Étude sur les modèles de financement de la culture Modèles de financement de la culture On a lancé une étude sur les modèles de financement de la culture dans le but d'établir un lien entre la culture et les arts d'une part et les sources de financement de ces activités d'autre part. On a envoyé un questionnaire à 27 pays, et 10 d'entre eux ont répondu: France, Grèce, Canada, Lettonie, Norvège, Russie, Sénégal, Slovénie, Suède et, bien sûr, Croatie. Les réponses fournies ont servi à la préparation de ce rapport. Cependant, nous avons utilisé aussi des documents du Conseil de l'Europe, de l'UNESCO, de l'Union européenne, de l'Observatoire de Budapest et du CIRCLE Network, ainsi que des ouvrages spécialisés traitant du financement de la culture, de la politique culturelle et du rapport entre la culture et l'économie. L'un des principaux problèmes que nous avons rencontrés est le manque de données sur le financement du secteur civil sans but lucratif, la pauvreté des données sur le rôle des fondations privées dans le financement de la culture, et l'impossibilité de comparer différents indicateurs du rapport entre le secteur privé et les activités culturelles, parce que les définitions sont trop disparates et qu'on ne peut recouper les données recueillies. Ces difficultés témoignent de la nécessité d'unir nos efforts pour établir des statistiques culturelles de qualité qui embrassent tous les segments des activités culturelles, et non seulement la culture institutionnelle et les finances publiques, au sujet desquelles il existe des données statistiques détaillées et de qualité dans la plupart des pays. Les modèles de financement de la culture découlent des modèles de politique culturelle et ils sont des instruments essentiels pour la mise en oeuvre de politiques culturelles particulières. On distingue plusieurs modèles fondamentaux de politique culturelle, selon le type de gouvernement et le rôle que joue ce gouvernement dans la mise en application des modèles. Ce sont le modèle libéral, le modèle de gestion étatique, le modèle de décentralisation et le modèle para-étatique, ou modèle d'autonomie. Le modèle libéral insiste sur l'initiative privée dans le domaine des arts et de la culture, le marché étant le seul régulateur des rapports dans ce domaine. Selon ce modèle, l'industrie culturelle joue un rôle central, puisqu'elle met au point des produits culturels normalisés destinés à la consommation de masse. Le modèle de gestion étatique est caractérisé par l'omniprésence de l'État dans la vie culturelle. L'État finance le développement de la production culturelle et il va parfois jusqu'à définir les principes qui doivent guider le développement à long terme des arts et de la culture. Selon ce modèle, les institutions culturelles, dirigées par l'État et initiatrices de programmes élitistes, jouent le plus grand rôle. Le modèle de décentralisation est caractérisé par la coexistence de plusieurs politiques culturelles locales, du fait que la culture relève de la compétence des municipalités et des régions. Selon ce modèle, ce sont les municipalités et les institutions culturelles urbaines qui jouent un rôle prédominant. Le modèle d'autonomie se distingue principalement par le rôle majeur que jouent les organisations professionnelles qui sont investies d'un pouvoir par l'État, même si celui-ci n'a généralement pas une influence directe sur elles. Bien que ce modèle soit élitiste par définition, il favorise l'élitisme dans les projets plutôt que dans les institutions, de sorte que ce sont les projets culturels et artistiques qui jouent un rôle prédominant selon ce modèle. Certes, aucun de ces modèles n'existe dans sa Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt forme la plus pure, en sorte que toutes les politiques culturelles nationales sont imprégnées des caractéristiques propres à chacun d'eux. Les modèles de financement de la culture sont alignés sur les modèles de politique culturelle, de sorte que selon le modèle libéral, le marché est la source de revenus fondamentale; selon le modèle de gestion étatique, l'État est la source de revenus principale; selon le modèle de décentralisation, ce sont les municipalités qui sont les bailleurs de fonds; et selon le modèle d'autonomie, c'est encore l'État qui est le bailleur de fonds, mais par l'intermédiaire de diverses fondations. De toute évidence, on parle ici de la majorité du financement, et non de tout le financement, de sorte que dans chacun de ces modèles, on peut trouver des exemples de financement des arts et de la culture par l'État, les municipalités, divers fonds ou fondations publics, privés ou mixtes, le parrainage et les activités du marché. Il faut aussi prendre en compte les dons des particuliers, des organismes et des sociétés, qui ont joué pendant longtemps un rôle considérable dans le financement de la culture et des arts, de la Renaissance à l'Avant-garde. Néanmoins, dans une majorité de pays on peut classer la plupart des revenus dans deux catégories : contributions de l'État et contributions des parrains. Les revenus provenant de la vente d'oeuvres d'art sont négligeables. Les industries culturelles forment une catégorie à part et on ne peut les assimiler aux autres produits culturels, pas plus qu'aux biens ordinaires. Outre les fonds provenant de l'État et du secteur privé, les industries culturelles bénéficient du généreux apport des fondations. Celles-ci peuvent être publiques ou privées, mais elles jouissent d'une autonomie dans le choix des projets à financer, suivant leur raison d'être. Les fondations qui appartiennent au secteur non gouvernemental sans but lucratif et qui assument un rôle de plus en plus important dans la production culturelle constituent un segment extrêmement intéressant et font le lien entre le secteur privé et le secteur public. Par conséquent, nous avons décidé d'organiser ce rapport selon différents thèmes : la régulation du secteur de la culture, le financement public de la culture, le secteur privé et son rôle dans le financement de la culture, le secteur civil sans but lucratif (notamment le financement de la culture par les fondations), et les industries culturelles comme la meilleure illustration des rapports qui existent aujourd'hui entre la culture et l'économie. Régulation des activités culturelles Dans la plupart des systèmes sociaux, la gestion des rapports entre les différents segments de la société et à l'intérieur de ces segments repose sur une certaine forme de régulation. De nos jours, le système économique, vu comme l'un des systèmes sociaux fondamentaux, est régulé normalement par le marché et l'État. Peut-être serait-il plus juste de dire que dans les systèmes sociaux, la régulation du système économique s'opère à la fois par les mécanismes du marché et l'action gouvernementale. Depuis une vingtaine d'années, sous l'influence de l'idéologie néo-libérale on insiste beaucoup sur la régulation par les mécanismes du marché. Ainsi, l'État délaisse graduellement le système de réglementation pour faire place aux forces du marché