Étude sur les modèles de financement de la culture

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Étude sur les modèles de financement de la culture
Modèles de financement de la culture
On a lancé une étude sur les modèles de financement de la culture dans le but d'établir un lien
entre la culture et les arts d'une part et les sources de financement de ces activités d'autre part.
On a envoyé un questionnaire à 27 pays, et 10 d'entre eux ont répondu: France, Grèce,
Canada, Lettonie, Norvège, Russie, Sénégal, Slovénie, Suède et, bien sûr, Croatie. Les
réponses fournies ont servi à la préparation de ce rapport. Cependant, nous avons utilisé aussi
des documents du Conseil de l'Europe, de l'UNESCO, de l'Union européenne, de
l'Observatoire de Budapest et du CIRCLE Network, ainsi que des ouvrages spécialisés traitant
du financement de la culture, de la politique culturelle et du rapport entre la culture et
l'économie. L'un des principaux problèmes que nous avons rencontrés est le manque de
données sur le financement du secteur civil sans but lucratif, la pauvreté des données sur le
rôle des fondations privées dans le financement de la culture, et l'impossibilité de comparer
différents indicateurs du rapport entre le secteur privé et les activités culturelles, parce que les
définitions sont trop disparates et qu'on ne peut recouper les données recueillies. Ces
difficultés témoignent de la nécessité d'unir nos efforts pour établir des statistiques culturelles
de qualité qui embrassent tous les segments des activités culturelles, et non seulement la
culture institutionnelle et les finances publiques, au sujet desquelles il existe des données
statistiques détaillées et de qualité dans la plupart des pays.
Les modèles de financement de la culture découlent des modèles de politique culturelle et ils
sont des instruments essentiels pour la mise en oeuvre de politiques culturelles particulières.
On distingue plusieurs modèles fondamentaux de politique culturelle, selon le type de
gouvernement et le rôle que joue ce gouvernement dans la mise en application des modèles.
Ce sont le modèle libéral, le modèle de gestion étatique, le modèle de décentralisation et le
modèle para-étatique, ou modèle d'autonomie. Le modèle libéral insiste sur l'initiative privée
dans le domaine des arts et de la culture, le marché étant le seul régulateur des rapports dans
ce domaine. Selon ce modèle, l'industrie culturelle joue un rôle central, puisqu'elle met au
point des produits culturels normalisés destinés à la consommation de masse. Le modèle de
gestion étatique est caractérisé par l'omniprésence de l'État dans la vie culturelle. L'État
finance le développement de la production culturelle et il va parfois jusqu'à définir les
principes qui doivent guider le développement à long terme des arts et de la culture. Selon ce
modèle, les institutions culturelles, dirigées par l'État et initiatrices de programmes élitistes,
jouent le plus grand rôle. Le modèle de décentralisation est caractérisé par la coexistence de
plusieurs politiques culturelles locales, du fait que la culture relève de la compétence des
municipalités et des régions. Selon ce modèle, ce sont les municipalités et les institutions
culturelles urbaines qui jouent un rôle prédominant. Le modèle d'autonomie se distingue
principalement par le rôle majeur que jouent les organisations professionnelles qui sont
investies d'un pouvoir par l'État, même si celui-ci n'a généralement pas une influence directe
sur elles. Bien que ce modèle soit élitiste par définition, il favorise l'élitisme dans les projets
plutôt que dans les institutions, de sorte que ce sont les projets culturels et artistiques qui
jouent un rôle prédominant selon ce modèle. Certes, aucun de ces modèles n'existe dans sa
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forme la plus pure, en sorte que toutes les politiques culturelles nationales sont imprégnées
des caractéristiques propres à chacun d'eux.
Les modèles de financement de la culture sont alignés sur les modèles de politique culturelle,
de sorte que selon le modèle libéral, le marché est la source de revenus fondamentale; selon le
modèle de gestion étatique, l'État est la source de revenus principale; selon le modèle de
décentralisation, ce sont les municipalités qui sont les bailleurs de fonds; et selon le modèle
d'autonomie, c'est encore l'État qui est le bailleur de fonds, mais par l'intermédiaire de
diverses fondations. De toute évidence, on parle ici de la majorité du financement, et non de
tout le financement, de sorte que dans chacun de ces modèles, on peut trouver des exemples
de financement des arts et de la culture par l'État, les municipalités, divers fonds ou
fondations publics, privés ou mixtes, le parrainage et les activités du marché. Il faut aussi
prendre en compte les dons des particuliers, des organismes et des sociétés, qui ont joué
pendant longtemps un rôle considérable dans le financement de la culture et des arts, de la
Renaissance à l'Avant-garde. Néanmoins, dans une majorité de pays on peut classer la plupart
des revenus dans deux catégories : contributions de l'État et contributions des parrains. Les
revenus provenant de la vente d'oeuvres d'art sont négligeables. Les industries culturelles
forment une catégorie à part et on ne peut les assimiler aux autres produits culturels, pas plus
qu'aux biens ordinaires. Outre les fonds provenant de l'État et du secteur privé, les industries
culturelles bénéficient du généreux apport des fondations. Celles-ci peuvent être publiques ou
privées, mais elles jouissent d'une autonomie dans le choix des projets à financer, suivant leur
raison d'être. Les fondations qui appartiennent au secteur non gouvernemental sans but
lucratif et qui assument un rôle de plus en plus important dans la production culturelle
constituent un segment extrêmement intéressant et font le lien entre le secteur privé et le
secteur public. Par conséquent, nous avons décidé d'organiser ce rapport selon différents
thèmes : la régulation du secteur de la culture, le financement public de la culture, le secteur
privé et son rôle dans le financement de la culture, le secteur civil sans but lucratif
(notamment le financement de la culture par les fondations), et les industries culturelles
comme la meilleure illustration des rapports qui existent aujourd'hui entre la culture et
l'économie.
Régulation des activités culturelles
Dans la plupart des systèmes sociaux, la gestion des rapports entre les différents segments de
la société et à l'intérieur de ces segments repose sur une certaine forme de régulation. De nos
jours, le système économique, vu comme l'un des systèmes sociaux fondamentaux, est régulé
normalement par le marché et l'État. Peut-être serait-il plus juste de dire que dans les systèmes
sociaux, la régulation du système économique s'opère à la fois par les mécanismes du marché
et l'action gouvernementale. Depuis une vingtaine d'années, sous l'influence de l'idéologie
néo-libérale on insiste beaucoup sur la régulation par les mécanismes du marché. Ainsi, l'État
délaisse graduellement le système de réglementation pour faire place aux forces du marché ou à l'auto-régulation (quoique l'on puisse se demander s'il s'agit vraiment d'auto-régulation) -
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lequel marché se substitue à l'État pour réguler le système économique selon ses propres
règles.
