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30 janvier 2008 : Diffusion du film « La guerre contre le Cancer » à l’IEP-Paris, suivi
d’un débat avec la salle mené par André Cicollela (Chercheur en Santé
environnementale, INRS) et Sylvie Gilman (réalisatrice du film).
Le documentaire s’ouvre sur ce terrible constat de Clifton Leaf, « survivant » du cancer et
rédacteur en chef du magazine « Fortune » : 1500 Américains meurent chaque jour du
cancer En nombre de victimes, c’est un peu comme si un 11 septembre 2001 se
produisait tous les deux jours !
Mais qui a pleinement conscience de l’ampleur de ce désastre ? Serions-nous en train
de perdre la guerre contre le cancer entamée il y a 35 ans ?
Petit rappel historique :
1969, l’Homme fait ses premiers pas sur la Lune, rien ne semble résister à son
intelligence … La science est l’avenir de l’homme, l’heure est à l’optimisme
23 décembre 1973, le président Nixon proclame la guerre contre le cancer ; des millions
de dollars sont débloqués, toute une propagande entoure cette « crusade against cancer »
dans cinq ans le cancer sera vaincu, annonce-t-on
A cette époque les Etats-Unis sont en pleine guerre du Vietnam, et Nixon a besoin d’une
victoire pour faire oublier l’échec de ses troupes dans le bourbier vietnamien
Début des années 1970 : les connaissances sur le cancer sont encore balbutiantes, il est
mal connu, on parle alors de maladie d’une cellule devenue un peu folle, mais on ne sait
pas pourquoi, ni comment, donc on ne sait pas comment le contrecarrer.
C’est l’étude des virus qui va permettre les premières avancées thérapeutiques.
En 1976, Dominique STEHELIN, chercheur français, va identifier un gène dans la
cellule, découverte qui va radicalement changer la vision du cancer : le ritable ennemi
vient de l’intérieur de la cellule, de nos propres gènes : il découvre l’existence des
oncogènes, responsables de la prolifération anarchique des cellules.
(Treize ans plus tard cette découverte sera « dérobée » à STEHELIN, elle fera l’objet d’un
prix Nobel décerné à deux chercheurs américains, mais pas à lui.)
La connaissance du cancer progresse mais pas encore le quotidien des malades, ou si peu
Alors à défaut de traitement réellement efficace, on va promouvoir la prévention, contre
le tabac notamment, dont les dangers sont connus depuis longtemps des scientifiques ;
mais le puissant lobby des industriels du tabac américains va bloquer des années durant
toute communication auprès du grand public concernant les risques liés au tabagisme.
1976, en France, la première loi anti-tabac est promulguée ; c’est la loi dite « loi Veil »,
qui impose sur tous les paquets de cigarettes une mention des dangers liés au tabagisme.
Dès cette époque, Maurice Tubiana, éminent cancérologue français, va concentrer ses
efforts de prévention sur la lutte contre le tabac, mais il écartera toute implication de la
pollution dans le développement de cancers.
Aux Etats-Unis, la riposte de l’industrie du tabac sera très forte : elle essaiera par tous
moyens de mettre en doute les résultats scientifiques dénonçant les dangers de la
cigarette ; elle insistera sur les points de méconnaissance et les incertitudes à l’intérieur
des études et paiera ses propres scientifiques pour démonter les arguments des anti-tabac.
La lutte est donc violente et intense entre recherche médicale et industriels.
En 1977, les media américains révèlent le scandale de l’enfouissement de déchets
d’origine chimique dans le Love Canal, qui vont provoquer maladies, décès,
malformations de nouveau-né parmi les riverains des terrains contaminés ; cette affaire va
avoir valeur de symbole, elle va informer le public sur les risques à long terme des
déchets toxiques.
Mais coup de théâtre : en 1980, Ronald Reagan est élu sur la base d’un programme
ultralibéral et il n’aura de cesse de déréglementer au nom de la libre concurrence.
Reagan va ainsi mettre un frein à la lutte contre les pollutions chimiques, diminuer
drastiquement le budget de l’Agence de l’Environnement, éliminer les chercheurs
« gênants » en leur supprimant subventions et budgets de recherche …
Mais malgré tous ces obstacles, les recherches se poursuivront.
En 1980, l’INTERFERON de synthèse est découvert.
Les enjeux psychologiques et thérapeutiques sont énormes. La course entre les
laboratoires pharmaceutiques commence ...
Un doute insidieux s’installe …
Les traitements découverts ont des effets secondaires à la fois très toxiques et d’un point
de vue thérapeutique très limités sur le cancer. Ils sont aussi de plus en plus coûteux à
développer.
