[SYNTHESE LE FASCISME ITALIEN ]
Mars 2013
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LE FASCISME ITALIEN (1919-1945)
INTRODUCTION
Mot fascisme est contemporain de l’apparition du phénomène. Le terme « fascio »( apparu au 19e
siècle pour caractériser les ligues d’extrême droite en Italie) est accaparé par Mussolini qui annonce la
création des Fasci di combatimento le 23 Mars 1919 au moment les squadres réunissant d’anciens
combattants (arditi) et des chômeurs sont financés par les notables contre le socialisme rural et urbain
Le fascisme italien est une idéologie (le « fascisme est pensée »). Rôle de Mussolini est de donner au
mouvement hétéroclite une unité doctrinale (PNF, 1921 et article « fascisme » en 1934)
Une doctrine efficace par sa réappropriation du langage religieux au moment de l’effacement des
religions. La « religion fasciste »(Gentile) reproduit une forme religieuse d’organisation collective
(unanimité par partage des traditions et par des rouages d’organisation collective) contre les religions.
Elle est donc une « Anti-religion religieuse » (M.Gauchet)
L’idéologie n’épuise pas la réalité du phénomène. Le fascisme est également action. (Paxton). Son
essence réside aussi dans sa capacité de parler aux « tripes », à utiliser les « passions mobilisatrices » :
la suprématie du groupe / la victimisation / l’omnipotence de la volonté et le culte du chef.
Ce complexe de deux caractéristiques explique que le phénomène est évolutif : il connaît des stades
ou des étapes (Milza)
Question donc de l’inaccomplissement du fascisme italien. Réflexions de Renzo de Felice et de P.
Milza : cette limitation tient à la nature même du fascisme italien (l’ADN du fascisme) et aux
caractéristiques du milieu sur lequel il s’est greffé.
Problématique : Quels sont les facteurs qui rendent compte de la spécificité du fascisme
italien ? En quoi davantage qu’un totalitarisme raté fut-il un totalitarisme interrompu
(Milza) ?
2e fascisme :
parti de masse
structuré et
organisation
réactionnaire liées au
patronat
1919-1920
Le squadrisme
1e
fascisme :
plébéien,
contestataire,
sociologie et
idéologie de la
petite
bourgeoisie
1921-1925
Fascisme-
mouvement
1925-1945
Fascisme-
régime
Fascisme
Intégral.
Incapacité du fascisme à
atteindre ce stade
4e fascisme :
raidissement du
totalitarisme.
Primauté absolue du
politique sur
l’économie et les
possédants
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I Les facteurs d’apparition du Fascisme en Italie
P. Milza : complexe de 3 types de facteurs favorisant la naissance du Fascisme
Facteurs historiques :
Dernière étape dans l’unification du pays depuis le Risorgimento. Edification d’un état fort, intégration
politique et sociale des masses : « nationalisation des masses » (Renzo de Felice)
Poids de la Guerre : brutalisation des méthodes et des principes (« le fascisme est né de la guerre, pour
la guerre », Mussolini), terreau du nationalisme né de la victoire mutilée (terres irrédentes) (G. Mosse).
Facteurs économiques
Réponse aux problèmes liés à l’industrialisation du 19e siècle. Ce phénomène crée un reclassement de
la société (décadence / émergence) qui génère des frustrations sociales et provoque une production de
masse sans aboutir à un bien être social.
Phase de l’industrie qui tend à se concentrer (monopolistique) : contradiction entre des infrastructures
qui ne sont plus concurrentielles et l’idéologie qui reste libérale. Ce déphasage est une menace pour le
capitalisme qui soutient pour se protéger l’accession au pouvoir du fascisme (école de Francfort, années
60)
Facteurs sociologiques
Expression politique de la classe moyenne (Lipset) traversée par plusieurs phénomènes
contradictoires :
-l’atomisation. Société atomisée d’individus isolés par déchristianisation, urbanisation et
industrialisation (H. Arendt).Le fascisme est tentative de restructuration du corps social au profit d’une
élite de remplacement « petite-bourgeoise déclassée » (Paretto).