La régulation des marchés existe en économie depuis que les collectivités humaines ont appris
à s'organiser; ce n'est donc pas quelque chose de nouveau. Toutefois, la nouveauté réside dans
le fait que, aujourd'hui, la dimension économique - pour la plupart des pays à tout le moins imprègne presque toutes les autres dimensions de la vie humaine, en sorte que les valeurs du
système économique sont transposées dans d'autres systèmes : religion, culture, science,
technologie, etc. Les valeurs propres à ces systèmes ne sont pas disparues, mais elles n'ont
plus l'importance qu'elles avaient. Des processus semblables ont déjà été observés dans le
passé, par exemple il y a eu des périodes dans l'histoire où les valeurs religieuses étaient
prédominantes et imprégnaient toutes les relations sociales - il existe encore de telles sociétés
aujourd'hui. Donc, un système de valeurs propre à un segment des relations sociales est
imposé à l'ensemble de la société et en détermine tout le fonctionnement. Les théoriciens
emploient divers termes pour décrire ce processus - des idéologies aux paradigmes - mais ce
qui est commun à tous, c'est l'appréciation selon laquelle l'évaluation même du processus est
dictée par celui-ci. Par conséquent, les sociétés dominées par les valeurs religieuses ou celles
dominées par les valeurs qui découlent de l'économie de marché sont convaincues de leur
supériorité morale et cognitive sur la base même de ces valeurs. Il est donc clair que ces
valeurs ont de fortes chances d'imprégner toutes les dimensions de la vie sociale.
Lorsque nous parlons des arts et de la culture dans ce contexte, deux questions fondamentales
surgissent : la première a trait au contenu et à la forme des arts et de la culture, c'est-à-dire les
valeurs qu'ils expriment et qu'ils véhiculent, les composantes esthétiques qu'ils renferment, et
ainsi de suite, et la seconde a rapport aux modèles organisationnels à l'intérieur desquels ce
contenu est créé. Lorsqu'il est question du contenu de la culture, on sait qu'il est déterminé lui
aussi par les valeurs dominantes dans la société. Dans son sens le plus large, la culture est un
système où l'information circule, de sorte que les valeurs sont transmises ou déniées
principalement par les pratiques culturelles. Le contenu et la forme de la culture sont donc
indissociables des valeurs dominantes dans la société. Cependant, la nature de ce lien peut
être très variée : de l'absence d'une influence directe sur le contenu à la censure flagrante. En
outre, les modèles organisationnels sont eux aussi déterminés par les valeurs dominantes dans
la société, quoique indirectement, parce qu'ils dépendent des formes et du contenu de la
culture, mais aussi directement, par l'influence du système des valeurs sur les formes
organisationnelles.
De nos jours, lorsque le marché devient le mode normatif de régulation des systèmes qui sont
hors de la sphère économique et lorsque les valeurs découlant des relations axées sur le
marché sont elles aussi transposées dans d'autres systèmes de relations, la culture et les
rapports intraculturels sont eux aussi déterminés essentiellement par ces facteurs. On peut
l'observer facilement par le langage qui est utilisé aujourd'hui dans le domaine culturel, un
langage propre au marché : produits culturels, biens culturels, services en culture, gestion
culturelle, marketing culturel, et ainsi de suite. Cela illustre non seulement le paradigme
dominant dans nos sociétés, mais encore - et surtout ici - la place de la culture dans la société.
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La culture et l'économie étaient liées dans le passé, mais aujourd'hui il semble qu'elles soient
inextricablement liées, de sorte que certains auteurs pensent que la culture et l'économie ne
peuvent être considérées comme des systèmes indépendants l'un de l'autre et que les frontières
qui les distinguent traditionnellement ont été gommées. Peut-être dira-t-on la même chose des
autres systèmes, mais ce n'est pas l'objet de notre propos dans ce rapport. Ce lien entre la
culture et l'économie se reflète dans deux processus connexes : l'" acculturation " de
l'économie et l'économisation du culturel.
La culture a toujours joué un rôle majeur dans l'économie, en définissant l'orientation et les
dimensions du développement économique. Les types d'organisation, le rapport au travail, les
modèles de distribution, la production et le transfert des connaissances, et d'autres facteurs
économiques essentiels sont indissociables de la culture. Pourtant, lorsque nous disons que
l'économie est " acculturée ", nous ne soulignons pas le rôle de la culture, mais le fait que
celle-ci a été le moteur de l'économie dans la seconde moitié du XXe siècle, tout comme le fut
l'automobile dans la première moitié. Et de fait, la croissance de ce secteur de l'économie que
nous appelons l'industrie culturelle a été formidable, et cette industrie demeure la composante
la plus prospère des économies européennes, son taux de croissance annuelle pouvant
atteindre 8 %. Nul besoin de statistiques pour vérifier cette assertion : le cinéma,
l'enregistrement sur disque ou sur bande, les médias imprimés et électroniques et l'édition,
pour ne nommer que ceux-là, sont devenus ces dernières années les facteurs économiques les
plus importants. C'est le segment le plus visible de l'économie culturelle, mais il est
intéressant de mentionner cet autre segment, non moins important, qui fait de plus en plus de
place au design et au marketing dans la vente des produits. La transformation esthétique du
produit le plus banal et le rapprochement du marketing avec les habitudes de vie et les
ensembles de définitions forment aujourd'hui une composante majeure du processus
économique. À titre d'exemple, on se bornera à dire que dans beaucoup de cas, les entreprises
qui sont considérées comme des producteurs ne produisent en réalité que des images (au sens
originel du terme), ce qui est fondamentalement un processus culturel.
