Un aperçu sur les troubles du comportement alimentaire

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Un aperçu sur les troubles du
comportement alimentaire
Par Nestlé Nutri Pro ®
Les troubles du comportement alimentaire consistent en une dérive des conduites
alimentaires, soit par excès, soit par défaut. Si des troubles modérés, tels que le grignotage,
sont extrêmement fréquents et n´entraînent généralement pas de conséquences graves sur le
plan nutritionnel, il n’en est pas de même de la boulimie et/ou de l’anorexie mentale, qui
peuvent avoir un retentissement beaucoup plus important en termes de morbidité, voire de
mortalité. À la base de ces troubles, on retrouve une composante psychologique généralement
importante, qui les font se ranger dans les classifications modernes des troubles psychiatriques
(Diagnostic and Statistical Manuel of mental disorders).
Les troubles du comportement alimentaire, définitions et circonstances de
survenue
Les termes de troubles du comportement alimentaire englobent l’anorexie, la boulimie, et des
formes atypiques diverses. L’anorexie et la boulimie semblent être deux formes en apparence
contraires : la restriction et l’excès. La réalité est en fait plus complexe, ces deux formes étant
liées. 1
L’anorexie mentale
L’anorexie mentale est un syndrome psychiatrique dont la définition se fonde sur « un tableau
clinique très constant au travers des époques et des pays » fondé essentiellement sur la triade
symptomatique des 3 A 2 :
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

Amaigrissement important
Fausse Anorexie, qui est en fait initialement une restriction volontaire
Aménorrhée primaire ou secondaire
Des symptômes cliniques variables en fréquence et en intensité peuvent s’ajouter à ces
éléments de définition clinique : peur de prendre du poids ou d’être grosse, influence du poids
ou de l’apparence corporelle sur l’estime de soi, existence ou non de crises de boulimie
associées. 2
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

La première phase de l’amaigrissement est souvent marquée par un mieux-être : moins
le sujet s’alimente, plus il se sent d’énergie, de confiance en soi et d’envie d’entreprendre
Les féculents et matières grasses sont peu à peu éliminés du régime alimentaire, les
quantités réduites et les situations de repas en société évitées
Le contrôle du comportement alimentaire est très progressivement perdu
La peur de regrossir ou l’impression d’être encore gros(se) malgré un état de
dénutrition avancé incite à réduire toujours plus les repas.
L’anorexie mentale est fréquemment associée à la dépression, des troubles anxieux, des
troubles de la personnalité, et dans sa forme avec symptômes boulimiques à des abus
alimentaires. L’évolution vers ces différents troubles est souvent nécessaire pour que le
patient s’engage véritablement dans un traitement. 1,2
La complexité des rapports avec les proches, où conflits et symptômes s’autoentretiennent, est
un facteur déterminant de l’évolution de l’anorexie mentale à ce stade. 1
Les sujets atteints d’anorexie mentale sont le plus souvent des jeunes femmes ou jeunes filles
qui entreprennent un régime restrictif pour perdre un excès de poids réel ou imaginaire,
parfois dans des circonstances de séparation (éloignement du domicile familial pour les
études, séjour à l’étranger, départ ou disparition d’un proche, rupture sentimentale...). 1
La boulimie
Il s’agit d’une compulsion alimentaire entraînant une surconsommation alimentaire de façon
récurrente. L’ingestion des aliments est rapide, voire frénétique, la sensation de satiété
n´existe plus, même lorsque l´individu se nourrit largement au-delà de ses besoins.
On décrit classiquement plusieurs temps 1,3 :

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une phase d’excitation durant laquelle le sujet engloutit à la hâte des quantités énormes
de nourriture de composition variable : c’est une véritable crise hyperphagique
un arrêt de l’ingurgitation, provoqué le plus souvent par un état de malaise physique
(céphalées, nausées, douleurs abdominales...) associé à un malaise psychologique
(honte, remords, culpabilité).
La nourriture engloutie, le plus souvent "en cachette", est hypercalorique et facilement
absorbable. La surcharge pondérale n’est toutefois pas de règle, puisque l’apport calorique
massif dû à la crise est neutralisé, soit par des vomissements provoqués, soit par l’abus de
laxatifs ou plus rarement de diurétiques, soit par un jeûne ou une restriction alimentaire
drastique pour les jours qui suivent. 1
Les crises sont limitées dans le temps, d’une quinzaine de minutes à plusieurs heures, et leur
fréquence est variable, de quelques accès par semaine à plusieurs par jour dans les formes
extrêmes. 1
Un nettoyage de la cuisine et des WC/salle de bain ponctue parfois la crise ainsi qu’un
brossage des dents ou toilette complète, le plus souvent poussé par un désir de se purifier. 1
Enfin, un temps de sommeil succède généralement à la crise boulimique. 1
Certaines circonstances précipitant les crises sont identifiables 1 :
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consommation d’aliments que la personne s’interdit dans son régime ordinaire
états émotionnels pénibles (ennui, désœuvrement, sentiment de solitude, angoisse...)
plus rarement une joie ou une satisfaction