Le professeur ROSENBERG du National Cancer Institute (qui a opéré avec succès le
cancer de Reagan) va expérimenter une thérapie génique sur des malades volontaires
condamnés par le cancer. Déception : malgré plusieurs tentatives, la thérapie génique ne
prouvera pas son efficacité.
Vingt ans plus tard, la guerre contre le cancer n’est toujours pas gagnée en dépit des
propos optimistes prononcés par les cancérologues lors de chaque nouvelle découverte.
Au début des années 1980 on va recourir à la chimiothérapie à forte dose. Elle suscitera
de grands espoirs mais les rechutes seront nombreuses dans les années qui suivent ces
traitements lourds.
En 1986, John BAILAR va créer un scandale en publiant dans le New England Journal of
Medecine un article qui dénonce la stagnation de la recherche contre le cancer aux Etats-
Unis.
Selon lui, il faudrait réorienter la lutte contre le cancer du poumon non vers la guérison,
puisque jusqu’ici les résultats des différents traitements essas se sont montrés peu
probants, mais vers la prévention, notamment celle contre les méfaits du tabac.
Malheureusement il y a peu de recherche menée sur la prévention.
En 2001 en France, le cancérologue Laurent SCHWARTZ publie « Métastases, vérités
sur le cancer » dans lequel il fait le constat de l’échec de la science et de la médecine face
au cancer. Son livre connaitra un grand succès, mais suite à sa parution il sera licencié.
Toute vérité n’est donc pas bonne à dire …
Que sait-on vraiment des causes de cette épidémie de cancers ?
Rien que pour le cancer du sein, nous sommes passés d’une femme sur 20 atteinte dans
les années 1960, à une femme sur 9 aujourd’hui.
Il n’y aurait pas plus de cancers selon certains, mais l’amélioration des techniques de
dépistage, et la systématisation de sa recherche passé un certain âge, participent à les
mettre en évidence pour mieux les guérir.
Ce type de raisonnement ne tient pas la route : certes les méthodes de pistage se sont
améliorées mais l’épidémie de cancers s’étend, continue à se développer inexorablement.
Pourquoi ?
Aux Etats Unis, on continue à distribuer des crédits pour la recherche de traitements, on
responsabilise le public et les malades quant à certains comportements susceptibles de
favoriser la survenue du cancer, mais aucune action de prévention de masse n’est
engagée.
Eté 1999, Robert WEINBERG vient de compléter le puzzle génétique du cancer : des
traitements ciblés vont pouvoir être mis au point. Lui-même les comparera à de petits
missiles qui viennent exploser exclusivement les cellules cancéreuses.
Mais malgré cette approche plus complète de la maladie, il n’y a aucun progrès en terme
de guérison.
En revanche, la guerre violente entre les différents laboratoires et leurs équipes de
chercheurs s’intensifie ; En effet les recherches sont de plus en plus pointues, longues,
aléatoires et couteuses, et l’enjeu toujours plus grand.
Concernant la connaissance du rôle des métastases, il y a peu d’avancées car le sujet est
trop complexe.
En France, les chiffres du cancer sont devenus alarmants : en 30 ans, les cancers de
l’enfant ont progressé de 30%. Entre 1970 et 1990, les cancers des poumons ont
augmenté de 110 %, ceux des bronches de 75 %, des ovaires de 94 % et du sein de 43 %.
La légère amélioration du nombre de guérisons ne parvient pas à compenser
l’accroissement des cancers diagnostiqués.
Le Professeur BELPOMME, cancérologue français, estime que la prise en compte des
causes environnementales est essentielle pour comprendre l’explosion du cancer, et
qu’elles ont été sous-évaluées, d’où l’échec dans la lutte contre cette maladie.
Mais cette opinion n’est pas partagée par tous les scientifiques ; Pour le Pr TUBIANA,
tout cela ne serait que « foutaises ».
Alors avec des malades et leurs familles, le Pr BELPOMME va fonder l’ARTAC
(Association pour la Recherche Thérapeutique Anti-Cancéreuse) et le 7 mai 2004, il
lance l’Appel de Paris
1
, sur les dangers sanitaires de la pollution chimique, qui sera signé
par de nombreuses personnalités du monde scientifique.
Cet appel aura peu de répercutions.
C’est l’étude des cancers professionnels qui va permettre d’établir définitivement un lien
entre cancer et environnement.
Notamment ceux provoqués par l’amiante.
Mensonges, manipulations, pressions, pendant des années les industriels vont recourir à
ces différents moyens pour retarder la prise de décision des politiques contre l’amiante.