Or, qu'arrive-t-il à la culture dans ces circonstances, c.-à-d. lorsqu'elle devient un facteur
économique de plus en plus important? C'est la question qui nous intéresse ici. Par-dessus
tout, les mesures et les critères qui régissent le système économique deviennent de plus en
plus importants dans le domaine culturel. Les recettes des salles de cinéma, les recettes des
ventes et la fréquentation sont les mesures fondamentales du succès dans les industries
culturelles. Les termes utilisés dans les discussions sur la culture sont des termes
économiques, p. ex. ressources, viabilité, développement, faisabilité, etc. Cet usage a
naturellement un impact sur la démarche créatrice dans la culture et sur les critères appliqués
dans ce domaine. Par exemple, les artistes, les érudits, les chercheurs, les écrivains et les
philosophes se livrent de nos jours à des activités de création en étant pleinement conscients
de l'effet commercial que peuvent avoir leurs oeuvres. Avant même que ne débute la
démarche créatrice, on définit les groupes cibles auxquels sont destinés les oeuvres ou les
ouvrages, on fait des analyses coûts-avantages, on met sur pied des groupes de discussion et
on emploie tous les mécanismes disponibles dans l'économie. Cette façon de faire découle de
la logique du marché, à laquelle obéit également le domaine de la culture. Donc, dans une
perspective de paradigme, le cadre de notre analyse est défini ici par l'acculturation de
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l'économie et l'économisation du culturel, ce qui soulève de nombreuses questions
relativement à la culture pour l'avenir : utilisation de l'espace public, formes publiques de
communication, expression critique dans les arts, etc.
Néanmoins, malgré que ces processus dictent l'orientation du développement culturel, la
culture n'est pas sous l'influence exclusive de l'économie et des forces du marché, en sorte que
beaucoup de pays utilisent depuis un certain temps - tandis que d'autres en sont à leurs débuts
- des instruments de politique culturelle au moyen desquels ils entendent préserver
l'autonomie de la culture. Dans les ex-pays socialistes, on insistait pour préserver
l'indépendance de la culture face à la politique, qui a déterminé pendant une cinquantaine
d'années le paradigme absolu des valeurs dans la société. Aujourd'hui, le paradigme n'est plus
le même, la situation de la culture non plus, de sorte qu'une nouvelle conjoncture suppose de
nouveaux risques. Mais nous aurions tort de conclure que le seul objet des politiques
culturelles est de préserver l'autonomie de la culture. Ces politiques ont d'autres motifs, à
savoir une diffusion plus large et plus équitable de la culture (démocratisation de la culture),
la protection de cultures nationales particulières (ici, il est intéressant de noter que cette
protection a un double motif : l'un est économique et vise à protéger l'industrie culturelle
nationale, tandis que l'autre est politique et vise à préserver l'identité nationale en tant que
mécanisme de gestion politique), l'établissement ou le maintien de liens avec les autres
cultures, etc.
Il existe plusieurs modèles fondamentaux de politique culturelle, mais ils proposent tous des
instruments de politique culturelle, que les responsables de l'application des politiques
utilisent de diverses manières. Il s'agit donc d'instruments financiers, juridico-politiques et
organisationnels et d'instruments porteurs de valeurs. Dans cette étude, nous avons concentré
notre attention sur les instruments financiers de la politique culturelle, qui comprennent les
subventions, ainsi que la politique de taux d'intérêt et la politique fiscale. Les instruments
financiers de la politique culturelle servent à protéger la créativité culturelle et artistique
contre l'influence du marché et de l'économie, car de nombreuses formes d'art ne pourraient
subsister sans les subventions. Or, subventionner la culture et les arts au nom du principe
d'autonomie pose problème, parce que dans ce cas la culture est isolée du contexte social.
Malheureusement, les politiques de subvention entraînent une diminution de la fréquentation
plutôt qu'une hausse. Il existe toute une série d'indicateurs qui révèlent le manque d'intérêt du
public pour des événements du domaine de l'art contemporain ou des événements culturels
qui ne sont pas de l'ordre du spectacle, etc. Le culturel qui est isolé et protégé, qui prend son
essor en vase clos n'est tout simplement pas intéressant pour le public, et sans un public - ou
des consommateurs, pour parler comme les économistes - la culture n'existe pas. Il faut donc
élargir le champ des politiques de subvention de manière à ce qu'elles aient une incidence
directe sur le public consommateur de culture et qu'elles favorisent divers projets à caractère
social et éducatif qui, en bout de ligne, éveilleront l'intérêt du public pour des événements
culturels autres que les spectacles. Une autre option consiste à favoriser le développement des
activités culturelles et des arts dans le cadre de paradigmes généraux qui représentent et
déterminent les conditions de création. Il est vrai que le marché a ses propres mécanismes
d'évaluation des produits, qui diffèrent de ceux appliqués dans le domaine culturel; cependant,
la culture aura un rapport particulier avec ces évaluations. Ce rapport prend forme au moyen
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des parrainages et de la concurrence directe entre les produits culturels offerts sur le marché.
Toutefois, la véritable question est de savoir de quelle manière et dans quelle mesure doit-on
utiliser les instruments financiers de la politique culturelle pour protéger la culture et les arts?
Les politiques culturelles définissent le cadre de référence de la production artistique, qui est
la forme d'expression humaine la plus évoluée. L'art exprime les valeurs les plus
fondamentales d'une culture; il est le fruit de l'expérience sociale qui rejoint les aspects les
plus fondamentaux de la spiritualité humaine. Et c'est justement cette valeur qui ne peut être
ramenée à de pures considérations économiques. Dans un monde organisé suivant les
principes de l'efficience, de l'utilité, de l'objectivité, de la dissociation analytique, du
matérialisme et de l'accumulation de richesse, les arts expriment l'autre visage de l'expérience
humaine : l'objectivité est subsumée sous la subjectivité, tandis que le calcul industriel est
subsumé sous la créativité. Aujourd'hui, pendant que le monde économique embrasse les
principes de subjectivité et de créativité et adopte les principes du plaisir, du désir et du jeu,
ce qui signifie qu'il a associé les arts à la création de la culture de consommation, nous devons
continuer de faire en sorte que les arts et la culture prennent leur essor dans des conditions qui
leur assure une indépendance. On a parfois l'impression aujourd'hui qu'il suffit de laisser les
arts entre les mains des acteurs du marché et des parrains pour qu'ils se développent de façon
indépendante. Cette impression peut être juste, si on évalue les arts selon les critères du
marché, qui sont de fait les critères de la masse des consommateurs. Si, toutefois, nous
retenons les critères d'esthétique, il faudra protéger les arts contre le marché à l'aide de
certaines mesures. Bien entendu, il faudra trouver un juste équilibre entre les mesures de
protection et le fait de livrer les arts aux caprices des forces du marché. À ce propos, il est
intéressant de noter que l'Alliance industrielle fédérale d'Allemagne a recommandé dans son
Livre vert de 1996 que l'État protège la culture précisément en raison des intérêts de
l'industrie. Selon l'Alliance, les fonds utilisés par l'industrie à des fins de parrainage pour
soutenir la vie culturelle doivent respecter rigoureusement la politique culturelle nationale,
mais ils ne peuvent la remplacer; au mieux peuvent-ils jouer un rôle complémentaire et
correctif. Les mesures financières de la politique culturelle indiquent jusqu'à un certain point
dans quelle mesure la culture et les arts sont indépendants des notions de faisabilité, de profit
et de viabilité.
