1 - Deuxième partie: Première application des théories de groupe: le

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Deuxième partie: Première application des théories de
groupe: le psychodrame
Première matrice où se rejoignent la psychanalyse, la
sociométrie, la dynamique de groupe, la musicothérapie, la
dansothérapie, la psychanalyse institutionnelle.
a)Le fondateur : MORENO
Si Moreno reste une figure centrale du théâtre
psychodramatique, comme on va le voir, il est évident que
la liaison entre une forme de thérapie et le théâtre n'est
pas chose nouvelle. Les Grecs en avaient compris l'utilité
sur un plan à la fois thérapeutique et religieux, mais on
trouve aussi dans l'histoire de la psychiatrie quelques
tentatives d'utiliser le théâtre pour guérir les patients,
comme par exemple à l'hôpital de Charenton sous la double
inspiration du marquis de Sade et du docteur de Coulmier
(1805-1813).
Né à Bucarest en 1882 à la fin du XIX ème siècle, médecin
psychiatre, il émigre aux EU en 1925.
L'invention du psychodrame n'était pas pour lui le moyen
de faire se manifester l'appareil psychique au sens
freudien du terme, mais plutôt une manière de réagir aux
autres et de les faire réagir.
Il rencontre Freud en 1912 lors d'une conférence et lui
lance:
<<Je commence là où vous finissez. Vous placez les gens
dans une situation artificielle dans votre bureau, moi je
les rencontre dans la rue et dans leur milieu. Vous
analysez les rêves, j'essaie de leur donner le courage de
rêver encore. J'apprends aux gens comment on joue à
Dieu.>>
Moreno est convaincu que chaque homme porte en lui
une pensée créatrice qui le rend semblable à Dieu, et il
veut devenir celui qui leur permettra qu'elle s'exprime.
Il fonde en 1922 ce qu'il appelle le "théâtre d'expression
spontané" où des acteurs amateurs jouent en public des
faits divers de leurs journées. C'est au cours d'une de
ces séances qu'il découvre l'action thérapeutique du jeu
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comme le décrit un de ces collaborateurs (Z.Toeman) dans
un article sur le "cas Barbara". Interprétant un jour
spontanément une scène violente et crapuleuse qui
s'achevait par le meurtre d'une prostituée, une jeune
actrice fut libérée de sa névrose de caractère, qui
rendait ses relations conjugales de plus en plus
orageuses.
Il avait compris quel formidable levier cathartique
pouvait être la contagion émotionnelle qui circule dans un
groupe. Mais pour lui, contrairement à Aristote pour
lequel l'effet "thérapeutique" du théâtre visait
essentiellement le spectateur, la catharsis est celle de
l'acteur qui en extériorisant son propre drame se libère
de ses personnages intérieurs, puis celle du public par un
effet secondaire.
Il s'exile à New-York où il garde des contacts avec le
monde du théâtre. On lui doit le terme de psychothérapie
de groupe forgé en 1932 à la suite d'un projet concernant
les personnes incarcérées(clinique de la délinquance).
Il publie peu après son premier livre sur le psychodrame
et obtient en 1936 que soit construit le premier théâtre
thérapeutique psychodramatique.
De ce personnage complexe mi-mystique et génial, mi-
mystificateur, il faut retenir les principes fondateurs du
jeu psychodramatique
-la spontanéité de l'improvisation dans le groupe
-l'inversion des rôles, role playing
Théâtre où les rôles ne sont ni appris ni répétés, où la
scène et les décors émergent sous l'effet de l'imagination
des participants et ne seraient pas définis à l'avance.
L'"acting" est recherché dans un but cathartique, afin
d'éviter les conséquences destructurantes du conflit
psychique.
Théâtre impromptu qui repose sur deux personnages
l'auteur et le directeur du jeu.
L'auteur c'est le sujet qui vient dramatiser spontanément
ses conflits et ses problèmes et qui distribue les rôles.
Le directeur de jeu (aujourd'hui thérapeute principal) ne
joue pas, il lance le jeu, l'interrompt, le relance ou le
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conclut. Il a la possibilité de suggérer à ses partenaires
d'intervenir au milieu d'un jeu, même s'ils n'ont pas été
désignés comme acteur par le sujet. Il évalue le réseau de
relations qui se tisse entre le patient et le groupe, de
façon à la fois consciente et inconsciente. Il en mesure
la cohésion spécifique (concepts de base de la sociométrie
et de la dynamique de groupe).
Il faut encore faire une place aux adjoints du directeur
de jeu (co-thérapeutes), qui vont tout aussi spontanément
donner la réplique : personnages auxiliaires du sujet
(auxiliaries ego) pour Moreno. Ils alimentent le scénario
en gardant une fraîcheur de jeu qu'Anzieu qualifie de
chaleur de vie, ils apportent au sujet complémentarité ou
inquiétude devant l'épreuve d'une réalité particulière :
la réalité d'autrui.