Aujourd’hui, le rôle de l’amiante dans l’apparition de certains cancers est établi
(développement d’asbestoses, de mesothéliomes) ; mais entre les premiers doutes sur la
dangerosité de l’amiante et son interdiction, de nombreuses années ont passé …
Les perturbateurs endocriniens.
Cette découverte récente génère beaucoup d’espoirs notamment en terme de prévention.
Les perturbateurs endocriniens sont des composants qui agissent comme des
perturbateurs hormonaux (les œstrogènes notamment, constituent d’importantes pistes
d’étude).
Dans l’exposition à ces composants, ce n’est pas tant la dose qui est dangereuse, que la
durée et la fréquence d’exposition.
Ce qui ralentit considérablement la Recherche aujourd’hui, c’est le manque de
financements en toxicologie et en épidémiologie ; le problème se pose essentiellement à
un niveau de volonté du politique.
Quand en 2003 le plan national cancer a été lancé, la lutte contre le tabagisme, le
développement du dépistage ont été favorisés mais il n’y a pas eu de nouveaux crédits
accordés à la recherche épidémiologique.
De même, les Prs LEIBOWICTZ et CICOLLELA continuent à dénoncer les nombreuses
pressions subies par les chercheurs, la violence à l’intérieur du milieu scientifique, les
« débarquements » de ceux qui cherchent à se démarquer de la ligne officielle …
Les enjeux économiques pour les laboratoires pharmaceutiques sont majeurs : entre 2004
et 2007, les chiffres d’affaire des produits anticancéreux ont été multiplié par deux. Et le
cancer constitue un marché gigantesque !
1
http://www.artac.info/
De plus, la tendance vise à transformer le cancer en maladie chronique à défaut de
parvenir à le guérir ; il n’est plus question de guérison mais de stopper l’évolution de la
maladie, de la stabiliser pendant des années par la prise régulière d’un médicament
pendant toute sa vie.
Cette évolution constitue un véritable péril pour notre régime de santé, d’autant que ces
traitements sont tous très onéreux. Avec l’avènement des franchises médicales, des
déremboursements, des différents systèmes de tarification en vigueur, on risque de
promouvoir de façon plus intense encore un système de soin à deux vitesses, à l’intérieur
duquel les populations les plus modestes, seront les plus fragilisées car elles n’auront
accès ni aux dépistages ni aux traitements.
Quelques éléments apportés au débat.
Sylvie Gilman a pu constater qu’aux Etats-Unis, les malades s’organisent en associations
et commencent à demander des comptes au corps médical et aux gouvernants ; ces
groupements permettent également de sortir les malades de leur isolement, de créer une
dynamique tournée vers la guérison, le soutien mutuel.
Ce type de mouvements n’existe pas en France, où le cancer reste encore tabou.
Dans l’esprit collectif nord-américain, développer un cancer est presque considéré
comme une fatalité, c’est entré dans la normalité. Donc on en parle librement, sans
aucune retenue.
En septembre 2007 un nouveau rapport français
2
sur le cancer a été publié ; il énumère
notamment les facteurs favorisant l’apparition du cancer et leur prévalence.
De nombreux scientifiques ont été surpris de constater que la part des cancers provoqués
par des causes environnementales reste très bas ; ils ont relevé que nombre de paramètres
environnementaux ont été écartés et entre autres les causes d’origine alimentaire.
Plusieurs cancérologues ont émis des réserves sur la façon dont les enquêtes ont été
menées et les chiffres calculés ; cette situation leur apparaît inquiétante car elle constitue
une tromperie de nature à cacher la réalité à la population, et à retarder des décisions en
matière de prévention.
Certains participants issus du corps médical vont établir un parallèle entre leur situation
et celle des urbanistes, qui se sont vus doter au fil des ans de nombreux outils techniques
et législatifs tels que l’étude d’impact ; l’étude d’impact a obliles urbanistes à revoir
leurs méthodes de travail et à intégrer les notions environnementales dans leurs projets
sous peine de voir leurs demandes d’autorisation refusées ; par le biais des enquêtes
publiques, la population a accès à l’information et est quelque part associée aux futures
réalisations.
Au niveau Santé Publique et lutte contre le cancer, il n’existe rien d’équivalent. Les
scientifiques regrettent de ne pas avoir suffisamment accès aux media qui ne sont pas
intéressés par ce type de sujets lourds (plusieurs scientifiques vont évoquer des refus de
2
http://www.pesticides-etudes.mdrgf.org/2007_09_01_lespesticides_archive.html
http://www.wwf.fr/actualites/cancer_un_rapport_de_propagande
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