ou à l'auto-régulation (quoique l'on puisse se demander s'il s'agit vraiment d'auto-régulation) - Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt lequel marché se substitue à l'État pour réguler le système économique selon ses propres règles. La régulation des marchés existe en économie depuis que les collectivités humaines ont appris à s'organiser; ce n'est donc pas quelque chose de nouveau. Toutefois, la nouveauté réside dans le fait que, aujourd'hui, la dimension économique - pour la plupart des pays à tout le moins imprègne presque toutes les autres dimensions de la vie humaine, en sorte que les valeurs du système économique sont transposées dans d'autres systèmes : religion, culture, science, technologie, etc. Les valeurs propres à ces systèmes ne sont pas disparues, mais elles n'ont plus l'importance qu'elles avaient. Des processus semblables ont déjà été observés dans le passé, par exemple il y a eu des périodes dans l'histoire où les valeurs religieuses étaient prédominantes et imprégnaient toutes les relations sociales - il existe encore de telles sociétés aujourd'hui. Donc, un système de valeurs propre à un segment des relations sociales est imposé à l'ensemble de la société et en détermine tout le fonctionnement. Les théoriciens emploient divers termes pour décrire ce processus - des idéologies aux paradigmes - mais ce qui est commun à tous, c'est l'appréciation selon laquelle l'évaluation même du processus est dictée par celui-ci. Par conséquent, les sociétés dominées par les valeurs religieuses ou celles dominées par les valeurs qui découlent de l'économie de marché sont convaincues de leur supériorité morale et cognitive sur la base même de ces valeurs. Il est donc clair que ces valeurs ont de fortes chances d'imprégner toutes les dimensions de la vie sociale. Lorsque nous parlons des arts et de la culture dans ce contexte, deux questions fondamentales surgissent : la première a trait au contenu et à la forme des arts et de la culture, c'est-à-dire les valeurs qu'ils expriment et qu'ils véhiculent, les composantes esthétiques qu'ils renferment, et ainsi de suite, et la seconde a rapport aux modèles organisationnels à l'intérieur desquels ce contenu est créé. Lorsqu'il est question du contenu de la culture, on sait qu'il est déterminé lui aussi par les valeurs dominantes dans la société. Dans son sens le plus large, la culture est un système où l'information circule, de sorte que les valeurs sont transmises ou déniées principalement par les pratiques culturelles. Le contenu et la forme de la culture sont donc indissociables des valeurs dominantes dans la société. Cependant, la nature de ce lien peut être très variée : de l'absence d'une influence directe sur le contenu à la censure flagrante. En outre, les modèles organisationnels sont eux aussi déterminés par les valeurs dominantes dans la société, quoique indirectement, parce qu'ils dépendent des formes et du contenu de la culture, mais aussi directement, par l'influence du système des valeurs sur les formes organisationnelles. De nos jours, lorsque le marché devient le mode normatif de régulation des systèmes qui sont hors de la sphère économique et lorsque les valeurs découlant des relations axées sur le marché sont elles aussi transposées dans d'autres systèmes de relations, la culture et les rapports intraculturels sont eux aussi déterminés essentiellement par ces facteurs. On peut l'observer facilement par le langage qui est utilisé aujourd'hui dans le domaine culturel, un langage propre au marché : produits culturels, biens culturels, services en culture, gestion culturelle, marketing culturel, et ainsi de suite. Cela illustre non seulement le paradigme dominant dans nos sociétés, mais encore - et surtout ici - la place de la culture dans la société. Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt La culture et l'économie étaient liées dans le passé, mais aujourd'hui il semble qu'elles soient inextricablement liées, de sorte que certains auteurs pensent que la culture et l'économie ne peuvent être considérées comme des systèmes indépendants l'un de l'autre et que les frontières qui les distinguent traditionnellement ont été gommées. Peut-être dira-t-on la même chose des autres systèmes, mais ce n'est pas l'objet de notre propos dans ce rapport. Ce lien entre la culture et l'économie se reflète dans deux processus connexes : l'" acculturation " de l'économie et l'économisation du culturel. La culture a toujours joué un rôle majeur dans l'économie, en définissant l'orientation et les dimensions du développement économique. Les types d'organisation, le rapport au travail, les modèles de distribution, la production et le transfert des connaissances, et d'autres facteurs économiques essentiels sont indissociables de la culture. Pourtant, lorsque nous disons que l'économie est " acculturée ", nous ne soulignons pas le rôle de la culture, mais le fait que celle-ci a été le moteur de l'économie dans la seconde moitié du XXe siècle, tout comme le fut l'automobile dans la première moitié. Et de fait, la croissance de ce secteur de l'économie que nous appelons l'industrie culturelle a été formidable, et cette industrie demeure la composante la plus prospère des économies européennes, son taux de croissance annuelle pouvant atteindre 8 %. Nul besoin de statistiques pour vérifier cette assertion : le cinéma, l'enregistrement sur disque ou sur bande, les médias imprimés et électroniques et l'édition, pour ne nommer que ceux-là, sont devenus ces dernières années les facteurs économiques les plus importants. C'est le segment le plus visible de l'économie culturelle, mais il est intéressant de mentionner cet autre segment, non moins important, qui fait de plus en plus de place au design et au marketing dans la vente des produits. La transformation esthétique du produit le plus banal et le rapprochement du marketing avec les habitudes de vie et les ensembles de définitions forment aujourd'hui une composante majeure du processus économique. À titre d'exemple, on se bornera à dire que dans beaucoup de cas, les entreprises qui sont considérées comme des producteurs ne produisent en réalité que des images (au sens originel du terme), ce qui est fondamentalement un processus culturel. Or, qu'arrive-t-il à la culture dans ces circonstances, c.