-la crainte de la prolétarisation et radicalisation politique non en vue d’une révolution (idéologie
ouvrière et populaire) mais d’une réaction.
- le blocage politique et sociale d’une nouvelle couche moyenne montante, entravée dans son ascension
par les élites d’avant guerre.
Mise en place d’un ordre de la société cette nouvelle classe sociale (faites d’éléments dynamiques et
en perte de vitesse) dispose de valeurs forgées dans la guerre (force, qualité oratoire, proximité sociale
avec le peuple…) qui répondent mieux aux attentes de la société.
II La fascisation de l’Etat et de la société
1e fascisme (squadrisme).
Contexte : crise économique, sociale et politique d’après Guerre. Inadaptation des
structures aux attentes de la société italienne.
Apparition des escouades (squadres) fascistes, réunissant arditi et jeunes chômeurs. Leurs chefs (ras)
sont des anciens combattants (De Bono, Balbo). Elles s’opposent à la fois au capitalisme et aux
révolutionnaires. Leur action (« terreur blanche ») est réactionnaire et violente : démantèlement des
« ligues » de paysans et des « soviets » d’ouvriers rouges (Nord), soutenus financièrement par les
grands propriétaires.
2e fascisme (fascisme mouvement)
Alliance entre ce premier fascisme de classe moyenne, la haute bourgeoisie au pouvoir
et des secteurs de l’industrie.
Création du PNF et intégration des squadre (dissoutes en 1921). Mouvement de masse (150 000
adhérents).
-Parlementarisation et à la fois militarisation (par maintien du pouvoir des ras) du mouvement (une
partie des militants deviennent des chemises noires). Double stratégie de prise de pouvoir : provoquer
le désordre et se présenter comme le substitut de l’Etat et le garant de l’ordre.
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Manifestation de force dans toute l’Italie en Septembre-Octobre 1922. 28 Octobre1922 : « Marche sur
Rome » : mise en scène pour obtenir légalement le pouvoir. Le roi fait appel à Mussolini (30 Octobre
1922).
3e fascisme (fascisme régime)
Compromis entre grands intérêts et classes moyennes. Autonomie importante du
pouvoir qui joue de ses composantes sociales.
Accentuation de la domination économique des intérêts industriels : renforcement de la concentration
industrielle et neutralisation des contestations ouvrières (corporatisme et répression)
Indemnisation politique de la clientèle fasciste (classe moyenne et petits bourgeois) par l’instauration
d’un parti unique, ascenseur social pour ces classes sociales sacrifiées économiquement.
Fascisation de l’état (1924-1925)
Climat de terreur et subsides du grand patronat. Elections d’Avril 1924 : PNF obtient la majorité
absolue (65 % des voix). 1924 : PNF = 500 000 membres et 200 000 chemises noires.
Liquidation de l’opposition après l’affaire Matteoti (député socialiste assassiné) en 1924 : censure des
journaux d’opposition et violence terroriste contre les opposants.
Etat fasciste, Etat total (Mussolini)
-Lois fascitissimes (mis en place par Rocco) [1925-1926] : pouvoirs du chef de gouvernement élargis
(responsabilité devant le roi, gouvernement par décret loi, liberté de la presse supprimée).
Création des instruments de la répression fasciste : une police politique (OVRA) et d’un tribunal de
défense de l’Etat
-Encadrement de la société
Organisation de la jeunesse fasciste (8 millions en 1939). Mise en place du corporatisme fasciste
(1925) : regroupement des patrons et des ouvriers au sein de branches spécifiques pour négocier les
intérêts communs, monopole syndical fasciste. Dopolavoro (association culturelle qui fournit des loisirs
aux travailleurs italiens pendant leur temps libre, 4.5 millions d’ouvriers en 1939).
-Prise de contrôle de l’économie. Ere de mobilisation économique (1936) qui doit permettre à l’Italie
d’atteindre l’autarcie (indépendance économique) et de préparer esprits et corps à la mobilisation
militaire.
