Séance plénière du 10 juin 2009 AVIS SUR LA CONJONCTURE 2008 Le Conseil économique et social régional, Vu le code général des collectivités territoriales et notamment ses articles L 4134-1 et suivants ; Vu le décret n° 2001-731 du 31 juillet 2001, modifiant le code général des collectivités territoriales et relatif à la composition et au renouvellement des conseils économiques et sociaux régionaux ; Vu l’avis des 1ère, 2ème, 3ème et 4ème commissions, Vu l’avis du Bureau, Monsieur Gilles LORY, rapporteur entendu ; DELIBERE L’avis sur la conjoncture 2008 revêt une double particularité : - D'une part, l'analyse comporte cette année, outre le document support, un avis porté par le Bureau du CESR. Cette évolution, voulue par notre assemblée, permet de mettre en exergue des points nécessitant une attention particulière dans la période. A ce titre, il n'a pas vocation à être exhaustif sur l'ensemble des sujets traités dans le document support ; - D’autre part, la situation économique et sociale que traversent le monde et notre région est telle que notre avis sur la conjoncture 2008 ne peut se limiter à la simple analyse de la situation de cette seule année. C'est pourquoi, cet avis prendra également en compte les éléments de début 2009 qui montrent une poursuite, voire une amplification de phénomènes constatés dans le deuxième semestre 2008. ***** 2008 : l'émergence de la crise financière, économique et sociale L'objet du présent avis n'est pas de revenir sur les raisons qui ont amené à cette crise mais d'en examiner les conséquences sur la situation en région Centre et les effets des actions engagées pour y pallier. 1/5 La crise financière. Malgré le plan gouvernemental de soutien au secteur bancaire et les dispositifs mis en place pour faciliter l'accès au crédit (médiateur du crédit, tiers de confiances, mesures diverses d’assouplissements…), il faut bien constater que des problèmes subsistent dans ce domaine. Nombre d'entreprises font état de difficultés avec leurs partenaires financiers qu'il s'agisse d'obtention de crédits à l'investissement ou de facilités de trésorerie et surtout d’assurance crédit (affacturage). On constate des taux et frais liés à ces crédits qui ne baissent pas dans les proportions des taux de la BCE (prise en compte du risque). Dans cette situation, la baisse de l'investissement en région Centre ne peut que se poursuivre, comme le prévoit d’ailleurs la Banque de France. Cette baisse importante de l'investissement ne peut que placer les entreprises de la région Centre en situation délicate dans la perspective de la reprise d'activité. Cette situation interpelle : s'agit-il d'une limitation volontaire des investisseurs devant les incertitudes de la situation préfèrent différer leurs investissements, nouvelles conditions des crédits (taux et frais) sont elles dissuasives, le durcissement conditions d'attribution du crédit fait-il que l'accès au crédit est impossible pour entreprises et ce malgré le dispositif de soutien via OSEO et le dispositif régional ? trois situations sont sans doute rencontrées. qui les des des Ces Toujours est-il que malgré les différents dispositifs annoncés, les entreprises régionales rencontrent de réelles difficultés pour accéder au crédit. Dans certains secteurs d'activité, la notion d'entreprises « saines » (3 années avec un excédent brut d'exploitation en positif) est difficilement tenable comme dans la sous-traitance. Sur le plan économique La crise a frappé tout d'abord le secteur industriel. Ce secteur a rencontré une dégradation de sa trésorerie, une baisse de la production et une baisse de ses dépenses d'équipement. Bien évidement, cette situation moyenne constatée masque des situations particulières très diverses et certains secteurs sont plus particulièrement impactés. Ainsi, le secteur de la sous-traitance automobile rencontre de graves difficultés. Celles-ci ne sont pas totalement liées à la crise, les origines en sont bien antérieures. Les nouvelles attentes des consommateurs et le changement d'attitude face à la hausse des produits pétroliers ont durablement impacté les comportements. Les pratiques des constructeurs automobiles, notamment avec la recherche systématique de prestations à moindre coût a mis les sous traitants automobile dans des situations souvent intenables : moins de marge de manœuvre financière, moins de moyens pour investir, moins de lisibilité sur le plan de charges. Cette situation a donné lieu à l'élaboration de la charte automobile dès juillet 2008, puis au pacte automobile en février 2009. La crise a donc accéléré le phénomène et n'a pas permis une adaptation dans la durée. Le plan de soutien au secteur automobile, bien que prévoyant des dispositions en faveur des sous traitants n'a connu aucun début d'application pour les entreprises de la région Centre. Celles-ci et leurs salariés ont le sentiment d'être abandonnés dans la tourmente. La situation du secteur de la pharmacie est également préoccupante, les restructurations déjà engagées s'accélèrent en utilisant le prétexte de la crise alors que certaines décisions n'y sont en aucun cas liées. Pour les « big pharma » l'objectif est bien de restructurer leurs sites industriels dans l'objectif d'accroître les bénéfices. On assiste donc à des paradoxes dans cette période de crise : la fermeture d'établissements viables économiquement et dégageant des résultats dans le but de concentrer ou de localiser ces activités pour générer de meilleurs profits. La situation actuelle nécessiterait la mise en place d’une réelle anticipation des mutations dans ce secteur. 