-à-d. lorsqu'elle devient un facteur économique de plus en plus important? C'est la question qui nous intéresse ici. Par-dessus tout, les mesures et les critères qui régissent le système économique deviennent de plus en plus importants dans le domaine culturel. Les recettes des salles de cinéma, les recettes des ventes et la fréquentation sont les mesures fondamentales du succès dans les industries culturelles. Les termes utilisés dans les discussions sur la culture sont des termes économiques, p. ex. ressources, viabilité, développement, faisabilité, etc. Cet usage a naturellement un impact sur la démarche créatrice dans la culture et sur les critères appliqués dans ce domaine. Par exemple, les artistes, les érudits, les chercheurs, les écrivains et les philosophes se livrent de nos jours à des activités de création en étant pleinement conscients de l'effet commercial que peuvent avoir leurs oeuvres. Avant même que ne débute la démarche créatrice, on définit les groupes cibles auxquels sont destinés les oeuvres ou les ouvrages, on fait des analyses coûts-avantages, on met sur pied des groupes de discussion et on emploie tous les mécanismes disponibles dans l'économie. Cette façon de faire découle de la logique du marché, à laquelle obéit également le domaine de la culture. Donc, dans une perspective de paradigme, le cadre de notre analyse est défini ici par l'acculturation de Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt l'économie et l'économisation du culturel, ce qui soulève de nombreuses questions relativement à la culture pour l'avenir : utilisation de l'espace public, formes publiques de communication, expression critique dans les arts, etc. Néanmoins, malgré que ces processus dictent l'orientation du développement culturel, la culture n'est pas sous l'influence exclusive de l'économie et des forces du marché, en sorte que beaucoup de pays utilisent depuis un certain temps - tandis que d'autres en sont à leurs débuts - des instruments de politique culturelle au moyen desquels ils entendent préserver l'autonomie de la culture. Dans les ex-pays socialistes, on insistait pour préserver l'indépendance de la culture face à la politique, qui a déterminé pendant une cinquantaine d'années le paradigme absolu des valeurs dans la société. Aujourd'hui, le paradigme n'est plus le même, la situation de la culture non plus, de sorte qu'une nouvelle conjoncture suppose de nouveaux risques. Mais nous aurions tort de conclure que le seul objet des politiques culturelles est de préserver l'autonomie de la culture. Ces politiques ont d'autres motifs, à savoir une diffusion plus large et plus équitable de la culture (démocratisation de la culture), la protection de cultures nationales particulières (ici, il est intéressant de noter que cette protection a un double motif : l'un est économique et vise à protéger l'industrie culturelle nationale, tandis que l'autre est politique et vise à préserver l'identité nationale en tant que mécanisme de gestion politique), l'établissement ou le maintien de liens avec les autres cultures, etc. Il existe plusieurs modèles fondamentaux de politique culturelle, mais ils proposent tous des instruments de politique culturelle, que les responsables de l'application des politiques utilisent de diverses manières. Il s'agit donc d'instruments financiers, juridico-politiques et organisationnels et d'instruments porteurs de valeurs. Dans cette étude, nous avons concentré notre attention sur les instruments financiers de la politique culturelle, qui comprennent les subventions, ainsi que la politique de taux d'intérêt et la politique fiscale. Les instruments financiers de la politique culturelle servent à protéger la créativité culturelle et artistique contre l'influence du marché et de l'économie, car de nombreuses formes d'art ne pourraient subsister sans les subventions. Or, subventionner la culture et les arts au nom du principe d'autonomie pose problème, parce que dans ce cas la culture est isolée du contexte social. Malheureusement, les politiques de subvention entraînent une diminution de la fréquentation plutôt qu'une hausse. Il existe toute une série d'indicateurs qui révèlent le manque d'intérêt du public pour des événements du domaine de l'art contemporain ou des événements culturels qui ne sont pas de l'ordre du spectacle, etc. Le culturel qui est isolé et protégé, qui prend son essor en vase clos n'est tout simplement pas intéressant pour le public, et sans un public - ou des consommateurs, pour parler comme les économistes - la culture n'existe pas. Il faut donc élargir le champ des politiques de subvention de manière à ce qu'elles aient une incidence directe sur le public consommateur de culture et qu'elles favorisent divers projets à caractère social et éducatif qui, en bout de ligne, éveilleront l'intérêt du public pour des événements culturels autres que les spectacles. Une autre option consiste à favoriser le développement des activités culturelles et des arts dans le cadre de paradigmes généraux qui représentent et déterminent les conditions de création. Il est vrai que le marché a ses propres mécanismes d'évaluation des produits, qui diffèrent de ceux appliqués dans le domaine culturel; cependant, la culture aura un rapport particulier avec ces évaluations. Ce rapport prend forme au moyen Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt des parrainages et de la concurrence directe entre les produits culturels offerts sur le marché. Toutefois, la véritable question est de savoir de quelle manière et dans quelle mesure doit-on utiliser les instruments financiers de la politique culturelle pour protéger la culture et les arts? Les politiques culturelles définissent le cadre de référence de la production artistique, qui est la forme d'expression humaine la plus évoluée. L'art exprime les valeurs les plus fondamentales d'une culture; il est le fruit de l'expérience sociale qui rejoint les aspects les plus fondamentaux de la spiritualité humaine. Et c'est justement cette valeur qui ne peut être ramenée à de pures considérations économiques. Dans un monde organisé suivant les principes de l'efficience, de l'utilité, de l'objectivité, de la dissociation analytique, du matérialisme et de l'accumulation de richesse, les arts expriment l'autre visage de l'expérience humaine : l'objectivité est subsumée sous la subjectivité, tandis que le calcul industriel est subsumé sous la créativité. Aujourd'hui, pendant que le monde économique embrasse les principes de subjectivité et de créativité et adopte les principes du plaisir, du désir et du jeu, ce qui signifie qu'il a associé les arts à la création de la culture de consommation, nous devons continuer de faire en sorte que les arts et la culture prennent leur essor dans des conditions qui leur assure une indépendance. On a parfois l'impression aujourd'hui qu'il suffit de laisser les arts entre les mains des acteurs du marché et des parrains pour qu'ils se développent de façon indépendante. Cette impression peut être juste, si on évalue les arts selon les critères du marché, qui sont de fait les critères de la masse des consommateurs. Si, toutefois, nous retenons les critères d'esthétique, il faudra protéger les arts contre le marché à l'aide de certaines mesures. Bien entendu, il faudra trouver un juste équilibre entre les mesures de protection et le fait de livrer les arts aux caprices des forces du marché. À ce propos, il est intéressant de noter que l'Alliance industrielle fédérale d'Allemagne a recommandé dans son Livre vert de 1996 que l'État protège la culture précisément en raison des intérêts de l'industrie. Selon l'Alliance, les fonds utilisés par l'industrie à des fins de parrainage pour soutenir la vie culturelle doivent respecter rigoureusement la politique culturelle nationale, mais