Impact de l’installation d’une IRM dédiée aux urgences sur les durées de séjour au CHRU de Lille Objectif L’objectif de l’étude est d’évaluer l’impact de l’installation d’une IRM dédiée aux urgences en avril 2009 au CHRU de Lille sur la durée moyenne des séjours. Matériel et Méthode Il s’agit d’une étude appariée de type « avant/après » sans groupe contrôle, réalisée sur la base des données PMSI1. La comparaison porte sur les durées moyennes de séjour totales au sein de l’établissement (DMS). Tous les patients des services de neurologie, de neurochirurgie adulte (hors secteur réanimation) et des urgences ayant bénéficié d’un examen sur l’IRM dédiée aux urgences au cours du second semestre 2009 sont inclus. Pour la sélection des séjours, la date d’entrée et la date de sortie sont prises en compte. L’admission et la sortie doivent survenir entre le 1er juillet et le 31 décembre de l’année considérée. Les services retenus dans le cadre de l’étude représentent la majeure partie de l’activité de l’équipement. Pour l’appariement, l’ensemble des séjours réalisés dans les mêmes services au cours du second semestre 2008 sont considérés. L’appariement des observations de la période « avant » (second semestre 2008) et de la période « après » (second semestre 2009) est réalisé à partir du calcul d’un score de propension fondé sur l’estimation d’un modèle logistique [Labarère et al. (2008)]. Ce modèle estime la probabilité de réalisation d’un examen sur l’IRM dédiée aux urgences au cours du second semestre 2009 en fonction du sexe et de l’âge du patient, de l’ensemble des diagnostics posés au cours de l’hospitalisation et retenus pour le codage de l’activité PMSI, du nombre total de RUM2 du séjour, des modes d’entrée et de sortie des patients et du lieu de résidence du patient (zone urbaine ou rurale). Ce modèle est ensuite utilisé pour prédire la probabilité de réalisation d’une IRM pour les séjours du second semestre 2008. Trois souséchantillons de patients sont constitués en fonction du service prescripteur de l’IRM (souséchantillons intitulés « neurologie », « neurochirurgie adulte » ou « urgences » dans la suite du texte). Un modèle logistique est estimé pour chaque sous-échantillon de sorte à améliorer la qualité de l’appariement. La prise en compte de la totalité des diagnostics portés au cours du séjour permet de limiter les biais liés aux changements intervenus dans les modalités de recueil de l’information entre les deux périodes (passage à la V11 en mars 2009). Eu égard à l’incertitude sur la qualité du codage des AVC3 aux urgences en 2008, les diagnostics d’AVC figurant sur le RUM des urgences en 2008 n’ont pas été pris en considération dans le calcul du score de propension. La PMSI : Programme de Médicalisation des Systèmes d’Information. RUM : Résumé d’Unité Médicale. 3 AVC : Accident Vasculaire Cérébral. 1 2 procédure d’appariement associe une observation de la période « après » à une observation de la période « avant » (ratio 1/1). Les durées moyennes de séjour totales entre les deux périodes sont comparées sur la base d’un test paramétrique de comparaison de moyenne sur échantillons appariés (t-Student). Les comparaisons sont réalisées pour l’ensemble des séjours en tenant compte du service prescripteur de l’examen (neurologie, neurochirurgie adulte, urgences), de la date de réalisation de l’examen (le jour de l’admission, le lendemain ou plus tardivement). Une sous-analyse particulière s’intéresse aux patients pour lesquels un diagnostic d’AVC ou de suspicion d’AVC est porté au cours du séjour en retenant une définition large des symptômes neurologiques évoquant un AVC4. Premiers résultats Au cours du second semestre 2009, 1797 patients ont été explorés sur l’IRM dédiée aux urgences, dont 729 prescrits alors que le patient se trouvait en neurologie (40,6%), 212 en neurochirurgie adulte (11,8%) et 571 aux urgences (31,8%). Les trois services retenus représentent donc 85% de l’activité de l’IRM dédiée. L’activité des services est appréhendée par le nombre d’hospitalisations comportant au moins un RUM (un passage) dans les services considérés. L’activité des services de neurologie s’est accrue entre le second semestre 2008 et le second semestre 2009, passant de 5069 à 5436 passages (+7,2%). Cette évolution tient compte de l’extension des capacités d’accueil. L’activité de la neurochirurgie adulte est la plus dynamique : 1645 passages en 2008 contre 1812 en 2009 (+9,6%). A l’inverse, l’activité des urgences évolue moins rapidement : de 8206 passages5 en 2008 à 8472 en 2009 (+3,2%). Environ 