Secteur public
On associe généralement le financement public de la culture à une autorité (une entité
administrative) qui est chargée de l'application des lois concernant la culture, notamment des
lois qui régissent le financement public de la culture. C'est pourquoi ce financement dépend
par-dessus tout de l'organisation d'une telle entité dans chacun des pays. L'organisation
administrative est le fruit de nombreuses années, voire très souvent de nombreux siècles de
tradition et la conséquence de l'évolution politique, sociale, économique et culturelle d'un
pays. Le développement historique de la culture sert de point de départ pour les modèles de
financement dans les différents pays. Au cours de leur histoire, certaines villes ou régions ont
développé une sensibilité aux activités culturelles et ont financé généreusement ces activités,
tandis que d'autres n'ont été sensibilisées que récemment à l'importance de la culture et à la
nécessité de la financer. Évidemment, la différence des cheminements s'est traduite par des
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pratiques de financement totalement différentes d'une ville à l'autre, d'une région à l'autre ou
d'un pays à l'autre.
Pourtant, malgré ces différences, on peut dire qu'il existe deux modèles fondamentaux pour le
financement public de la culture du point de vue des niveaux administratifs. Le premier
modèle repose sur la répartition des pouvoirs entre les municipalités et l'État (p. ex. Lettonie,
Slovénie), tandis que le second repose sur la division des pouvoirs entre les municipalités, les
régions ou comtés et l'État (p. ex Suède, Canada). Pour certains pays où la répartition se fait
entre trois paliers mais où la participation des régions n'est que symbolique, on considérera
que ces pays répondent au premier modèle (p. ex. Croatie, Norvège). Le modèle unilatéral,
c'est-à-dire celui où un seul niveau d'administration domine (l'État), se retrouve seulement
dans des pays en développement (p. ex. Sénégal) où l'on est encore à élaborer des modèles de
financement de la culture. Les deux modèles qui nous intéressent se sont développés
parallèlement avec les administrations publiques et il est difficile de trouver une raison en
particulier qui justifierait l'utilisation d'un modèle plutôt que l'autre.
Selon les deux modèles, l'État finance généralement les arts et les activités culturelles qui ont
un caractère représentatif : théâtre, opéra, musées, bibliothèques et archives d'une importance
nationale. Il s'attache à préserver le patrimoine culturel national, et dans beaucoup de pays il
verse des subventions considérables à la production cinématographique. En général, il finance
les programmes d'échanges culturels entre pays, ainsi que les programmes qui favorisent les
échanges culturels à l'intérieur du pays. Il finance également, dans une moindre mesure,
d'autres activités culturelles, qui sont surtout financées par les autres niveaux de
gouvernement.
Selon les données dont nous disposons, le rapport entre le financement servant à couvrir les
frais d'entretien et les salaires dans les institutions et le financement destiné aux programmes
et aux projets est étroitement lié au produit intérieur brut. Plus le PIB par habitant est élevé,
plus ce rapport est faible (c'est-à-dire que relativement plus d'argent est versé pour les
programmes et les projets), ce qui est conforme aux attentes, c'est-à-dire que l'argent sert tout
d'abord à couvrir les frais d'entretien et les salaires, et il est ensuite destiné à l'élaboration des
programmes et des projets. Selon les données disponibles, le ratio le plus favorable pour les
projets et les programmes est de 60/40 (p. ex. Finlande, Pays-Bas), tandis que le ratio le moins
favorable est celui qui indique que tous les fonds publics sont consacrés à l'entretien et aux
salaires (p. ex. au Sénégal).
Les priorités de financement dépendent des programmes politiques des gouvernements, de
sorte qu'il n'est pas du tout évident qu'il existe une tendance générale dans la définition des
priorités. Toutefois, nous avons remarqué que les gouvernements se préoccupent du
patrimoine culturel et accordent maintenant plus d'attention aux projets d'art théâtral et visuel
qui sont réalisés hors des institutions culturelles classiques. Dans les pays où les médias
relèvent de la compétence du ministère de la Culture, on remarque une préoccupation
évidente au sujet de la diversité des médias.
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Lorsqu'on finance la culture avec des fonds publics, on doit définir clairement la source
d'autorité et les liens de collaboration entre les divers niveaux d'administration. La source
d'autorité est définie par la loi, et dans certains pays les municipalités concluent des ententes
spéciales avec l'État pour le financement des institutions, des projets d'investissement et, plus
rarement, des projets divers.
Les capitales jouissent d'un statut spécial en ce qui concerne la culture, parce qu'elles abritent
la majorité des institutions culturelles. Cela se voit aussi au niveau du financement de la
culture, puisque les capitales participent à ce financement jusqu'à hauteur de 22 %, comme
c'est le cas en Croatie. L'existence d'une infrastructure culturelle bien établie implique
naturellement des coûts. Lorsqu'il y a une concentration de la production artistique et
culturelle, phénomène indissociable du processus de mondialisation et de la formation
résultante de mégapoles, de nombreux pays élaborent des mesures au niveau national afin de
déconcentrer la production culturelle et artistique et ils fournissent une aide spéciale aux
programmes culturels mis en œuvre dans les régions ou les municipalités. Cette politique
s'inscrit dans le cadre législatif régissant le financement de la culture (p. ex. Croatie) ou elle
figure au rang des priorités (p. ex. Canada).
Au moment de définir les priorités en matière de financement de la culture, certains pays ont
choisi de mettre l'accent sur les programmes qui visent à faciliter l'accès aux biens culturels
pour les personnes handicapées (p. ex. la France).
Le processus de décision pour l'affectation des fonds publics et les méthodes de mise en
application des décisions sont des élément clés des politiques culturelles; c'est ce qui fait
normalement que ces politiques sont vues comme des politiques administratives publiques.