le retour au domicile familial de jeunes filles parties en internat ou dans un studio pour
mener des études et qui souvent mangent peu la semaine
L’envie peut apparaitre soudainement et déclencher une crise immédiate ou s’intensifier tout
au long de la journée. 1
D’autres troubles du comportement alimentaire : le craving et le grignotage (nibbling)
Le craving est également une compulsion alimentaire répressible, entraînant, si le sujet y
cède, une consommation d’aliments plus ou moins importante d’un seul type d’aliment le plus
souvent. Cette compulsion est suivie d’un sentiment de culpabilité. Le craving est une
demande de l´organisme qui "cherche" les matériaux de base nécessaires à la fabrication de
neuromédiateurs. C´est la répétition de l´acte qui est pathologique, quand ce comportement
arrive plus d´une fois par semaine et entraîne des perturbations annexes. Survenant le plus
souvent lors de l´adolescence, le craving est trois fois plus fréquent chez les filles que chez les
garçons.
Le grignotage peut être défini comme l’absorption quasi automatique d´aliments, sans
sensation de faim, par petites quantités fractionnées. Il n´est pas déclenché par l´envie d´un
aliment particulier. Le grignotage est propre aux sociétés industrialisées : le mangeur
consomme l´aliment disponible dans son environnement immédiat, sur des périodes plus ou
moins longues.
Épidémiologie des troubles du comportement alimentaire
L’anorexie mentale 2
Elle est observée, le plus souvent, chez les jeunes adolescentes, bien que le début puisse être
prépubertaire ou, au contraire, plus tardif. L’âge moyen de début de l’anorexie mentale est de
17 ans, avec deux pics de fréquence autour de 14 et 18 ans.
L´anorexie mentale est rare chez l´homme. Elle survient plus fréquemment dans les milieux
socio-économiques aisés.
Aucune étude épidémiologique n’a été réalisée en France. Selon les études les plus récentes,
publiées à l’étranger, l’anorexie mentale toucherait de 0,9 à 2,2 % de la population générale
féminine et de 0,25 à 0,3 % des hommes.
En fonction des études, on estime que l’anorexie mentale peut évoluer pendant 1,7 à 3 ans en
population générale, mais parfois beaucoup plus longtemps.
La boulimie
La prévalence de la boulimie est estimée autour de 1 % de la population féminine jeune. 3
Elle est le plus souvent observée durant l’adolescence et serait en constante augmentation
depuis une vingtaine d’années. Les crises de boulimie peuvent concerner jusqu’à 3 :

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28 % des adolescentes de 10 à 19 ans
20 % des adolescents de 10 à 19 ans
L’âge moyen de début de la boulimie se situe en fin d’adolescence ou au début de l’âge
adulte, entre 17 et 21 ans. 3
La relation boulimie-anorexie
Si cela peut paraître logique de séparer ces deux syndromes, les réalités rencontrées en
clinique font douter de la pertinence de cette démarche 2 :
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50 % des anorexiques développent des épisodes boulimiques
20 à 36 % des boulimiques ont des antécédents d’anorexie mentale
Les aspects psychologiques
Les troubles du comportement alimentaire relèvent d´une interaction de facteurs :

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biologiques (probables déterminants génétiques, variations hormonales)
psychologiques (personnalité "vulnérable")
socio-environnementaux (entourage, pression sociale).
La boulimie
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
La boulimie est d´origine plurifactorielle. Un terrain dépressif semble être un facteur
prédisposant majeur, car certaines patientes répondent au traitement antidépresseur.
Le sujet boulimique a conscience du caractère anormal de sa conduite alimentaire. La
boulimie se vit dans la honte et le secret.
La boulimie partage un certain nombre de caractéristiques avec l’anorexie mentale et
peut même lui succéder.
L’anorexie