"Ainsi le patient fait l'expérience privilégiée que
l'autre est ce qui le complète en même temps que ce qui
lui résiste et il est mis en état d'inventer envers lui de
nouvelles conduites" (ANZIEU)
Le psychodrame devient alors le théâtre de
l'intersubjectivité.
Après la guerre de 1945, lorsqu'un souci de
diversification des techniques thérapeutiques se fait
sentir des cliniciens comme M.Monod ou S.Lebovici
s'intéressent au travail de Moreno et introduisent ses
méthodes dans le service d'Heuyer. Même chose à la
clinique de Saint-Alban, hôpital psychiatrique animé par
Tosquelles et Bonnafé, ou bien encore à l'Hôpital
H.Rousselle avec R.Diatkine et E.Kestemberg. Didier Anzieu
faire paraître une thèse sur le psychodrame analytique
chez l'enfant (tous n'ont pas des positions identiques).
La confrontation des psychanalystes avec les techniques du
psychodrame relance la réflexion sur deux points
essentiels
la question du transfert et celle de l'abréaction (ou la
guérison) due à l'attitude permissive de ce qui peut se
jouer sur cette scène. Pour Anzieu, il n'y a pas de
rapport entre le concept de spontanéité et l'inconscient
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freudien, le meneur de jeu abandonne jusqu'à un certain
point toute directivité (comme le faisait Moreno) pour
laisser émerger résistance, transfert et dynamique de
groupe. L'idée d'un effet cathartique est cependant
maintenu. Depuis cette époque pionnière, le psychodrame
analytique s'est largement implanté dans les institutions
et la réflexion s'est déplacée encore sur la question du
contre-transfert qui est ici posée de façon particulière
puisqu'il implique plusieurs personnes. On pourrait
presque parler de contre-transfert groupal.
b)Les techniques psychodramatiques reposent sur un certain
nombre de points:
-le rapport au temps
La situation dramatisée peut être actuelle, ancienne ou
résultée de ce que le patient imagine qu'il sera dans
l'avenir.
-le rapport à la fiction
les scenarii proviennent souvent directement de la vie
réelle, mais avec les enfants recours ++ aux contes, aux
histoires (ogres, fantômes, sorcières, géants etc...), et
avec certains patients recours à des rôles fictifs qu'ils
auraient aimé remplir. Par exemple imaginer pour un
adolescent ce que pourrait être sa vie en tant qu'adulte
non plus sur le mode de la fiction mais sur le mode de la
projection.
-le nombre de patients
un seul, soit acteur soit spectateur, ou plusieurs -et
pour Moreno cela pouvait aller jusqu'à une audience très
importante. On parlera alors de psychodrame analytique
individuel ou bien de psychodrame groupal.(aussi appelé
psychodrame thérapeutique en groupe)
- le nombre de thérapeutes
deux(couples) ou plusieurs (équilibre hommes femmes si
possible).
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Le couple de thérapeutes est une technique préconisée par
P.Delaroche par exemple lorsqu'il écrit :"le complexe
d'oedipe n'est plus un fantasme du patient ou une
interprétation de l'analyste, il est introduit dans la
réalité, ce qui change fondamentalement la manière de le
traiter, ainsi bien entendu que ce ressort fondamental de
toute cure qui se réfère à la psychanalyse, à savoir le
transfert".
Lorsque l'enfant est seul devant plusieurs thérapeutes, la
configuration est alors celle d'un meneur de jeu qui en
principe ne joue pas dans la scène et les autres, qui sont
désignés par l'enfant pour endosser les différents rôles
nécessaires à l'élaboration d'un jeu. Certains seront
systématiquement choisis d'autres délaissés ; certains
seront pris dans leur acceptation réelle d'homme ou de
femme, mais pas forcément. Le meneur de jeu a la latitude
d'interrompre un jeu à un moment qu'il juge pertinent ou
de faire intervenir d'autres collègues que l'enfant
n'avait pas forcément introduit dans son scénario. La
question du double recouvre à la fois le double que
l'enfant se désigne ou bien le jeu en miroir d'un adulte
censé représenter l'autre de l'enfant (par exemple en
verbalisant ses affects ou en essayant d'extérioriser sa
vie fantasmatique). C'est encore le meneur de jeu qui fait
la reprise avec l'enfant de ce qui vient de se jouer, et
qui rencontre les parents quand cela est nécessaire. Il y
a toujours une relative étanchéité entre la scène du
psychodrame et les lieux de l'enfant dans l'institution,
entre les thérapeutes du psychodrame et le ou la
thérapeute de l'enfant.
Enfin un dernier point sur les thérapeutes consisterait à
souligner le travail fondamental de reprise entre eux qui
a lieu après chaque séance avec un patient, ce premier
brassage d'idées à chaud permet de relancer l'activité de
penser de chacun séparément et ensemble à propos de tous
les éléments contre-transférentiels que le jeu a soulevés,
tant chez ceux qui ont joué que chez ceux qui sont restés
spectateurs.
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