CBP – Avis n°50 relatif à la situation budgétaire du Réseau public de la Lecture (27-02-2015)
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pour redresser l'économie du pays, tout comme l'Inde et l'Indonésie et que les
pays arabes préparent l'après-pétrole en investissant des sommes pharaoniques
dans des infrastructures culturelles.
Et la Belgique ? Serions-nous les cancres de la classe ? Le gouvernement agit par
ukases en instaurant des mesures d’économies linéaires à l’encontre des
institutions culturelles fédérales. […] Les économies sont considérables,
extraordinairement difficiles à réaliser à court terme comme le signale Bernard
Focroulle.
Ces coupes aveugles dans les budgets culturels indignent le premier
démocrate venu.
Jacques De Decker
, secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langue et de
littérature françaises de Belgique, tente de décoder les attitudes mentales de nos
excellences. La décision aussi brutale qu’arbitraire […] est probablement fondée
sur quelques idées reçues à propos de la culture qui semblent même avoir
contaminé les plus hautes instances en la matière. Et il continue : [cela] consiste
à penser qu’une certaine forme de culture serait élitaire, à savoir anti-
démocratique. […] le socle de ce que l’on aimerait encore appeler notre
patrimoine est frappé de cet anathème. Y a-t-il signe plus évident d’une
détestation de soi, d’un reniement de ce qui nous a fait, de ce sur quoi notre
mémoire et notre conscience collectives se fondent ?
En effet, la culture constitue aussi bien une référence identitaire historique (on
«appartient» à une culture) qu’un processus ouvert de construction et de
réinvention permanentes. Mais elle est également, nous venons de le souligner,
un vecteur de développement territorial et économique. Elle participe ainsi au
rayonnement national et international contribuant largement au développement
de l’image de notre Fédération et de son identité à l’étranger.
Or, nous constatons qu’aujourd’hui, crise oblige, nous glissons lentement mais
sûrement d’une territorialité politique à une territorialité concurrentielle faisant
du marché global le territoire symbolique et réel des politiques et des pratiques
de développement. L’ère est arrivée des comptables, des financiers, de la
recherche du bénéfice immédiat à tout prix. Une attitude qui dorénavant pollue
également les domaines culturels.
En réaction, les opérateurs culturels doivent affirmer leur détermination d’inscrire
leur combat pour la démocratie culturelle dans la perspective d’une action de
résistance au monopole de la raison économique, à la violence silencieuse qu’elle
impose et à la pensée unique qu’elle génère. En un mot, envisager la culture
comme outil du développement territorial.
Dans ce contexte, on parle davantage de processus, de changement, d’itinéraire.
Mais quelles que soient les modalités d’intervention, la démarche devrait viser à
désenclaver la culture et mutualiser les ressources, tout en préservant
Focroulle (Bernard), Lettre ouverte au Premier ministre, Charles Michel : Culture en danger ? in Le Soir du 28
octobre 2014, p. 18
De Decker (Jacques), « C’est Mozart qu’on assassine », in Le Soir du 30 octobre 2014, p. 22