Les budgets nationaux sont proposés par les gouvernements et adoptés par les assemblées
législatives. Ces budgets renferment toujours une section ayant trait à la culture, et dans
certains cas l'assemblée législative décide de l'affectation des fonds non seulement pour des
segments particuliers de l'industrie, mais aussi pour des institutions particulières. Le
parlement joue un rôle important dans les pays où il existe des organismes para-publics qui
sont responsables d'un segment particulier de l'activité culturelle et dont le budget dépend le
plus souvent du parlement. Néanmoins, il est plus fréquent de voir l'assemblée législative
voter un budget général pour la culture et des segments particuliers de l'activité culturelle; les
ministères s'occupent ensuite d'attribuer les fonds à des intervenants particuliers du domaine
culturel. Dans la plupart des pays, la responsabilité de l'affectation des fonds revient
principalement au ministère de la Culture. Les allocations sont consenties en fonction de
décisions prises par des entités administratives, généralement en collaboration avec des
commissions ou des conseils formés d'experts. Les organes d'experts jouent un rôle consultatif
vital, et parfois ils décident directement de l'affectation de sommes particulières à des projets
ou à des programmes. Les décisions concernant les salaires et l'entretien et les projets à long
terme relèvent habituellement des entités administratives et d'elles seules. Le processus de
décision est dicté par une série de facteurs tels que le droit du travail, les négociations
syndicales, les politiques adoptées à l'égard de certaines municipalités ou régions et même la
place traditionnnelle d'institutions culturelles, l'importance des projets non seulement au point
de vue culturel, mais encore au point de vue social ou économique, la commercialité des
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projets, etc. Tous ces facteurs ont une incidence majeure sur la prise de décision et on ne peut
en faire abstraction, si bien que les États ont mis au point des mécanismes par lesquels le
processus de décision intègre ces facteurs. La création d'organes d'experts illustre l'influence
que peut exercer le public des arts et de la culture sur la prise de décision pour l'affectation
des fonds publics. La participation d'une entité administrative normalement responsable du
développement économique à cette prise de décision montre que l'on reconnaît et souligne le
rôle que peut jouer la culture dans le développement. Par ailleurs, l'État peut exprimer un
intérêt particulier pour le développement d'un segment particulier de l'activité culturelle ou
réagir à des crises profondes qui ébranlent ce segment, en sorte qu'il met sur pied des
organismes para-publics ou des corps d'État spéciaux pour s'occuper de ces secteurs. Ces
entités sont créées en vue de constituer des organisations qui, par leur structure, proposeront
des solutions de meilleure qualité pour répondre aux besoins de ces secteurs, car les entités
administratives n'ont généralement pas la structure voulue pour s'occuper d'un secteur en
particulier. En règle générale, ces entités ont pour objet fondamental la cinématographie et le
patrimoine culturel, c'est-à-dire des domaines culturels qui, par définition, sont plus
complexes que d'autres sur le plan organisationnel et financier. Dans certains pays, le
patrimoine culturel est une ressource économique appréciable, mais les coûts de son entretien
sont exorbitants. Par conséquent, en plus des subventions directes prévues au budget, on a
trouvé d'autres moyens de financement, comme l'imposition de frais pour l'utilisation des
ressources culturelles à des fins promotionnelles. Par exemple, en Croatie il existe une
formule selon laquelle les entités commerciales qui exercent des activités dans des sites du
patrimoine culturel ou sur le territoire de complexes culturels ou historiques doivent payer des
" frais de location" en échange du droit exceptionnel d'utiliser une ressource culturelle.
L'investissement en capital dans le domaine de la culture, autrement dit l'investissement fait
en vue de construire des installations majeures telles un opéra ou un musée national ou de
reconstruire des sites du patrimoine culturel importants tels des centre-ville ou des quartiers
d'une valeur historique et artistique exceptionnelle, crée une charge additionnelle dans les
budgets consacrés à la culture. L'investissement en capital est normalement inclus dans le
budget global de la culture (p. ex. Norvège, Suède), mais il arrive qu'il soit entièrement
indépendant du budget national (comme au Sénégal) du fait que, de par sa nature même, il
n'entre pas dans les attributions normales d'un ministère de la Culture. Pour ce qui a trait au
financement de ces investissements, en général les municipalités dans lesquelles sont érigés
ces immeubles ou ces installations participent au financement.
Dans certains pays, les recettes des loteries sont affectées exclusivement aux programmes des
soins de santé, aux programmes culturels, environnementaux et sociaux, ainsi qu'aux
organismes humanitaires et aux organismes de sport. En ce qui concerne le secteur culturel,
les méthodes de répartition des fonds et les objectifs sont variés. Par exemple, on peut confier
à un organisme la responsabilité exclusive des jeux de loterie et celui-ci s'occupe d'affecter
directement les fonds. Une autre solution consiste à mettre sur pied un organisme indépendant
(en règle générale, une fondation gérée par l'État), que l'on charge de la répartition des fonds
générés par les activités de loterie. Bien qu'il n'existe pas de règle particulière concernant les
objectifs de répartition des revenus de loterie, on distingue trois groupes de bénéficiaires : les
fonds d'immobilisations prévus pour la construction d'équipements culturels majeurs, le
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secteur non institutionnel (festivals d'art alternatif/expérimental, troupes de théâtre ou de
danse indépendantes, etc.) et les fondations qui ont pour mission la restauration du patimoine
culturel. Dans la plupart des pays, ce choix révèle l'intention des décideurs d'investir des
sommes supplémentaires (hormis les fonds budgétaires) dans des secteurs de la culture qui
fonctionnent depuis toujours avec des budgets modestes (secteur non institutionnel) ou des
secteurs qui sont extraordinairement coûteux et qui exigent des investissements considérables
(développement et restauration du patrimoine culturel).
Secteur civil et culture
Au cours des vingt dernières années, parallèlement à la transformation sociale profonde
inspirée du modèle néo-libéral, on a assisté au développement marqué du troisième secteur,
ou secteur civil. Celui-ci se distingue principalement par son but non lucratif et son caractère
non gouvernemental et par le fait qu'il constitue une association libre, ce qui lui permet de
préserver son indépendance vis-à-vis des autorités politiques au niveau national ou régional et
à l'égard des stratégies commerciales axées sur la maximisation du profit. Le fait que les
organismes et les institutions du secteur civil soient des entités sans but lucratif ne signifie pas
qu'ils ne peuvent pas faire de profits, mais que ces profits doivent servir au financement des
activités futures et qu'ils ne peuvent être répartis en fonction de la structure du capital social.