ils ne peuvent la remplacer; au mieux peuvent-ils jouer un rôle complémentaire et correctif. Les mesures financières de la politique culturelle indiquent jusqu'à un certain point dans quelle mesure la culture et les arts sont indépendants des notions de faisabilité, de profit et de viabilité. Secteur public On associe généralement le financement public de la culture à une autorité (une entité administrative) qui est chargée de l'application des lois concernant la culture, notamment des lois qui régissent le financement public de la culture. C'est pourquoi ce financement dépend par-dessus tout de l'organisation d'une telle entité dans chacun des pays. L'organisation administrative est le fruit de nombreuses années, voire très souvent de nombreux siècles de tradition et la conséquence de l'évolution politique, sociale, économique et culturelle d'un pays. Le développement historique de la culture sert de point de départ pour les modèles de financement dans les différents pays. Au cours de leur histoire, certaines villes ou régions ont développé une sensibilité aux activités culturelles et ont financé généreusement ces activités, tandis que d'autres n'ont été sensibilisées que récemment à l'importance de la culture et à la nécessité de la financer. Évidemment, la différence des cheminements s'est traduite par des Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt pratiques de financement totalement différentes d'une ville à l'autre, d'une région à l'autre ou d'un pays à l'autre. Pourtant, malgré ces différences, on peut dire qu'il existe deux modèles fondamentaux pour le financement public de la culture du point de vue des niveaux administratifs. Le premier modèle repose sur la répartition des pouvoirs entre les municipalités et l'État (p. ex. Lettonie, Slovénie), tandis que le second repose sur la division des pouvoirs entre les municipalités, les régions ou comtés et l'État (p. ex Suède, Canada). Pour certains pays où la répartition se fait entre trois paliers mais où la participation des régions n'est que symbolique, on considérera que ces pays répondent au premier modèle (p. ex. Croatie, Norvège). Le modèle unilatéral, c'est-à-dire celui où un seul niveau d'administration domine (l'État), se retrouve seulement dans des pays en développement (p. ex. Sénégal) où l'on est encore à élaborer des modèles de financement de la culture. Les deux modèles qui nous intéressent se sont développés parallèlement avec les administrations publiques et il est difficile de trouver une raison en particulier qui justifierait l'utilisation d'un modèle plutôt que l'autre. Selon les deux modèles, l'État finance généralement les arts et les activités culturelles qui ont un caractère représentatif : théâtre, opéra, musées, bibliothèques et archives d'une importance nationale. Il s'attache à préserver le patrimoine culturel national, et dans beaucoup de pays il verse des subventions considérables à la production cinématographique. En général, il finance les programmes d'échanges culturels entre pays, ainsi que les programmes qui favorisent les échanges culturels à l'intérieur du pays. Il finance également, dans une moindre mesure, d'autres activités culturelles, qui sont surtout financées par les autres niveaux de gouvernement. Selon les données dont nous disposons, le rapport entre le financement servant à couvrir les frais d'entretien et les salaires dans les institutions et le financement destiné aux programmes et aux projets est étroitement lié au produit intérieur brut. Plus le PIB par habitant est élevé, plus ce rapport est faible (c'est-à-dire que relativement plus d'argent est versé pour les programmes et les projets), ce qui est conforme aux attentes, c'est-à-dire que l'argent sert tout d'abord à couvrir les frais d'entretien et les salaires, et il est ensuite destiné à l'élaboration des programmes et des projets. Selon les données disponibles, le ratio le plus favorable pour les projets et les programmes est de 60/40 (p. ex. Finlande, Pays-Bas), tandis que le ratio le moins favorable est celui qui indique que tous les fonds publics sont consacrés à l'entretien et aux salaires (p. ex. au Sénégal). Les priorités de financement dépendent des programmes politiques des gouvernements, de sorte qu'il n'est pas du tout évident qu'il existe une tendance générale dans la définition des priorités. Toutefois, nous avons remarqué que les gouvernements se préoccupent du patrimoine culturel et accordent maintenant plus d'attention aux projets d'art théâtral et visuel qui sont réalisés hors des institutions culturelles classiques. Dans les pays où les médias relèvent de la compétence du ministère de la Culture, on remarque une préoccupation évidente au sujet de la diversité des médias. Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt Lorsqu'on finance la culture avec des fonds publics, on doit définir clairement la source d'autorité et les liens de collaboration entre les divers niveaux d'administration. La source d'autorité est définie par la loi, et dans certains pays les municipalités concluent des ententes spéciales avec l'État pour le financement des institutions, des projets d'investissement et, plus rarement, des projets divers. Les capitales jouissent d'un statut spécial en ce qui concerne la culture, parce qu'elles abritent la majorité des institutions culturelles. Cela se voit aussi au niveau du financement de la culture, puisque les capitales participent à ce financement jusqu'à hauteur de 22 %, comme c'est le cas en Croatie. L'existence d'une infrastructure culturelle bien établie implique naturellement des coûts. Lorsqu'il y a une concentration de la production artistique et culturelle, phénomène indissociable du processus de mondialisation et de la formation résultante de mégapoles, de nombreux pays élaborent des mesures au niveau national afin de déconcentrer la production culturelle et artistique et ils fournissent une aide spéciale aux programmes culturels mis en œuvre dans les régions ou les municipalités. Cette politique s'inscrit dans le cadre législatif régissant le financement de la culture (p. ex. Croatie) ou elle figure au rang des priorités (p. ex. Canada). Au moment de définir les priorités en matière de financement de la culture, certains pays ont choisi de mettre l'accent sur les programmes qui visent à faciliter l'accès aux biens culturels pour les personnes handicapées (p. ex. la France). Le processus de décision pour l'affectation des fonds publics et les méthodes de mise en application des décisions sont des élément clés des politiques culturelles; c'est ce qui fait normalement que ces politiques sont vues comme des politiques administratives publiques. Les budgets nationaux sont proposés par les gouvernements et adoptés par les assemblées législatives. Ces budgets renferment toujours une section ayant trait à la culture, et dans certains cas l'assemblée législative décide de l'affectation des fonds non seulement pour des segments particuliers de l'industrie, mais aussi pour des institutions particulières. Le parlement joue un rôle