Dimanche 14 juin 2015 Entrée en catéchuménat HOMELIE Mercredi, les bacheliers plancheront sur l’épreuve de philosophie. Ce dimanche, Jésus semble nous soumettre à une autre épreuve, une épreuve de théologie dont le sujet est le suivant : qu’est-ce que le règne de Dieu et à quoi le comparer ? A la différence de ceux qui plancheront en philosophie, nous avons-nous déjà le corrigé grâce aux deux petites paraboles de ce jour. Et cela nous aide bien, car, à première vue, le règne de Dieu, nous ne saurions en dire grand-chose par nousmêmes. En tout cas, pas à la manière dont Jésus nous le présente. C’est vrai que sa réponse est déroutante : le règne de Dieu est comme une plante qui pousse par elle-même et qui donne du fruit ; il est comme une graine minuscule qui devient un arbre aux oiseaux. L’image est claire, mais elle ne doit pas nous tromper. Pour nous, l’idée de règne, c'est-à-dire d’action politique, d’autorité reconnue, semble mal s’accorder avec l’image de la nature. A priori, la souveraineté a peu à voir avec l’humilité et la discrétion d’une germination qui vient de la terre… Au contraire, parler de règne, de royaume est une manière d’exprimer une puissance qui s’impose aux autres, de l’extérieur. Et la Bible n’est pas en reste, elle qui nous présente la grandeur et la décadence de bien des rois à commencer par David et Salomon. Si bien que, dans l’Ancien Testament, c’est Dieu lui-même qui se présente comme le seul vrai roi sur son peuple. Mais, au lieu de siéger dans un palais, ce roi-là se tient au milieu de son peuple en marche pour le faire grandir en liberté de vie. Dieu se manifeste non pas en un lieu mais dans une manière de faire, un agir ; et il agit non par domination mais par la croissance. Au fond, peu importe si cela commence petit, pourvu que cela ne se fasse pas sans nous. Voilà une bonne leçon pour vous chers catéchumènes. Au commencement, quelqu’un jette du grain. Il n’y a pas d’histoire avec Dieu s’il n’y a pas au départ une audace humaine : jeter le grain, se lancer, oser entreprendre. C’est un peu comme cela que vous vous êtes mis en route : en entrant dans une église, en frappant à la porte de la paroisse, en vous renseignant pour demander le baptême, la communion. Vous êtes sortis de vous-mêmes pour aller à la rencontre des autres et exprimer votre désir de Dieu. Tout dépend de nous, c’est vrai. Mais dans le même temps, et c’est là le paradoxe de la foi chrétienne, tout dépend aussi de Dieu : c’est lui qui, d’abord le premier, a agi en vous en secret et vous a fait faire bien des passages. De jour comme de nuit, la semence de la Parole de Dieu germe et grandit, nous ne savons comment. Peu importe au fond. Nous semons mais Dieu seul donne la croissance. Il suffit de constater le résultat : surprenant, inouï, incalculable, audelà de toute estimation. Le règne de Dieu est là en nous et au milieu de nous, maintenant et plus tard, aujourd’hui et demain et ce jusqu’à la fin des temps. Qu’est-ce qui nous permet de le croire sans être pris pour des doux rêveurs ? Nous le croyons ensemble : Jésus le Christ est ce grain de blé tombé en terre et qui donne en nous beaucoup de fruits. Vous avez reçu sur votre corps la marque de la croix du Christ. Elle fait de vous des chrétiens-catéchumènes. Désormais, la vie, la mort et la résurrection du Christ sont, pour vous, ce seul chemin de croissance qui vous redonnera confiance en vous-mêmes, qui vous fera espérer en la vie malgré les échecs et les signes de mort que vous pourrez encore entrevoir, vous ouvrira aux autres. Le grain de blé est aussi à l’image de notre foi, à nous, enfouie dans la pâte de notre humanité et appelée à faire lever le monde. Le royaume de Dieu est cela : du petit qui contient toute la grandeur de Dieu. Alors, ne regardons pas le petit parce qu’il n’est que petit mais, dans la foi, regardons toute la croissance qu’il porte déjà en germe. Certes, vous le savez, les raisons qu’ont les chrétiens de se plaindre ne manquent pas : le découragement face à la baisse de la pratique religieuse, la diminution drastique du nombre de prêtres ou de religieux, l’inquiétude devant le faible retentissement du christianisme auprès de nos proches, les scandales répétés dans l’Eglise… L’appel de l’Evangile nous invite à ne pas regarder sans cesse dans le rétroviseur mais, au contraire, à faire confiance en l’action nouvelle de l’Esprit de Dieu pour aller de l’avant, oser quand même. Et vous, aujourd’hui, par la fraîcheur de votre témoignage, vous nous invitez, nous aussi, à nous remettre en route dans la foi de notre baptême. Et cette croissance en germe ne concerne pas seulement la marche de l’Eglise car l’Eglise n’existe pas pour elle-même mais pour le monde. Et notre témoignage sur la croissance du royaume a de quoi interpeller le monde. Car nous le croyons, ce qui ne se voit pas n’est pas inexistant, au contraire. Ce n’est que plus tard, à la fin des temps, que nous verrons clairement le règne qui mûrit déjà entre nos mains, alors nous goûterons ensemble les fruits mûrs du royaume.