Par ailleurs, leur caractère non gouvernemental ne limite aucunement leur capacité d'action
dans le domaine public, c'est-à-dire qu'ils peuvent exercer des activités dans la sphère
publique au nom d'un certain intérêt public. On recense deux grandes catégories d'institutions
ou d'entités juridiques appartenant au secteur civil où les caractéristiques ci-dessus sont le
plus manifestes. Ce sont les associations de citoyens, ou organisations non gouvernementales,
et les fondations. La double nature de l'association ressort clairement pour les deux types
d'institutions (universitas personarum, universitas bonarum/rerum) : elle rassemble des
personnes et des biens privés autour d'une cause à caractère public dans la plupart des cas.
Nous pouvons en conclure que le secteur civil est une sorte de " combinaison " non
gouvernementale et sans but lucratif d'activités à caractère privé et public. Ces
caractéristiques rendent le secteur civil extrêmement souple et capable de se transformer et de
s'ajuster rapidement, ce qui lui ouvre de grandes possibilités de développement et le rend apte
à exercer de l'influence dans le monde actuel, dynamique et compétitif.
L'importance du développement de ce secteur se reflète également dans le domaine de la
culture. Les organismes culturels du secteur civil ont joué un rôle important dans les récentes
transformations qu'a subies le monde de la culture, notamment par leur participation
grandissante à la production culturelle, par leur adaptation aux tendances dynamiques de la
mondialisation qui imposent l'adoption de nouvelles formes de coopération sur la scène
internationale, par l'acquistion rapide de nouvelles technologies qu'ils intègrent dans leurs
activités, et par leur contribution significative à l'effort de transition accompli dans les pays de
l'Europe orientale.
En ce qui concerne les modèles de financement de la culture dans le secteur civil, notre étude
ainsi que les ouvrages consultés indiquent que nous n'avons pas une bonne vue d'ensemble
des paramètres du secteur. Bien que la plupart des pays possèdent une réglementation
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régissant le secteur des organismes non gouvernementaux sans but lucratif, beaucoup moins
nombreux sont les pays qui ont adopté une loi pour régir les activités des fondations. Avec les
données dont on dispose, il est souvent difficile de savoir dans quelle mesure, s'il en est, un
pays finance les activités du secteur civil au chapitre de la culture. En outre, il est
pratiquement impossible de connaître le degré de participation des autres bailleurs de fonds
dans le financement des activités culturelles du secteur civil (sources étrangères, dons,
parrainages). Néanmoins, la plupart des pays ont fait des efforts pour que le secteur privé
jouisse de meilleures conditions pour parrainer des projets ou faire des dons.
Si nous disposons de maigres données sur les activités du secteur civil, c'est à cause de
l'absence de mécanismes de suivi adéquats et aussi de l'incapacité d'obtenir une
systématisation complète et efficace des données en raison du caractère extraordinairement
dynamique et disparate de ce secteur.
Secteur privé
La part des entreprises dans le financement des activités culturelles varie entre 1 % (ou même
moins) et 10 % (au Royaume-Uni, où est enregistré le pourcentage le plus élevé en Europe).
Selon les données qui nous sont accessibles, le pourcentage varie généralement entre 2 et 4 %
dans les pays d'Europe - pays membres de l'UE et pays dits " en transition " réunis. Il est
impossible de préciser ce qu'est le rapport entre le parrainage et les dons parce que les
données nécessaires n'existent pas. Néanmoins, il s'agit d'une distinction très importante,
parce que, dans la plupart des pays, le parrainage est perçu comme une activité de promotion
ou comme un moyen de rehausser l'image d'une entreprise, et il a la même importance que
d'autres activités de promotion. Cela signifie que, dans la plupart des pays, le parrainage n'est
pas assujetti à l'impôt parce qu'il fait partie des dépenses d'exploitation. Le parrainage étant
perçu comme un moyen pour l'entreprise de rehausser son image, les fonds sont investis
principalement dans des activités culturelles ayant un bon accueil du public. C'est là la raison
des débats engagés, dans certains pays, sur la part qu'il faut réserver au parrainage dans le
financement des activités culturelles et sur l'ampleur de l'effet que cette source de financement
peut avoir sur le contenu et sur le caractère stimulant et critique des activités culturelles. De
l'avis de certains, aujourd'hui, de nombreux artistes conçoivent dès le départ leurs œuvres
pour attirer d'éventuels mécènes, de sorte que ces œuvres ne représentent pas une expression
parfaitement libre. Toute cela laisse entendre que le parrainage peut être un mode de
financement de la culture qui est souhaitable, mais qu'il est le moins souhaitable de tous.
Certes, il existe des exemples d'entreprises qui rehaussent leur image en parrainant des
oeuvres artistiques qui suscitent la controverse, mais ces exemples sont bien connus
précisément parce qu'ils sont si radicalement différents de la plupart des exemples de
parrainage.
Les dons de particuliers ou d'entreprises sont l'autre mode de financement de la culture par le
secteur privé. Les dons sont l'expression d'une longue tradition de philanthropie qui existe
sous une forme ou une autre dans toutes les civilisations et, dans la plupart des pays, ces dons
sont exonérés d'impôt d'une quelconque façon. Dans la plupart des pays, les dons ne sont pas
assujettis à l'impôt et le montant du don est souvent déduit de l'assiette fiscale, fournissant
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ainsi une incitation supplémentaire aux donateurs. Contrairement aux parrains, les donateurs
ne reçoivent pas de services, mais les entreprises donatrices se soucient beaucoup de leur
image, si bien que les donateurs ont les mêmes soucis que ceux qui pratiquent le parrainage.
Certains pays ne font pas de distinction entre le parrainage et la donation et ils leur réservent
le même traitement.
Le parrainage et la donation ne sont pas propres au secteur de la culture; au contraire, les
projets et les organismes du secteur culturel doivent rivaliser pour ce soutien financier avec
les projets et organismes qui se rattachent aux sports, aux activités humanitaires, aux
programmes sociaux, à la défense de l'environnement et à d'autres domaines. L'intérêt que
présente chacun des secteurs sur ce " marché " pour les parrains et les donateurs dépend de
l'intérêt suscité chez le grand public. La culture a donc été sur la défensive en quelque sorte au
cours de la dernière décennie, d'une part, parce qu'elle n'a pas été jugée aussi importante que
ne l'ont été les questions sociales et environnementales et, d'autre part, parce que les
événements culturels n'attirent pas un public aussi grand que celui des événements sportifs.