important dans les pays où il existe des organismes para-publics qui sont responsables d'un segment particulier de l'activité culturelle et dont le budget dépend le plus souvent du parlement. Néanmoins, il est plus fréquent de voir l'assemblée législative voter un budget général pour la culture et des segments particuliers de l'activité culturelle; les ministères s'occupent ensuite d'attribuer les fonds à des intervenants particuliers du domaine culturel. Dans la plupart des pays, la responsabilité de l'affectation des fonds revient principalement au ministère de la Culture. Les allocations sont consenties en fonction de décisions prises par des entités administratives, généralement en collaboration avec des commissions ou des conseils formés d'experts. Les organes d'experts jouent un rôle consultatif vital, et parfois ils décident directement de l'affectation de sommes particulières à des projets ou à des programmes. Les décisions concernant les salaires et l'entretien et les projets à long terme relèvent habituellement des entités administratives et d'elles seules. Le processus de décision est dicté par une série de facteurs tels que le droit du travail, les négociations syndicales, les politiques adoptées à l'égard de certaines municipalités ou régions et même la place traditionnnelle d'institutions culturelles, l'importance des projets non seulement au point de vue culturel, mais encore au point de vue social ou économique, la commercialité des Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt projets, etc. Tous ces facteurs ont une incidence majeure sur la prise de décision et on ne peut en faire abstraction, si bien que les États ont mis au point des mécanismes par lesquels le processus de décision intègre ces facteurs. La création d'organes d'experts illustre l'influence que peut exercer le public des arts et de la culture sur la prise de décision pour l'affectation des fonds publics. La participation d'une entité administrative normalement responsable du développement économique à cette prise de décision montre que l'on reconnaît et souligne le rôle que peut jouer la culture dans le développement. Par ailleurs, l'État peut exprimer un intérêt particulier pour le développement d'un segment particulier de l'activité culturelle ou réagir à des crises profondes qui ébranlent ce segment, en sorte qu'il met sur pied des organismes para-publics ou des corps d'État spéciaux pour s'occuper de ces secteurs. Ces entités sont créées en vue de constituer des organisations qui, par leur structure, proposeront des solutions de meilleure qualité pour répondre aux besoins de ces secteurs, car les entités administratives n'ont généralement pas la structure voulue pour s'occuper d'un secteur en particulier. En règle générale, ces entités ont pour objet fondamental la cinématographie et le patrimoine culturel, c'est-à-dire des domaines culturels qui, par définition, sont plus complexes que d'autres sur le plan organisationnel et financier. Dans certains pays, le patrimoine culturel est une ressource économique appréciable, mais les coûts de son entretien sont exorbitants. Par conséquent, en plus des subventions directes prévues au budget, on a trouvé d'autres moyens de financement, comme l'imposition de frais pour l'utilisation des ressources culturelles à des fins promotionnelles. Par exemple, en Croatie il existe une formule selon laquelle les entités commerciales qui exercent des activités dans des sites du patrimoine culturel ou sur le territoire de complexes culturels ou historiques doivent payer des " frais de location" en échange du droit exceptionnel d'utiliser une ressource culturelle. L'investissement en capital dans le domaine de la culture, autrement dit l'investissement fait en vue de construire des installations majeures telles un opéra ou un musée national ou de reconstruire des sites du patrimoine culturel importants tels des centre-ville ou des quartiers d'une valeur historique et artistique exceptionnelle, crée une charge additionnelle dans les budgets consacrés à la culture. L'investissement en capital est normalement inclus dans le budget global de la culture (p. ex. Norvège, Suède), mais il arrive qu'il soit entièrement indépendant du budget national (comme au Sénégal) du fait que, de par sa nature même, il n'entre pas dans les attributions normales d'un ministère de la Culture. Pour ce qui a trait au financement de ces investissements, en général les municipalités dans lesquelles sont érigés ces immeubles ou ces installations participent au financement. Dans certains pays, les recettes des loteries sont affectées exclusivement aux programmes des soins de santé, aux programmes culturels, environnementaux et sociaux, ainsi qu'aux organismes humanitaires et aux organismes de sport. En ce qui concerne le secteur culturel, les méthodes de répartition des fonds et les objectifs sont variés. Par exemple, on peut confier à un organisme la responsabilité exclusive des jeux de loterie et celui-ci s'occupe d'affecter directement les fonds. Une autre solution consiste à mettre sur pied un organisme indépendant (en règle générale, une fondation gérée par l'État), que l'on charge de la répartition des fonds générés par les activités de loterie. Bien qu'il n'existe pas de règle particulière concernant les objectifs de répartition des revenus de loterie, on distingue trois groupes de bénéficiaires : les fonds d'immobilisations prévus pour la construction d'équipements culturels majeurs, le Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt secteur non institutionnel (festivals d'art alternatif/expérimental, troupes de théâtre ou de danse indépendantes, etc.) et les fondations qui ont pour mission la restauration du patimoine culturel. Dans la plupart des pays, ce choix révèle l'intention des décideurs d'investir des sommes supplémentaires (hormis les fonds budgétaires) dans des secteurs de la culture qui fonctionnent depuis toujours avec des budgets modestes (secteur non institutionnel) ou des secteurs qui sont extraordinairement coûteux et qui exigent des investissements considérables (développement et restauration du patrimoine culturel). Secteur civil et culture Au cours des vingt dernières années, parallèlement à la transformation sociale profonde inspirée du modèle néo-libéral, on a assisté au développement marqué du troisième secteur, ou secteur civil. Celui-ci se distingue principalement par son but non lucratif et son caractère non gouvernemental et par le fait qu'il constitue une association libre, ce qui lui permet de préserver son indépendance vis-à-vis des autorités politiques au niveau national ou régional et à l'égard des stratégies commerciales axées sur la maximisation du profit. Le fait que les organismes et les institutions du secteur civil soient des entités sans but lucratif ne signifie pas qu'ils ne peuvent pas faire de profits, mais que ces profits doivent servir au financement des activités futures et qu'ils ne peuvent être répartis en fonction de la structure du capital social. Par ailleurs, leur caractère non