2/5 Le secteur de la pharmacie n'est pas le seul à mettre en œuvre de telles pratiques et sous le prétexte de crise économique, des restructurations préparées de longue date voient le jour. Dans ce contexte, face à des décisions sans appel de groupes mondiaux, européens ou nationaux, qui n'ont aucun fondement sur des critères de viabilité économique, de dynamique de marché, de qualification des salariés ou de la qualité des outils de production, le sentiment d'injustice, voire la volonté de révolte, est grand. Ce phénomène est d'autant plus accentué lorsque des efforts importants ont été consentis par les salariés et lorsque les collectivités locales se sont impliquées pour fournir à ces entreprises des infrastructures pour répondre à leurs attentes. De telles situations sont de nature à générer des situations explosives et incontrôlées si aucune réponse n'est apportée. Le CESR rappelle son souhait de voir des liens durables se nouer entre les grands groupes nationaux ou internationaux et l’Exécutif régional. La filière aéronautique en région Centre, également impactée par les effets de la crise, laisse craindre également certaines répercutions en matière économique et sociale, même si la constitution d’ « Aérocentre » à Châteauroux, fédération d’entreprises régionales en matière aéronautique, est sans conteste une opportunité de développement de cette filière. La région Centre est également caractérisée par le poids des investissements internationaux dans l'économie régionale. En 2008, dans un contexte ou les investissements étrangers ont globalement baissé en France, la région Centre s'est placée en 6ème position comme région française d'accueil, gagnant ainsi 3 places. Ce poids des investissements internationaux dans l'économie régionale peut devenir une source de fragilité, avec des centres de décision hors région, comme dans le cas où le volume des investissements viendrait à diminuer. Ces investissements étant parfois réalisés par des fonds de pension anglo-saxons, il existe un risque sur la pérennité de ces investissements lorsqu'il s'agira de verser effectivement les pensions, dans un contexte où les avoirs de ces fonds auraient considérablement fondu. Face à ces situations, les différents plans de relance à l’œuvre ne semblent pas répondre aux attentes. Certes, ils constituent un soutien non négligeable à l'activité, à l’exemple du BTP (sous réserve de bénéficier aux entreprises locales), mais ne permettent pas de soutenir des secteurs industriels fortement éprouvés, de favoriser l'investissement, l’innovation et la recherche sur des créneaux d'avenir comme le développement durable. La cohérence, ainsi que la mise en œuvre effective de ces différents plans restent à démontrer, puis à évaluer. Les secteurs des transports, déjà touché par les coûts énergétiques, subit les conséquences du ralentissement de l'économie. La forte augmentation des produits pétroliers à la mi 2008 a durablement marqué les esprits. Les comportements individuels ont changé et c'est ainsi que le transport collectif de voyageurs a progressé, notamment le trafic TER qui a augmenté de plus de 10 %. A contrario, conséquence entre autres de l’abandon du transport « wagon isolé », le fret ferroviaire ne bénéficie pas de cette situation et poursuit sa baisse avec -16 %. Le statut d'auto entrepreneur qui s'est mis en place rencontre un vif succès. Cette nouvelle disposition part d'un principe a priori séduisant : rendre plus facile et simple la création d'activité. Cependant, quelques mois seulement après sa mise en place, celui-ci soulève de nombreuses questions. 50 % des créations sont le fait d'inactifs ou de chômeurs. N'y a t'il pas un lien direct entre la crise économique et la montée du chômage avec le nombre de déclarations sur le statut d'auto entrepreneur, ce dispositif étant utilisé comme palliatif au chômage ou comme complément de revenus pour les salariés et retraités ? 3/5 Les auto entrepreneurs ne bénéficient pas d'un accompagnement suffisant sur la création de leur activité, ce qui laisse craindre des risques importants de défaillances à court terme. Ces défaillances, du fait même du statut d'auto entrepreneur seront difficiles à analyser en temps réel, ce qui faussera les analyses au moins pour les deux années à venir. Enfin, ce statut appliqué dans des domaines jusqu'à présent réservés à l'artisanat, au commerce ou aux services risque d'entraîner une concurrence faussée (absence de TVA, cotisations réduites, comptabilité simplifiée à l’extrême…). Il y aurait sans doute matière à réajuster ce dispositif pour éviter ces difficultés. 