Raidissement à partir de 1937-1938 (Starace, secrétaire général du PNF))
Fusion des associations de jeunesse en une organisation commune. Slogan : « croire, obéir,
combattre ».
Mise au pas doctrinale. « Révolution culturelle fasciste » : création d’un homme nouveau fasciste.
Défini non par sa pensée mais par son style : rapidité, dynamisme, décision, maîtrise et oubli de soi-
même contre les vertus décadentes de la bourgeoisie.
Exacerbation ou influence du nazisme : mise en place de la politique de défense de la race (1938)
antijuive. Application laxiste (jusqu’en 1943).
III Un totalitarisme raté ou interrompu ?
Dynamique du mouvement fasciste.
Fuite en avant vers plus de contrôle et d’enrégimentation par la guerre (Ethiopie, 1935-1936,
Campagne de France 1940 et guerre en Afrique du Nord, 1942-1943). Guerre est l’étape ultime de cette
mainmise.
Fascisme est en déséquilibre permanent. « Régime que rien ne permet de rassurer » (H. Kissinger)
Incapacité de Mussolini de muer son régime en fascisme intégral.
Faiblesses internes.
Faiblesse de ses instruments : faiblesse de la Milice (800 000 membres) qui n’est pas comparable à la
SS (machine de répression et de police, rouage de l’Etat hitlérien, géant économique) et des
organisations de jeunesses (peu intrusives en comparaison de la Hitlerjugend)
Mais surtout faiblesses par spécificité même, par ADN du fascisme italien.
Fascisme italien se pense en Etat, avec règles et des apparences de légalité. Le totalitarisme
« absolue » est anomique.
Fascisme italien affronte une tension interne
- squadrisme / Mussolini. Plusieurs crises : 1921 (parlementarisation du régime) et 1943(défaites
militaires)
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- tendance révolutionnaire / tendance conservatrice à l’intérieur du mouvement : les « tièdes » (Ciano)
pour qui le régime doit devenir conservateur et se stabiliser contre les « durs » (nouvelle garde de 1943)
qui veulent relancer le contrôle sur la société et l’offensive contre le capitalisme.
Milieu réceptif du fascisme est un champ de forces concurrentes.
Coexistence du Fascisme avec des pouvoirs concurrents. Le roi et l’armée, l’Eglise catholique et ses
mentalités (explication de la relative emprise du culte du chef et de l’éducation fasciste dans un pays
catholique où la soumission au Pape et la croyance religieuse a été un correctif au fascisme) ; les élites
économiques dirigeantes gênées par l’autarcie et l’embargo commercial (1936-1943)
Rencontre des deux forces à l’intérieur et à l’extérieur du régime.
Les pouvoirs trouvent des relais dans le parti fasciste (Ciano, Grandi). Mis à la porte (vrier 1943) ces
derniers proposent au Roi le rituel de mise à bas du régime. 25 Juillet 1943 : Vote du Grand conseil
fasciste (réunion des ministres et hauts dirigeants du régime). Mise en minorité de Mussolini qui est
arrêté (26 Juillet). Paradoxe et incarnation de son inaccomplissement : régime s’est effondré à la suite
d’un vote démocratique.
L’ultime période mussolinienne : la république de Salo (1943-1945), du pays est une tentative de
retour au 1e fasciste violemment anticapitaliste. Pouvoir fantoche et nazifié. Mussolini est reconnu,
arrêté et exécuté le 28 Avril 1945. Son corps est exhibé dans une manifestation collective. Mise à mort
réelle puis symbolique du « tyran ».
BIBLIOGRAPHIE
P. Milza, le Fascisme Italien, 1980
Robert O. Paxton, le Fascisme en action, 2004
Renzo de Felice, les interprétations du fascisme, 2000
MOTS-CLES
Fascio / Fasci
Squadrisme
Fascisation
Etat total
Fascisme interrompu
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