gouvernemental ne limite aucunement leur capacité d'action dans le domaine public, c'est-à-dire qu'ils peuvent exercer des activités dans la sphère publique au nom d'un certain intérêt public. On recense deux grandes catégories d'institutions ou d'entités juridiques appartenant au secteur civil où les caractéristiques ci-dessus sont le plus manifestes. Ce sont les associations de citoyens, ou organisations non gouvernementales, et les fondations. La double nature de l'association ressort clairement pour les deux types d'institutions (universitas personarum, universitas bonarum/rerum) : elle rassemble des personnes et des biens privés autour d'une cause à caractère public dans la plupart des cas. Nous pouvons en conclure que le secteur civil est une sorte de " combinaison " non gouvernementale et sans but lucratif d'activités à caractère privé et public. Ces caractéristiques rendent le secteur civil extrêmement souple et capable de se transformer et de s'ajuster rapidement, ce qui lui ouvre de grandes possibilités de développement et le rend apte à exercer de l'influence dans le monde actuel, dynamique et compétitif. L'importance du développement de ce secteur se reflète également dans le domaine de la culture. Les organismes culturels du secteur civil ont joué un rôle important dans les récentes transformations qu'a subies le monde de la culture, notamment par leur participation grandissante à la production culturelle, par leur adaptation aux tendances dynamiques de la mondialisation qui imposent l'adoption de nouvelles formes de coopération sur la scène internationale, par l'acquistion rapide de nouvelles technologies qu'ils intègrent dans leurs activités, et par leur contribution significative à l'effort de transition accompli dans les pays de l'Europe orientale. En ce qui concerne les modèles de financement de la culture dans le secteur civil, notre étude ainsi que les ouvrages consultés indiquent que nous n'avons pas une bonne vue d'ensemble des paramètres du secteur. Bien que la plupart des pays possèdent une réglementation Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt régissant le secteur des organismes non gouvernementaux sans but lucratif, beaucoup moins nombreux sont les pays qui ont adopté une loi pour régir les activités des fondations. Avec les données dont on dispose, il est souvent difficile de savoir dans quelle mesure, s'il en est, un pays finance les activités du secteur civil au chapitre de la culture. En outre, il est pratiquement impossible de connaître le degré de participation des autres bailleurs de fonds dans le financement des activités culturelles du secteur civil (sources étrangères, dons, parrainages). Néanmoins, la plupart des pays ont fait des efforts pour que le secteur privé jouisse de meilleures conditions pour parrainer des projets ou faire des dons. Si nous disposons de maigres données sur les activités du secteur civil, c'est à cause de l'absence de mécanismes de suivi adéquats et aussi de l'incapacité d'obtenir une systématisation complète et efficace des données en raison du caractère extraordinairement dynamique et disparate de ce secteur. Secteur privé La part des entreprises dans le financement des activités culturelles varie entre 1 % (ou même moins) et 10 % (au Royaume-Uni, où est enregistré le pourcentage le plus élevé en Europe). Selon les données qui nous sont accessibles, le pourcentage varie généralement entre 2 et 4 % dans les pays d'Europe - pays membres de l'UE et pays dits " en transition " réunis. Il est impossible de préciser ce qu'est le rapport entre le parrainage et les dons parce que les données nécessaires n'existent pas. Néanmoins, il s'agit d'une distinction très importante, parce que, dans la plupart des pays, le parrainage est perçu comme une activité de promotion ou comme un moyen de rehausser l'image d'une entreprise, et il a la même importance que d'autres activités de promotion. Cela signifie que, dans la plupart des pays, le parrainage n'est pas assujetti à l'impôt parce qu'il fait partie des dépenses d'exploitation. Le parrainage étant perçu comme un moyen pour l'entreprise de rehausser son image, les fonds sont investis principalement dans des activités culturelles ayant un bon accueil du public. C'est là la raison des débats engagés, dans certains pays, sur la part qu'il faut réserver au parrainage dans le financement des activités culturelles et sur l'ampleur de l'effet que cette source de financement peut avoir sur le contenu et sur le caractère stimulant et critique des activités culturelles. De l'avis de certains, aujourd'hui, de nombreux artistes conçoivent dès le départ leurs œuvres pour attirer d'éventuels mécènes, de sorte que ces œuvres ne représentent pas une expression parfaitement libre. Toute cela laisse entendre que le parrainage peut être un mode de financement de la culture qui est souhaitable, mais qu'il est le moins souhaitable de tous. Certes, il existe des exemples d'entreprises qui rehaussent leur image en parrainant des oeuvres artistiques qui suscitent la controverse, mais ces exemples sont bien connus précisément parce qu'ils sont si radicalement différents de la plupart des exemples de parrainage. Les dons de particuliers ou d'entreprises sont l'autre mode de financement de la culture par le secteur privé. Les dons sont l'expression d'une longue tradition de philanthropie qui existe sous une forme ou une autre dans toutes les civilisations et, dans la plupart des pays, ces dons sont exonérés d'impôt d'une quelconque façon. Dans la plupart des pays, les dons ne sont pas assujettis à l'impôt et le montant du don est souvent déduit de l'assiette fiscale, fournissant Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt ainsi une incitation supplémentaire aux donateurs. Contrairement aux parrains, les donateurs ne reçoivent pas de services, mais les entreprises donatrices se soucient beaucoup de leur image, si bien que les donateurs ont les mêmes soucis que ceux qui pratiquent le parrainage. Certains pays ne font pas de distinction entre le parrainage et la donation et ils leur réservent le même traitement. Le parrainage et la donation ne sont pas propres au secteur de la culture; au contraire, les projets et les organismes du secteur culturel doivent rivaliser pour ce soutien financier avec les projets et organismes qui se rattachent aux sports, aux activités humanitaires, aux programmes sociaux, à la défense de l'environnement et à d'autres domaines. L'intérêt que présente chacun des secteurs sur ce " marché " pour les parrains et les donateurs dépend de l'intérêt suscité chez le grand public. La culture a donc été sur la défensive en quelque sorte au cours de la dernière décennie, d'une part, parce qu'elle n'a pas été jugée aussi importante que ne l'ont été les questions sociales et environnementales et, d'autre part, parce que les événements culturels n'attirent pas un public aussi grand que celui des événements sportifs. Certains athlètes reçoivent, en conséquence de contrats de parrainage, des montants équivalant aux budgets que des petits