Certains athlètes reçoivent, en conséquence de contrats de parrainage, des montants
équivalant aux budgets que des petits États ou des grandes villes allouent à la culture. Les
donateurs, eux, préfèrent fournir un soutien direct aux personnes, suivant la tradition de
philanthropie qui a habituellement sa source dans les programme sociaux et humanitaires et
qui s'est aussi manifestée récemment dans le domaine de l'environnement.
Cependant, l'argent que fournit le secteur privé est important, non seulement pour des raisons
purement financières, mais aussi parce qu'il dresse un portrait de la société et qu'il crée une
relation entre ce que l'artiste produit et ce que recherche la société. Les considérations
financières ne sont pas à négliger étant donné que le financement privé peut améliorer très
nettement les conditions de réalisation pour certains organismes ou projets (et, parallèlement,
porter la qualité de la production artistique à un niveau bien plus élevé) ou faciliter un accès
bien plus étendu (visiteurs, etc.). Il a déjà été signalé que cette forme de financement
représente entre 1 et 10 % de l'ensemble des budgets culturels, mais il convient de préciser
qu'en chiffres absolus, ce financement équivaut à des sommes considérables représentant une
aide importante pour les États et les villes qui doivent allouer une part de leurs budgets à la
culture.
Secteur privé - industries de la culture
Les activités culturelles ne sont pas tributaires uniquement des subventions, comme en
témoigne le fait que les industries culturelles concourent largement à l'ampleur de l'activité
commerciale bien qu'elles continuent d'appartenir au secteur de la culture. Toutefois, quel que
soit leur potentiel commercial, les industries culturelles se retrouvent en état de crise dans un
certain nombre de pays, ce qui incite les États à mettre au point des mécanismes de soutien au
développement de leurs industries culturelles. La mondialisation de l'activité économique a eu
pour effet de réduire l'intérêt pour les produits des industries culturelles nationales et
d'accroître la consommation de produits provenant surtout des États?Unis (productions
cinématographiques) et de l'Europe occidentale (enregistrements sonores). Comme ces
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produits influent sur la langue, sur les coutumes, sur le mode de vie et sur d'autres aspects qui
sont les éléments fondamentaux de l'identité culturelle, il est normal, dans un pays, de
s'inquiéter de la situation de sa propre industrie culturelle.
Sur le plan de la culture, les industries culturelles jouent un rôle particulier parce qu'elles
produisent et distribuent des expressions, techniques et concepts culturels à grande diffusion.
Il faut garder à l'esprit que la reproduction de masse est une dimension inhérente à certaines
formes d'expression artistique, comme les films et les ouvrages littéraires, tandis qu'elle est
tout à fait incompatible avec certaines autres formes, comme la sculpture et la peinture;
toutefois, le transfert de ces dernières à un support différent, comme la photographie et le
film, permet leur reproduction de masse. Dans le domaine de la culture et des arts, le
problème que pose la production de masse tient au fait que les produits résultants revêtent les
caractéristiques d'un bien de consommation et se comportent sur le marché comme tout autre
bien de consommation, si bien que l'unique critère de leur réussite est leur succès commercial.
Pourtant, ils ne peuvent simplement être considérés au même titre qu'un autre bien de
consommation parce que le message qu'ils communiquent et transfèrent et la forme qu'ils
prennent à cette fin sont du domaine de la culture. Le film, le vidéo ou l'enregistrement sur
disque compact, même s'il est de la plus mauvaise qualité, contient des informations
complexes prenant leur sens dans la culture d'un groupe social. Il va sans dire que bon nombre
de ces produits sont complètement stéréotypés, ce qui est le fait de la production de masse, et
sont destinés uniquement à connaître un succès commercial, sans pour autant perdre leur
dimension culturelle.
Les industries culturelles comprennent la production et la distribution de livres, de films, et
d'enregistrements musicaux, vidéos et multimédias; au sens plus large, les " industries
culturelles " englobent les médias (la presse, la télédiffusion et la radiodiffusion). Elles sont
dites " industries de la création " qui regroupent également l'architecture, le design, la mode,
le tourisme et les communications commerciales. Les expressions " industries culturelles " et
" industries de la création " sont parfois interchangeables, mais la confusion s'accroît lorsque
s'ajoutent, entre autres, les termes " industries de contenu " et " industries du spectacle ". Cette
confusion terminologique est l'une des raisons pour lesquelles les données statistiques dans le
domaine ne sont pas comparables et pour lesquelles il est impossible de parler de part
moyenne des industries culturelles dans le produit intérieur brut (PIB). Cependant, il est
possible d'affirmer que les industries culturelles occupent une part croissante du produit
intérieur brut dans la plupart des pays, et qu'il s'agit d'une croissance non seulement de la
production, mais aussi de la distribution.
La plupart des subventions versées dans le domaine visent la production, principalement
cinématographique. L'industrie cinématographique des pays reçoit un appui sous diverses
formes, tant des subventions directes versées par les ministères ou autres organismes tels que
des instituts cinématographiques, que des capitaux obtenus dans le cadre de contrats de
financement de la production conclus avec des chaînes de télévision. En Europe, les fonds
européens de co?production jouent un rôle important dans le financement des productions
cinématographiques.
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D'une importance particulière pour les industries culturelles sont les mesures prises par les
différents pays pour garantir une place dans les médias aux produits du secteur culturel
national. Ces mesures consistent à obliger les télédiffuseurs et radiodiffuseurs du pays à
réserver une part de l'horaire aux émissions produites au pays et à établir des normes
linguistiques que les médias doivent respecter. De telles mesures concourent indirectement au
développement des industries culturelles nationales.