65% des examens d’IRM sur l’appareil dédié aux urgences ont été réalisés le jour de l’admission, 20% le lendemain et 15% les jours suivants. L’ajustement du modèle logistique utilisé pour l’appariement des données est meilleur pour le sous-échantillon « neurologie » (pseudo-R²=0,6515, aire sous la courbe ROC=0,9708) que pour le sous-échantillon « urgences » (pseudo-R²=0,4934, aire sous la courbe ROC=0,9392) du fait d’une plus grande hétérogénéité des diagnostics. Pour le sous-échantillon « neurochirurgie adulte », le nombre d’observations s’avère insuffisant pour obtenir une estimation satisfaisante du modèle. Les résultats concernant la neurochirurgie adulte ne sont donc pas présentés. En ce qui concerne le sous-échantillon « neurologie », la durée moyenne des séjours évolue peu entre le second semestre 2009 (9,84 jours) et le second semestre 2008 (9,71 jours). Un écart de durée de séjour de 0,13 jour est constaté, IC95% [-0,91 ; +1,16] (p=0,8114). La différence demeure non significative après stratification du sous-échantillon au regard du moment auquel l’IRM est prescrite. La liste des codes retenus pour définir un diagnostic d’AVC ou de suspicion d’AVC est disponible auprès des auteurs. 5 Au sens précisé ci-dessus, c’est-à-dire au moins un RUM dans le RSS du séjour. 4 En ce qui concerne le sous-échantillon « urgences »6, la durée moyenne de séjour diminue de 1,37 jour entre le second semestre 2009 et le second semestre 2008, IC95% [-2,33 ; -0,40] (p=0,0054), passant de 10,16 jours à 8,79 jours. La différence de durée de séjour au sein de ce sous-échantillon tient uniquement aux séjours pour lesquels l’IRM est prescrite le jour même de l’admission, DMS=-2,20 jours, IC95% [-3,32 ; -1,09] (p=0,0001). Pour les séjours pour lesquels l’IRM est prescrit le lendemain de l’admission ou les jours suivants, la durée moyenne de séjour ne change pas. L’analyse spécifique réalisée pour les diagnostics d’AVC ou de suspicion d’AVC confirme et renforce ces résultats. La diminution de la durée de séjour entre 2008 et 2009 est plus importante au sein du sous-échantillon « urgences » qu’au sein du sous-échantillon « neurologie ». Elle montre, en outre, que la réduction de la durée de séjour ne survient que pour les suspicions d’AVC et non pour les AVC confirmés. Au sein du sous-échantillon « urgences », la durée moyenne de séjour pour les suspicions d’AVC diminue de 3 à 4 jours dès lors que l’examen est prescrit le jour même de l’admission (DMS=-3,91 jours, IC95% [5,88 ; -1,94], p<0,0001) ou le lendemain (DMS=-3,04 jours, IC95% [-5,85 ; -0,22], p=0,0370). Conclusion Cette étude tend à montrer que l’installation d’une IRM dédiée permet de réduire la durée moyenne des séjours pour lesquels une IRM est prescrite aux urgences (environ 6% des séjours) de l’ordre d’une journée. Pour les suspicions d’AVC admises aux urgences, la réduction de durée de séjour est de 3-4 jours. Cette étude présente cependant plusieurs limites. En premier lieu, elle ne vise qu’à mettre en évidence la réduction de la durée moyenne des séjours permise par l’installation d’une IRM dédiée et n’appréhende pas l’amélioration de la prise en charge des patients (qui peut exister en dehors de tout impact sur les durées de séjour). En deuxième lieu, son design, de type « avant/après » sans groupe contrôle, ne permet pas d’imputer de manière définitive la réduction des durées de séjour entre le deuxième semestre 2008 et le deuxième semestre 2009 à la mise en exploitation de l’IRM dédiée aux urgences. En troisième lieu, l’analyse statistique repose sur l’exploitation des données PMSI. Ces données peuvent souffrir d’imprécisions, sources potentielles de biais, tant sur le codage des diagnostics que sur celui de la date de réalisation de l’examen d’IRM. L’analyse doit être poursuivie pour permettre une stratification de l’échantillon non plus sur le service prescripteur mais sur la filière de prise en charge des patients. L’impact économique de l’IRM dédiée aux urgences doit être quantifié en prenant en compte le coût de l’équipement, le taux d’utilisation de celui-ci et l’impact de la réduction de la durée des séjours sur l’activité des services. Références bibliographiques : LABARERE J, BOSSON JL, FRANÇOIS P, FINE MJ (2008) L’analyse par score de propension Exemple d’application à une étude observationnelle sur la prophylaxie de la maladie thromboembolique veineuse. La Revue de médecine interne ; 29 : 255–258 C'est-à-dire l’échantillon composé des séjours pour lesquels l’IRM est prescrit lorsque le patient est hospitalisé aux urgences. 6