La puberté constitue un véritable "détonateur" chez la jeune adolescente qui prend du
poids de façon rapide : la restriction alimentaire, sans diminution de l´appétit, commence
habituellement par les aliments à forte teneur calorique.
Des accès boulimiques peuvent survenir, suivis de vomissements provoqués, d´usage
de laxatifs ou de diurétiques.
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
Ces conduites peuvent être source d’affrontements et de mensonges à l’égard de la
famille. Des conflits familiaux sont fréquents.
Une hyperactivité physique et intellectuelle s´installe au fur et à mesure qu´augmente
la restriction alimentaire, à la recherche d´une performance : la perte de poids maximale.
La forme sévère, pouvant conduire au décès par dénutrition protéino-énergétique ou
des complications somatiques (troubles du rythme cardiaque par hypokaliémie), reste
une réalité nécessitant une prise en charge psychiatrique spécialisée. Elle est
heureusement rare.
Diagnostic de l’anorexie mentale 4
Le diagnostic d’anorexie mentale est avant tout clinique. Certains signes évocateurs doivent
amener le praticien à rechercher une anorexie mentale :

chez l’enfant
- ralentissement de la croissance staturale
- changement de couloir, vers le bas, lors du suivi de la courbe de corpulence
- nausées ou douleurs abdominales répétées

chez l’adolescent
- adolescent amené par ses parents pour un problème de poids, d’alimentation ou
d’anorexie
- retard pubertaire
- aménorrhée ou cycles irréguliers plus de 2 ans après ses premières règles
- hyperactivité physique
- hyperinvestissement intellectuel

chez l’adulte
- poids corporel inférieur à la normale de 15 %
- IMC < 18,5 kg/m²
- refus de prendre du poids malgré un IMC faible
- aménorrhée secondaire (femme)
- baisse marquée de la libido et de l’érection (homme)
- hyperactivité physique
- hyperinvestissement intellectuel
- infertilité
Objectifs des premières consultations

Confirmer le diagnostic
- adopter une attitude empathique, authentique, chaleureuse et professionnelle
- permettre au patient d’exprimer les signes susceptibles de conforter le diagnostic :
> préoccupations nouvelles pour ce qui a trait à l’alimentation
> préoccupations excessives autour de l’image du corps
> conduite de restrictions alimentaires
> conduites de purge
> hyperactivité physique, hyperinvestissement scolaire ou professionnel
confirmer le diagnostic par la présence de chacun des critères diagnostiques d’une des
classifications internationales
Informer sur l’anorexie mentale : c’est une étape essentielle


- nommer la maladie avec tact et sans stigmatisation
- souligner qu’elle est un mode d’adaptation comportementale à un mal-être préexistant
- affirmer d’emblée que cette maladie peut devenir chronique, avec des
conséquences potentiellement graves

Rechercher une alliance thérapeutique
- expliquer l’objectif des soins
- instaurer une relation de qualité entre le praticien, le patient et l’entourage
- mettre en place un encadrement pluridisciplinaire
Pour en savoir plus

Nestlé Nutrition Insitute et la rubrique eating disorders
Sources
1. Léonard T et al. Troubles du comportement alimentaire chez l’adulte. EMC
Psychiatrie 2005;2:96-127.
2. Godart N et al. Anorexie mentale à l’adolescence. Journal de la pédiatrie et de la
puériculture 2010;23:30-50.
3. Godart N et al. Données épidémiologiques : boulimie chez l’adolescent. Journal de
pédiatrie et de puériculture 2004;17:366-369.
4. HAS. Recommandations de bonne pratique. Anorexie mentale : prise en charge.
Recommandations. Juin 2010.
Autres sources générales :
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
Jeammet Ph. Anorexie et boulimie. Cah Nutr Diét 1989;3:211-217.
Corcos M et al. Anorexie et boulimie de l’adolescente. Rev Prat 2000;50:489-494.
Huse DM et al. Behavioral disorders affecting food intake: anorexia nervosa, bulimia
nervosa and other psychiatric conditions. In Modern Nutrition in Health and Disease,
Shils M et al. Lippincott, Williams & Wilkins ed 1999;93:1513-1519.
Serog P, Borys JM. Le craving, une tendance très ado. Les kilos des ados. Nil éditions
1998;III-1:105-114.
Bellisle F. Grignotage et distribution circadienne de la consommation alimentaire. Cah
Nutr Diét 1995;30(6):387-394.
Date de publication: 10/12/2012
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