Conclusion : secteur privé - secteur public
Au cours des deux dernières décennies, la relation entre les secteurs privé et public a subi
d'importants changements qui ont touché, entre autres, l'économie, les programmes sociaux,
les soins de santé, la planification urbaine, les communications et les médias. Le secteur de la
culture, qui n'a évidemment pas échappé au phénomène, a subi ses propres transformations
profondes. Notre recherche a porté uniquement sur les changements qui se sont opérés dans le
financement de la culture. Ces changements ont été accélérés par la transformation de
l'Europe orientale, dont les pays ont remplacé leur régime économique et politique socialiste
par l'économie de marché et la démocratie, renforçant le caractère libéral-démocratique du
système social. Les changements se révèlent aussi dans les politiques culturelles, bien qu'ils
ne soient pas aussi profonds que ceux observés dans d'autres secteurs. Tandis que, durant les
années 70, les politiques culturelles étaient caractérisées par des concepts tels que la
démocratie culturelle, la culture en tant que droit de tout citoyen, le renouveau social et
culturel, et le développement culturel de la collectivité, durant les années 80 et 90, il s'est
produit une réorientation telle que les thèmes des politiques culturelles sont devenus, entre
autres, la gestion de la culture, la commercialisation de la culture, le rôle de la culture dans le
développement (au sens économique) et le parrainage de la culture. Dans les pays d'Europe
orientale, cette réorientation n'est pas encore évidente parce que la culture a joué un rôle
important dans l'établissement de l'identité nationale et que les politiques culturelles des pays
de cette région ont donc été axées sur les aspects de la culture qui concourent dans une large
mesure à la cohésion sociale. De toute évidence, la réorientation des politiques culturelles a
été déterminée par les changements économiques, technologiques et politiques qui ont marqué
les années 80 et 90 et qui ont transformé le contexte de l'activité culturelle. En quelques mots,
cette transformation correspond essentiellement à une réduction du rôle du secteur public, tant
dans les faits que sur le plan symbolique. En conséquence de cette réduction, les activités
culturelles, jadis du ressort du secteur public, sont passées au secteur privé. Sur le plan du
financement, le rôle du secteur privé se manifeste par le parrainage et les dons, par les
entreprises et les fondations, par les mécènes et les bienfaiteurs. Toutefois, tout n'est pas si
simple puisque le secteur privé n'a pas pris la relève du secteur public à tous les égards, et
surtout dans le secteur de la culture, parce que, contrairement au secteur des soins de santé qui
peut percevoir des frais pour ses services ou au secteur des sports dont les possibilités
commerciales sont énormes, le secteur culturel ne peut facturer ses services ni attirer un grand
nombre de parrains. C'est la raison de la dépendance encore grande du secteur culturel à
l'égard du soutien financier public. La culture est source de cohésion sociale dans les
collectivités et dans les États; pour cette raison, on ne peut simplement la laisser disparaître
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parce que, dans le cas de la culture, il s'agirait d'une transformation en une autre culture. Voilà
pourquoi la culture reste du ressort du secteur public.
Le développement du secteur privé en Europe orientale a été grandement impulsé par
l'important réseau de la fondation Soros. La cessation de ses activités menace l'existence
même et le financement futur d'un très grand nombre d'initiatives. Ce réseau a fortement
contribué au développement des arts et de la culture modernes dans des États dans lesquels, il
a été établi, le soutien financier du secteur privé n'est pas suffisant pour assurer la survie de
ces activités. Par conséquent, le secteur public doit intervenir pour préserver ces activités
culturelles. Cet exemple montre en outre que le soutien financier public doit être souple et
favoriser davantage le rôle du secteur civil dans le domaine culturel. La fondation Soros ainsi
que d'autres qui ont été établies par des entreprises et par le secteur financier sont des modes
de financement des activités culturelles qui ont du succès, à tel point que les États eux?mêmes
créent des fondations pour financer les activités culturelles nationales.
En dépit du fait que le financement des activités culturelles appartienne encore au secteur
public, la relation entre le secteur public et le secteur de la culture a connu certains
changements. Les mesures d'incitation visant le secteur de la culture, notamment l'industrie
cinématographique, ont augmenté dans un certain nombre de pays. Une importance
grandissante est accordée au patrimoine culturel et à son renouveau, et les projets culturels
indépendants bénéficient d'un plus grand soutien financier. Parallèlement, les organismes
procèdent à la rationalisation de leurs activités. Tous ces changements s'opèrent dans le
contexte d'un nouveau paradigme dans lequel la valeur du résultat final - la qualité du produit
- importe plus que l'organisme et dans lequel la culture est considérée comme une ressource
économique éventuelle. Un des éléments importants d'une politique culturelle, de nos jours,
est l'insistance sur le lien entre les différentes sources de financement - les fonds publics et les
sources privées - ce qui rend plus complexe la structure du financement des événements
culturels comme les festivals ou les expositions et ce qui suppose l'existence de certaines
compétences dont les organismes et les gestionnaires de projets n'ont pas eu à faire preuve
auparavant. En conséquence de cette transformation, la profession de producteur et de
gestionnaire culturel passe au premier plan. De même, la fonction de ministre de la Culture
est devenue plus complexe, parce qu'il faut l'exercer dans le cadre du nouveau paradigme qui
oblige le secteur culturel à élargir son activité, à produire une qualité constante et à être
représentatif de la société. En outre, le secteur culturel doit réduire ses coûts ou " rationaliser "
ses activités en conservant sa place sur le marché et en diversifiant ses sources de
financement. Il n'est certes pas facile d'élaborer un modèle qui favorise un tel développement
culturel, mais il semble que les politiques culturelles actuelles, qui énoncent des priorités et
des mesures différentes et qui sont décrites dans le présent rapport, marquent un pas dans la
bonne direction. Il semble que les effets d'un même paradigme se fassent sentir dans des pays
dont l'évolution historique est très différente, parce que nous avons constaté que les politiques
culturelles de pays très différents étaient similaires. Par contre, certains pays n'ont aucune
politique culturelle; l'activité culturelle y est entièrement régie par le jeu des forces du
marché. Ces pays sont surtout des pays en développement qui n'ont pas les moyens financiers
nécessaires pour élaborer une politique culturelle, parce qu'ils doivent concentrer leurs
ressources sur la résolution des problèmes humains. Toutefois, il existe aussi des pays très
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riches qui n'ont pas de politique culturelle. Ceux?ci sont des exemples extrêmes de
développement dans le cadre du paradigme libéral-démocratique qui prévaut aujourd'hui. Le
rôle des politiques culturelles issues de la tradition sociale, dans le contexte
libéral?démocratique actuel, est de stimuler le développement des valeurs associées à l'une ou
l'autre de ces traditions ou à l'un ou l'autre de ces paradigmes.
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