États ou des grandes villes allouent à la culture. Les donateurs, eux, préfèrent fournir un soutien direct aux personnes, suivant la tradition de philanthropie qui a habituellement sa source dans les programme sociaux et humanitaires et qui s'est aussi manifestée récemment dans le domaine de l'environnement. Cependant, l'argent que fournit le secteur privé est important, non seulement pour des raisons purement financières, mais aussi parce qu'il dresse un portrait de la société et qu'il crée une relation entre ce que l'artiste produit et ce que recherche la société. Les considérations financières ne sont pas à négliger étant donné que le financement privé peut améliorer très nettement les conditions de réalisation pour certains organismes ou projets (et, parallèlement, porter la qualité de la production artistique à un niveau bien plus élevé) ou faciliter un accès bien plus étendu (visiteurs, etc.). Il a déjà été signalé que cette forme de financement représente entre 1 et 10 % de l'ensemble des budgets culturels, mais il convient de préciser qu'en chiffres absolus, ce financement équivaut à des sommes considérables représentant une aide importante pour les États et les villes qui doivent allouer une part de leurs budgets à la culture. Secteur privé - industries de la culture Les activités culturelles ne sont pas tributaires uniquement des subventions, comme en témoigne le fait que les industries culturelles concourent largement à l'ampleur de l'activité commerciale bien qu'elles continuent d'appartenir au secteur de la culture. Toutefois, quel que soit leur potentiel commercial, les industries culturelles se retrouvent en état de crise dans un certain nombre de pays, ce qui incite les États à mettre au point des mécanismes de soutien au développement de leurs industries culturelles. La mondialisation de l'activité économique a eu pour effet de réduire l'intérêt pour les produits des industries culturelles nationales et d'accroître la consommation de produits provenant surtout des États?Unis (productions cinématographiques) et de l'Europe occidentale (enregistrements sonores). Comme ces Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt produits influent sur la langue, sur les coutumes, sur le mode de vie et sur d'autres aspects qui sont les éléments fondamentaux de l'identité culturelle, il est normal, dans un pays, de s'inquiéter de la situation de sa propre industrie culturelle. Sur le plan de la culture, les industries culturelles jouent un rôle particulier parce qu'elles produisent et distribuent des expressions, techniques et concepts culturels à grande diffusion. Il faut garder à l'esprit que la reproduction de masse est une dimension inhérente à certaines formes d'expression artistique, comme les films et les ouvrages littéraires, tandis qu'elle est tout à fait incompatible avec certaines autres formes, comme la sculpture et la peinture; toutefois, le transfert de ces dernières à un support différent, comme la photographie et le film, permet leur reproduction de masse. Dans le domaine de la culture et des arts, le problème que pose la production de masse tient au fait que les produits résultants revêtent les caractéristiques d'un bien de consommation et se comportent sur le marché comme tout autre bien de consommation, si bien que l'unique critère de leur réussite est leur succès commercial. Pourtant, ils ne peuvent simplement être considérés au même titre qu'un autre bien de consommation parce que le message qu'ils communiquent et transfèrent et la forme qu'ils prennent à cette fin sont du domaine de la culture. Le film, le vidéo ou l'enregistrement sur disque compact, même s'il est de la plus mauvaise qualité, contient des informations complexes prenant leur sens dans la culture d'un groupe social. Il va sans dire que bon nombre de ces produits sont complètement stéréotypés, ce qui est le fait de la production de masse, et sont destinés uniquement à connaître un succès commercial, sans pour autant perdre leur dimension culturelle. Les industries culturelles comprennent la production et la distribution de livres, de films, et d'enregistrements musicaux, vidéos et multimédias; au sens plus large, les " industries culturelles " englobent les médias (la presse, la télédiffusion et la radiodiffusion). Elles sont dites " industries de la création " qui regroupent également l'architecture, le design, la mode, le tourisme et les communications commerciales. Les expressions " industries culturelles " et " industries de la création " sont parfois interchangeables, mais la confusion s'accroît lorsque s'ajoutent, entre autres, les termes " industries de contenu " et " industries du spectacle ". Cette confusion terminologique est l'une des raisons pour lesquelles les données statistiques dans le domaine ne sont pas comparables et pour lesquelles il est impossible de parler de part moyenne des industries culturelles dans le produit intérieur brut (PIB). Cependant, il est possible d'affirmer que les industries culturelles occupent une part croissante du produit intérieur brut dans la plupart des pays, et qu'il s'agit d'une croissance non seulement de la production, mais aussi de la distribution. La plupart des subventions versées dans le domaine visent la production, principalement cinématographique. L'industrie cinématographique des pays reçoit un appui sous diverses formes, tant des subventions directes versées par les ministères ou autres organismes tels que des instituts cinématographiques, que des capitaux obtenus dans le cadre de contrats de financement de la production conclus avec des chaînes de télévision. En Europe, les fonds européens de co?production jouent un rôle important dans le financement des productions cinématographiques. Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt D'une importance particulière pour les industries culturelles sont les mesures prises par les différents pays pour garantir une place dans les médias aux produits du secteur culturel national. Ces mesures consistent à obliger les télédiffuseurs et radiodiffuseurs du pays à réserver une part de l'horaire aux émissions produites au pays et à établir des normes linguistiques que les médias doivent respecter. De telles mesures concourent indirectement au développement des industries culturelles nationales. Conclusion : secteur privé - secteur public Au cours des deux dernières décennies, la relation entre les secteurs privé et public a subi d'importants changements qui ont touché, entre autres, l'économie, les programmes sociaux, les soins de santé, la planification urbaine, les communications et les médias. Le secteur de la culture, qui n'a évidemment pas échappé au phénomène, a subi ses propres transformations profondes. Notre recherche a porté uniquement sur les changements qui se sont opérés dans le financement de la culture. Ces changements ont été accélérés par la transformation de l'Europe orientale, dont les pays ont remplacé leur régime économique et politique socialiste par l'économie de marché et la démocratie, renforçant le caractère