Proposition de thèse : Déformation et rupture des matériaux de la Terre, Aspects multi-échelles, de la banquise à la croûte Direction : David Amitrano (LGIT) Co-direction : Jérôme Weiss (LGGE) La compréhension de la déformation des matériaux de la Terre est un enjeu scientifique majeur mais également sociétal, d’une part pour la croûte terrestre du fait des risques engendrés par les séismes, d’autre part, pour la banquise, du fait de son rôle de premier ordre dans le fonctionnement du climat global (couplage fracturation/albedo). Les matériaux de la Terre, lorsqu’ils sont déformés, révèlent des caractéristiques multi-échelles dans les domaines du temps et de l’espace. De ce point de vue, la croûte terrestre et la banquise présentent des analogies intéressantes selon plusieurs points de vue : géométrie (rapport d’aspect similaire), comportement fragile induisant des événements de rupture discrets dans le temps et l’espace et une déformation localisée. Ceci peut s’observer à travers une analyse statique (structures des failles, intensité de la fracturation) ou dynamique (séismes, champs de déformation). Ces observables sont accessibles de manières diverses et plus ou moins complètes selon l’objet étudié : La banquise permet l’observation de l’état de fracturation mais aussi de son évolution et du champ de déformation associé avec une résolution temporelle de quelques heures à quelques jours via l’imagerie satellitaire ou l’analyse de position de bouées. La croûte terrestre permet quant à elle l’observation des séismes avec un grand détail spatial et temporel. Son état de déformation est plus difficilement observable car évoluant à des vitesses nettement plus faibles. Ainsi, la comparaison de ces deux objets géophysiques que sont la banquise et la croûte terrestre permet d’enrichir mutuellement la compréhension de leur processus de déformation. Les échelles de temps caractéristiques sont très différentes, la banquise pouvant être vue comme une version très accélérée de la croûte, mais les phénomènes temporels impliqués demeurent très semblables (rupture fragile et localisé, intermittence, cicatrisation). A ce jour, seule la simulation numérique permet d’établir un lien formel entre fracturation et endommagement d’une part, et déformation d’autre part, et permettrait donc de valider cette comparaison entre croûte et banquise. Elle permet en outre d’identifier les ingrédients nécessaires à l’émergence des propriétés multi-échelle vues dans la Nature et l’influence des conditions de chargement sur ces propriétés. Le travail de thèse proposé consistera à analyser de manière conjointe les aspects multiéchelles de la fracturation et la déformation dans des simulations numériques. Il s’appuiera sur un modèle numérique déjà opérationnel d’endommagement progressif mais auquel différents ingrédients/processus seront ajoutés (cicatrisation des failles, fluage , ..). Les lois d’échelles en espace, en temps ou en énergie caractérisant le processus seront analysées sur les « observables » tant statiques (degré d’endommagement) que dynamiques (avalanches de ruptures, champs de vitesses de déformation). On s’attachera en particulier à caractériser (i) la relation entre fracturation/endommagement et déformation, (ii) les précurseurs aux macro-ruptures, ou encore (iii) la compétition entre cinétique d’endommagement et de restauration par cicatrisation. Afin de caractériser les processus de cicatrisation dans les roches, aspect encore mal connu et très peu abordé en modélisation, il sera également possible de recourir à l’expérimentation de laboratoire. Des essais mécanique à long terme, en présence de fluide, permettront de se mettre alternativement en condition de fissuration/cicatrisation sous contrainte afin de quantifier la perte/reprise de résistance. Ces résultats seront ensuite confrontés aux données sismiques (croûte) ou cinématiques (banquise) afin de tenter de les replacer dans un cadre générique de rupture fragile multi-échelles des objets géophysiques.