Pied diabétique et BMR
Dr M Masanovic CH Félix Guyon. Saint-Denis
Le pied diabétique est un « pied à risque » car il présente des plaies fréquentes et chroniques chez des patients atteints
d’une pathologie chronique, multitraités et hospitalisés et donc à risque de contamination, colonisation et infections à BMR. Ces
plaies sont soit des ulcères neurogènes (62% des diabétiques ont une neuropathie) du fait principalement de l’atteinte sensitive. Ils
siégent sur les zones d’hyper appui, à la face plantaire du pied au niveau des têtes métatarsiennes, sont indolores et entourés
d’hyperkératose – soit des ulcères artériels (13% des diabétiques ont une artériopathie) : ulcères limités, en dehors des zones
d’appui, à fond nécrotique et fibrineux, douloureux aux soins, sans hyperkératose périphérique sur un pied froid, dépilé, avec des
pouls périphériques non perçus Ils sont le plus souvent secondaires aux contraintes de chaussage et aux traumatismes aigus (limite
de l’éducation). Les lésions sont mixtes, neuroischémiques dans 25% des cas, il faut traiter la part ischémique avant toute
chose.L’infection est la troisième composante du « trio infernal », elle aggrave les troubles trophiques chez un sujet diabétique qui
présente un déficit des défenses cellulaires du fait de l’hyperglycémie. Les infections cutanées peuvent se compliquer d’ostéite
dans 60% des cas, aboutir à des amputations dont le taux en France chez le diabétique est multiplié par 14 par rapport à la
population générale Il faut savoir distinguer contamination (présence de germes sans multiplication), colonisation (phénomène
naturel, présence de bactéries à la surface de la plaie sans réponse immunitaire locale ou générale) et infection (complication,
multiplication bactérienne, plus de 105 ou 106 germes par gr de tissu prélevé par biopsie, envahissement des tissus profonds,
réaction immunitaire de l’hôte à la présence de germes, inflammation, rougeur, douleur, chaleur ignes généraux cliniques et
biologiques).
Classification clinique en 4 grades :
Grade 1 : pas de signe d’infection
Grade 2 : Infection de la plaie avec au moins 2 parmi les éléments suivants sans signe de sepsis : gonflement, augmentation de la
température locale, douleur, érythème d’au moins 0,5 à 2cm autour de la plaie, présence de pus (autres causes éliminées : goutte,
Charcot aigu, angiodermite nécrosante, fracture).
Grade 3 : Erythème>2cm plus un des éléments du grade 2 ou infection touchant les structures profondes (abcès, ostéite, arthrite,
fasciite) et absence de signe de sepsis.Grade 4 : Plaie infectée (tout type) avec au moins 2 parmi : température >38° ou <36°C,
pouls>90/mn, fréquence respiratoire>20/mn, Pa CO2 <32mmHg, leucocytes>12OOO ou <400/mm3.
Méthodes de prélèvement : 1. Ecouvillonnage superficiel de la plaie : c’est la moins fiable des techniques avec recueil
de la totalité de la flore commensale 2. Aspiration à l’aiguille d’une lésion collectée en passant par peau saine après désinfection
cutanée 3. Biopsie tissulaire avec étude microbiologique et anatomopathologique 4. Biopsie osseuse : « gold standard » mais
difficile à obtenir.Les signes d'infection ALFEDIAM : « …en général, une infection superficielle est due à des bactéries gram
positives. En cas (de suspicion) d'infection profonde, il est conseillé de faire des prélèvements bactériologiques au plus profond
du tissu (pas d'écouvillonnage superficiel) ; ces infections sont habituellement polymicrobiennes, avec des anaérobies et des
bactéries gram positif/négatif. »
L’étude publiée par LIPSKY (1) en 2004 trouve en % d’espèces bactériennes :
- Cocci gram + (71,6) : Enterocoques(11,6), staphylocoque aureus (SA) (35,4), Streptocoque B (11,1)
- Bacilles gram - (38,4) : Enterobactéries (17,3), Pseudomonas. Aeruginosa (5,5) soit un total de 58,2% de BMR.
En 2004 Hartemann-Heurtier (2) publie une étude avec suivi d’une cohorte de 180 patients, 18% (32) sont infectés par
des BMR, il n’y a pas de différence démographique entre BMR+ et BMR-, les seules différences sont l’existence d’antécédents
d’hospitalisation pour la même lésion (21/32 vs 48/148, p=0.0008) et d’ostéite associée (22/32 vs 71/148, p=0.025) Le suivi de
75 patients a montré que la présence de BMR n’est pas associée à un retard de cicatrisation (p=0.71.) En 2007 Kandemir publie
(3) une étude rétrospective sur 3 ans incluant 102 patients diabétiques présentant une infection du pied, 42 BMR sont identifiés
sur 36 patients et 62 non BMR sur 37 patients.
Cette étude montre que les facteurs de risque de BMR sont l’hospitalisation itérative pour la même lésion (p=0.000), une
antibiothérapie antérieure (p=0.002), la durée de l’antibiothérapie antérieure (p=0.0001) et la présence d’une ostéite (p=0.001).
En 2007 Couret (4) publie une étude rétrospective sur l’année 2004 incluant 48 patients présentant une ostéite du PD :
58% de ces ostéites sont monomicrobiennes, dont à SA dans 58% des cas et BG- 29%. Présence de 31% de BMR dont 23% de
SAMR. Ces résultats corroborent ceux de la littérature qui montre que les SAMR sont en nette augmentation dans la pathologie
du pied diabétique infecté. La multirésistance n’est pas associée à un mauvais pronostic.
Sotto (5) a publié ses recherches en biologie moléculaire (le marquage du SA par biopuce à ADN Clondiag* permet
d’étudier un panel de gènes de Résistance et de Virulence). Cette très intéressante étude prospective effectuée sur les plaies de
pieds diabétiques a montré qu’il y avait moins de gènes de virulence dans les grades 1/2 (IWGDF), ces marqueurs biologiques
permettraient de faire la différence entre une plaie colonisée et plaie infectée et donc d’adapter l’antibiothérapie et de diminuer
l’émergence de mutants résistants (SAMR). Lipsky (6) dans son article : “Diabetic foot infections: microbiology made modern?”
publié dans Diabetes Cares en 2007 émet des commentaires sur ces études : si les grades 1 ont guéri sans antibiothérapie ce n’est
pas le cas de la pas majorité, la colonisation des SA est persistante dans les grades 1 dans 60% cas, le SAMR est plus fréquent