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Pour la culture biblique, la foi en Dieu n’était pas liée au
fait de croire en une vie après la mort. Ce n’est qu’à partir
du deuxième siècle avant Jésus-Christ que des auteurs,
suite à la persécution et à la mort de nombreux juifs
martyrs pour leur foi, ont imaginé qu’une personne peut
vivre au-delà de sa mort (2 Maccabées 7, 1-41).
Par contre, pour la culture influencée par la philosophie
grecque, seule l’âme est immortelle, prisonnière d’un
corps dont elle aspire à être délivrée par la mort. L’idée
d’une résurrection des corps est totalement absurde (folie
pour les grecs).
Dans la communauté fondée par Paul à Corinthe, certains
membres, influencés par la pensée grecque, niaient la
résurrection des morts tout en confessant leur foi en la
résurrection du Christ. Pour Paul, l’une ne va pas sans
l’autre. Il se voit donc obligé de remettre de l’ordre dans
la confusion qui, régnait, d’autant plus qu’il s’agit pour lui
d’un point central de ‘son évangile’. Comment s’y prend-
il pour inculturer un message qui scandalisait les juifs et
n’avait aucun sens pour les hellénistes ?
N’y a-t-il pas là une analogie avec la confusion des
représentations qui circulent parmi nos contemporains
mêlant réincarnation, réanimation, et résurrection, vie
éternelle et immortalité à côté de l’affirmation qui se veut
rationnelle :’il n’y a rien après la mort point final !’
Comment Paul s’en tire t’il ?
Il structure son argumentation en trois temps.
Il commence par affirmer solennellement la mort et la
résurrection du Christ dans une formulation qu’il a reçue
des traditions orales déjà en circulation au moment de sa
conversion. Il appuie cette affirmation massive sur la
multitude de témoins « par qui Il a été vu vivant »,
s’incluant lui-même dans la lignée alors qu’il n’a pas
connu Jésus avant sa mort en croix.
Ensuite, il affirme que le crucifié ressuscité nous entraine
à sa suite. Nier qu’il est « le premier né d’entre les morts »
revient à vider la foi de son sens. Il amorce déjà ici le
raisonnement développé dans sa lettre aux Romains : la
mort est venue par un homme, Adam, la vie nouvelle est
venue par un homme, le Christ, à qui le Père a confié
l’humanité pour la sauver du péché et de la mort.
La 3e partie de l’argumentation porte sur la question
concrète du corps des ressuscités. Paul insiste sur la
discontinuité entre avant et après la mort, dissipant
énergiquement l’illusion courante (encore aujourd’hui) qui
consiste à imaginer la vie après la mort dans le prolonge-
ment de la vie présente et qui est source de tant de fantas-
mes. Pour cela il recourt à la métaphore de la germination
(1Cor 15, 35-48). A-t-il convaincu les sceptiques ?
Et pour nous ? Que signifie ressusciter ?
En petits groupes nous nous risquons, à tour de rôle, à
mettre des mots sur la manière dont nous nous
représentons la résurrection, la nôtre et celle de Jésus, et
comment la dire en langage d’aujourd’hui.
Moment fort vécu dans chacun des petites groupes dont il
ressort que, comme pour Paul,la foi repose sur des
témoignages qui réveillent la confiance en une Présence
vivifiante et aimante qui nous accompagne et nous libère
de la peur de mourir , qui n’est autre que la peur de vivre.
Mise en commun
De la mise en commun qui a suivi ce partage, je retiens
quelques points à ruminer dans la suite (la vie entière n’y
suffira pas !) :
- La foi repose principalement sur des témoignages d’où
l’importance pour nous de nous raconter nos expériences
de résurrection et d’être attentifs à tous les signes que la
vie nous en donne.
- Il nous faut accepter de ne pas savoir et de vivre avec des
questions sans réponse. La bonne question, en fin de
compte, n’est-elle pas de se demander ‘y a-t-il une vie
avant la mort ? ’ Déjà pour Paul, l’enjeu était de convertir
notre manière de vivre à l’exemple de Jésus qui faisait
confiance à son Père. Si, comme le dit l’épître de Jean
« Dieu est amour », le fait qu’il fasse exister des êtres
capables d’aimer est le don d’une vie qui n’est pas vouée
au néant.
- On nous rappelle un article de A. Fossion, paru dans
LLB à propos de la résurrection à rechercher sur Internet.
Paul Tihon mentionne aussi la psychanalyste Marie
Balmary qui nous incite à ne pas nous laisser intoxiquer
par un positivisme abusif qui veut mettre un point final à
cette question.
- Autre parole de sagesse : « C’est une erreur de croire
qu’on ne meurt qu’une fois ; mourir est un chemin
quotidien ; sans mourir l’homme ne serait pas humain ».
En conclusion, (provisoire et pardon pour tout ce que j’ai
oublié) la résurrection donne à penser. C’est la question
centrale de notre foi. A nous de découvrir que c’est une
bonne nouvelle et d’en vivre.
Dimanche après midi : les dons de
l’Esprit ou charismes (chap. 12–14)
Paul voit que chacun a reçu un don de l’Esprit pour le
service de la communauté: L’Esprit distribue ses dons
sans avarice : message de sagesse, foi, guérison, prophé-
tie, parler en langues, interpréter le parler en langues, etc.
C’est une vision d’Eglise peu dirigiste : Paul n’a pas de
plan pastoral établi, mais il laisse émerger les aptitudes de
chacun. Cette vie spontanée a vite montré ses limites, et il
a fallu une régulation (qu’on trouvera surtout dans les
lettres « pastorales » post-pauliniennes à Timothée et à
Tite. Ici, Paul s’inquiète déjà de la cacophonie et des
jalousies entre détenteurs de dons différents.
Tous les dons sont précieux, même ceux qui n’ont aucun
prestige, car tous servent à édifier l’Eglise comme corps
du Christ. La difficulté : comment les discerner ? Ce n’est
pas l’individu lui-même qui voit son charisme, mais le
groupe.
Paul Tihon raconte en ce sens une retraite ignacienne, qui
a changé le cours de sa vie, car un participant avait le don
de dire sa foi.
Très vite, cependant, certains prennent du pouvoir : les
apôtres (capacité de direction ?), les prophètes (art
d’interpeller au nom de l’Evangile) et les enseignants.
Paul veut mettre de l’ordre dans les charismes et souligne
que le plus nécessaire est l’agapè, terme qu’on traduit
souvent par « charité » ou « amour », et qui dans ce
contexte vise en particulier le sens de la communauté.
(compte-rendu rédigé par Thierry, Gerda et Jacques)