Kant est à la fois le dernier philosophe de l’Aufklärung est le premier philosophe de
l’idéalisme allemand. Pour lui, le seul régime apte à concilier les natures rationnelle et
empirique de l’Homme est la république. Elle trouve une solution à « l’insociable sociabilité »
de l’Homme ( le fait que l’Homme ne puisse vivre sans ses semblables tout en ne cessant
d’entrer en conflit avec eux ) en permettant l’expression de toutes les libertés individuelles et
de la volonté générale. Cosmopolite, Kant défend l’idée d’une Société des Nations qui ferait
partout régner la paix et la république. Dans ce schéma de pensée, la nation est l’ensemble
des individus libres : elle est le cadre, où, à l’intérieur d’un état, se définit et s’exprime
la liberté. Elle s’oppose au despote, non pas à d’autres nations. Ainsi on ne peut parler de
nationalisme au sens moderne du terme.
Hegel, quant à lui, pose la liberté comme la finalité de l’Histoire et partant, comme le
fondement de l’état moderne. La société civile est le lieux de l’expression des libertés, et pour
éviter sa désintégration sous le coup des intérêts particuliers, c’est à l’Etat de garantir son
unité. Toutefois, si comme Kant il prêche le libéralisme politique et réclame la souveraineté
nationale, il voit également dans la nation allemande le guide de l’Humanité, ce qui témoigne
d’une transformation du concept de nation.
De Kant à Hegel, on passe d’une définition politique à une définition culturelle de la
nation, le contexte historique étant déterminant dans cette évolution. Le rapport entre
libéralisme et nationalisme s’en trouve affecté.
De 1789 à 1815, sorte de phase transitoire entre un 18ème siècle rationaliste et un 19ème
siècle romantique, de profonds bouleversements politiques font prendre au nationalisme
allemand un tout autre visage.
Alors que les élites allemandes accueillaient favorablement les événements de 1789, à
partir de 1793 la Terreur brise cette enthousiasme qui devient méfiance. La foi en la
souveraineté nationale s’en trouve brusquement et irrémédiablement affectée. Un nouveau pas
est franchi lorsque se révèle l’impérialisme français. A partir de 1796/97, les incursions
françaises en Allemagne se font toujours plus fréquentes. L’admiration pour le nationalisme
français vole en éclat. Lui qui naguère paraissait légitime, est désormais fustigé pour son
agressivité. Avec l’hégémonie française sur la Confédération Germanique, sous l’égide de
Napoléon, la France devient l’Erbfeind : l’ennemi héréditaire de l’Allemagne. L’apparition de
cette menace produit une unification des élites allemandes, qui réclament une guerre de
libération nationale. Ce courrant rencontre notamment un écho massif parmi les milieux
étudiants, dans lesquels on voit se créer des sociétés telles que la Burschenschaft.
Un nouveau nationalisme allemand se développe donc, par opposition au nationalisme
français. On exalte soudain les valeurs de la culture allemande. Goethe, Luther sont portés aux
nues tandis que sont célébrés les mythes fondateurs du monde germanique. Parallèlement
apparaît en Allemagne un romantisme précoce, notamment chez les étudiants, lassés du
rationalisme classique. Cette élan sentimentale se confond avec le nationalisme lorsqu’il
idéalise le Moyen-Age allemand et la noblesse chevaleresque, pilier d’un Saint Empire
Romain Germanique mythifié. Ce nouveau nationalisme apparaît donc essentiellement
culturel, romantique et passionnel.
La nation est désormais définie comme une communauté culturelle, non plus comme
l’ensemble des individus libres. Le parcours philosophiques de Fichte, grand théoricien du