libéral-démocratique du système social. Les changements se révèlent aussi dans les politiques culturelles, bien qu'ils ne soient pas aussi profonds que ceux observés dans d'autres secteurs. Tandis que, durant les années 70, les politiques culturelles étaient caractérisées par des concepts tels que la démocratie culturelle, la culture en tant que droit de tout citoyen, le renouveau social et culturel, et le développement culturel de la collectivité, durant les années 80 et 90, il s'est produit une réorientation telle que les thèmes des politiques culturelles sont devenus, entre autres, la gestion de la culture, la commercialisation de la culture, le rôle de la culture dans le développement (au sens économique) et le parrainage de la culture. Dans les pays d'Europe orientale, cette réorientation n'est pas encore évidente parce que la culture a joué un rôle important dans l'établissement de l'identité nationale et que les politiques culturelles des pays de cette région ont donc été axées sur les aspects de la culture qui concourent dans une large mesure à la cohésion sociale. De toute évidence, la réorientation des politiques culturelles a été déterminée par les changements économiques, technologiques et politiques qui ont marqué les années 80 et 90 et qui ont transformé le contexte de l'activité culturelle. En quelques mots, cette transformation correspond essentiellement à une réduction du rôle du secteur public, tant dans les faits que sur le plan symbolique. En conséquence de cette réduction, les activités culturelles, jadis du ressort du secteur public, sont passées au secteur privé. Sur le plan du financement, le rôle du secteur privé se manifeste par le parrainage et les dons, par les entreprises et les fondations, par les mécènes et les bienfaiteurs. Toutefois, tout n'est pas si simple puisque le secteur privé n'a pas pris la relève du secteur public à tous les égards, et surtout dans le secteur de la culture, parce que, contrairement au secteur des soins de santé qui peut percevoir des frais pour ses services ou au secteur des sports dont les possibilités commerciales sont énormes, le secteur culturel ne peut facturer ses services ni attirer un grand nombre de parrains. C'est la raison de la dépendance encore grande du secteur culturel à l'égard du soutien financier public. La culture est source de cohésion sociale dans les collectivités et dans les États; pour cette raison, on ne peut simplement la laisser disparaître Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt parce que, dans le cas de la culture, il s'agirait d'une transformation en une autre culture. Voilà pourquoi la culture reste du ressort du secteur public. Le développement du secteur privé en Europe orientale a été grandement impulsé par l'important réseau de la fondation Soros. La cessation de ses activités menace l'existence même et le financement futur d'un très grand nombre d'initiatives. Ce réseau a fortement contribué au développement des arts et de la culture modernes dans des États dans lesquels, il a été établi, le soutien financier du secteur privé n'est pas suffisant pour assurer la survie de ces activités. Par conséquent, le secteur public doit intervenir pour préserver ces activités culturelles. Cet exemple montre en outre que le soutien financier public doit être souple et favoriser davantage le rôle du secteur civil dans le domaine culturel. La fondation Soros ainsi que d'autres qui ont été établies par des entreprises et par le secteur financier sont des modes de financement des activités culturelles qui ont du succès, à tel point que les États eux?mêmes créent des fondations pour financer les activités culturelles nationales. En dépit du fait que le financement des activités culturelles appartienne encore au secteur public, la relation entre le secteur public et le secteur de la culture a connu certains changements. Les mesures d'incitation visant le secteur de la culture, notamment l'industrie cinématographique, ont augmenté dans un certain nombre de pays. Une importance grandissante est accordée au patrimoine culturel et à son renouveau, et les projets culturels indépendants bénéficient d'un plus grand soutien financier. Parallèlement, les organismes procèdent à la rationalisation de leurs activités. Tous ces changements s'opèrent dans le contexte d'un nouveau paradigme dans lequel la valeur du résultat final - la qualité du produit - importe plus que l'organisme et dans lequel la culture est considérée comme une ressource économique éventuelle. Un des éléments importants d'une politique culturelle, de nos jours, est l'insistance sur le lien entre les différentes sources de financement - les fonds publics et les sources privées - ce qui rend plus complexe la structure du financement des événements culturels comme les festivals ou les expositions et ce qui suppose l'existence de certaines compétences dont les organismes et les gestionnaires de projets n'ont pas eu à faire preuve auparavant. En conséquence de cette transformation, la profession de producteur et de gestionnaire culturel passe au premier plan. De même, la fonction de ministre de la Culture est devenue plus complexe, parce qu'il faut l'exercer dans le cadre du nouveau paradigme qui oblige le secteur culturel à élargir son activité, à produire une qualité constante et à être représentatif de la société. En outre, le secteur culturel doit réduire ses coûts ou " rationaliser " ses activités en conservant sa place sur le marché et en diversifiant ses sources de financement. Il n'est certes pas facile d'élaborer un modèle qui favorise un tel développement culturel, mais il semble que les politiques culturelles actuelles, qui énoncent des priorités et des mesures différentes et qui sont décrites dans le présent rapport, marquent un pas dans la bonne direction. Il semble que les effets d'un même paradigme se fassent sentir dans des pays dont l'évolution historique est très différente, parce que nous avons constaté que les politiques culturelles de pays très différents étaient similaires. Par contre, certains pays n'ont aucune politique culturelle; l'activité culturelle y est entièrement régie par le jeu des forces du marché. Ces pays sont surtout des pays en développement qui n'ont pas les moyens financiers nécessaires pour élaborer une politique culturelle, parce qu'ils doivent concentrer leurs ressources sur la résolution des problèmes humains. Toutefois, il existe aussi des pays très Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt riches qui n'ont pas de politique culturelle. Ceux?ci sont des exemples extrêmes de développement dans le cadre du paradigme libéral-démocratique qui prévaut aujourd'hui. Le rôle des politiques culturelles issues de la tradition sociale, dans le contexte libéral?démocratique actuel, est de stimuler le développement des valeurs associées à l'une ou l'autre de ces traditions ou à l'un ou l'autre de ces paradigmes. Av. Conselheiro Fernando de Sousa, 21-A • 1070-072 Lisboa • Tel | +351 21 324 19 30 • Fax | +351 21 324 19 44 • e-mail | [email protected] • www.gpeari.pt