poursuit un travail personnel sur Paris. A partir de 1947, il se passionne
pour les quartiers populaires de Belleville et de Ménilmontant dont il arpente les rues et
immortalise le côté encore campagnard, la lumière, les cafés et les gamins.
Les années 60 et 70 sont moins fastes pour les photographes humanistes. Le regard idéaliste qu’ils
portaient sur l’homme n’est plus à la mode. Les commandes sont moins nombreuses
Le photographe fait de la publicité, de la mode, du reportage industriel, des genres qui ne le
passionnent pas. En 1972, Willy Ronis décide de quitter Paris pour Gordes, puis l’Isle-sur-la-Sorgue.
Pendant ses années provençales, il enseigne et photographie le Midi.
La consécration vient à la fin des années 1970: après quelques années d’oubli, on redécouvre les photographes humanistes, avec
la nostalgie du vieux Paris. Grand Prix des arts et lettres pour la photographie en 1979, invité d'honneur des Rencontres internationales
de la photographie d'Arles en 1980, Willy Ronis obtient le prix Nadar pour son livre Sur le fil du hasard en 1981.
Expositions, rétrospectives et hommages se succèdent, notamment à Paris en 1985, 2005-2006, à Arles en 2009.