2008 a vu, après une hausse spéculative importante, la baisse des prix agricoles parallèlement à une hausse des frais d'exploitation. Cette situation met en difficulté certains secteurs comme celui du lait actuellement. De plus, les problèmes sanitaires découlant de la FCO (Fièvre Catarrhale Ovine) viennent aggraver les difficultés de certains secteurs : élevages bovins et ovins. La baisse des prix agricoles se réalise sans que le consommateur ne puisse constater de baisse de prix à l'achat des produits. La question des marges des distributeurs est largement posée. Sur le plan social Le deuxième semestre 2008 a été marqué par une hausse importante du chômage qui s'est amplifiée en 2009. Cette situation s'est caractérisée tout d'abord par la suppression des contrats d’intérim et des CDD dans les entreprises, par la prise forcée de congés et de RTT qui a amorti la situation puis très vite par une explosion du chômage partiel. Les amortisseurs sociaux ont, pour l’instant, permis, en France, d’atténuer ou de différer les effets de la crise en matière de chômage, de surendettement et de précarité. Malgré ces mesures, le nombre de demandeurs d'emploi a continué à croître, touchant tout particulièrement les jeunes. Le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A en fin de mois, de moins de 25 ans, a augmenté de 3 % en avril 2009 (+ 47,4 % en glissement annuel). Mais le pire est sans doute encore à venir, les plans sociaux annoncés n'ayant pas encore produit leurs effets concrets. L'UNEDIC revoit d'ailleurs régulièrement à la hausse ses prévisions pour 2009. La prévision régionale s’établit à un passage de 70 000 à 100 000 chômeurs fin 2009. Dans ce contexte de crise, la légitimité du dispositif sur les heures supplémentaires doit être posée. Dans la mesure où nous ne sommes plus dans la même situation que celle qui avait prévalu à sa création, le dispositif de défiscalisation des heures supplémentaires peut constituer un véritable frein à l'embauche, favorisant le non recours à l'intérim, aux CDD voire à des CDI. La question du pouvoir d'achat ne peut être éludée. Les moyennes d'évolution du pouvoir d'achat, comme de l'inflation révèle, comme l'indique le document support à l'avis de conjoncture, de profondes disparités. Ce sont les ménages les plus modestes qui pâtissent le plus de la situation. Le taux d'inflation annoncé ne correspond pas forcément à l'augmentation du prix des produits qu'ils achètent régulièrement et l'évolution de leurs revenus est également plus faible, quand elle n'est pas amputée par la réduction de leur activité ou le chômage partiel. Dans ces conditions, il existe un risque important de voir nombre de nos concitoyens basculer dans la pauvreté. La hausse des dossiers de sur endettement, constatée en 2008, risque fort de s'amplifier. La mise en place récente du Revenu de Solidarité Active (RSA) sera également un point à surveiller dans les prochains mois. La chute marquée de la mise en chantier de logements (-16 % en 2008) ne permettra pas de tenir les objectifs annoncés pour pallier le manque de logements adaptés. 4/5 Cette chute de la mise en chantier impactera également le secteur du bâtiment et ne sera pas compensée pour certaines entreprises par les travaux engagés par les plans de relance. En effet, ces travaux concernent plus le secteur des travaux publics, et encore, à condition que des entreprises régionales soient retenues. La RGPP se met en place sur fond de suppression de l'emploi public sans qu'il soit très facile d'en mesurer les conséquences en terme de service pour la population. Le CESR se devra d'analyser cette situation en 2009. Cette crise révèle de réelles difficultés à agir de façon cohérente et réactive. Il est sans doute un peu tôt pour apprécier les impacts des différents plans de relance mais cette crise doit être l'opportunité pour décider d'investissements résolument tournés vers l'avenir et prenant en compte, notamment, les enjeux du changement climatique. Cette période est également l’opportunité de développer la formation professionnelle, même si il est difficile de mesurer l’effort supplémentaire entrepris. Le besoin de soutien à la recherche, l'innovation et aux investissements est, en outre, indispensable pour maintenir un tissu économique en capacité de rebondir lorsque la situation s'améliorera. Dans la situation actuelle, il faut aider les entreprises à passer ce cap difficile et à préserver le potentiel de leurs ressources humaines. Les différentes mesures et différents fonds existant pour aider les entreprises doivent être mis en cohérence et adaptés à la situation évolutive pour pouvoir être efficaces. Avis adopté à l’unanimité Xavier BEULIN 5/5