Danse macabre

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Danse macabre
Black Swan, de Darren Aronofsky, transcende les limites du ballet pour atteindre les
frontières de la folie et de l'obsession.
Respectant la psychologie des vieux contes voulant que le bien et le mal coexistent en chacun
de nous, Black Swan, de Darren Aronofsky, qui transpose les personnages du Lac des Cygnes
dans une troupe de ballet dirigée par le séduisant Thomas Leroy (Vincent Cassel), ne commet
pas l'erreur de prendre parti pour l'un ou l'autre. Ainsi, lorsqu'elle réalise enfin le rêve de sa vie,
celui d'interpréter le Cygne blanc et le Cygne noir dans le ballet de Tchaïkovski, la douce et
innocente Nina (Natalie Portman), surprotégée par sa mère (Barbara Hershey), découvre sa
vraie nature lorsqu'elle se laisse envahir par l'esprit du mal.
Ayant étudié la psychologie à l'université, Natalie Portman révèle que la compréhension du
personnage de Nina était une occasion rare: "Quelque chose que j'avais appris à l'école se
traduisait en quelque chose de pratique. C'était absolument un cas de comportement
obsessionnel compulsif: le grattage, la boulimie, l'anorexie. Le ballet mène à cela puisqu'il
possède un sens du rituel, comme le bandage des chaussons, la préparation des nouveaux
chaussons pour chaque performance. C'est un processus quasi religieux."
Au dire du réalisateur, The Wrestler s'avère un proche parent de Black Swan, et il pourrait
même en être le frère jumeau. Ainsi, parallèlement au corps musclé de Randy (Mickey Rourke),
le corps souple de Nina, territoire d'automutilation et de grâce incroyable, provoque à la fois sa
chute et sa rédemption. Aronofsky voit très peu de différences entre les deux personnages.
"Je pense que les gens sont les gens, et que si leurs sentiments sont sincères, ils peuvent se
lier. Peu importe que ce soit un lutteur quinquagénaire en fin de carrière ou une ambitieuse
ballerine dans la vingtaine, s'ils sont honnêtes face à eux-mêmes et qu'ils expriment quelque
chose de vrai, le public embarque. Cela a toujours été la promesse du cinéma."
Malgré tout son surréalisme soutenu - Nina se voit pousser des plumes et ses yeux deviennent
rouges -, Black Swan ne perd jamais de vue les réalités de la scène: "Je crois que tout tient à
l'histoire que l'on veut raconter, affirme Aronofsky à propos des passages du surréalisme au
naturalisme. J'ai réalisé que toute l'approche cinéma vérité, caméra à l'épaule dans The
Wrestler était un gros risque à prendre pour ce film sur le ballet. Je n'avais jamais vu de
suspense tourné caméra à l'épaule et je ne savais pas si cela fonctionnerait."
Aronofsky avance qu'avec la caméra jouant en quelque sorte un personnage, tantôt à la
manière d'un documentaire, tantôt adoptant un point de vue (celui du réalisateur, du public ou
de toute autre entité?), "le premier tiers du film possède une atmosphère bien différente de la
dernière partie, ce qui est plutôt chouette puisque les spectateurs croient qu'ils ne regardent
plus le même film. Personne ne peut prévoir que Black Swan devienne aussi désorientant et
pourtant, cela donne cette immédiateté d'être dans l'action et dans cet autre monde."
Robyn Fadden
(adapté et traduit par Manon Dumais)
© Voir.ca,
2 décembre 2010
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